Selon l'International Energy Agency (IEA) les prix du pétrole devraient repartir nettement à la hausse à partir de 2020 au moins. Bien sûr, les prédictions là-dessus ne sont jamais complètement assurées car cela dépend de nombreux facteurs (politiques, économiques, financiers, techniques) mais c'est tout de même plus que probable pour deux raisons principales : le développement de l'Inde et l'arrêt des prospections depuis la chute des prix.
Il est important de souligner cet état de fait alors qu'une relativement faible augmentation des taxes sur les carburants à provoqué un mouvement général de protestation mais il est tout aussi important de faire le bon diagnostic sur les causes de cette raréfaction à distinguer d'une prétendue fin du pétrole. On a déjà montré comme le thème de l'effondrement était trompeur dans sa supposée instantanéité où la clef de voûte retirée, toute la biosphère s'écroulerait alors qu'on a des situations très diversifiées et des temporalités en jeu souvent considérables. En fait cette conception de l'effondrement global se réfère plutôt aux crises économiques systémiques, dont la soudaineté surprend effectivement, mais aussi à une supposée fin du pétrole qui se traduirait en effondrement économique (alors que celui-ci diminuerait la demande d'énergie). La difficulté, c'est qu'on peut s'attendre malgré tout à un nouveau choc pétrolier même si ce n'est pas la fin du pétrole - de la même façon qu'il y a un choc robotique, pas une fin du travail, et qu'il y a bien un choc climatique même si ce n'est pas la fin du monde.
Il y a des années qu'on nous parle du pic pétrolier et d'une prétendue apocalypse pétrole qu'on nous promet toujours pour l'année prochaine. Le fait est que non seulement on n'a pas manqué de pétrole jusqu'ici mais que les prix sont tombés tellement bas qu'ils ont découragé les investissements. C'est une bonne chose car il faudrait arrêter d'extraire les énergies fossiles au lieu de craindre leur épuisement mais, d'un autre côté, cela rend moins rentables les énergies renouvelables et surtout, cela relance la consommation de pétrole qui est repartie à la hausse et devrait se heurter à une insuffisance de capacité assez rapidement - faisant flamber les prix, en attendant que de nouveaux puits soient ouverts (hélas). Ce ne serait donc qu'une tension temporaire sur les prix, de quelques années, concurrencée de plus en plus par les énergies renouvelables.
Les opinions sur le pic pétrolier ont beaucoup évolué selon les époques. Il était considéré comme inéluctable par les professionnels au début du siècle (les ingénieurs à la retraite en restant persuadés), puis réfuté ensuite par l'exploitation de nouvelles sources et un tassement de la demande (favorisé par la crise), faisant parler, au lieu d'un pic de l'offre, d'un pic de la demande. C'est ce qui est remis en cause désormais à cause principalement du développement des pays les plus peuplés, notamment l'Inde aujourd'hui avant l'Afrique demain (le charbon est concerné aussi). De quoi redonner apparemment un certain crédit à l'hypothèse d'un pic de production, sauf qu'il dépendra plus du prix que d'un épuisement absolu. Des accidents sont toujours possibles, notamment parce qu'on soupçonne un gonflement des réserves déclarées et que des guerres peuvent réduire la production brutalement, tensions qui peuvent être graves mais seront loin d'un fin abrupte du pétrole et d'autant plus atténuées avec le temps et l'arrivée de carburants de substitution ou des voitures électriques (plutôt que de mettre à la casse des voitures en état de marche pour acheter de nouvelles voitures électriques, il serait quand même plus écologique de proposer des biocarburants à partir de déchets, et non de terres cultivées).
Il y a de grandes incertitudes mais il ne faut pas se fier aux dernières baisses, les fluctuations du prix du pétrole promettent d'être assez importantes et perturbantes. Ce qui sera d'actualité lorsque les hausses se produiront serait plutôt de baisser les taxes, la priorité devant rester d'investir dans les énergies renouvelables, d'en faire le coeur du développement économique des années à venir afin de nous libérer au plus tôt de notre dépendance aux énergies fossiles. Plutôt que cet imaginaire de l'effondrement définitif ou de ce qui nous en sauverait miraculeusement, il faut prendre conscience de tout ce que nous aurons à faire dans la durée et s'engager sans attendre dans la transition effective malgré l'insuffisance de nos moyens et même s'il y a bien d'autres problèmes à régler que l'énergie et le climat pour préserver nos conditions de vie (notamment la relocalisation).
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