La montée du national-capitalisme

Temps de lecture : 4 minutes

imgscan-contrepoints-660-Capitalisme-de-connivence-300x169Ce serait une insulte de confondre militants ou économistes "de gauche" et l'extrême-droite malgré le développement assez récent d'une mouvance rouge-brun mais comment ne pas voir que le national-capitalisme qu'ils défendent les uns comme les autres se combine bien mieux avec le nationalisme et le rejet des immigrés qu'avec un antiracisme universaliste ?

C'est en tout cas ce que m'évoque le discours actuel de Marine Le Pen qui reprend tous les bons arguments d'Emmanuel Todd, Frédéric Lordon, Jacques Sapir et bien d'autres sur le protectionnisme, la sortie de l'Euro, la nationalisation des banques, tout ce qu'on peut ranger sous l’appellation de national-capitalisme. Il ne s'agit pas en effet de national-socialisme, non, ni à l'extrême-droite, ni à la gauche de la gauche qui n'est anticapitaliste que verbalement et défend, dans les faits, un capitalisme dont la politique nationale est supposée reprendre le contrôle. Il y a de grandes différences entre populismes de droite ou de gauche mais pas tellement sur les politiques économiques à mettre en oeuvre, sauf qu'on peut être assuré que ce sont les capitalistes qui seront les mieux traités par la droite et non pas les travailleurs. La différence la plus flagrante oppose le rejet de l'autre d'un nationalisme agressif et autoritaire à l'ouverture à la mondialisation des peuples comme à la libération des moeurs, position bien plus instable pour l'affirmation d'une identité nationale et raison pourquoi ce sont les extrêmes-droites qui ont le vent en poupe.

Tout cela fait mal augurer de la possibilité pour un Front de Gauche de supplanter le Front National mais devrait faire un peu plus réfléchir sur l'impasse d'un national-capitalisme dans l'environnement mondial actuel, et faire adopter d'autres stratégies, plus effectives, moins aventureuses en tout cas. Ces stratégies existent et ne sont plus nationales comme le montrent les géographes mais plutôt régionales, sinon plus locales encore.

Il est certain qu'il y a un réservoir d'images et d'émotions que n'importe qui peut exploiter pour entretenir le souvenir d'une ancienne gloire nationale, qu'on peut même exalter la Révolution Française et l'ombre des grands hommes du passé, mais on joue avec le feu. L'échec de l'Europe peut bien nous y précipiter et pourtant, ce n'est qu'à l'échelle de l'Europe qu'on pourrait retrouver dans le monde le premier rang qui reste le nôtre malgré notre inévitable déclin relatif.

D'un côté un capitalisme sur lequel l'Europe pourrait peser et de l'autre des alternatives locales pour sortir du capitalisme vaudraient beaucoup mieux que ce national-capitalisme qu'on pourrait traiter de robinsonade, comme ces théories économiques trop simplifiées qui semblent avoir la logique pour eux mais ne sont qu'abstractions de théoriciens sans grand rapport avec la réalité (nous ne sommes pas sur une île en dehors du temps). Sauf qu'on peut dire que cette étatisation avait fait la réussite des régimes totalitaires face à la crise de 1929, de quoi rendre plus difficile encore d'éviter la tentation de refaire l'expérience malgré le coût politique, l'avènement des réseaux numériques et l'explosion des échanges internationaux.

Difficile de savoir à quel point on peut influer sur les événements ni jusqu'où ils peuvent nous entraîner mais les engagements d'aujourd'hui pourraient être lourds de conséquences et il ne faut pas croire qu'il était si facile d'être clairvoyant dans les années 1930. Il ne sert à rien de mettre des espoirs démesurés dans la politique nationale alors qu'il est très dangereux de vouloir réveiller les sentiments nationaux qui ne se forgent que dans la guerre ou contre quelques boucs émissaires. Il faut qu'on entende ceux qui s'opposent à ces idéologies régressives. Et si ce n'est pas la Nation qui nous sauvera, il faudra bien nous sauver nous-mêmes.

3 134 vues

Les commentaires sont fermés.