La conjonction des crises

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Tout pourrait revenir comme avant ou presque, semble-t-il, avec quelques règles en plus, quelques ajustements, de sévères corrections même, mais tout cela n'aurait été au fond qu'un mauvais moment à passer, une simple réduction de l'activité, des bénéfices, des revenus. On nous annonce pour l'année prochaine une récession entre 1% et 5%, la belle affaire ! Pas de quoi faire un plat pour cela, chacun peut retourner à ses petites affaires et joyeuses fêtes à tous ceux qui croient au Père Noël !

L'optimisme forcé des économistes a été dénoncé comme un des facteurs de la crise, il ne semble pas qu'on en soit sorti pour autant, passant de l'affirmation que "le plus dur est derrière nous" à ces prévisions qui ne prévoient rien mais ne font que faire tourner des modèles qui viennent pourtant de démontrer leur incapacité d'intégrer les hypothèses extrêmes, les facteurs externes, les ruptures de seuil et, donc, de calculer les risques réels alors même qu'on assiste au télescopage de toute une série de crises pas seulement économique et financière.

Ainsi, ce ne serait pas si grave, à ce qu'on nous dit, juste quelques mois de vaches maigres, une parenthèse dans l'expansion de l'économie financière et l'histoire du libéralisme. Sauf que cela suppose qu'il n'y aurait pas d'effondrement du dollar, pas de credit crunch, pas de faillite de l'industrie automobile ou d'entreprises aussi stratégiques, pas de faillite des Etats, pas de tensions graves entre pays, pas de troubles sociaux généralisés dans le monde entier ! Ce n'est pas complètement impossible mais le plus probable reste une désorganisation totale du système dans les mois qui viennent malgré toutes les mesures prises (les taux américains ne peuvent plus baisser, il n'y a plus que l'hyperinflation pour effacer leur dette).

On sait que lorsqu'il y a des tremblements de Terre cela provoque des éruptions volcaniques à retardement dans un rayon de 1000 km les années suivantes. De la même façon, il ne serait pas raisonnable de penser que tout rentrera dans l'ordre sans autre forme de procès alors qu'il y a une telle tectonique des plaques avec les bouleversements actuels qui déstabilisent déjà les points les plus fragiles (comme en Grèce).

Tout cela semble impliquer que la crise ne durera pas 1 an comme on nous le répète constamment mais qu'on pourrait en prendre pour 10 ans peut-être ! Il est raisonnable de penser que la crise sera durable et profonde mais les premiers signes et les politiques menées en renforcent l'hypothèse. On peut légitimement craindre que l'énormité des moyens mis en jeu ne fasse que faire durer le supplice en creusant un peu plus le gouffre... Non seulement, l'économie démontre encore une fois son incapacité à rendre compte du caractère non-linéaire et systémique des crises mais il n'y a pas de véritable autonomie de la sphère économique. On assiste en fait à une conjonction sans précédent des crises économique, écologique, sociale, politique, géopolitique, technologique, générationnelle, idéologique, civilisationnelle, dont les temporalités très différentes pourtant convergent ici de façon explosive. On éprouve ainsi de façon tangible à quel point la réalité n'est pas univoque mais comporte une multitude de strates. Cela devrait être l'occasion de sortir des points de vue trop simplistes et unilatéraux pour essayer de comprendre la complexité des interactions entre différents niveaux de réalité. Même des écologistes peuvent avoir une approche trop unilatérale des questions, ce qui est un comble, négligeant trop souvent les dimensions économiques et sociales en particulier.

D'une certaine façon, cette convergence exceptionnelle de différentes crises pourrait constituer une chance pour résoudre l'ensemble de ces crises à la fois. Ainsi la crise écologique pourrait bénéficier non seulement de la baisse des émissions de CO2 à cause de la récession mais d'un changement complet de mode de vie. Ce serait véritablement inespéré tant les dernières nouvelles du climat sont carrément paniquantes. Hélas, il faudrait arriver à faire comprendre que les effets de nos émissions ne se font vraiment sentir que 50 ans après et que le réchauffement contre lequel il faut se mobiliser n'a rien à voir avec les températures clémentes d'aujourd'hui. Le décalage temporel entre l'effet et la cause parait insurmontable pour réagir avant qu'il ne soit trop tard. C'est là qu'il faudrait tirer parti de la conjonction des crises : puisqu'il faut changer, profitons-en pour remettre tout à plat une bonne fois pour toutes, plutôt que de vouloir résoudre les crises une par une. Cela veut dire aussi qu'il faudra le faire ensemble plutôt que chacun dans son coin.

Il faut s'attendre à de durs conflits, au chaos, à une violence déchaînée (la menace nucléaire n'a jamais été aussi forte) mais nous entrons dans une époque de changements profonds et durables où jamais il n'aura été aussi urgent de penser et construire l'alternative, se remettre à penser large en dehors des règles de marché, penser la sortie du capitalisme malgré tout. Il y a quand même quelques atouts non négligeables puisqu'on a pour la première fois une nouvelle génération connectée de par toute la Terre, renforçant la synchronisation déjà observée en plusieurs occasions comme Mai68. D'une certaine façon, ce qui rend la crise si impensable, c'est qu'on aurait à l'évidence les moyens de réagir, qu'on ne peut rester devant notre télé sans rien faire. C'est éventuellement ce qui pourrait nous sauver si la chute était brutale mais sans doute pas si ça traîne en longueur. Il faut toujours en passer par le pire, hélas, quand il faut changer les règles, abolir les privilèges et redistribuer les rôles. Il faudrait surtout pouvoir s'accorder sur ce qu'il faudrait faire !

Il ne suffit pas de se révolter car il ne s'agit pas de faire n'importe quoi et tomber dans n'importe quelle utopie plus ou moins autoritaire sous des apparences libératrices, encore moins de revenir en arrière. Il faut répondre aux questions qui se posent, notamment du fait des nouvelles conditions de production à l'ère de l'information et qui ne sont pas encore prises en compte, ce qui provoque en particulier la précarité des surdiplomés (grecs entre autres). De même le caractère non linéaire et statistique de la productivité devra bien être reconnu par un revenu garanti qui permettra aussi de réduire les inégalités et de stabiliser l'économie tout en permettant le passage de la sécurité sociale au développement humain, du travail forcé au travail choisi et du salariat au travail autonome. Au niveau écologique, la relocalisation de l'économie s'impose avec des monnaies locales, monnaies complémentaires qui seront bien utiles en cas de désordre monétaire et dont il faut au moins connaître l'existence, savoir qu'elles existent déjà et qu'on peut les mettre en place rapidement. L'agir local s'inscrit dans une pensée globale mais peut commencer sans attendre, ici et maintenant ! Bien sûr, rien n'est possible sans une réaffirmation de nos solidarités ni sans notre mobilisation qui est la condition sine qua non et qu'il faut espérer à la hauteur de ce que la situation exige. En tout cas, c'est une refondation sociale, démocratique, écologique pas seulement économique qu'il faudra mener à bien.

Bien que cela ne soit pas encore tellement apparent, nous avons sans doute atteint le point de non-retour d'une crise de civilisation comme il y en a eu bien peu dans l'histoire humaine. Les risques sont énormes même si le monde de demain ne sera pas si différent de celui d'aujourd'hui. On ne reviendra pas à une économie de survie sauf localement de façon transitoire mais il peut y avoir vraiment une hyperinflation aux USA, des retraites réduites à rien ou non payées, des zones sinistrées, des famines, des violences, des guerres. Cela peut être aussi l'occasion d'opportunités décisives qu'il ne faudrait pas laisser passer !

On peut croire qu'il ne s'est rien passé et qu'il ne se passera jamais rien, dans un présent éternel et sans fin. Comme dans toute bulle spéculative, le pari des parieurs c'est de croire au Père Noël et qu'on n'aura jamais à payer l'addition ! On peut croire aussi que tout est foutu et qu'on n'y peut déjà plus rien mais ce n'est vraiment pas le moment de baisser les bras quand c'est notre dernière chance sans doute et que l'avenir de l'humanité est entre nos mains comme jamais. Beaucoup plus qu'on ne croit, c'est le moment et l'heure : cette génération, cette année et quelques autres. A nous de jouer. La seule issue semble de repartir du local mais il faut bien avouer que je n'y crois qu'à moitié. Il va falloir essayer, naviguer à vue, avec des stratégies plurielles à différents niveaux. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne va pas s'ennuyer au moins et qu'on va pouvoir reprendre l'initiative !

Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien; c'est dans les occasions où tout est à craindre, qu'il ne faut rien craindre; c'est lorsqu'on est environné de tous les dangers, qu'il n'en faut redouter aucun; c'est lorsqu'on est sans aucune ressource, qu'il faut compter sur toutes. Sun Tse

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21 réflexions au sujet de “La conjonction des crises”

  1. Déclaration de l’assemblée générale des travailleurs insurgés d’Athènes

    mercredi 17 décembre 2008

    DEPUIS LE BÂTIMENT LIBÉRÉ DE LA GSEE

    Nous déterminerons notre histoire nous même ou nous la laisserons être déterminée sans nous.

    Nous, travailleurs manuels, employés, chômeurs , intérimaires et précaires, locaux ou migrants, ne sommes pas des téléspectateurs passifs.

    Depuis le meurtre d’Alexandros Grigoropoulos le samedi soir, nous participons aux manifestations, aux affrontement avec la police, aux occupations du centre ville comme des alentours. Nous avons dû maintes et maintes fois quitter le travail et nos obligations quotidiennes de prendre les rues avec les lycéens, les étudiants et les autres prolétaires dans la lutte.

    NOUS AVONS DECIDE D’OCCUPER LE BATIMENT DE LA CONFEDERATON GENERALE DES TRAVAILLEURS EN GRECE (GSEE)

    Pour le transformer en un espace de libre expression et un point de rendez-vous pour les travailleurs,........

    anarsonore.free.fr/spip.p...

  2. Ce qui est stupide, c'est de ne pas voir que toutes ces "strates" (notez que stratifier la réalité, c'est déjà décomposé la totalité. Or la réalité est une totalité, non une stratification qui n'existe qu'à cause de la faiblesse cognitive de l'homme à penser la totalité en transformation) catastrophiques convergent avec une évidence criante vers l'autodestruction.

    Il faut vraiment être un optimiste fanatique pour mésestimer le poid des contradictions qui nous tombent dessus. Aucune mesure d'urgence, ni aucune mesure autoritaire ne pourra infléchir un cours de l'histoire déjà trop engagé dans son autodestruction.

    C'est trop tard est une phrase qui a beaucoup d'avenir.

  3. Bonjours Jean,
    Je me posais plusieurs questions
    Par monnaie locale vous pensez à créer une monnaie à l’échelle d’une commune ou d’une région ? Mai comment définir sa valeur ? La valeur d’un travail ? L’or ?
    Autre question, pour une économie localisé ne faudrait t’il pas une indépendance alimentaire et énergétique ? Que l’on pourrait acquérir par cette monnaie locale ? Qu’en est-il des structures administratives ? De l’éducation ? De la santé ? Sans parler de la sécurité ?
    Le concept est vraiment intéressent, cela donnerais vraiment une place prépondérante à l’humain. Mai le problème sera surement le pouvoir en place voulant protéger ces acquis. Cela ne peut ce résoudre sans violence ?

  4. Une monnaie locale qui peut être municipale ou sur une communauté de communes est proche des SELs. Ce sont en général des monnaies fondantes. La valeur nominale est soit l'équivalent d'1 euro, soit d'une heure. Le SOL est le meilleur projet opérationnel immédiatement. Une monnaie locale se gère politiquement, on décide sa répartition et les produits qu'on peut payer avec. Il n'est pas question de prôner l'autarcie ni la disparition de l'Euro, ce n'est qu'une monnaie complémentaire destinée à favoriser les circuits courts et fausser la concurrence au profit de la production locale. Evidemment pas de violence à craindre ! Je mets quelques liens :

    jeanzin.fr/2007...

    monnaies.locales.free.fr/

    Un mot sur les strates : vouloir nier que les totalités sont stratifiés et organisés revient à ne plus rien comprendre dans une confusion extrême. Ce n'est en rien un effet imaginaire, les niveaux de réalité sont réels comme les effets de surface, la peau sépare réellement comme toute membrane et les systèmes nerveux, sanguins, immunitaires sont bien différenciés avec leur degré d'autonomie bien qu'intégrés à la totalité du corps comme tous les organes. Il n'y a pas un seul bloc unifié et indifférencié, mais une totalité d'individus autonomes et d'organisations.

  5. Tout-à-fait d'accord avec ce qui ai dit dans ce texte. C'est vrai que c'est lamentable, et sûrement décourageant pour ceux qui agissent où militent, de constater que cette crise ne donne pas lieux à un véritable débat pour un changement de société! Pourtant , écologiquement parlant, la crise finançière est une divine surprise, ne seerait-ce que par la baisse d'activité. C'est affligeant si on repart de plus belle! Au fait, avez-vous lu "Comment les riches détruisent la planète" d'Hervé Kempf qui nous dessine un avenir vraiment effrayant!

  6. Pour trouver des solutions, on pourrait peut-être se demander comment on en est arrivé à ce point quasi catastrophique. Je me demande toujours quel est le degré de conscience des dirigeants. Ont-ils seulement entendu parler de complexité ? Le système est-il pervers au point que, plus que jamais, seuls les moins éclairés mais les plus conformistes ou cyniques y sont favorisés et peuvent parvenir le plus facilement au pouvoir ? Existe-t-il des dirigeants vraiment conscients de cette conjonction des crises ? Sont-ils finalement impuissants ?

    En bref, mon interrogation, c'est comment faire remonter la connaissance vers les pouvoirs centralisés (vaste programme !). Je n'oublie pas le développement du niveau local mais je suppose qu'il existera toujours des pouvoirs centraux. De ce point de vue, internet ne peut-il pas devenir essentiel ? Historiquement, a-t-il existé des sociétés capable d'utiliser à bon escient les connaissances disponibles ?

  7. je ne suis pas sur de comprendre ce que vous entendez par hyperinflation. j'ai bien sur en tête la petite histoire des assignats ou de la république de weimar , mais j'ai du mal à comprendre ce qui pourrait en être la cause ( les liquidités offertent aux marchés financiers récemment, la dévaluation généralisée à venir ) alors qu'a suivre "contre info"il semblait que nous nous dirigions vers une déflation ( par la dette) .

  8. Contre-Info parle effectivement de déflation (qui est un fait actuel) mais aussi des risques d'effondrement du dollar, et donc d'hyperinflation au moins aux USA, pour le futur proche. Ce n'est pas comme Tropical Bear qui pense au contraire qu'on entre dans une période longue de déflation.

    Le schéma c'est une inflation à cause de la croissance des pays les plus peuplés qui provoque une crise et donc une récession qui tire les prix à la baisse (le pétrole par exemple) mais pour éviter un blocage de l'économie le Trésor américain déverse des dollars par milliards ce qui devrait logiquement amener à une perte de confiance dans le dollar et à son effondrement (qui devrait déjà avoir eu lieu mathématiquement). La dévaluation du dollar en renchérissant les importations devrait provoquer une hyperinflation aux USA tout comme en Allemagne pendant la dépression.

    L'hyperinflation n'a pas de raisons de se produire ici mais au contraire un Euro trop fort créant beaucoup de chômage (ce qui rend les monnaies locales d'autant plus vitales). Ce n'est qu'au stade de la reprise mondiale que l'inflation devrait revenir en Europe à moins d'un changement total de politique de la BCE. Il faudrait que je le précise dans le texte.

    Sinon il y a bien eu des sociétés capables d'utiliser les connaissances disponibles, on peut citer Alexandre le Grand élève d'Aristote ou bien d'autres monarques éclairés, mais la construction d'une intelligence collective et d'une démocratie cognitive est bien notre problème actuel dont je souligne depuis longtemps la difficulté. Il y a quand même plus que des ébauches avec le GIEC. L'expérience actuelle d'un comité d'éthique mondial auprès de l'ONU me semble moins convaincante pour l'instant, ce n'est pas évident de trancher dans la diversité des points de vue, mais il y a des tentatives et il est vital qu'on y arrive même si cela passe toujours par des échecs qu'il faudra corriger.

  9. La FED et le gouvernement américain ne peuvent pas éviter la déflation même en baissant les taux à 0 vu que tout le monde aux US est endetté, ils peuvent par contre éviter l'hyperinflation en pratiquant des taux normaux mais ils ne seraient pas populaires.

  10. L'hyperinflation viendra de l'extérieur par dévaluation du dollar suite à la perte de confiance des Chinois notamment qui peuvent réorienter leur épargne, c'est même de plus en plus probable même si ce serait suicidaire pour eux provoquant ce qu'ils craignent, c'est pourquoi je pense que le signal ne viendra pas de Chine mais de pays qui sont moins dépendants des Etats-Unis. C'est ce qui devrait se produire mathématiquement mais on ne sait combien de temps il faudra. Dans ce cas la hausse des taux pourra certes limiter la casse mais la casse sera énorme car c'est tout un système qui s'écroule. Bien sûr avec un taux à zéro il y a de la marge, on ne sait jamais, j'ai quand même l'impression que dès que le dollar sera attaqué sa valeur réelle sera bien inférieure à sa valeur de monnaie de référence qu'elle ne sera plus. Rien n'est sûr mais ce n'est qu'un aspect de la question, si ça ne craque pas de ce côté, il faudrait que ça ne craque pas des autres, cela ne peut être pour très longtemps...

  11. Bonjour Jean,

    C'est toujours un peu revigorant de se rappeler que des initiatives locales (SEL/SOL) existent déjà depuis un certain temps, et qu'effectivement une solution, si solution il y a, passe par l'invention de tels mécanismes ("agir en connaissance, conscience et imagination" disait Laborit).

    Cela étant je ne suis plus très certain que nous ayons le temps de la connaissance (du moins à l'échelle de la société, éventuellement quelques mouvances) ... Car il faut d'abord dé-construire un certain nombre de mythes et croyances (mesure de la richesse, mérite, travail, famille, frontières, propriéte, etc) et redonner du sens pour avoir une chance de ne pas reconstruire la même chose, si opportunité de refondation il y a. Or je ne suis pas certain qu'une "désorganisation totale du système" (ou un effondrement de la structure socio-économique) soit une situation favorable à une déconstruction sereine.

    Je partage l'idée que la conjonction des différentes crises constitue au fond une opportunité ... mais je suis assez sceptique sur le fait que les faiseurs et profiteurs du système s'en emparent ou laissent leurs ouailles le faire. Certes effondrement il y aura (mais quelle portée?), on aura beau mettre la tête dans un trou ou faire des incantations, cela n'y changera rien.

    Mais je ne crois pas en la dissolution totale de ce système. Dans ma boule de cristal j'ai vu qu'il restera des agrégats (du type des pôles régionaux) qui seront des sociétés de la privation (en opposition à la sobriété). Les systèmes rationnement seront le quotidien (l'angleterre est à la pointe du progrès en la matière, http://www.futura-sciences.com/f... mais nous ne sommes pas loin).
    Les technos de contrôle individuel sont déjà prêtes, il s'agit plus d'une question organisationnelle et pour le moment d'acceptabilité.

    Face à la privation de moyens et ressources, les charges (tout ce qui ne contribue pas à court terme à la survie de l'agrégat) seront "éjectées" de ces agrégats. Il y aura alors de grands espaces "de vide" entre ces archipels.

    J'en arrive à penser que c'est dans dans la perspective ces espaces qu'il faut penser les solutions (coopération, économie de la gratuité, autogestion, etc), faute de quoi on se retrouvera avec des zones à la madmax (et pour autant que la présence des agrégats ne soient pas trop toxique!).

    "Quelque critiques que (...) qu'il faut compter sur toutes".
    Ouais... raffarin appelle ça la "positive attitude" 😉

  12. 1. D'abord je rappelle qu'à cause des spams lorsqu'on met un lien dans son commentaire il est filtré et il faut attendre que je le valide pour qu'il apparaisse.

    2. Il me semble assez paradoxal de qualifier de "positive attitude" la citation de Sun Tse (que d'ailleurs je n'ai pas retrouvée dans son "art de la guerre"), on pourrait la qualifier plutôt de "négative attitude" puisqu'il ne s'agit pas d'attendre que ça s'arrange tout seul mais de se battre sur tous les fronts et, simplement, de ne pas baisser la garde avant la bataille. L'idée, c'est surtout de ne pas se fier à une seule stratégie mais de faire feu de tout bois. Ce n'est certes pas le moment de désespérer quand les luttes reprennent même si, on est bien d'accord, c'est loin d'être gagné d'avance puisqu'au contraire tout semble perdu...

    3. Je ne suis absolument pas persuadé donc que la désorganisation du système soit la situation la plus favorable mais c'est la nôtre et il faut essayer d'en tirer tout le parti possible. J'ai déjà insisté plusieurs fois sur le fait qu'il ne peut y avoir dissolution totale de l'ancien système ni de fin du capitalisme dont ce n'est pas la première crise mais qu'il y a toujours une pluralité de systèmes. On sort juste du totalitarisme de marché, pas de l'économie de marché elle-même, et nous devons construire une économie mixte ou plurielle avec différentes logiques, différents niveaux (local, national, européen, mondial).

    4. Je peux bien sûr me tromper mais je ne crois pas aux évolutions à la Mad Max, je ne crois pas aux évolutions linéaires mais aux retournements dialectiques et donc au retour de la solidarité. Tout comme le nazisme a fini par être vaincu, c'est l'individualisme anglo-saxon qui s'écroule avec ses techniques de contrôle et son traitement abject des pauvres. C'est pourquoi je ne crois pas à un éclatement de l'espace mais à une reconquête du territoire au contraire, un localisme mondialisé, un retour de la politique enfin.

    5. L'homme c'est la liberté, nous sommes de plus en plus libres même si ce n'est pas sans régressions et que toute autonomie a sa contrepartie de dépendance. Non seulement l'esprit a besoin de liberté mais le travail matériel valorise l'autonomie. Malgré toutes les nouvelles technologies de contrôle et la surveillance généralisée, nous aurons donc de nouvelles libertés à conquérir même si, encore une fois, ce n'est pas gagné d'avance, il faudra les conquérir et il y aura bien des défaites avant une éventuelle victoire.

    Ce n'est pas parce qu'on passe par le pire que cela ne débouchera pas sur le meilleur, ce qui ne veut pas dire forcément un avenir radieux car ça chauffe, oui, il y a urgence, notre dernière chance peut-être ? On peut appeler cela de la pensée positive...

  13. Il semble quand même qu'Obama augmente les chances de s'en sortir avec un capitalisme vert un peu moins libéral :
    http://www.dedefensa.org/article...

    C'est déjà un progrès énorme mais encore faudrait-il que le plan soit à la hauteur de la crise ce dont on peut douter même s'il en reconnaît la gravité semble-t-il. Il faut se rappeler que le New Deal de Roosevelt n'a pas vraiment permis de sortir de la crise mais seulement la guerre avec des sommes investies 10 fois supérieures ! De plus, le poids de la dette est double par rapport au PIB de ce qu'il était en 1929 ! Tout cela laisse penser plutôt que les mesures prises permettront juste de faire durer en longueur la crise peut-être en amortissant ses effets les plus funestes, y compris pour l'énergie et le climat ?

  14. M. Zin,

    Que pensez-vous de l'hypothèse de l'effondrement défendu entre autres par Jared Diamond et que vous aviez vous même mis en exergue il y a peu?
    Courrier international traite intéressement de ce sujet dans son dernier numéro. Avec d'autres analyses comme celles de Joseph Tainter traitant de la fragilité des sociétés complexes faisant de la nature même de ces sociétés plus que les guerres, pandémies, et crise environnementale le facteur majeur de disparition de ces sociétés.
    Car si je ne crois pas à un effondrement civilisationnel complet, je pense que des poches puissent subsister peut-être en amérique latine, il ne me semble pas invraisemblable que cela puisse se produire pour notre monde actuel.
    Merci de votre réponse.

  15. Je n'ai pas lu encore Courrier International mais nous savons que les civilisations sont mortelles, il suffit d'attendre un temps plus ou moins long... J'avais écrit un petit article sur le sujet avant Collapse de Jared Diamond auquel je reproche d'ailleurs de ne pas prendre assez en compte les causes internes, en particulier les inégalités pas seulement les résistances idéologiques :
    jeanzin.fr/2005...

    Un exemple d'effondrement peu connu est celui de l'empire Hittite, première société totalitaire militarisée qui a sombré dans la guerre civile dès que le général vainqueur a semblé trop puissant au guide suprême! Ceci pour dire qu'un effondrement est d'autant plus probable que la société est pyramidale, de même qu'il est plus facile de conquérir un pouvoir centralisé. L'effondrement est beaucoup moins probable et surtout moins complet lorsqu'il y a une large décentralisation.

    Tout dépend de ce qu'on entend par effondrement. Il est vrai que lorsqu'on dépasse un certain degré de complexité il y a un effondrement de la complexité mais qui n'est pas forcément catastrophique. Une erreur courante est de croire que plus un organisme est complexe, plus il est fragile alors que c'est le contraire. C'est ce qu'on comprend d'ailleurs avec le lac victoria dont parle le film "le cauchemar de Darwin" où il y a certes eu une perte dramatique de biodiversité mais sans perdre sa productivité biologique car il y avait dans la biodiversité précédente des organismes adaptés à l'eutrophisation du lac. Par contre un nouveau changement brusque de l'environnement ne permettrait pas une telle adaptation par insuffisance de biodiversité désormais. Tout ceci pour dire qu'un véritable effondrement peut venir de 2 chocs successifs. Ce qui pourrait être le cas si la crise climatique s'ajoute à la crise économique mais l'internet est solide du fait même de sa complexité et qu'il n'est pas centralisé.

    Il n'y a donc aucune impossibilité d'un effondrement de notre civilisation mais je crois que c'est bien prématuré et pas encore inéluctable. C'est plutôt du côté climatique que je crains le pire où les dégagements de méthane marin pourraient empoisonner l'atmosphère avec du sulfure d'hydrogène provoquant une extinction de masse, risque réel dont on ne parle pas assez et sur lequel j'ai voulu attirer l'attention depuis le mois de novembre 2006 :
    jeanzin.fr/2006...

    Pour l'immédiat, il y aura bien un effondrement de l'activité mais sans doute pas du système et pas partout. On peut connaître pendant un certain temps une période comme l'Argentine en a connu mais je m'attends plutôt à un renforcement du système et de la mondialisation en fin de crise. Bien sûr je ne sais pas ce qui va se passer, s'il y a utilisation de l'arme atomique ce sera tout autre chose, mais pour l'instant la dépression devrait être sévère sans bloquer tous les flux ni tomber dans l'anarchie. On peut penser que notre technologie, notamment informationnelle, devrait réduire le temps de désorganisation. Rien à voir avec la chute de l'Empire Romain et le moyen-âge qui a suivi !

  16. Je sais qu'exposer la situation actuelle telle qu'elle est et céder à la psychose est une des pires solutions; mais je suis étonné qu'il n'y ait pas plus de forums développant des thèmes que vous abordés, car il me semble que si nous devons faire appel à l'intelligence collective le moment me semble plus qu'approprié d'informer la population et faire le pari de son intelligence et sa mobilisation.
    Peut-être suis-je encore trop confiant dans le politique et que si solution il y a se ne sera que d'une convergence d'initiatives privées, locales et nationales?
    Cette époque a ceci de fantastique qu'elle ouvre de nouvelles perspectives alors que trop souvent la communication et le sentiment général sont de fermeture.
    Le pari de l'intelligence et de la réflexion ne me semble donc pas aussi vain qu'avant et si les instruments politiques manquent, la nécessité de refonder la socièté elle demeure. Aussi je pense que vous faites oeuvre de secours public et vous remercie de cela. D'ailleurs j'ai une question à vous poser si vous nommiez votre démarche comment la qualiferiez vous? Est ce que se serait celle d'un écologisme politique enfin affiché, plein et entier, d'un cybermarxisme, ou d'une révolution écologiste?
    En tous cas je ne crois plus à la révolte comme suffisante pour solution possible!

  17. Pour préciser ma pensée je dirais que la communication, télévisuelle s'entend est trop à la propagande, l'abêtissement, et donc fermeture mortelle sur ce qui pourrait animer un élan porteur de nouvelle démocratie et mode de vie!
    Qu'internet et les nouvelles technologies ne sont nécessairement synonymes de Big Brtoher, privations et qu'il nous faut plus que jamais nous les approprier comme espace de liberté et création et encore plus les démocratiser en France comme à l'étranger.
    L'usage des technologies n'a jamais eu quoique certains peuvent en dire que l'amélioration de la condition humaine, voire sa survie, le fait qu'elle use de moyens commerciaux ou contournés n'en évacue pas la nécessité.

  18. Bonjour, comment se fait-il que le GIEC n'a pas communiqué, lors de leur dernier compte-rendu, de ce problème avec le méthane qui est je crois 20 fois plus effet de serre que le carbonne? En tout cas, je ne me rappelle pas en avoir entendu parlé...

  19. La question du méthane est loin d'être réglée. Les premières études étaient plutôt rassurantes. Ainsi au mois de janvier 2008 on nous assurait qu'il n'y avait pas vraiment de risque mais depuis les dégagements de méthane marin observés sont bien supérieures aux prévisions. Tout le problème est celui du temps que prendra la fonte du pergelisol et du méthane marin. Tout le monde sait que les dégagements de méthanes peuvent créer un emballement rapide du climat mais pour l'instant cela ne semblait pas imminent, sauf qu'on sait maintenant que c'est sous-estimé. Pour moi, c'est assez simple, dès qu'on aura dépassé le maximum depuis la dernière glaciation il y a 12 000 ans le risque sera maximum et on n'en est pas loin. Le problème, c'est que non seulement on n'a aucune certitude sur la date d'une telle catastrophe mais si ça se produisait, on n'y pourrait plus rien, pas la peine de vouloir essayer de combattre un emballement si explosif. Le méthane est 23 fois plus puissant que le CO2 mais agit à plus court terme, plus rapidement mais moins longtemps car il se dégrade plus vite aussi. C'est comme une explosion de chaleur suivie d'un refroidissement sévère, les écarts de température décimant la plupart des populations. Difficile d'en parler dans l'état actuel de nos connaissances, on devrait savoir pourtant que c'est la plus grande menace (beaucoup le savent et le disent).

    A part ça, je pense que beaucoup de forum discutent de ces questions, ce que je dis n'est pas si original et je ne sers certainement pas à grand chose sinon à quelques uns, mon audience restant très confidentielle.

    J'ai d'abord nommé mon site "écologie révolutionnaire" pour contester l'écologie gestionnaire et affirmer la nécessité d'un changement de système. Le terme révolutionnaire me rapproche hélas de tous les excités de la Terre et d'extrémismes imbéciles, il vaudrait peut-être mieux parler d'alternative écologiste mais ici on peut croire qu'on parle de néo-babas. C'est, en tout cas de l'écologie-politique (je mets souvent le tiret) à l'ère de l'information (pourquoi pas cybermarxiste mais bien trompeur encore une fois et oubliant la relocalisation), c'est surtout une écologie qui change la production et le travail.

  20. J'ai quand même l'impression qu'il y a un gros problème d'information. Même si la question du méthane n'est pas tranchée, elle devrait être traitée au 20 heure de tf1, de france 2, etc...Avec le dérèglement climatique, là on respecte jusqu'au bout la présomption d'innocence!...Par contre, dès qu'un Allègre ou l'autre zozo de la météo attaquent les climatologues alarmistes, les portes des télé et radio sont grandes ouvertes! Et leurs propos trouvent vraiment un écho dans la population, car ce sont des discours déculpabilisant sur nos modes de vie. Même moi qui suis alarmé depuis un bout de temps, je sens bien que çà doit faire son effet chez ceux qui sont encore dubitatifs...

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