Le capitalisme cognitif

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Le capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation, Yann Moulier-Boutang, Editions Amsterdam

C'est un livre que tout le monde devrait lire, au moins les économistes, car il fait le point d'études économiques trop méconnues sur les transformations du capitalisme et du travail à l'ère de l'information alors, qu'à part une frange du patronat qui s'y trouve confrontée très concrètement et tente d'en tirer profit, tout le monde semble faire comme si rien n'avait changé, que ce soient les syndicats, les politiques et même la plupart des économistes (libéraux aussi bien que ce qui reste de marxistes à l'ancienne). Il faut dire que, pour tous ceux qui en sont restés à l'ère industrielle, du fordisme et de la "valeur-travail", il est bien difficile de comprendre la logique de cette "nouvelle économie" si déroutante, en réduisant l'analyse à déclarer ce capitalisme "financier", ce qui est une tautologie ! Pour cette impuissance à comprendre ce qui constitue une nouveauté radicale, Yann Moulier-Boutang utilise l'image du "vieux vin dans de nouvelles bouteilles" ou du "vin nouveau dans de vieilles bouteilles", selon qu'on garde l'idéologie pour l'appliquer aux réalités nouvelles, ou qu'on change d'idéologie pour l'appliquer à des réalités anciennes. On peut se demander d'ailleurs si le reproche ne peut lui être retourné dans une certaine mesure, mais, ce qui est sûr, c'est que, ce dont nous avons besoin, ce sont de nouvelles théories pour une réalité nouvelle !

Ces théories existent. Contrairement aux essayistes qui veulent nous faire croire qu'ils ont tout inventé et tirent de leur génie la lumière dont ils éclairent le monde, Yann Moulier-Boutang, comme tous les gens sérieux, nous donne ses références et tous les noms des auteurs et des ouvrages dont il a fait son miel. C'est en s'appuyant sur un grand nombre de travaux d'économistes ou d'autres chercheurs, reliant ainsi fort à propos des savoirs dispersés, qu'il déroule une démonstration implacable de notre "nouvelle économie" et peut en proposer une théorie alternative à l'économie mathématique.

Malgré un très large accord sur la plupart des analyses, nous discuterons cependant les deux principales thèses qui justifient son titre, d'abord le fait que l'économie "cognitive" plus que l'économie de l'information caractériserait notre époque, mais surtout le fait que le capitalisme soit vraiment compatible avec cette nouvelle économie de l'immatériel, alors que tout montre au contraire son inadaptation, aussi bien sur les droits de propriété que sur le salariat : c'est véritablement un nouveau système de production.

La préface ne manque pas totalement de pertinence mais peut agacer tout de même par son ton déclamatoire qui tient pour une part à une certaine difficulté de positionnement. On peut regretter aussi les nombreux défauts d'édition. Yann Moulier-Boutang néglige trop la forme, hélas ! On peut y voir le symptôme du manque de temps et de l'imperfection des choses mais c'était encore pire avec son précédent grand livre "De l'esclavage au salariat : Economie historique du salariat bridé" (1998) qui fourmillait pourtant d'aperçus stimulants. Il soulignait déjà l'importance de la question des externalités positives et des coûts de transaction, même s'il mettait au premier plan un "éloge de la fuite" et de la mobilité qu'on pouvait trouver un peu excessif !

Le plus contestable, sans doute, dans sa "vision du monde", vient de Toni Négri : cette idée saugrenue que la "puissance constituante" serait du côté des Multitudes, comme si cette prise en masse recouvrait une quelconque unité ou capacité d'action, nous accablant ensuite du choix de nos oppresseurs : c'est le valet qui fait le maître, c'est l'ouvrier qui fait le patron, c'est le consommateur qui fait le marché, mon oeil ! L'accès aux réseaux, aux ordinateurs, aux téléphones portables ne sont certainement pas des "conquêtes ouvrières" (p56) ! Il semble bien que ce soit le concept d'externalités positives pris de façon un peu trop globalisante qui mène à ces erreurs de perspective, tout comme il l'amène à flirter avec "l'ordre spontané" de Hayek ou bien à faire un peu trop confiance à une "intelligence collective" qui est plutôt à construire. Il faudrait mieux distinguer les effets collectifs de leurs multiples acteurs car ce qui est déterminant dans un système, ce ne sont pas ses éléments et leur supposé libre-arbitre, c'est le principe organisateur. C'est pourquoi nous avons à nous organiser collectivement contre ce qui nous menace, contre l'administration des choses, refuser l'inacceptable et construire une alternative, ce qui est bien difficile en effet, plutôt que de se fier à une résistance diffuse des Multitudes. Tout aussi contestable me semble le rôle qu'aurait joué la "critique artiste" dans les transformations du capitalisme selon Luc Boltanski, les véritables causes sont plus matérielles !

Ce n'est donc pas sur le plan politique qu'on se retrouvera vraiment, mais bien plus sur l'analyse économique de ce qu'il appelle le "capitalisme cognitif" et de ses contradictions. Le plus intéressant c'est effectivement cette synthèse originale de l'analyse économique des transformations en cours, mêlant, comme dans le premier livre, école de la régulation, théorie de l'évolutionnisme, développement endogène, externalités, coûts de transaction, rationalité limitée, etc. Impossible de faire une véritable recension du livre qui détaille tout ce qui oppose les évolutions actuelles avec le modèle industriel, notamment ses conséquences sur les droits de propriété ou la nécessité d'un revenu garanti, propositions où l'accord est total. On peut d'autant plus s'étonner de l'insistance à garder malgré tout l'ancien cadre du capitalisme alors que tous ses rapports de production manifestent douloureusement leurs contradictions avec les nouvelles forces productives ! Bien qu'on parle à l'évidence de la même chose, la querelle ne se limite pas au vocabulaire à déplacer l'accent sur l'information, plutôt que sur le "cognitif", et sur l'indispensable sortie du capitalisme salarial au profit du travail autonome et de "l'économie quaternaire". S'il ne fait pas de doute que le capitalisme, à la fois, reste dominant et se transforme profondément, est-ce dire que c'est notre avenir pour autant ? On peut estimer au contraire que tout laisse à penser que non !

Information et connaissances

Commençons par le moins important, sans doute, par ce que l'expression de capitalisme "cognitif" peut avoir d'un peu trop optimiste. Il l'oppose, avec quelques raisons, aussi bien à la "société de l'information" (ou de la communication) qu'au "capitalisme technologique" ou même à une simple "économie reposant sur la connaissance". Voyons ses arguments :

Tout se passe comme si après avoir cherché vainement le secteur qui succéderait à l'automobile pour tirer la croissance, on était venu à penser à un fordisme renouvelé par le secteur de production de la connaissance. Or la transformation touche la totalité de l'économie et détruit jusqu'à l'idée très manufacturière d'un secteur porteur. Le second malentendu concerne le terme même d'économie pour désigner une transformation du capitalisme. p61

L'économie ne repose pas sur la connaissance (la société elle, oui), mais sur l'exploitation de la connaissance. p215

Ce qui caractérise donc le capitalisme cognitif, ce n'est donc pas qu'il repose sur les connaissance et encore moins sur le secteur limité qui produit des connaissances (les départements R&D des grandes entreprises ou les investissements en machines employées dans ce secteur). Il conquiert ses titres de noblesse et son rang dans la prospection, dans la valorisation et dans l'exploitation des éléments des connaissances qui résistent à la codification numérique et qui incorporent le maximum d'externalités positives. Nous avons nommé cette particularité l'exploitation de la force inventive du travail vivant ou l'exploitation de degré deux. p216

La première limite de la thèse de la société de l'information est que, comme la précédente, elle oublie la nature capitaliste de la société (...) Mais le reproche le plus important à lui adresser est la confusion qu'elle entretient entre information et connaissance. Et du même coup la réduction de la seconde à la première. p62

La connaissance est irréductible à l'information (...) Cette distinction n'est pas seulement vitale pour le capitalisme cognitif, elle l'est pour une perspective de libération de la société et nous permet d'échapper à une vision profondément pessimiste qui affleure chez Lawrence Lessig ou Philippe Aigrain. S'il n'est question que de biens-informations et que pour les valoriser sur le marché il faut en limiter les droits d'accès, la lutte pour la liberté de l'Internet est mal partie (...) Le capitalisme cognitif s'intéresse à la valorisation de l'intelligence et de l'innovation, pas à celle de l'information (...) Pour être productif, il est condamné à vivre avec des degrés nouveaux et inouïs de liberté. p63

A la différence des théories du capitalisme de la connaissance ou de la société de l'information, l'accent est mis sur l'appropriation humaine des connaissances instrumentée par la technique ainsi que sur l'organisation comme résultat d'un compromis social qui parvient à construire des contrats privés et à établir des normes publiques. p69

Le capitalisme cognitif produit des connaissances au moyen de connaissances et du vivant au moyen du vivant. p85

Le mode de production du capitalisme cognitif (...) repose sur le travail de coopération des cerveaux réunis en réseau au moyen d'ordinateurs. p87

Il en résulte que le capital humain et la qualité de la population sont devenus d'ores et déjà le facteur crucial de la nouvelle richesse des nations. p88

On voit que l'essentiel de l'argumentation consiste à mettre le "travail vivant" au coeur du processus en rejetant un déterminisme technologique "dans lequel les usages sociaux de la technique ne jouent qu'un rôle très secondaire" (p65). La valeur se réfugie désormais dans ce qui ne peut être programmé, dans la capacité de résolution de problèmes. C'est ce qui lui fait définir le "capitalisme cognitif" comme "la production du vivant au moyen du vivant". Ce n'est pas du tout sans pertinence, on peut cependant trouver que cela ne recouvre pas entièrement tous les effets de la "révolution numérique" qui est bien d'abord un fait technologique même si, effectivement, il renforce ce que nous pouvons avoir de spécifiquement humain ! A mesure que l'automatisation se généralise, ce n'est plus notre "force" de travail qui est valorisée mais bien notre intelligence, nos relations, nos émotions, notre créativité. Est-ce que tout cela peut être englobé sous le terme de capacité cognitive ? Ce n'est pas sûr, de même qu'insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l'infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie. La détermination n'est pas seulement intérieure, subjective, il y a aussi une détermination extérieure, matérielle !

La dimension cognitive est bien sûr très importante et même cruciale pour notre époque. On peut penser ainsi que la construction d'une "démocratie cognitive" est absolument vitale pour résoudre les problèmes écologiques auxquels nous avons à faire face, mais cela n'empêche pas qu'on ne peut ranger toutes les caractéristiques du devenir immatériel de l'économie sous cette rubrique. Paradoxalement ce devenir immatériel est un fait extérieur, qui s'impose matériellement et transforme la subjectivité ! Parler d'économie de l'information serait donc plus approprié à condition d'avoir une conception moins caricaturale de l'information que l'auteur qui la réduit aux "données". L'information, bien sûr, ne vaut rien en elle-même, sans le récepteur pour lequel elle fait sens, mais qui n'est pas forcément un organisme vivant. Il n'y a pas d'information circulante sans information structurante (organisation apprenante). J'avais essayé de montrer, notamment dans "L'ère de l'information" cosignée par Jacques Robin, toute la complexité de l'information et ce qui l'opposait à l'énergie (entre autres son improbabilité, sa discontinuité, sa non-linéarité, son imperfection, son caractère de signe, sa reproductibilité, sa fonction anti-entropique, etc.). Impossible de tout reprendre ici mais en remontant à son fondement on éclaire singulièrement les caractéristiques de notre époque même s'il est amusant de noter qu'une des critiques que Philippe Aigrain avait adressées à ce texte était justement qu'il ne faisait pas une assez grande place à l'informatique et son caractère modulaire, fonctionnant par couches successives, ainsi qu'à la dualité programme / données, loin de tout réduire aux données. "L’extériorisation dans des objets techniques de fonctions de l’esprit, révolution similaire à l’émergence du signe et de l’écriture, est la dimension humaine de la révolution informationnelle". S'il y a donc bien humanisation d'un côté, c'est en contre-partie d'une technicisation de l'autre. En tout cas, sans réduire l'économie informationnelle aux données, il serait dangereux de sous-estimer leur rôle stratégique pour ce que Ian Ayres appelle les “Super Crunchers”, et qui pourraient devenir les "prochains maîtres du monde" grâce au contrôle de données essentielles ! On ne peut se fier à la réelle nécessité du partage du savoir et de l'information, dans un monde du spectacle et de la transparence où le pouvoir devient nécessairement occulte...

On pourrait faire la liste de tout ce qui ne relève pas du cognitif dans l'économie informationnelle, et que d'ailleurs Yann Moulier-Boutang est loin d'ignorer. D'abord tout ce qui relève de la captation des flux et du contrôle de l'accès (qui se manifeste sous forme d'abonnements par exemple). L'innovation elle-même n'est pas nécessairement cognitive dans l'univers médiatique et publicitaire où ce qui compte c'est la différenciation, la visibilité, de se faire remarquer (donnant une prime à l'outrance). Du coup, ce n'est pas du tout un phénomène cumulatif, comme peut l'être l'acquisition de connaissances. L'économie de l'attention, qui devient effectivement décisive dès lors que c'est la ressource rare quand l'information est surabondante et que les canaux de communication sont saturés, n'est pas non plus réductible au cognitif, pas plus que les "flux tendus" et l'économie de la demande qui se règle en temps réel sur l'information client. Ce serait aller un peu vite en besogne aussi que de prêter aux réseaux une fonction cognitive quand la plupart du temps ce qui compte n'est rien que la connectivité elle-même. Enfin, ce n'est pas seulement la passion de la connaissance qui anime les accrocs du numérique mais plus encore la passion de la reconnaissance (et du jeu). Le cognitif n'est ici qu'une partie, certes importante, ce n'est pas le tout.

Dans une société de l'information ou dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l'activité est une affaire d'attention, d'intensité, de création, d'innovation. p218

Au-delà du capitalisme

Venons-en au fait. Est-ce une "nouvelle économie" post-capitaliste qui s'annonce, et dont les symptômes de l'inadaptation au capitalisme sont légion, ou bien ne s'agit-il que d'une évolution du capitalisme ? Sur ce point Yann Moulier-Boutang est catégorique, bien qu'il souligne toutes les contradictions et l'instabilité de ce nouveau capitalisme.

Le second malentendu concerne lui le terme même d'économie pour désigner une transformation du capitalisme. Nous ne sommes pas en train de parler de l'économie comme une instance de la société à côté d'autres instances, mais de capitalisme. p61

Le capitalisme cognitif est bel et bien une tendance réalisée, un type nouveau d'accumulation. Mais il n'est pas un régime stabilisé. p203

On peut énoncer aujourd'hui, si l'on soutient que nous avons changé de capitalisme (de régime d'accumulation capitaliste, mais aussi, de plus en plus, de structure des droits de propriété et de nature des forces productives), qu'un rapport institutionnel ne peut se stabiliser, du point de vue capitaliste, qu'à partir d'une réinvention totale du code du travail dépendant (c'est-à-dire du travail pour le compte d'autrui). p215

On comprend bien que, dès le moment où l'on considère que notre entrée dans l'ère de l'information n'est pas une "révolution technique", touchant aux fondements de la civilisation, il ne reste d'autre solution que d'imaginer qu'il ne s'agit que d'une évolution du capitalisme lui-même, voire des Multitudes qui ont réussi à conquérir de nouvelles libertés pour le transformer de l'intérieur ! Par contre, si on admet que "le numérique change la donne", il est beaucoup moins crédible de postuler une continuité du capitalisme comme si c'était un système de production éternel et qu'il n'était pas lié historiquement à l'industrie ! Il est vrai qu'en le faisant remonter comme Braudel au commerce des épices, en parlant de "capitalisme mercantiliste" puis esclavagiste on brouille la compréhension du capitalisme comme système de production, son lien au salariat et à l'industrie sans lesquels il n'aurait pas acquis une telle domination mondiale. Là-dessus, Marx est pourtant sans ambiguïté aucune : "le capital et le salariat sont les deux termes d'un seul et même rapport" (Travail salarié et capital, p215). Comment pourrait-on avoir l'un sans l'autre ?

Il n'est bien sûr pas question de nier que notre économie est bien capitaliste, ni que c'est le capitalisme lui-même qui évolue et devient un "capitalisme cognitif" dont la financiarisation n'est qu'un symptôme. Sur ces points, on ne peut qu'être d'accord. Ce qui semble beaucoup plus paradoxal c'est de souligner toutes les contradictions entre l'économie informationnelle et le capitalisme pour conclure qu'il n'y a là qu'une instabilité à résoudre et non pas une incompatibilité plus profonde. C'est d'autant plus incompréhensible que les incompatibilités touchent au coeur même du capitalisme : les droits de propriété, la production de valeur et le travail salarié. Certes la bulle internet n'a pas arrêté le développement de l'économie immatérielle, ni même de la gratuité numérique, pas plus que la folie du rail n'avait arrêté l'extension des voies ferrés, mais il faut bien dire que les "business models" viables ne sont pas légions en ce domaine, en dehors d'un financement par la publicité qui plafonne rapidement. Ainsi, l'avantage décisif de la gratuité sur internet, supprimant les coûts de transaction et les coûts de reproduction, rend beaucoup plus que problématique la rentabilisation des investissements consentis alors même que la contre-productivité des droits numériques condamne à plus ou moins long terme toute tentative de maintenir l'ancienne logique marchande. Enfin, l'avantage technique des logiciels libres devrait assurer leur domination à l'avenir sur les produits commerciaux, ce qui ne veut pas dire que leur mode de financement soit résolu dans le cadre actuel !

Le plus important malgré tout, c'est sans doute la nécessité de sortir du salariat au profit du travail autonome. La déconnexion de la production immatérielle et du temps de travail touche au coeur de l'extorsion de plus-value et remet en cause la séparation du salarié et de son produit qui en constituait la base (ce n'était pas son produit qu'on rémunérait mais son temps de subordination). Désormais, on se dirige inévitablement vers des contrats de projet avec obligation de résultat, c'est-à-dire vers des contrats proches des contrats commerciaux classiques et l'externalisation de la plupart des postes, au moins des plus créatifs. Tout cela, joint à la précarité galopante engendrée par le système et, donc, à la nécessité d'un revenu garanti donnant effectivement les moyens de sortir du salariat, laisse bien mal augurer d'une persistance du capitalisme, d'autant plus que la coopération devrait prendre le pas sur la concurrence ! Comment ne pas y voir la nécessité d'une véritable alternative, avec des nouveaux rapports de productions plus adaptées aux nouvelles forces productives ?

A l'inverse, je soutiens que cette transformation profonde du salariat, son affaiblissement décisif, est une condition à la stabilisation institutionnelle d'un régime d'accumulation cognitive. Exactement comme l'abolition juridique de l'esclavage représenta la condition d'expansion complète du capitalisme industriel et de la salarisation planétaire qui est en train de s'achever sous nos yeux. Ceci implique que, précisément, le capitalisme a besoin de façon vitale non seulement de la coopération de la force-invention du "cognitariat" ou du "netariat", mais aussi de formes institutionnelles qui le consolident et le protègent de son instabilité intrinsèque. Cette instabilité tient justement à la difficulté de transformer en biens marchands les connaissances codifiées qui penchent désormais vers le statut de biens publics et qui sont difficilement protégeables par des droits de la propriété intellectuelle. p213

On peut trouver très étonnant de rejeter ainsi l'hypothèse que le capitalisme aurait fait son temps et qu'un nouveau système de production serait appelé à le remplacer ! Il ne s'agit pas de prétendre bien sûr qu'on en aurait fini avec le capitalisme qui restera au coeur de la production industrielle et pourra même s'étendre sur un certain nombre de secteurs de la production immatérielle, mais simplement de constater qu'on entre désormais dans une toute autre logique productive et, qu'à côté du capitalisme, comme il était né lui-même au sein d'une économie féodale, d'autres rapports de production sont appelés à prendre de plus en plus d'importance, bouleversant à la fois circulation, distribution et production, constituant ainsi ce qui est bien un nouveau système de production. Celui-ci devra d'ailleurs non seulement être plus adapté à l'ère de l'information mais également aux contraintes écologiques qui se font de plus en plus pressante, permettant à la fois de sortir du productivisme du capitalisme salarial et de relocaliser l'économie, en partie du moins. Certes, ce ne sera pas la fin du marché pour autant, mais le marché ne se confond pas avec le capitalisme, comme on voudrait nous le faire croire trop souvent, et la gratuité des nouveaux biens communs devrait en faire reculer le périmètre malgré tout ("société avec marché", et non pas "société de marché").

Ce blocage sur le capitalisme comme seul horizon est d'autant plus surprenant qu'un des meilleurs apports du livre, c'est l'idée d'une économie de pollinisation où la productivité n'est plus individualisable, et ce, pas seulement pour le travail lui-même mais tout autant pour l'investissement, qui dès lors ressortit plutôt de l'investissement public, des "externalités", au même titre que les infrastructures routières ou l'éducation. Il me semble que cela dessine les voies d'une alternative au capitalisme, alternative possible et souhaitable dans ce contexte mais qui ne se fera pas sans luttes pour autant, et qui devra combiner une relocalisation de l'économie avec les institutions d'un développement humain et du travail autonome, ce pour quoi je propose le triptyque revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales. C'est la limite de ce livre de rester dans les vieux schémas du capitalisme et de ne pas laisser de chances à une alternative qui, certes, ne sera pas le paradis, pas plus que l'abolition de l'esclavage, mais pourrait constituer un progrès décisif malgré tout et surtout plus adaptée à notre temps.

Cette limitation n'annule en rien toutes les autres qualités du livre et l'analyse des transformations d'un capitalisme aux prises avec des nouvelles forces productives qu'il ne peut subordonner à ses fins. On peut penser d'ailleurs qu'il n'est pas sans intérêt stratégique de persuader les économistes de l'intérêt pour le capitalisme de s'adapter à la nouvelle donne, en particulier par un revenu garanti (on a besoin de médiations et de médiateurs), mais, disons que ses conclusions nous semblent précipitées et nous laissent insatisfaits, avec un goût d'inachèvement dans l'analyse qui pour être le lot de toute connaissance, nous semble ici, tout de même, manquer l'essentiel...

La production de connaissances continuellement renouvelées est également sans fin (...) Il en résulte une impression d'inachèvement, d'incomplétude, source d'angoisse à répétition. p108

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14 réflexions au sujet de “Le capitalisme cognitif”

  1. Merci pour cette lecture / critique de ce livre, qui me semble malgré tout instructif (j'en jugerais après lecture).

    Cela fait quelques temps que je passe ici pour lire les écrits et commentaires suscités par eux. Et je dois dire qu'il est plus qu'agréable de voir que l'on peut, encore, réfléchir à l'avenir et voir le monde autrement que par le prisme déformant du libéralisme galopant.

    A bientôt ici ou ailleurs.

  2. L'idée d'un capitalisme cognitif basé sur des supers crunchers me laisse dubitatif. Ca fait 30 ans qu'on nous nous parle de l'intelligence artificielle et rien de flagrant n'est apparu. Peut être dans cent ans ?

    L'informatique actuelle ce sont des bases de données qui nécessitent un filtrage en termes de pertinence et donc un cerveau humain critique. La baguette magique informatique n'existe pas pour le moment. L'afflux d'informations nécessite encore plus de criticité sous peine d'erreurs magistrales. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour que les résultats soient au RDV.

  3. Il n'est pas question d'un capitalisme cognitif basé sur des super crunchers, les deux étant en partie incompatibles et il n'y a pas besoin d'intelligence artificielle pour faire de la rétention d'information. Il y a des informations stratégiques, au niveau financier entre autres, qui donnent un certain pouvoir. C'est pourquoi les petits actionnaires se font toujours avoir...

    Sinon je suis bien d'accord sur le fait que le cerveau humain est encore plus indispensable dans l'économie informationnelle mais il y a quand même de plus en plus de traitements automatisés de l'information.

  4. L'automatisation du traitement de l'information est efficace dans le domaine du traitement des chiffres, ça a constitué les premières applications de l'informatique, le traitement des mots et des phrases peut être intéressant, encore faut il comprendre un peu comment le moteur de traitement fonctionne, ses principes et ses zones d'ombre. Ensuite pour avoir une utilisation de ce tri, il est nécessaire d'avoir, à défaut d'avoir d'autre mot à ma disposition, ce que l'on peut appeler une imagination prospective. Je reconnais que l'imagination ça ne fait pas très scientifique.
    Je doute que les moteurs d'inférences actuels soient suffisamment évolués pour ça.

    Comme dans les calculs scientifiques, il y a aussi toujours besoin d'un recoupement par une autre approche pour évaluer la plausibilité du résultat du traitement.

  5. Tout d'abord je souhaiterais vous dire que je suis un peu triste parce que je crois que l'url de votre flux rss a changé et je ne l'avais pas remarqué. Heureusement que je suis abonné aussi à Transversales et que j'ai senti qu'il y avait quelque chose de louche derrière tout ça... 🙂

    Bref, cet article était très intéressant, comme souvent, et j'ai enfin compris ce que vous entendiez par "fin du salariat". Mais je me pose une question au sujet de votre rapport à vous à la propriété et à sa valorisation. En effet vous travaillez beaucoup à produire du contenu, que se passerait-il s'il était tout à fait reproduit ? Est-ce que vous considérez finalement que ce contenu (disons gratuit, c'est à dire qu'il serait utilisable sous condition qu'on fasse référence à votre site et à votre personne) sert de publicité par rapport à une capacité de travail que vous pourriez utiliser en rapport avec un projet ? Quelle organisation a la charge d'une garantie sur l'usage de votre contenu ? Comment garantir à votre "employeur" sur un contrat au projet que votre travail ne sera pas forcément mis sur la place publique avec une licence libre et en votre nom c'est à dire qui empêche plus ou moins la valorisation de votre travail par votre client ? Et enfin quel type de travail ce serait exactement ? Serait-il forcément open-source (ce qui réglerait le problème de la relation avec le client) ?... beaucoup de questions me viennent à l'esprit.

  6. La réponse est très simple : tous mes écrits sont en copyleft, bien que je m'aperçois que cela n'apparaît plus que lorsqu'on fait "Texte seul (imprimable)" en haut de la page ! Il faudrait peut-être que je remette le sigle sur toutes les pages. Même mon seul livre édité pour l'instant est librement téléchargeable et c'est une exigence que j'ai eu avec tous mes employeurs. Pour moi c'est une évidence qui s'impose : en quoi les idées que je prends chez les autres seraient-elles à moi ? Je suis par contre très pointilleux sur le fait qu'on ne m'impute pas ce que je n'ai pas écrit et trouve normal qu'on me cite comme je cite mes sources la plupart du temps.

    Bien sûr, ce n'est pas vivable ! Je ne l'ai que trop éprouvé. J'ai quand même vécu presque 10 ans de contributions de lecteurs, ce n'est pas rien et plus qu'appréciable, mais ce n'était pas grand chose tout de même (sauf à quelques périodes plus sereines) et ce furent des années de grande précarité où ma santé s'est bien dégradée, où j'ai connu toutes les humiliations de la charité publique ou privée. Cette dépendance de l'opinion de quelques uns n'est d'ailleurs pas saine, peut être pire encore que celle d'un employeur car déplaire, c'est risquer de perdre sa maigre pitance . C'est peut-être le destin de tous les véritables artistes et créateurs de dépendre des autres et de devoir attendre une reconnaissance tardive pour que l'oeuvre puisse se construire hors de toute séduction mais ce n'est pas une vie, cela n'a rien d'un plan de carrière, ce n'est pas fait pour "gagner sa vie" à risquer plutôt de la perdre. Il s'agit de vérité et d'apprentissage collectif. On peut dire que je vis vraiment la contradiction entre une production qui ne m'appartient pas et le manque de moyens pour la produire, ce pourquoi ce n'est pas pour rien que je défends à la fois la gratuité numérique et un revenu garanti. Mon cas n'est pas généralisable mais il se trouve des analogies dans de nombreux secteurs, notamment les logiciels libres.

    Ceci dit, je ne suis pas sûr de maintenir ma position de principe et pourrais céder mes droits si c'est la seule condition pour être publié. Je dirais que plus je suis reconnu, plus l'anonymat me semble moins justifié, plus je peux trouver normal d'en toucher un bénéfice. Je ne cherche aucune pureté ni ne prétends être un modèle, je suis aussi faible que toute chair usée et je trahirais comme chacun, cela n'enlèvera rien à cette réalité d'un travail difficile qui peut être précieux sans avoir aucune valeur marchande, travail d'éducation ou d'invention qui s'écrit dans les marges pour remplir sa fonction et s'expose au risque de l'errance à n'avoir aucun maître.

    Sinon j'ai aussi travaillé comme informaticien et chef d'entreprise. J'y ai gagné une petite maison à laquelle je tiens comme à mes souvenirs. Je ne suis donc pas détaché de la propriété même si j'ai toujours peur de devoir vendre...

    Ces éléments personnels ne sont pas indifférents mais ils ne sont pas déterminants pour autant et ne devraient pas compter dans l'évaluation d'une situation qui nous concerne tous, finalement. Il ne s'agit pas tant d'être bon ou mauvais mais de savoir qui a raison et ce qu'il faut faire !

  7. "Ces éléments personnels ne sont pas indifférents mais ils ne sont pas déterminants pour autant et ne devraient pas compter dans l'évaluation d'une situation qui nous concerne tous, finalement." Clairement ! Pas de procès de ma part. Je pense que vous êtes dans une recherche de cohérence entre votre production et votre vie personnelle... je peux me tromper bien sûr mais votre approche entraîne forcément des questions sur la réalisation des choses et parfois nous faisons des expériences sur nous-même.

    Par rapport à l'art... ma foi je pense qu'il ne peut fonctionner que par le système de mécénat. Pour autant on ne peut se considérer soi-même comme artiste, au mieux on est artisan. L'artiste c'est celui qui va être reconnu pour ce qu'il apporte dans notre représentation de la réalité (je ne vais pas rentrer dans les détails, je me trompe peut-être mais le débat n'est pas là) et c'est cette reconnaissance d'autrui, particulière a priori puisqu'il n'y a pas de loi sur ce qui est "nouveau" ou non, qui conditionne le mécennat. Mais hélas... il faut que celui qui reconnait l'artiste ait les moyens de jouer le mécène.

    Dans tous les cas on ne peut compter que sur un financement en tant qu'artisan... c'est là que ça devient compliqué. Imaginons que j'aie l'idée d'une production de qualité qui me demande certains moyens qui ne sont pas à ma disposition, je ne fais pas rentrer de tiers, je vais être obligé de produire de la basse qualité afin d'amasser suffisamment de moyens pour atteindre la masse critique à partir de laquelle je pourrai me lancer dans mon projet. Le financer à l'avance en direct avec des clients (être embauché sur un contrat par résultat) repose quand même un peu sur une petite spéculation... C'est un peu brouillon dans ma tête, je le concède hein, mais je pense que le revenu garanti ne répond pas à toutes les questions et si vous allez au bout de l'idée de fin du salariat, sans capital, sans entreprise peut-être si ce n'est des collectivités d'artisans (autour d'un artisannat commun? d'artisannats complémentaires?) les modèles généralisés de financement avec une production "open-source" ne sont pas faciles à trouver.

    Je crois qu'il existe quand même un intérêt au capital mais que finalement la propriété est partagée. Je ne suis pas très clair encore aujourd'hui mais il me semble que l'idée de la propriété du capital est issue de la féodalité qui, dans un cadre militarisé en fait, a soumis l'exploitation à la souveraineté (c'est en lisant en diagonale l'histoire d'Angleterre d'André Maurois que j'ai eu cette idée, vous aimez l'idée de citation des sources... j'ai du mal à les comptabiliser personnellement et en plus j'ai toujours très peur de ne pas en être digne, d'avoir mal lu...etc. il faudrait prendre le temps de la rigueur c'est en cela que de mon côté le travail n'est pas sérieux). Or nous nous retrouvons dans une situtation pacifiée où nous voulons (y compris les entrepreneurs) partager la propriété: assurance, banque, police, médecine du travail... ce sont des pertes de souveraineté. Pourquoi l'exploitation devrait-elle rester sous le contrôle du capital en l'occurrence ? Peut-on garder l'idée de "mécénat" et l'appliquer à un groupe de travailleurs, plus simplement artisans, organisés autour d'un projet de production pas nécessairement industriel puisqu'alors son essence serait interne et pas forcément dans un rapport territorial au marché.

    Je cherche hein... désolé pour le côté plus que confus de tout ça.

  8. Bonjour J Zin,

    Je me pose une question, j'espère pas indiscrète, à laquelle vous avez peut être répondu par ailleurs, mais puisque vos revenus sont aléatoires, comme pour de plus en plus, compte tenu de votre connaissance de la psychanalyse si j'ai bien compris, pourquoi vous ne proposez pas des consultations, pour une part de votre temps. Si j'avais cette compétence, pour ma part j'envisagerai de le faire. Mais comme c'est pas mon domaine...

    Je me dis parfois que l'autonomie est facilité parfois avec plusieurs activités parallèles.

  9. Je ne pense pas qu'on calcule sa vie comme le voudrait l'homo oeconomicus, on est parlé plus qu'on ne parle et déterminé par les circonstances (certains disent la chance mais pour d'autres c'est la mouise). Il n'y a pas tellement de compatibilité entre l'artiste et l'artisan car l'artiste est bien plus incertain de la valeur de ce qu'il fait et qui ne dépend pas de l'opinion des autres mais on n'est pas artiste par désoeuvrement, il y faut une passion qui ne laisse guère le choix, c'est une maladie et qui peut bien ne produire rien ou sur le tard (les premiers tableaux de Cézanne sont très nuls et Zola a bien pu médire de son ami!). D'ailleurs, pour ma part c'est en partie à cause de la maladie que je suis revenu à l'écriture.

    Il me faut préciser que je ne suis plus sans revenu depuis le mois de février car je suis rémunéré par le GRIT jusqu'au mois de février prochain. C'est donc une bonne période pour moi, mais les ressources de l'association sont maigres et mes positions sont souvent non-consensuelles... Pourquoi donc ne fais-je pas autre chose comme d'être psychanalyste ? D'une part parce que je n'ai pas le temps. Je n'ai le temps de rien faire, ni le ménage ni de peindre par exemple, toujours avec du courrier en retard. J'ai beau vouloir arrêter, je suis sollicité sans cesse par l'actualité... A l'origine si je n'ai pas continué sur la voie de la psychanalyse c'est de n'avoir pu constituer un groupe pour ce que j'appelais "l'analyse révolutionnaire" et qu'il est difficile d'être un psychanalyste seul (ne serait-ce que pour avoir des analysants qui ne tombent pas du ciel, ce pourquoi les psychanalystes sont organisés en réseaux). Là où je suis, c'est un peu trop isolé pour ouvrir un cabinet et il est plus difficile d'avoir une double image quand on n'est pas dans une grande ville. Il y a aussi le fait que j'ai tendance à défaire le transfert avant qu'il ne s'installe...

    Pour beaucoup, c'est une évidence que je pourrais faire beaucoup de choses, mais c'est une illusion qui ne prend pas en compte ce que je suis et par exemple le fait que personne ne veut embaucher quelqu'un comme moi ! En fait je ne peux guère faire que ce que je fais, sauf coup de chance, bonne rencontre ou pire encore...

    Sinon je cherche plutôt à dépersonnaliser le capital, préférant un "mécénat" public, préférant la sécurité sociale à la charité et j'insiste bien sur la nécessité d'institutions pour le travail autonome. J'appelle cela des coopératives municipales, ce qui ne fait pas assez sérieux mais c'est une source de financement, de formation, d'association, de services publics, d'entreprises, d'actions communes, de communautés par objectif. C'est une collectivisation au niveau local (ce qui ne fait pas sérieux non plus) mais s'il faut corriger par du collectif les "effets pervers" du privé et du marché, ce n'est pas pourtant sans avoir d'autres "effets pervers" aussi plutôt que de prôner une logique unique et uniforme je crois plutôt nécessaire de jouer l'un contre l'autre le public et le privé pour les corriger l'un par l'autre (mais en ajoutant aussi leurs défauts). De même le travail autonome n'a pas que des bons côtés et il faut lui donner des structures collectives mais cette collectivisation doit se faire pour le travail autonome et non pour brider cette autonomie mais la développer (encore une chose bien difficile à défendre!).

  10. Monsieur Zin,

    Votre site est toujours aussi intéressant.

    Une lecture rapide de votre article sur l'ouvrage "Le capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation" me rappelle un ouvrage de Thierry Gaudin (auteur que vous avez déjà lu), de 1997, "Introduction à l'économie cognitive" (éditions de l'Aube). On peut trouver l'essentiel de cet ouvrage à http://www.2100.org/text_ecocogn...

    Cordialement,

    TIVOLI

    PS : A propos de capitalisme cognitif, on peut aussi sourire de l'évolution / révolution / crise ? du capitalisme financier. J'en profite pour citer le BLOG de Jacques ATTALI où j'étais intervenu en février et mars 2007 : blogs.lexpress.fr/attali/...

    La source (non citée) de l'analyse de Jacques ATTALI est un message de Paul JORION ( http://www.pauljorion.com/ ). Et je trouve des résonances intéressantes entre le blog de P. JORION et le votre.

  11. j zin,

    d'après ce que vous écrivez il est nécessaire d'appartenir à une école pour pratiquer la psychanalyse. Je savais qu'il y avait divers groupes ( 4ème groupe par exemple ).

    Vous dites que nous sommes parlés et pourtant on fait souvent comme si ce n'était pas le cas, probablement pour garder un sentiment d'initiative et ne pas être un objet sans aspirations.

  12. Ce n'est pas une obligation absolue d'appartenir à une école pour pratiquer la psychanalyse. Etant donné ce que sont les écoles de psychanalyse (produisant le contraire de ce qu'elles devraient étant organisées en réseaux transférentiels, c'est un peu comme les Verts qui ont un fonctionnement anti-écologique) on peut trouver qu'il vaut mieux s'en passer mais il est difficile de s'en passer pratiquement, sauf à se faire connaître, et il est malgré tout plus sain d'être relié à d'autres, qu'on ne s'adresse pas trop à une personne mais plutôt à un discours. Ceci dit, l'échec de la psychanalyse est manifeste et c'est un échec qui n'est pas assez analysé alors qu'il constitue une clé de l'échec politique de la gauche et des Verts en particulier : quand une vérité tranchante devient absurde à force d'être malmenée par de petits intérêts et des liens de groupe.

    Ce n'est pas parce qu'on "est parlé", qu'il ne faut pas décevoir les attentes du désir de l'autre qui nous fait vivre, qu'on n'a pas d'initiatives à prendre et beaucoup d'échec à subir avant d'atteindre l'objectif ! Nous ne sommes pas comme dans un rêve, mais dans la dure réalité où l'on est toujours au-dessous de tout. On ne peut être tous les personnages à la fois, il faut choisir et il y a beaucoup de choses qu'on ne fait pas parce qu'on n'a pas le temps, que le choix principal est ailleurs. Ce choix ne vient pas vraiment de nous, cela n'aurait d'ailleurs aucun sens, il n'y a pas d'objectif social sans société qui lui donne sens.

    Sinon, j'ai de la sympathie pour Thierry Gaudin où je retrouve pas mal de choses mais on ne peut dire qu'on soit tout-à-fait sur la même longueur d'onde. Je trouve qu'il simplifie un peu trop et pêche par optimisme mais ses analyses déjà assez anciennes, restent globalement valables. En tout cas, il montre bien l'antinomie entre l'économie de la connaissance et le capitalisme marchand.

    Paul JORION n'est pas inintéressant non plus, j'ai trouvé amusante l'idée que c'est le mal qui nous apporte le bien : le développement de la "guerre de l'espace" sera peut-être ce qui nous donnera les moyens d'éviter la destruction par une comète ! En fait, c'est un peu contestable mais Il vient lui aussi de la psychanalyse...

  13. commentaires partiels: Je pense d'abord que, si l'on écrit sur l'économie, on a intérêt à utiliser une langue aussi simple que possible. Or ce texte est difficile à lire, touffu,...J'ai noté que, pour différentes raisons, c'e nserait fini d'une économie fonctionnant sous la pression de l'offre. la demande commanderait l'évolution du marché. Le texte semble admettre ce point comme une vérité d'évidence.

    Pourtant, c'est probablement largement faux. L'économiste en chef de Naxis l'expliquait simplement il y a peu de temps. il expliquait même que c'était la grande erreur de Sarkozy que de ne mettre en avant que la demande. Il y a problème.

    Enfin l'économie de la régulation est aujourd'hui au coeur d'un débat dont on parle peu. Y a-t-il meilleure façon de réguler l'économie que d'imposer aux agents économiques de proposer au marché des biens et services qui répondent aux objectifs définis de façon démocratique par le pouvoir politique ? bien sûr, dans cette perspective le marché reste une pièce essentielle mais il n'est plus guidé par "une invisible main" dont on sait bien qu'elle avait l'habitude d'enrichir les riches, d'abord.

  14. Désolé de ne pas être plus compréhensible. C'est un sujet complexe, il est difficile de s'adresser à tous les publics et je fais ce que je peux...

    Il ne faut pas confondre une "économie de la demande" et une "politique de la demande". Ce n'est pas parce qu'on n'est plus dans une "économie de l'offre" correspondant à une production de masse qu'il ne faut pas se préoccuper de l'offre elle-même. D'ailleurs mon insistance sur le travail autonome et les coopératives municipales concerne bien l'offre. Une économie qui se règle sur la demande ne signifie pas que l'offre se formerait spontanément, il faut au contraire les structures nécessaires pour s'adapter rapidement aux évolutions de la demande.

    Ceci dit, si la politique de Sarkozy est effectivement contre-productive, ce n'est pas d'être une politique de la demande mais une politique qui favorise les riches et nourrit la spéculation alors qu'une politique de la demande privilégiant les classes populaires aurait un effet bénéfique sur l'activité (l'offre).

    Il me semble que la planification est complètement inadaptée à une économie immatérielle où les "besoins" ne sont pas définissables a priori et surtout ne sont pas les mêmes pour tous. Il y a bien des domaines où la régulation peut se faire par des normes et des interdictions mais plutôt dans les domaines industriels et agricoles qui deviennent très minoritaires. Au contraire, je pense qu'il faut partir de l'offre, du travail choisi, du développement humain, du "travail comme premier besoin de la vie" et non pas du travail forcé pour remplir les objectifs du plan...

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