Il est à l'évidence trop tôt pour déclarer la fin de la guerre, avec le risque d'être démenti aussitôt, mais les derniers événements me semblent avoir opéré un retournement surprenant de la situation, non seulement en Ukraine mais dans le monde. D'abord, sur le plan militaire, la redoutable efficacité des armes de précision alliées aux drones de reconnaissance rend très vulnérables aussi bien les tanks que les navires ou les avions beaucoup plus onéreux, démonstration qui a pu décourager les Chinois de profiter de la guerre en Ukraine pour attaquer Taïwan. Si les succès de la contre-offensive ukrainienne paraissent décisifs à ce stade, ils confortent surtout la suprématie occidentale (américaine), c'est-à-dire, très logiquement, des économies les plus avancées. On ne peut exclure une riposte des Russes arrivant à renverser le rapport de force mais on ne voit pas comment - la menace du nucléaire brandie en vain ne pouvant être acceptée notamment par la Chine dont Poutine a besoin.
L'événement le plus important a effectivement eu lieu le 16 septembre, au sommet de l'OCS (Organisation de la Coopération de Shanghai) à Samarcande où l'on a vu un Poutine très affaibli et n'obtenant de Xi Jinping qu'un soutien verbal, au nom d'un monde multipolaire opposé à l'hégémonie américaine, mais aucune mesure concrète. Le dirigeant chinois manifestait même un mépris visible envers le perdant et l'état de son armée, les "explications" promises par Poutine sur son opération aventureuse ne pouvant aller bien loin, alors que l'engagement pris devant Narendra Modi de terminer vite la guerre prenait plutôt un air de défaite.
Tout est encore possible sans doute, la guerre est encore loin d'être gagnée mais l'essentiel, c'est la position défendue par la Chine et l'Inde de garantir la stabilité internationale et la primauté de l'économie, ce qui rend la guerre obsolète dans ce monde globalisé. L'expérience actuelle le fait assez sentir aussi bien pour l'énergie et les céréales d'un côté que les composants électroniques de l'autre. Cette séquence pourrait donc annoncer une véritable fin de la guerre dans un monde unifié ? Il ne faut pas aller trop vite, ce n'est pas pour tout de suite. On n'en a pas fini avec les guerres en Afrique ou au Moyen-Orient, entre autres, mais si on assistait au renoncement à une troisième guerre mondiale évitée de justesse, ce serait un (non-)événement extraordinaire, certes avec moins de fracas qu'une déclaration de guerre mais qui mérite qu'on le célèbre.
Il y a tant d'inconnues qu'on ne peut prédire la suite, Poutine pourrait être renversé, Erdogan ne pas être réélu, Biden perdre les élections, bien qu'il ait considérablement renforcé la puissance américaine, l'Europe même pourrait se fasciser. Du moins plus le temps passe et plus l'unification planétaire deviendra prépondérante sur tous les plans (écologique, épidémique, économique, technologique, médiatique, démographique) malgré les résistances de toutes sortes et la montée de la xénophobie anti-immigrés qui est le chant du cygne d'une époque révolue. Dans la course entre les enjeux planétaires et les forces contraires, on aurait ainsi gagné une nouvelle partie et donc gagné du temps, ce qui n'est pas rien même s'il faut le redire, on n'est pas à l'abri d'un coup de folie trop humaine. Dire qu'il n'est pas impossible que l'après-guerre soit donc assez joyeux, temps de reconstruction et de reconversion écologique, paraîtra bien ridicule si les choses tournent mal, cela n'en fait pas moins partie des réels possibles à cette date.
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