Il faut le dire, les élections présidentielles relèvent d'une conception fasciste de la démocratie, favorisant la démagogie et l'appel d'une dictature de la majorité sur toutes les minorités. C'est encore plus marqué cette fois, au niveau des discours au moins, avec le retour du "Travail, Famille, Patrie" et même de la religion ! C'est un rappel à l'ordre brutal pour la génération 68. Espérons que ce ne soit qu'une dernière divagation avant la démocratie des minorités et des droits de l'homme dont nous avons tellement besoin pour une société écologisée et plus conviviale.
En tout cas, c'est à peu près plié semble-t-il. Il y a bien peu de chance qu'on évite le pire maintenant, mais c'est tout de même assez serré pour que ce ne soit pas complètement impossible. Du coup chaque voix compte, et même si l'abstention d'une élection anti-démocratique est l'attitude la plus logique normalement, cela deviendrait trop irresponsable dans la situation présente, alors qu'il faut se mobiliser sans attendre pour faire barrage à la tentation autoritaire d'un Etat répressif. Ne pas voter, c'est voter Sarkozy. Il ne s'agit pas de faire confiance à Ségolène Royal, qui a bien des défauts assurément et qu'on n'a pas besoin d'idéaliser. Si elle avait de bonnes chances d'être élue je n'aurais même pas idée d'aller voter pour elle, mais, pas de confusionnisme pour autant, ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet. Il y a une différence de logique radicale entre les discours des deux candidats : il faut choisir si nous voulons un maître, qui prétende nous aimer et nous promette la lune, ou si nous voulons une démocratie pour nous gouverner nous-mêmes !
Certes, il y a des ressemblances entre les deux candidats qui peuvent troubler le jugement : le même populisme, l'appel aux valeurs et aux sentiments, les déclarations d'amour même, signes des égarements du temps. Il ne faut pas s'en réjouir car ce pouvoir charismatique déchaîne le plus souvent un irrationnel meurtrier. Seulement, le relatif échec de Ségolène Royal la soustrait justement, pour une part au moins, à cette pente savonneuse. Il apparaît clairement désormais qu'on a d'un côté l'amour du chef (à poigne) et de l'autre l'amour de la démocratie (participative). Malgré les apparences, ce n'est donc pas le Père sévère contre la bonne Mère ou le pouvoir masculin contre le pouvoir féminin, même si l'arrivée des femmes au pouvoir est plus que souhaitable. Certes, on avait pu craindre un côté un peu trop Madone et ancien régime, mais la promotion de la démocratie participative introduit des médiations et des procédures en lieu et place d'un supposé lien mystique entre la Nation et son chef. Il y a bien d'un côté le projet d'une démocratie égalitaire, même s'il y a loin de la coupe aux lèvres, et de l'autre la restauration d'une société hiérarchique et policière. Il n'y a pas photo !
Bien sûr, traiter Sarkozy de fasciste semble très exagéré, voire grotesque, mais c'est bien un discours fasciste qu'il tient, des valeurs fascistes qui reviennent avec toute leur mise en scène, au point que c'en est étonnant. Il n'y a pas de doute là dessus, même si c'est un fascisme light, "berlusconien". C'est surtout un fascisme médiatique, un peu de pacotille, mais qui peut faire très mal quand même, malgré tout son ridicule... Retour du refoulé inévitable sans doute d'un temps qu'on croyait révolu, mais auquel il faut s'opposer tout aussi inévitablement, de façon encore plus décidé (un homme averti en vaut deux) et même si les chances sont bien minces d'une victoire immédiate car ce qui est en question, c'est notre conception du pouvoir et de la démocratie.
Quand le pire est le plus probable il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'éviter, même quand cela ne sert à rien ou presque, comme de mettre son bulletin dans l'urne ! On a bien peu de chance de renverser le cours de l'histoire, car la fascisation du pouvoir est déjà effective, avec une majorité d'électeurs qui y adhèrent en masse, c'est un fait incontournable mais ce n'est pas une raison pour ne rien tenter. Nous avons sans doute mérité le sort qui nous est fait et les dures leçons que l'histoire nous inflige, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à se battre au moment où l'on a le plus besoin de notre résistance. De toutes façons, et quel que soit le résultat, il faudrait surtout se persuader que tout dépend de nous et de notre capacité d'organisation collective mais qu'on n'a pas grand chose à attendre d'un pouvoir central sinon les pires ennuis. Coincés entre l'Europe, les marchés et les médias, les politiques ont perdu l'essentiel de leurs pouvoirs (monétaire entre autres), ce qui reste n'est pas négligeable (fiscalité notamment) et surtout le pouvoir de nuire ! Il n'y a pas de quoi mettre trop d'espoirs dans une élection nationale, comme si tout devenait possible comme par magie !
Il y a pourtant bien besoin effectivement de tout changer, face aux bouleversements que nous vivons depuis notre entrée dans l'ère de l'information et du travail immatériel, sans compter les urgences écologiques qui se font de plus en plus pressantes et l'exigence d'une plus grande démocratie dans nos sociétés développées, mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne faut compter pour cela que sur nous, au niveau local de notre vie concrète, pour une véritable révolution de nos modes de vie et de production. Ce n'est pas dans l'air du temps et paraîtra trop exotique mais c'est bien plutôt par l'écologisme municipal qu'on pourra sans doute reconstruire l'écologie-politique et mettre en place des alternatives locales à la globalisation marchande. On n'en est pas là. A l'évidence, tout ceci est très loin de la campagne actuelle. C'est pour les municipales de l'année prochaine peut-être... il faut l'espérer.
En tout cas, pour l'instant, il faut tout faire pour barrer la route au nouveau fascisme médiatique, arrêter la résistible ascension du discours de la force et de la haine, refuser que tout le pouvoir soit confisqué par les plus riches et les élites à leur service, empêcher qu'on nous impose l'Europe libérale qu'on a rejeté déjà. Pour cela, il n'y a pas de doute, il faut d'abord tout faire pour que Ségolène Royal gagne ces élections coûte que coûte, justement parce que c'est loin d'être gagné d'avance !
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