A l'heure qu'il est, l'hypothèse du déclenchement d'une guerre meurtrière en Europe ne semble pas la plus probable tant ce serait une folie. Toutes sortes d'organismes et d'intérêts plaident pour calmer le jeu mais, voilà, cela ne tient qu'à un fil, on marche sur des oeufs et le moindre coup de feu pourrait rendre la situation irréversible.
C'est l'occasion de comprendre comme l'histoire échappe à ses acteurs malgré tout ce qu'on nous serine à longueur de temps. Certes des trésors de diplomatie pourraient désamorcer la montée des tensions, mais il n'y a là rien d'assuré. La première chose à souligner, c'est à quel point nous dépendons entièrement de ce qui se passe loin de chez nous, d'enjeux historiques qui nous dépassent et d'un excité quelconque pouvant servir d'étincelle à cette poudrière. Ce qui nous rend si dépendants, ce sont les traités qui nous engagent, tout comme en 1914 ou 1939. Ici, nous serions impliqués par ricochet de notre appartenance à l'OTAN mais les USA et la Grande-Bretagne se sont engagés plus directement à défendre l'intégrité de l'Ukraine en contrepartie de leur abandon de sa puissance nucléaire héritée de l'URSS.
Dire que ce sont les hommes qui font l'histoire est donc bien éloigné des réalités, notre liberté individuelle ne comptant pour rien dans l'affaire, sauf à s'imaginer que tout vient de la folie d'un seul homme, Poutine, qui n'aurait aucune raison de vouloir conserver la Crimée et soutenir ses alliés d'Ukraine, en dehors même de ses problèmes intérieurs et d'une propagande éhontée qui n'est pas forcément pire que celle des Etats-Unis dans leur guerre contre l'Irak (entre-autres). Il y a à la fois des enjeux de puissance, des enjeux économiques et un arrière-plan historique qui ne peut être ignoré. Les causes sont bien objectives et ne tiennent pas à la psychologie des dirigeants qui sont empêtrés dans des contraintes contradictoires impossibles à démêler. Loin d'en être les acteurs, nous sommes embarqués dans une aventure on ne peut plus risquée, qu'on ne comprend pas bien, sauf à répéter la propagande de nos médias, spectateurs malgré nous d'un désastre annoncé.
Encore une fois, rien n'est joué, la raison devrait l'emporter. Le réalisme des forces en présence ne laisse aucune chance à la Russie, qui d'ailleurs, pour cela, joue assez finement pour l'instant, sans véritable recours aux armes encore, bien qu'elle les exhibe dangereusement. Il faut souligner cependant un autre danger, celui de notre faiblesse qui peut brouiller assez le jugement de l'adversaire jusqu'à ce qu'il fasse l'irréparable (comme dit Lacan "la vérité pour tous dépend de la rigueur de chacun"). Il ne suffit donc pas d'être pacifiste et de manifester toutes ses bonnes intentions. Il ne suffit pas d'être gentil, de faire preuve de tolérance et d'amour. Si on veut la paix, il faut préparer la guerre, hélas ! Ce n'est pas pour rien qu'on dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions, ce qu'on a toujours autant de peine à croire...
On est là dans l'histoire telle qu'elle se déroule et non telle qu'on se la raconte. Pas plus que dans l'évolution technique, ce ne sont les hommes qui sont aux commandes dans ces dernières étapes de l'unification du monde. Nous sommes pris dans les mouvements de l'histoire comme dans l'accélération technologique, suspendus à son verdict : nous réveillerons-nous en guerre demain matin, ou bien la diplomatie fera-telle des merveilles encore une fois ? En tout cas, notre avis ne compte guère...
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