La nature et la vie

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L'amour de la nature a plus à voir avec l'amour qu'avec la nature, et donc avec les histoires qu'on se raconte. Dés lors, les conceptions qu'on peut avoir de la nature sont assez inconsistantes bien qu'elles tiennent à nos représentations immédiates, c'est ce qu'on va essayer de montrer.

On a vu, en effet, que la véritable origine n'est pas tant l'origine de la vie ou de l'univers mais l'origine de la parole, de l'énonciation comme de l'apprentissage du langage maternel ! La psychologie et l'épistémologie (la phénoménologie) précèdent les mathématiques, la physique, la biologie, la sociologie et celle-ci détermine en grande part la psychologie, fermant le cercle encyclopédique.

Une fois dépouillée de sa gangue mystique personnifiant la Nature, que peut donc nous en dire la science ? D'abord qu'on doit distinguer en son sein ce qui relève de la physique et de la biologie, non qu'il n'y ait une grande interdépendance entre les deux mais parce que cohabitent deux logiques contradictoires, celle de l'entropie et celle de l'information.

Le monde de la physique est bien celui de la causalité et de l'entropie alors que le monde de la vie est celui des finalités où l'effet devient cause, in-formation qui non seulement résiste à l'entropie mais se complexifie même avec le temps. Cela n'empêche pas que le biologique se construit sur le physique et l'intègre. De ce point de vue, on peut dire que le biologique et la biosphère englobent le physique. Malgré tout, la confrontation avec les forces de la nature est souvent purement physique, dans le déchaînement des éléments (l'eau, le feu, le vent, les tremblements de terre...).

Le temps, dans son sens météorologique, est une dimension essentielle de la vie par son caractère chaotique, son imprévisibilité, caprices du temps inaccessibles à nos prières. Comme je l'ai montré dans « l'improbable miracle d'exister », la vie se construit justement contre cette imprévisibilité et les forces de destruction entropiques, « nostalgie de l'unité déchirée par la contingence de l'être ». La Nature en tant qu'elle nous est extérieure et l'inconnu à découvrir, c'est à la fois la condition de la vie et ce à quoi la vie se confronte, dont elle épouse les formes, les fluctuations du milieu et l'incertitude de l'avenir étant ici essentielles (« la vie est une qualité de la matière qui surgit du contenu informationnel inhérent à l'improbabilité de la forme », Rossi).

L'unité supposée de la nature n'est donc pas sans divisions (un se divise en deux), sans une opposition fondamentale même, l'activité vitale étant une activité incessante de résistance à l'entropie, de lutte contre la mort et de régénération constante. Cependant, elle n'est pas seulement refermée sur elle-même et sa membrane qui la sépare réellement, elle est malgré tout ouverte sur l'extérieur qu'elle intègre, s'en nourrissant, offerte aux rayons du soleil dont elle capte l'énergie indispensable à sa survie. Ce n'est pas pour rien qu'on a fait du soleil un dieu. On sait ce qu'on lui doit. C'est de l'entropie extérieure que nous vivons, qui nous donne l'énergie de réduire notre entropie intérieure. C'est la mort d'une étoile qui nous donne vie, tout comme c'est d'animaux ou de végétaux morts que nous nous nourrissons, symbiose du parasite et de son hôte plus que de la mère nourricière et de son enfant. L'harmonie naturelle n'est qu'une bonne blague entre le prédateur et sa proie comme entre les prétendants d'une belle ! Cela n'empêche pas les moments de plénitude au milieu de tous ces dangers. Non seulement il n'y a pas véritable unité dans la diversité des espèces, mais il n'y a pas d'unité dans le temps d'une vie. C'est tout simplement que la mystique de l'unité dans son abstraction relève du langage qui se fige en image arrêtée, très loin d'une réalité fluctuante et contradictoire.

L'énergie est nécessaire à la vie, pourtant, selon le premier principe de la thermodynamique il n'y a jamais création d'énergie qu'il faut donc aller puiser dans l'environnement. Si la vie malgré tout est bien génération et création, c'est parce qu'elle est essentiellement création (reproduction) d'informations et d'organisation. Les organismes vivants ne sont pas immatériels, ils sont parcourus de flux de matières et d'énergie, mais ce ne sont pas des structures dissipatives auto-organisées, leur fonctionnement, leur organisation, leur reproduction est assurée par des flux d'informations qui sont bien différents des autres flux, pas seulement parce qu'ils sont en général inversés (comme l'argent suit le circuit inverse de la marchandise) mais surtout à cause de leur non-linéarité qui peut faire dépendre une métamorphose complète d'une toute petite information ! Il y a une rupture radicale entre le monde de l'énergie (physique) et le monde de l'information (biologique), rupture qu'on retrouvera d'ailleurs entre le monde du langage et le monde animal, rupture enfin que nous vivons avec le passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information.

Qu'est-ce que la vie, en effet ? La vie, c'est la reproduction et l'évolution. Il y a incontestablement contradiction dans les théories métaboliques de l'origine de la vie, supposant une émergence du vivant à partir d'une complexité auto-organisée bien difficile à concevoir mais surtout qui n'explique absolument rien puisqu'on se retrouve au même point dès lors qu'il faut encore expliquer comment cette complexité va pouvoir se reproduire et se doter d'un code génétique avec correction d'erreurs ! A l'opposé, commencer par la reproduction elle-même permet de concevoir assez facilement comment son métabolisme a pu se complexifier par sélection, ce qui est le contraire de l'auto-organisation. Il faut bien sûr un métabolisme minimum, une activité, une agitation, une source d'énergie sans doute fournie par les cheminées hydrothermales. Ensuite, à partir d'éléments qu'on trouve partout dans l'espace, on peut concevoir que tout ait commencé par les ARN autocatalytiques se reproduisant et menant à leur sélection par leur performance, leur fonction ou leur forme (tout comme les protéines) et non plus par leurs propriétés chimiques. C'est là où l'on quitte la chimie pour la biologie et le darwinisme, c'est là où commence la vie. Ce n'est même pas de la chimie sélective mais on passe réellement à une toute autre logique qu'on peut dire perceptive où c'est l'effet qui devient cause et intériorise la contrainte extérieure qui s'impose « mécaniquement », si l'on peut dire, aux éléments intérieurs.

Le fait que la vie soit basée sur l'information (sa mémoire) et sa reproduction (sa sélection) s'oppose à l'obscurantisme des théories de l'auto-organisation qui voudraient faire de la vie une qualité émergeant (mystérieusement) de systèmes complexes, de même qu'on se plait à rêver d'un cosmos vivant, on ne sait comment, et d'esprits incorporels flottant sur les eaux. Si l'auto-organisation a bien un rôle irremplaçable d'adaptation aux marges et sur le court terme, la sélection introduit ensuite une contrainte internalisée, une organisation cumulative qui la canalise sur le long terme en fonction de son histoire et de ses bifurcations. En tout cas, partir de l'information dans sa matérialité (génétique) rend impossible que l'esprit ou la vie consistent dans une propriété cachée, manifestant au contraire à quel point une vie immatérielle n'a aucun sens. Pour l'information, c'est plus ambigu car du fait même qu'elle se reproduit, qu'elle est forme, c'est d'une certaine façon un incorporel (comme les objets mathématique) mais l'information est toujours incarnée malgré tout, ne serait-ce que sous forme de bit numérique (gène, odeur, hormone, langage, écriture). Surtout, il n'y a pas d'information en soi comme il n'y a pas de virus en soi, sans l'organisme qu'il infecte. L'information est une différence qui fait la différence, comme disait Bateson, mais à condition que quelqu'un fasse la différence. Ce quelqu'un, cette subjectivité réactive est ce qui spécifie le vivant, depuis la première cellule.

Si l'information, la reproduction, la sélection expliquent l'évolution, ce qui spécifie la vie, c'est bien son activité vitale et sa réactivité déterminant sa viabilité. On pourrait croire que c'est une sorte de machinerie, ne serait-ce qu'à introduire effectivement des machines biologiques dans les cellules pour les asservir à la production d'énergie ou de produits pharmaceutiques. Cependant, on se rend compte que la caractéristique du vivant est surtout sa variabilité, la place de l'aléatoire étant beaucoup plus importante qu'on ne l'imagine. La cellule n'est pas seulement fermée sur elle-même mais se projette sur l'extérieur, elle est fondamentalement perception et adaptation à son environnement, sa variabilité, sa plasticité y sont vitales. C'est ce qui fait que la vie artificielle n'est pas la vie dont la variabilité serait incontrôlable, ce qui n'arrange pas les industriels. On est à peu près sûr pourtant qu'une cellule privée de possibilité d'évoluer ne peut se maintenir en vie bien longtemps. La vie n'est rien d'autre que l'exploration des possibles (de l'improbabilité des formes). L'évolution procède par intériorisation de l'extériorité (causalité descendante qui optimise les fonctions grâce à la sélection après-coup, en fonction du résultat, procédant par essais-erreurs). C'est cet apprentissage qui constitue la subjectivité de la cellule comme de l'organisme supérieur, à la différence de nos machines actuelles mais que les robots commencent à intégrer, subjectivité qu'on peut prêter aussi à des super-organismes comme une ville qu'on qualifie de vivante, alors que ce sont ses habitants qui lui donnent vie !

Il faudrait éviter les confusions habituelles entre les éléments du vivant, les organismes vivants et les groupes ou les écosystèmes qui ne sont pas assimilables à des organismes. Ainsi, les virus ne sont pas vivants bien qu'ils se reproduisent et évoluent (même le mimivirus qui a peut-être constitué le noyau des cellules eucaryotes). Cela n'empêche pas que les virus sont partie intégrante du vivant qui les produit (il n'y a pas de virus en soi sans l'organisme qu'il infecte). C'est la partie externalisée du code génétique et de la régulation des populations, de leur interaction avec le milieu. Le virus n'est pas plus vivant qu'une protéine isolée, c'est le milieu informationnel, l'information circulante entre les organismes récepteurs qui peuvent l'intégrer, un peu comme un livre qui a besoin d'être lu pour reprendre vie et sinon n'est que lettre morte. Ce n'est pas parce que les virus ne sont pas vivants qu'il pourrait y avoir une vie sans virus, sans échanges de gènes, sans régulation démographique. C'est particulièrement net pour les virus marins dont le rôle est considérable puisqu'ils tuent (régulent) 20% de la biomasse par jour ! Il y a aussi des virus qui nous protègent ou participent à notre évolution comme le virus qui permet au placenta de se former. Ils font donc partie intégrante de notre organisme bien qu'ils ne soient pas vivants et nous viennent de l'extérieur.

Un écosystème non plus n'est pas un être vivant, de même qu'une colonie de bactéries unicellulaires ne forme pas un organisme pluricellulaire (les colonies d'insectes s'en rapprochant beaucoup plus). On ne peut mettre sur un même plan les éléments de la vie, l'organisme vivant lui-même et les interactions entre organismes. La confusion entre organe, organisme et organisation n'est pas éclairante, elle est trompeuse. Ce n'est pas parce qu'il y a des caractères communs que les différences ne sont pas décisives. Ainsi un organisme et un écosystème relèvent bien de la théorie des systèmes mais un écosystème n'est pas un système complet, finalisé, car il n'a ni frontière, ni mémoire, ni véritable régulation globale du fait qu'il ne se reproduit pas. Cela ne veut pas dire qu'il n'a aucune régulation interne ni qu'il n'y a pas une vie de l'écosystème. Des équilibres entre espèces, entre organismes et ressources comme entre prédateurs et proies, se stabilisent forcément à plus ou moins long terme. Il y a une sélection des espèces et donc une sélection du fonctionnement global en fonction de sa durabilité mais il y a aussi régulièrement de grands incendies qui nettoient tout avant que la nature ne redémarre et ne reprenne ses droits. On constate alors que, plus un milieu est complexe plus il est robuste. Ce que cela veut dire est illustré par le lac Victoria en Afrique, où la catastrophe écologique dénoncée par « le cauchemar de Darwin » n'a pas fait baisser la productivité du lac car sa biodiversité était assez grande avant pour que des espèces se trouvent bien adaptées aux nouvelles conditions. Cependant, maintenant que la biodiversité a chuté, une nouvelle catastrophe serait sans doute beaucoup plus fatale.

Si un écosystème n'est pas un être vivant, d'autant plus peut-on le dire de la nature qui n'étant en rien une personne, ne peut être un Dieu en aucune façon. On a vu que c'est surtout le donné dans sa temporalité et l'improbabilité des formes, le temps qu'il fait et ses changements soudain, l'équilibre des espèces enfin. Cependant, la différence entre la biosphère planétaire et les écosystèmes particuliers, c'est qu'elle forme bien une totalité cette fois. On peut parler de frontière planétaire même à rester ouverte sur l'espace. Il n'est donc pas si absurde de nommer Gaïa ce qui constitue indubitablement un être, même s'il n'est pas tout-à-fait vivant et encore moins divin. Il y a indubitablement une sculpture réciproque de la Terre et des organismes vivants tout au long des millénaires de millénaires, avec une influence réciproque très sensible en particulier pour le climat qui est notre temporalité propre, donnant corps au vivant dont c'est l'objet principal, peut-on dire, en tant que variabilité de son milieu.

Cet abord du vivant par sa matérialité et l'objectivité de la nature doit être complété par son côté subjectif, inéliminable du fait que nous sommes partie prenante, comme vivants ou comme être parlants. Nous ne pouvons prendre, comme on nous y invite si souvent, le point de vue d'un Dieu extérieur, d'une prétendue connaissance du troisième genre (ou du troisième oeil) et contempler de loin la vague qui nous engloutit ! On a vu que la subjectivité et son inquiétude commençaient dès la cellule qui explore son milieu, qu'il y avait une dialectique du sujet et de l'objet plus qu'une simple séparation entre l'organisme et son environnement. Le terme d'environnement est en partie impropre pour ce qui participe à la construction des organismes et constitue d'une certaine façon leur origine, leur naissance au monde. Les organismes ne sont pas « jetés » dans l'être mais produits de leur milieu, c'est seulement quand on quitte son berceau qu'on peut parler d'environnement pour un organisme qui doit s'y adapter mais justement, avec le temps et tous ses aléas, l'évolution favorise l'adaptabilité plutôt que la stricte adaptation à des conditions locales. En tout cas, pour le vivant, l'environnement est l'extérieur dans lequel il se meut, l'inconnu dont il explore la variabilité par la sienne propre. Il n'y a pas de connaissance intuitive de l'environnement au sens où il formerait une unité compacte avec les organismes qui doivent toujours regarder où ils mettent les pieds, mais il y a indubitablement une mémoire génétique constituant la connaissance innée des réflexes de survie dans un environnement donné, sorte de prescience. On serait tenté de dire que le subjectif est du côté de l'acquis, de l'apprentissage, de la confrontation au réel, de l'irritation ou de la conscience plus que dans les automatismes instinctuels de l'espèce. Cependant, le ressenti, la sensation, le sentiment, l'émotion, ont une grande part hormonale qui relève de la mémoire génétique (l'affect est puissance d'agir, disposition du corps). Ainsi, l'attachement maternel que nous partageons avec les mammifères ou l'attirance sexuelle, mais la dépression aussi brouille le jugement.

Sans parler du filtre culturel, il n'est donc pas si facile de faire la part entre les prégnances instinctuelles et le perçu dans ce qui constitue notre monde vécu mais il est certain que les organes sont adaptées à leur milieu. Les humains dérogent pourtant à cette loi naturelle qui compensent leur fragilité infantile en créant un milieu artificiel. Il n'empêche qu'il y a un sens à parler de conditions naturelles de vie favorisant une santé définie comme le silence des organes. Il faudrait en tenir compte dans l'urbanisme au moins autant que dans les zoos ! Pour les hommes cependant, ce n'est pas seulement qu'ils construisent leur demeure, mais qu'ils se soucient des discours bien plus que des choses malgré ce qu'on raconte sur la société de consommation. C'est même pourquoi plus de la moitié de la population humaine est désormais regroupée dans les grandes villes. Le monde vécu n'est plus du tout le monde animal, c'est le monde humain, celui du sens où il faut préserver certes la place des corps et de l'écologie du fait qu'ils ne sont plus naturels justement, mais où s'ajoute la posture de l'authenticité, l'hystérie du vécu, la mystique de la nature. Il y a bien des critiques qu'on peut faire des sciences et des techniques, de leurs côtés négatifs indéniables, mais on peut voir une contradiction dans la critique purement phénoménologique au nom du monde vécu dès lors que la donation de sens vient du sujet, de son intentionalité. On serait plutôt dans le biologisme (il faudra y revenir). Certes, on peut mettre légitimement en cause le monde du spectacle comme le monde déjà vécu de la marchandise mais la défense du monde vécu n'est souvent qu'un conservatisme du passé, de ses traditions et de ses divisions sociales, nostalgie d'un monde qui n'a jamais existé souvent, reconstruit idéalement un peu comme la campagne du Petit Trianon ! C'est tout autre chose de vouloir préserver nos conditions de vie et sauvegarder notre autonomie afin de pouvoir donner sens à nos actes (« voir le bout de ses actes » disait Gorz). Il y a là aussi beaucoup de confusions. Ce qu'on prend pour l'évidence naturelle n'est souvent qu'une construction logique, « naturelle » mais parce qu'elle est « culturelle », le vécu n'étant plus que l'incarnation d'un signifiant saturé, comme on le voit dans les religions notamment où l'exaltation de la nature est on ne peut plus artificielle et dogmatique. Décidément, la « nature humaine » n'est pas tellement naturelle, plutôt excessive et même suicidaire, travail du scepticisme et du négatif, prise dans les contradictions du désir de désir comme désir de l'Autre...

Notre rapport à la nature et à la vie ne saurait se limiter à la sentimentalité, même s'il ne s'agit en aucun cas de vouloir refouler les sentiments de communion avec la nature, pas plus qu'avec l'être aimé, sentiments plutôt rares et précieux mais la question n'est plus l'idéalisation romantique de la nature ni la fusion mystique avec la Terre Mère, c'est qu'on est devenu responsables du monde, pas seulement du climat. Ce saut cognitif qui est celui de l'écologie-politique vient couronner l'histoire qui avait pris le relais de l'évolution, en constituant une intelligence collective dont on connaît les balbutiements avec le GIEC. Le principe de précaution est un élément essentiel de ce saut cognitif en tant qu'il est supposé intégrer notre ignorance, encore faudrait-il qu'il ne soit pas appliqué trop dogmatiquement ! C'est chose sérieuse mais avec ce gouvernement mondial en gestation, on peut se demander si Gaïa ne devient pas vraiment vivante à l'ère de l'anthropocène, dotée d'un système nerveux, de régulations et de centres de décision, d'une réflexivité enfin où elle prend conscience de soi comme solidarité des êtres qui la compose. Ne manque que la capacité de reproduction (il n'y a pas de Terre de rechange) mais avec « l'Etat universel », c'est quand même un peu comme si on passait de la colonie bactérienne à l'organisme pluricellulaire, avec des risques totalitaires indéniables de ne plus être qu'un élément interchangeable, un administré, si la diversité locale n'était pas préservée (ainsi qu'une économie plurielle). Le défi serait d'échapper ainsi à la logique darwinienne catastrophiste pour s'adapter aux contraintes écologiques et respecter une « causalité descendante » sans éliminations de masse mais en organisant au contraire les solidarités ainsi qu'en étant réactif (en corrigeant ses erreurs). Il y a malgré tout une limite aux capacités de changement des individus comme des organisations tout autant qu'à nos capacités cognitives. Il ne faut pas rêver. L'unité planétaire effective ne supprime pas les divisions sociales ni la pluralité des opinions ni les rapports de force ni les cycles idéologiques. Des simplifications brutales resteront donc inévitables, de plus en plus rares espérons-le...

Nous devrons subir encore nombre de catastrophes naturelles mais c'est tout de même une nature de plus en plus intériorisée à laquelle nous aurons affaire. Nous appartenons désormais à cette histoire du monde et de l'humanité à laquelle nous participons par nos actes, souvent à notre insu. Dans cette nouvelle responsabilité du monde de l'écologie-politique et le souci de préservation de la nature, on retrouve l'essence même de la vie, de son élan vital, qui est de résister à l'entropie et qui trouve son écho intime dans le sentiment de l'entropie, profondément ancré en nous, la douleur de la perte, l'angoisse de la destruction, la nostalgie du passé, la peur de la mort et la compassion pour tous les êtres.

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49 réflexions au sujet de “La nature et la vie”

  1. ce que nous dit la science de la nature c'est surtout ce paradigme d'état central fluctuant . un éta stationnaire dans un système ouvert , mais très loin de l'équilibre avec des fluc entrant et sortant de matière et d'énergie controlé rétroactivement par des flux d'information . ça vaut pour la biologie et la systèmique sociale . mais il manque la conception d'un élan vitale d'une évolution créatrice , où le système peut être refondu de A à Z par des phénomènes vocaniques ( érruptif et éphémère ) . c'est aussi vrai pour la vie quatidienne et l'histoire .

  2. J'ai corrigé, merci. Pour l'état mondial, on n'y est pas encore, juste l'existence du GIEC, entre autres... Jez ne voyais pas quel lien donner mais il y a par exemple "le renforcement du système". Sinon, "l'Etat universel" est un petit livre d'Ernst Jünger de 1962, sous-titré "Organisme et organisation" et "L'Etat universel et homogène" est une interprétation de Kojève de la fin de l'histoire.

  3. J’ai lu avec attention et beaucoup d’intérêt ce texte très riche pour quelqu’un qui, comme moi, s’agissant de sciences et de philosophie, joue dans la catégorie « amateurs ». Beaucoup de concepts sont clarifiés, et situés dans leurs interrelations et leurs différences par niveaux de sens ( organe, organisme, organisation, pour prendre un exemple simple )
    Je suis resté sur ma faim, concernant le rôle de la mort dans l’organisation du vivant telle qu’il est ici envisagé : résistance à l’entropie, dynamisme vital, etc…
    Et je me pose en fin de texte la question suivante : N’est-ce pas faute de positiver la mort comme d’un élément fondamental de cette logique du vivant, que le billet s’achève sur l’intimité d’un « sentiment de l’entropie » , avec « douleur de la perte, angoisse de la destruction, nostalgie du passé, peur de la mort ». Tous ses affects ne me sont pas étrangers ( j’ai en effet l’âge de mourir), mais ils sont pour ce qui me concerne les relents d’une éducation dominante reçue dans ma jeunesse, culture majoritairement néoplatonicienne et catholique, faite de scepticisme, de romantisme ineffable, de marxisme naïf, etc…? Culture contre laquelle votre texte apporte bien des arguments contraires , et je vous en remercie.
    Il ne s’agit pas d’une critique du ton de votre conclusion, je fais seulement part d’un ressenti personnel .

  4. D'abord quand je dis "que peut nous en dire la science ?", il n'y a pas à se méprendre, ce n'est que moi qui parle ! C'est même pour réfuter beaucoup de confusions des scientifiques du domaine que j'ai écrit ce texte.

    Sinon, il y a effectivement un danger à reconnaître qu'on ne perçoit qu'à travers un filtre culturel, c'est de croire que tout est factice (un peu comme la théorie du complot). C'est ce qui a pu faire croire à Nietzsche que c'est la religion qui avait créé la morale et la compassion qui lui semblait impensable avant de se prendre d'une folle compassion pour un cheval martyrisé... On pourrait dire à peu près la même chose d'Onfray qui s'imagine que sans Freud, il n'y aurait pas d'Oedipe alors que toute la littérature en témoigne ! N'est-ce pas cependant ce que voudraient faire toutes les religions de positiver la mort ?

    On pourrait donc être insensibles à la mort et aux autres mais ce n'est pas ce que nous montre l'éthologie, et ce ne serait pas cohérent avec la fonction vitale. La supposition que je fais d'un sentiment entropique est un peu spéculative dans sa généralisation mais c'est l'expérience de la dépression (et de l'appauvrissement) qui m'a révélé cette sensibilité aux choses et à leur dégradation, y compris les plus matérielles. C'est là que je pouvais donner raison à Ernst Bloch pour qui "c'est le bâton qui veut être redressé". Cependant, il suffit d'avoir l'argent pour remplacer les objets cassés et ne plus souffrir de leur dégradation.

    Pour le vivant, ce n'est pas si simple, il ne suffit pas de remplacer l'animal blessé. On constate en tout cas que la compassion n'est pas du tout limitée à l'humanité, se retrouvant notamment chez les singes (venant au secours d'un oiseau blessé ou remettant en place un objet tombé) mais aussi chez d'autres mammifères quoique dans des circonstances exceptionnelles.

    Il est certain que lorsqu'on n'est pas dépressif mais bourré de dopamine, ces sentiments n'ont plus cours alors qu'ils sont exacerbés quand on manque de dopamine. Ce n'est donc pas un déterminisme contraignant qui empêcherait les pulsions destructives, mais il me semble que leur existence même relève de la lutte contre l'entropie. Je veux bien admettre que c'est un raccourci trop rapide qui oublie toutes les médiations de faire le parallèle avec la cellule, parallèle qui me semble éclairant dans le contexte de l'article mais qui peut être critiqué bien sûr dans d'autres contextes.

  5. . Pour qu’il y ait créativité il faut qu’il y ait déséquilibre. Et la mortalité des individus vivants crée un tel déséquilibre comme seule constance, avec la reproduction, pour leur espèce. La vraie information qui compte serait celle de transmettre un défaut qui marche : quelques individus particuliers avec et en déviation des signifiants de leur espèce produisent un désordre inattendu, signes jusqu’ici inadaptés au modèle requis génétiquement, mais qui se trouvent adaptables au changement de conditions dans les échanges avec l’environnement. Si cela ne marche pas, de toute manière ils meurent avec leur mauvais génie. C’est ainsi pour les artistes, du moins… Et pour les cellules?

    Il faut que la mort soit reconnue comme à l’origine d’un bonheur de la création et de la reproduction de la vie, et non pas comme une usure malheureuse de capacités ( présumées !) qui s’ s’affadissent. Qui seraient données, de l’extérieur, par une providence divine ? Pas d’autre réponse possible ? Si : Sans la mortalité, c’est le néant ! Une grisaille. Est-ce que c’est déconner de le dire ? Pour la biologie comme pour l’art ?
  6. @p.ch :

    Effectivement, le déséquilibre entraine la divergence et la diversification, tout comme le résilient cherche des solutions, voir Cyrulnik. La combinatoire des solutions proposées à la sélection naturelle, Darwin, par le tamis du temps valide la combinaison durable.

    Avant le big bang, on se demande ce qui a pu rompre un équilibre, symétrie. Probablement que la meilleure image que l'on peut se faire de Dieu, serait celle d'un gamin trébuchant et tâtonnant, rien d'un architecte démiurge sachant où il va.
    Plus un ahuri teinté d'un inspecteur des travaux momentanément finis, jusqu'à la prochaine chute ou menace de chute.

    En termes de boucle de rétroaction, on pourrait illustrer par un système simple, la solution acido/basique tamponnée qui maintient son PH malgré l'apport de molécules extérieures, forme de mémoire dynamique qui maintient un ratio PH.
    Phénomène anti entropique et non linéaire, puisque l'entropie correspond à une dispersion statistique de l'information issue de Boltzman, qui s'est malheureusement suicidé à la suite du rejet traumatique de ses propositions, alors qu'il ne faisait que continuer l'approche de Darwin, sélection statistique des espèces que l'on retrouve plus récemment chez Kupiec pour la prolifération cellulaire par couches superposées.

    Forme de maintient d'une pérennité, due aux possibilités de la matière de se combiner et d'être sélectionnée dans la durée, Chronos, les molécules ou équilibres les plus solides dus à la pluralité des combinaisons. Vu sous cet angle les mythologies ou textes bibliques sont plus clairs. D'ailleurs, le Dieu biblique est un sélectionneur de champions, même si ceux là sont des pauvres types, les derniers, David contre Goliath.

    Concernant la non linéarité du vivant, elle ne me semble pas différenciatrice du minéral ou de l'atomique, puisque on la retrouve dans ces deux derniers, les quantas par exemple.

    A propos du language et de sa structure, on peut s'étonner qu'aucune autre espèce d'intelligence complexe n'ai pu produire une autre forme de structuration que celle actuelle de l'humain oscillant entre pulsion de vie et de mort.

    Pulsion de mort me paraissant correspondre à une forme d'apoptose. L'humain se considérant inadéquat dans sa relation et dans son discours avec l'environnement se détruit.

  7. Je le mets souvent en lien car je le trouve effectivement fondamental pour moi et j'étais très étonné que l'improbable miracle d'exister n'ait pas reçu un meilleur accueil du Grit et de Jacques Robin en particulier. Il ne serait pas mauvais qu'il soit plus diffusé et connu.

    Sinon, il y a effectivement une richesse des textes religieux quand on les lit au niveau symbolique. Ainsi, l'évangile nous enseigne comment positiver la mort : c'est de donner sa vie pour ceux qu'on aime (comme les terroristes islamistes ? en tout cas religion pour soldats).

    Comme je le dis dans "le sens de la vieillesse et de la mort", la mort consiste à prendre sur soi les péchés du monde afin de laisser chance à une nouvelle vie de recommencer à zéro. Ceci dit, toutes ces visions extérieures ne me semblent d'aucun secours et assez inadéquates à notre propre rapport à la mort qui est déterminé par nos hormones en grande partie, notamment la désespérance dans le devenir du monde et les pulsions suicidaires.

    Prigogine se trompe sur le vivant en général (qui n'est pas une structure dissipative), en particulier sur la "causalité descendante" qui permet d'optimiser les corps jusqu'à épouser les lois physiques sans aucune prescience mathématique, seulement par sélection après-coup. Antoine Danchin fait la même erreur d'attribuer à l'information une propriété physique alors qu'elle ne résulte que de la sélection par le résultat.

  8. Oui, « l'improbable miracle d’exister » est un texte essentiel de Jean Zin, je trouve aussi
    @ Olaf
    Oui, je trouve également très important ce paradigme de l’apoptose ( implosion, effondrement sur soi) chez Ameisen, qui décrit l’interrelation entre l’élan vital ( auto-création de la forme) et la pulsion de mort au niveau cellulaire

    ( autodestruction). Il s’agit bien sûr ici de mort naturelle, et non pas accidentelle, par blessure plus ou moins fatale . La mort naturelle serait plutôt une déconstruction du construit plutôt qu’une destruction …

    Iliya Prigogine est à prendre en compte aussi lorsqu’il postule, dans sa critique du déterminisme dans la culture scientifique passée, que « si le temps existe, il doit exister à tous les niveaux ; de même si la créativité existe, elle doit exister à tous les niveaux ». Il perçoit ( sorte de foi perceptive) que le vivant a la capacité de mathématiser à son niveau (« la forme d’un requin est par exemple une solution optimale des équations de l’hydrodynamique »)
    Tout en souhaitant accéder, en fin de vie, à une lecture pleinement matérialiste ( non déterministe) du monde, j’ai toutefois un grand respect pour la lecture phénoménologique des actes et paroles du Christ, enchaînement d’avènement et d’évènements avec une portée archétypale, notamment dans l’art religieux, c'est-à-dire l’évènement sans commentaire procédant à une calcification du sens ( gel de l’avènement du sens qu’on peut tirer de l’évenement) . Par exemple toute une analyse phénoménologique du deuil dans les tympans romans bourguignons. Ou bien, dans la Résurrection peinte par Grünewald : pour que le tombeau se vide ( on change de niveau , ce qui est le sens de tout miracle) il faut que les soldats gardiens laissent bifurquer leur attention consciente : jouer, ou s’endormir. Il y a une lecture laïque, a ne pas négliger, du mytheux sous toutes ses formes. Du moins cela apporte autant que ce qu’apporte l’effort rationnel , à l’étude d’une démarche scientifique.C'est complémentaire (comme dans le texte " l'improblable miracle d'exister, pense Prevost?

  9. Pour faciliter la démarche du lecteur de vos billets, il faudrait plus de liens, en particulier vers vos écrits antérieurs : vous pourriez ainsi éviter que l’on fasse part de naïves idées sur des sujets que vous aviez traité déjà, comme ici « le vieillissement ». Toutefois, c’est bien agréable de causer avec l’auteur, de tenter de développer l’effet produit par son texte ! De participer autrement qu’en se contentant de diffuser les conneries reçues ( ou les "nouveaux" ), ce à quoi se résume très majoritairement l’usage d’une messagerie Internet. Merci pour cela. Bonne journée.

  10. Il n'y a pas de sélection darwinienne au niveau de l'atome car il n'y a pas d'information, de mémoire, d'intériorisation mais il y a bien sûr une sélection si l'on veut par la stabilité : ne restent que les particules stables et les organisations de la matière durables, c'est ce qui fait que malgré les fluctuations quantiques, on peut construire sur la stabilité des systèmes matériels.

  11. A vrai dire, je ne sais pas trop ce qu'est une information en dehors de la conscience humaine réflexive qui étend les propriétés du langage à la modélisation de ce qui l'entoure.

    Permettant ainsi d'évaluer une cotation sur la stabilité des processus biologiques, chimiques, sociologiques, économiques ou atomiques en décrivant les processus de transformation et d'altération ou de maintient.

    Quand on parle de mémoire électronique, il s'agit d'un état stable d'un semi conducteur, support matériel de l'information, et du contrôle de son seuil de basculement à un autre état stable. Ces états bi-stables, voire polystables se trouvent partout dans la nature, comme l'exemple des solutions acide-base, mais aussi dans l'atome lors des transitions de couches électroniques. Ce sont bien les discontinuités de la matière atomique ou chimique et de ses processus qui permettent la mémoire. La superposition de ces états permettent un contraste cognitif, sorte de friction ou de viscosité, entre l'actuel et l'ancien.

  12. Personne ne sait ce que c'est que l'information. Que de bêtises on a dit en son nom ! Mais c'est un sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit et amené des clarifications qui me semblent décisives. Il est donc quand même un peu désespérant que l'information ne parvienne pas même aux habitués du blog, sans parler de ce que j'en dis dans l'article...

    Un bit numérique n'est pas une information en soi car il n'y a pas plus d'information en soi que de virus en soi. Il faut l'appareil pour lire l'information, le hardware, le software et le wetware (la personne qui peut comprendre l'information mais ce peut être aussi un programme qui l'interprète et un automatisme qui y réagit).

    J'ai déjà écrit à peu près sur tout (que c'en est désespérant!), je ne peux mettre des liens à chaque mot mais j'invite à utiliser la recherche sur le site (en haut à droite) bien plus efficace que ce qu'il y avait avant pour trouver des réponses aux questions qui peuvent légitimement se poser.

    Je donne là seulement les 2 principaux liens sur l'information :

    - Le monde de l'information (livre)
    http://jeanzin.fr/ecorevo/sciences/...

    - Le concept de l'information (plus court)
    http://jeanzin.fr/ecorevo/grit/info...

  13. @didier :

    Intéressant ce texte.

    Ca me ramène à la polémique en cours au sujet d'Onfray et d'autres. Ce qui m'étonne chez Onfray, c'est qu'il part de sa position de philosophe, dont le questionnement sur le langage ne peut pas être évité, pour déboulonner Freud et Lacan, par la même occasion, qui a au moins tenté de réfléchir sur le langage.

    D'ailleurs dans la bible, si je ne m'abuse, le verbe a une place prépondérante, déjà nos ancêtres en avaient vu l'importance. Peut être que c'est ce qui déplait à Onfray que le langage soit la clé de voute du christianisme et de bien d'autres traditions philosophiques.

  14. Non, moi je trouve cela délirant. Il y a bien une vie en soi, même s'il n'y a pas de virus en soi. Il y a une conception psychologique de la vie mais les organismes vivants sont bien objectifs, dotés d'une autonomie propre. L'article l'établit fermement en réfutant les conceptions vagues et subjectives ou spirituelles de la vie. C'est la même chose pour les autres qui existent bien indépendamment de nous.

    A chaque fois il faut se garer à droite et se garer à gauche contre les extrapolations délirantes car le propre du langage, c'est bien ce délire logique, trop logique...

  15. @olaf
    La formule que cite Didier est un slogan provocateur pour pièger le chaland, pousser à lire l'ensemble? Moi je n'ai pas trouvé inintéressant qu'un astrophysicien se questionne sur la chronologie par rapport à une succession d'instants empiétant les uns sur les autres avec des valeurs informatives diverses. Ce que les historiens de l'Antiquité ( Momigliano, Finley, Detienne,...) ont dit depuis longtemps . EX:Les temps modernes commencent en 1492, chaque siècle qualitativement ne mesure pas ses 100 ans,la chronologie n'est qu'un repère pour le moment où des traces
    manifestent l'origine de quelque chose, aprés coup en effet... Comme aussi passage des créations d'histoires à celle d'une Histoire de...)
    Mais le rapport à la biologie? A l'émergence de l'information?

    Et, par ailleurs, même dans les ouvrages de vulgarisation , qui décrit encore le big bang comme un commencement?
  16. J'ai relu le texte, c'est probablement l'aspect délirant qui a dû m'intéresser, voire je le confesse, me fasciner comme un lapin
    est pris dans les phares d'une voiture...

    Je m'étonne toujours du phénomène de relecture des textes où souvent je trouve des compréhensions différentes d'un jour ou d'un moment à l'autre. Le texte ne change pas, c'est ma lecture qui change.

    En revanche, cette histoire du rapport de l'homme avec le climat est instructive :
    http://laviedesidees.fr/Le-climat-f...

  17. re. commentaire 19
    Ayant suivi le conseil de notre hôte, de lire les textes indiqués à Olaf concernant l'information, je trouve utile de reproduire cette note d'un article de 2004.Car quel que soit le contexte dans lequel un chercheur actuel travaille ( science ou art), s'il suit ces principes, peu m'importe qu'il soit citoyen d'un futur dit « ère de l'information »,ou non,du moins il a quitté le paradis du déterminisme religieux, il devient responsable.Il va au bout de ses actes:
    "Le concept d'information a des implications fondamentales en physique, biologie, économie, politique, philosophie, robotique, etc. L'information est un concept qui ne désigne pas une qualité simple mais une structure composée, complexe et d'origine biologique, qui se distingue fondamentalement du signal physique et de l'énergie par un ensemble de propriétés :
    - son improbabilité et sa discontinuité (saillance, différence, nouveauté)
    - la réduction de l'incertitude (sens, indication, prévision, représentation, visibilité de l'invisible),
    - son imperfection qui exige une correction permanente (parer à l'imprévu, ajustement)
    - un récepteur pour lequel elle fait sens (réaction conditionnelle, mémoire, contexte, dialogue)

    Tout ceci implique donc :
    - un processus dynamique récursif, toujours "en formation", processus cognitif d'adaptation et d'apprentissage, constituant une causalité par les effets, par la fin (pilotage, obligation de résultat), par boucle de rétroaction (feed-back)
    - son caractère indirect de signe d'autre chose (codage numérique) et donc reproductible à l'opposé de la matière ou de l'énergie
    - un effet disproportionné à l'énergie en jeu ou aux rapports de force (non calculable, tout ou rien)
    - une reproduction et une durée qui échappent à l'entropie (au temps physique) grâce aux corrections d'erreurs et régulations (compensation, évolution, complexification, optimisation, apprentissage) .

  18. aveu de mon sentiment d'impuissance face à un système que personnellement je vis comme destructeur....

    La relation du "corps à corps" avec la nature peut, peut-être, permettre de retrouver une dimension corporelle.

    Parce que une réflexion, une pensée sans corps (action collective) n'est pas aboutie.

  19. En fait, il y a une sorte d'amour de la nature qui est naturel car nous sommes constitués de tel sorte qu'on soit épanoui quand tout va bien et, lorsqu'il fait beau, que tout est calme et les oiseaux chantent, allongés dans l'herbe au milieu des fleurs, s'il n'y a pas encore d'aoûtats, on peut être euphorique (le soleil sur la peau produit des endomorphines en plus de la vitamine D indispensable). Il y a donc cette nostalgie animale bien compréhensible, mais ce n'est pas la nature, ce sont ces rares moments de plénitude que notre corps appelle. En dehors de ces moments de grâce, tous les chats du coin préfèrent ma maison aux rigueurs de la nature et du temps.

    Cependant, cette part animale est contaminée par le langage et les histoires qu'on se raconte, des contes pour enfant comme les histoires d'amour où l'on voudrait nous faire voir tout en rose alors que là aussi, les bons moments sont bien plus rares que les mauvais ("plaisir d'amour ne dure qu'un moment"), ce qui renforce paradoxalement la nostalgie de l'amour perdu. Cette nostalgie est elle-même contaminée par la nostalgie de l'enfance et du sein maternel qu'on retrouve dans toutes les utopies. C'est là où l'exaltation romantique pour la nature et le sentiment d'unité avec le monde peuvent être les plus démonstratifs, mais cela n'a absolument rien à voir avec la nature et tout avec l'ensorcellement des mots.

    Il est certain qu'on manque toujours d'amour en tant qu'être parlant mais l'amour étant impossible on peut dire aussi qu'il y a trop d'amour (on l'a déjà dit ici) car on ne peut vraiment répondre à l'amour qu'on reçoit, pas plus que ceux qu'on adore ne peuvent égaler l'idéal qu'on s'en fait (Lacan disait que ceux qu'on aime étaient supposés n'avoir aucune mentalité!). C'est pourquoi on peut puiser dans ce puits sans fond de l'amour pour tromper les foules sentimentales avides de promesses mensongères.

    Le corps a sans doute ses exigences, il doit mettre en oeuvre ses fonctions. Il n'y a pas de pensée sans corps mais le plus souvent le corps ne compte pas, il épouse la pensée et se fait oublier (dans le silence des organes). Plus on le maltraite, plus il nous donne envie de repos et de retrouver ses fonctions naturelles mais cela ne veut pas dire que le repos pourrait être un état perpétuel. Il faut certainement préserver au maximum les conditions naturelles d'exercice du corps et de satisfaction de ses sens.

    Il faut distinguer cependant le corps de la chair, de la subjectivation du corps par l'intersubjectivité (la sexualité). Il faut distinguer la résistance du sujet au système qui le broie (on a toujours été broyé, plutôt moins désormais mais encore bien trop). Il y a une position politique, une responsabilité personnelle qui engage le corps. Le point de vue de Sirius (ou de Dieu) n'est pas tenable, la pensée est toujours située mais dans une histoire plus que dans ses organes. Il n'y a donc pas, effectivement, de pensée sans corps, encore faut-il savoir ce que signifie le corps ici, qui n'est qu'un mot... En tout cas, ce qui caractérise l'écriture, c'est bien de se détacher des corps, les faisant ex-sister un peu plus sans doute, symbolisant le réel lui-même, réel défini par ce qui fait trou dans le savoir, effet en retour du symbolique.

  20. Il est évoqué actuellement l'hormone ocytocine comme celle de l'amour, un spray ou allaitement et puis voilà. Ça me parait un peu court. Quand bien même on pulvériserait cette hormone à tout va, on peut se méfier des effets en retour, comme l'excès de confiance pas si bénéfique que ça. Très bien les hormones mais quoi en retour ?

    Si la santé corporelle est le silence du corps, on peut rêver tout aussi bien d'une santé mentale qui serait le silence de l'esprit. Moins simple.

  21. Il n'y a rien vraiment de neuf qui justifie qu'on reparle de l'ocytocine, l'étude allemande ne faisant que confirmer l'efficacité du spray. Il y avait déjà eu des expériences en 2005 qui montraient qu'on pouvait ainsi abuser de la confiance des gens qui étaient bien plus généreux et confiants avec l'ocytocine. Il a été établi récemment que cela améliorait la socialisation des autistes. En fait, si on en parle, c'est que sans doute cela va devenir la prochaine drogue à la mode, de quoi consolider les couples et d'animer les fêtes (des grands love-in), avec le risque qu'on s'en serve pour forcer les filles un peu comme le GHB.

    La nouvelle c'est donc qu'on se rend compte qu'on a une nouvelle drogue qui va changer pas mal de choses. C'est quand même une bonne drogue apparemment, qui fait éprouver du bien-être et de la sympathie, sans doute sans trop d'effets secondaires étant donné que c'est une hormone naturelle. Si ça relançait une sorte de mouvement hippie, ce ne serait pas si mal même si, on le sait maintenant, c'est d'une grande bêtise mais bêtise pour bêtise, celle-ci a des côtés bien agréables. Un jour ou l'autre, il faudra redescendre malgré tout de l'Altamont ("Dream is over").

    Il y a bien un silence de l'esprit. En fait, j'ai tendance à identifier santé, conscience et liberté. Si l'on est pressé par la nécessité ou par un instinct impérieux, on n'est pas libre. Pour être libre, il faut pouvoir choisir, ne pas être submergé par la douleur ou le désir mais avoir le temps d'examiner en toute conscience la situation et ses opportunités. La santé et la liberté ne sont pas la même chose, c'est plutôt la santé (une certaine indifférence) qui est la condition de la conscience et de la liberté mais la santé est la règle et la liberté l'exception, la conscience étant intermédiaire comme intentionalité. Avec cette définition, ce qu'on nous présente comme la grande santé du golden boy conquérant n'est qu'un grave dérèglement !

  22. Bien sûr, l'urgence des occupations dont il est fait apologie est une inquiétante dérive de la conception de la vie, alors que tout montre que c'est dans l'ennui indifférent que l'on crée on trouvant de l'inattendu.

    La conscience me parait être une conscience du désir, de ses symptômes, sans en connaitre les agencements de ses déterminismes exacts. Au point où j'en suis...

  23. Rien de pire que l'ennui pourtant et la sensation du temps perdu où chaque seconde passe comme une douleur. C'est que le désir nous appelle ailleurs, c'est que nous sommes vivants et que nous nous projetons dans le futur. Nous sommes toujours dans l'entre-deux. Ni le repos perpétuel, ni l'ennui ne sont désirables, pas plus donc qu'une liberté absolue. Dire que la liberté et la conscience, c'est pareil, ne veut pas dire que c'est le plus désirable.

    Nous n'habitons pas l'absolu mais la durée dans sa contingence et sa variabilité où le temps s'éprouve. Il nous faut assez de liberté, de sérénité, d'ennui mais il nous faut plus encore du désir, de l'action, de la jouissance. L'homo oeconomicus n'est pas un bon modèle anthropologique, amputé de sa dimension sociale mais l'homme soviétique était tout aussi unilatéral. Il faut non pas retrouver une voie moyenne, mais préserver la contradiction vivante de la complexité humaine et de sa rationalité très limitée.

    J'avais fait en 2005 un texte sur la conscience, bien qu'avec un point de vue un peu différent (pas incompatible) :
    http://jeanzin.fr/ecorevo/sciences/...

  24. Eh oui ! L'ennui me pèse parfois, tout comme les ennuis en général de tous ordres.

    Mais étrangement, après une période d'ennui profond et le désir consubstantiel d'en sortir, je rebondis et retombe sur mes pattes comme le chat, retrouvant l'élan nécessaire de l'action inspirée entrainant la jouissance de s'en être sorti et du désir d'avoir voulu s'en sortir, pour un temps, à mon humble niveau. Je fonctionne comme ça de façon récurrente, moitié diesel, moitié culbuto non linéaire.

    Probablement, le besoin d'effleurer le fond, la réalité qui donne ses coups, pour reprendre son appel et en éprouver les contrastes des situations, forme de sensorialité, ou sensualité ?, kaléidoscopique.

  25. Je ne trouve pas inutile de rappeler la dialectique pour laquelle j'ai opté depuis longtemps sans le savoir, comme le bourgeois gentilhomme fait de la prose, par tâtonnements maladroits, et qu'elle avait été en quelque sorte théorisée comme mouvement de la chair et de la matière devenant pensée, forme de création en couches d'oppositions :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Dialec...

    De vivre et de travailler en Allemagne, de m'imprégner de la langue et de sa grammaire, de lire ce blog, m'ont orienté ainsi.

    Je suis très discontinu.

  26. C'est moi qui ai rédigé, il y a longtemps, la partie sur Hegel de l'article dialectique de Wikipédia. Il n'y a eu que des modifications mineures depuis (et pas forcément heureuses) et je trouve très amusant que puisse devenir ainsi "officielle" une interprétation de la dialectique inédite, car, à ma connaissance, personne n'a donné 5 temps à la dialectique ! C'est le résultat de ma lecture de la grande logique dont j'ai essayé de dégager la structure. Je ne sais si cela va rester comme ça encore des années car Wikipédia se bureaucratise et traque maintenant la moindre originalité mais c'est pour moi l'exemple de la richesse du travail collaboratif ouvert qui donne accès immédiatement à la pointe de la recherche, au risque bien sûr d'égarer mais risque faible s'il est connu et qu'on sait qu'il faut vérifier à d'autres sources. Ce serait encore plus intéressant, mais plus que rare, qu'une intervention future améliore la formulation.

  27. C'est le principe de Wikipédia, contrairement à Knol (qui est un échec) de ne pas signer. Non seulement les contributions sont anonymes mais n'importe qui peut les modifier. On peut cependant suivre les modifications où le nom des contributeurs apparaît (pas toujours, il n'y a parfois que l'adresse IP).

  28. "mais c'est pour moi l'exemple de la richesse du travail collaboratif ouvert qui donne accès immédiatement à la pointe de la recherche"

    C'est en quelque sorte ce que j'expérimente dans mon boulot, grâce à internet et intranet. Les résultats à mon petit niveau sont de mieux en mieux, les idées nouvelles fusent et se répandent. Une circulation des idées et des bousculements, basculements, qui vont avec.

    L'air de rien, ce genre de circuit change la donne.

  29. En contre point de Muray, je dirai qu'il n'y a pas d'autre possibilité à première vue que de chercher la réussite, même lui s'est heurté à la réussite littéraire. Névrose de l'échec qui entraine la réussite.

    C'est tout le problème. Nihiliste ou positiviste ? Mon cœur balance vers la mélancolie esthétique, alors qu'elle est plus probablement immonde.

  30. Le problème du lien, c'est qu'il est dynamique et maintenant c'est l'émission suivante de Finkielkraut.

    Ceci dit, j'avais entendu une partie de l'émission sur Muray avec Fabrice Luchini. Je n'aime pas Muray, je l'assimile à la bêtise comme Luchini et Finkielkraut. Je n'aime pas les littérateurs qui en rajoutent sur l'évidence et sont si fiers de penser contre le peuple et de faire des phrases. Ils manquent de dialectique justement et se gonflent un peu trop de leur petite personne et de leur haute culture. Pourritures !

    Il y a un problème de la réussite, il y a une nécessité de l'ésotérisme et du petit nombre car la réussite fausse tout, l'image renvoyée par les autres enferme dans une posture et simplifie outrageusement la pensée qu'elle fige. Pour rester libre, il faut rester seul et caché. Condition nécessaire même si bien sûr, elle n'est absolument pas suffisante. Il ne s'agit pas de se regarder être tellement exceptionnel, mais de se tenir au plus près du réel, loin de tout positivisme ou nihilisme comme si la chose était entendue.

  31. Je ressens la même méfiance face à ceux qui posent, y compris moi même quand ça me prend, en s'opposant, sorte de nombrilisme de l'original qui aurait tout compris, y compris de se moquer de la souffrance des sans grades et de prophétiser à coup sûr la fin imminente de l'espèce humaine. Bien que les risques soient importants de ce côté là.

    La réussite me pose effectivement le problème d'avoir à tenir une place assignée, celle des honneurs encombrants au bout d'un temps.

  32. Je souhaite rajouter que j'ai récemment insulté une sorte d'amitiée de longue date qui me pesait compte tenu de sa morgue affichée de parvenu abruti, méprisant tous azimuts sur son socle de réussite sociale et financière.

    Je lui ai dit "salut gros con", je pensais aussi que c'était une "raclure", autre forme d'insulte, voire une ordure. Façon de faire le ménage... On se défoule parvenu un certain seuil atteint. Mais quand la pression a atteint son seuil, on se lache.

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