Ce que la pensée, en tant qu'elle est percevoir, perçoit, c'est le présent dans sa présence. [p166] Le trait fondamental de la pensée est la re-présentation. [p167] Toutefois nous ne pensons pas encore en mode propre, aussi longtemps que nous ne considérons pas en quoi l'être de l'étant repose, lorsqu'il apparaît comme présence. [p169]Heidegger, Que veut dire "penser" ?
D'être revenu récemment sur le nazisme de Heidegger m'a fait mesurer à quel point sa conception de la pensée (comme présence tournée vers son origine, recueil d'un sens déjà donné, simple perception enfin) était étrangère à ma propre expérience (mise en relations et travail critique de réflexion d'un savoir en progrès dans l'épreuve historique de ses contradictions). Bien sûr tout dépend de ce qu'on désigne comme pensée, simple flux de la conscience, reconstitution de mémoire, exercice logique, examen rigoureux, choix décisif ou rêverie poétique (voire érotique). Il est d'autant plus étonnant d'avoir réduit ainsi la pensée (et le langage) à un simple recueillement d'essence religieuse et dépourvu de toute négativité même si la présence est chez lui aspiration à l'être, tension vers l'objet de la pensée. Là-dessus, les critiques de Derrida, dans "La voix et le phénomène", restent très utiles, montrant comme cette métaphysique de la présence (ou mystique de l'authenticité) compromettait toute la phénoménologie (et l'existentialisme). Il vaut d'y revenir car, politiquement, on sait où peut mener la surévaluation de l'origine mais c'est un peu la même chose avec la "tradition révolutionnaire", à vouloir "refaire Mai68" par exemple, comme si on n'avait rien appris de ses errements, au lieu de proclamer un nouvel âge de liberté capable de reconnaître ses erreurs.
Si le monde avait été créé, ayant son origine dans la pensée d'un dieu créateur ou grand architecte, il trouverait bien sens dans cette intentionnalité première mais ce n'est justement pas le cas et ce pourquoi la philosophie doit rompre avec la religion (et son onto-théologie). En réalité, le monde, et singulièrement le monde de la vie, se crée plutôt lui-même avec le temps à travers d'innombrables processus d'interactions, évolution créatrice qui n'a rien de prédéterminé ni de définitif. La vérité n'est pas au départ dans un dévoilement de l'être nous menant droit au but mais se construit pas à pas, par essais erreurs, certes à partir de "niches écologiques", d'ouvertures effectives des possibles, mais comme à tâtons, en sortant des représentations illusoires de notre rationalité limitée et notamment d'un obscurantisme primitif consistant essentiellement à donner une intention aux choses et projeter sur elles nos désirs ou nos craintes. C'est là où la phénoménologie trouve sa limite et doit laisser place à l'historicité d'un savoir en construction, abandonnant l'immédiateté de la présence à soi d'une intentionnalité qui est tout autant constituée que constituante et se transforme à l'expérience du réel, ne restant pas plus immuable qu'aucun organisme vivant (même s'il y a des vérités géométriques qui ne changent pas). Le premier pas ne décide pas toujours du dernier, comme s'il n'y avait que l'ivresse des commencements, à jamais perdue, et aucun apprentissage, aucun événement pour dévier notre route dans une vie déjà vécue et toute tracée d'avance.
Malgré Parménide ou Héraclite qui peuvent en donner l'illusion, il n'y a pas de place dans l'évolution humaine pour un savoir premier nous engageant avec assurance vers notre destinée (les arabes ont engagé le grand mouvement de traduction sur cette croyance d'un savoir perdu). Certes, il y avait déjà du temps des Grecs et de leur usage extensif de l'écriture, une lente sédimentation des savoirs et des sagesses anciennes avec toutes les apparences d'une connaissance originaire (mythique) qu'on retrouve dans la langue (et la pensée de Heidegger tend vers la simple étymologie où ce sont les mots qui parlent, sans voir que tout commence par leur écriture). Certes la nouveauté rend visible ce qui sera ensuite enfoui sous l'habitude et il y a sans aucun doute dans la naissance de la philosophie une spontanéité qu'on perdra en partie par la suite (comme d'un rock vieillissant!). Cependant, les sciences au moins nous l'ont appris, même si elles "ne pensent pas", c'est l'erreur et l'ignorance qui sont originaires, les connaissances scientifiques étant souvent contre-intuitives et conquises sur nos évidences premières. De sorte que les histoires qu'on se raconte depuis que nous parlons, n'ont que peu de rapport avec la façon dont les choses se passent réellement dans une suspension du sens et l'indétermination de l'avenir. Il n'y a pas de fidélité à l'histoire qui tienne, même si on se situe toujours dans une trajectoire historique. L'histoire comme la vie ne continuent qu'à corriger leurs erreurs, à savoir changer de cap. L'histoire comme la vie ne continuent qu'à éviter leurs dérives, où ce qui continue ne nous porte qu'à s'opposer activement au cours des choses. C'est le mystère de l'existence, d'une lutte contre l'entropie et toutes les forces de destruction par la grâce de réactions héritées ou apprises qui nous font bien les fils du passé - mais constamment obligés d'innover, de se projeter dans le futur et se battre contre un avenir funeste, toujours entre un avant et un après. De sorte qu'on peut dire que ça pense pour nous, que la pensée nous est largement extérieure imposée par les événements et qu'elle nous change, nous désabuse ou nous dément plus qu'elle ne conforte nos croyances enfantines.
Lorsque Aristote examine les opinions des philosophes qui l'ont précédé sur une question, c'est pour les critiquer et non pour s'en inspirer ou revenir à la source. Il faudra attendre Hegel pour qu'on s'en aperçoive et qu'on intègre l'histoire dans la philosophie avec sa dialectique négatrice, toujours partielle mais faite de reniements et de renversement de modes qui se jouent de nous. Dès lors il ne faut attendre d'aucun philosophe une révélation pleine et entière mais seulement un moment provisoire de notre compréhension, d'une vérité qui est sujet en devenir. C'est sur une autre temporalité que se manifeste la dimension historique de l'existence face à l'angoisse de sa propre disparition (qui nous met en cause dans notre être). On pourrait dire que l'erreur de Heidegger serait d'avoir cru trouver là un point d'appui aussi solide que le cogito cartésien, une présence enfin authentique malgré son impermanence et sa fragilité, conscience de l'existence s'opposant à l'inauthenticité ordinaire, et d'en faire une norme introuvable dont il ne pouvait que constater l'oubli et la rareté puisque c'est plutôt la non-présence à soi qui est originaire (Derrida p97), absence attribuée dès lors à l'histoire de l'Être, tombant dans l'illusion narrative en même temps que dans une négation de l'histoire pour se soustraire à sa propre historicité - un peu trop datée effectivement dans son terrible siècle. Le "retour aux choses même" recouvertes par les discours donne l'illusion d'une virginité originelle on ne peut plus fausse alors que le cheminement de l'apprentissage va du collectif à l'individuel, des préjugés, du dogme, du récit mythique, de l'abstrait enfin au concret, au questionnement, à l'observation et à la science objective. La phénoménologie, comme simple description des phénomènes en leur apparition, vient après la philosophie et notamment la philosophie de l'histoire (Kojève a montré qu'Être et Temps pouvait être lu comme une paraphrase de Hegel - ce qui étonnait beaucoup Heidegger réduit ainsi à son anthropologie). Il détestait le concept d'information dont il pressentait qu'il rendait sa quête sans objet par une plasticité cérébrale trop prosaïque dont le rôle est d'un détachement de son environnement originaire pour tendre vers l'universel, obligeant à faire le deuil d'une identité du sujet et de l'objet, toujours un peu décalée dans la disjonction entre l'expérience et son récit comme entre un sujet singulier et l'universel (principe d'incomplétude).
Rien de tel pour déconstruire la conception de la pensée comme présence que l'expérience de l'écriture qu'on lit et rature. En ce sens, on peut même dire qu'on ne pense que lorsqu'on écrit, c'est-à-dire qu'on se relit. On n'écrit donc pas tant ce qu'on pense que pour savoir ce que l'on pense, le mettre à l'épreuve. Il est toujours étonnant de devoir se corriger et mesurer ses glissements de sens. Quand on parle on ne choisit pas ses mots contrairement à l'écrit qui ne peut plus dès lors revendiquer son authenticité mais seulement sa véracité détachée de tout sujet au point qu'il n'y a qu'écriture de l'absence si ce n'est du deuil. Ecrire à la main peut encore garder à l'écrit un caractère fétiche qu'il perd complètement avec le numérique pour ne plus valoriser que son contenu reproductible. La ritournelle de Derrida sur le phono-logo-centrisme peut fatiguer, elle n'en rétablit pas moins une conception de la pensée plus juste que celle d'une présence à soi dans les séductions de la parole vivante (et Alain remarque très justement que dire "tout ce qu'on pense" c'est déraper à dire ce qu'en fait on ne pense pas vraiment).
En quoi l'écriture - nom courant de signes qui fonctionnent malgré l'absence totale du sujet, par delà sa mort - est-elle impliquée dans le mouvement même de la signification en général, en particulier de la parole dite "vive" ? p104
Mais cette différence pure, qui constitue la présence à soi du présent vivant, y réintroduit originairement toute l'impureté qu'on a cru pouvoir en exclure. Le présent vivant jaillit à partir de sa non-identité à soi, et de la possibilité de la trace rétentionnelle. Il est toujours déjà une trace. Cette trace est impensable à partir de la simplicité d'un présent dont la vie serait intérieure à soi. Le soi du présent vivant est originairement une trace. La trace n'est pas un attribut dont on pourrait dire que le soi du présent vivant l'est originairement. Il faut penser l'être-originaire depuis la trace et non l'inverse. Cette archi-écriture est à l'oeuvre à l'origine du sens. p95
Et contrairement à ce que la phénoménologie - qui est toujours phénoménologie de la perception - a tenté de nous faire croire, contrairement à ce que notre désir ne peut pas ne pas être tenté de croire, la chose même se dérobe toujours. p117
Il faudrait ajouter à cette non-identité à soi, l'incidence de l'énonciation sur la comédie de l'authenticité, sur une pensée qui n'est jamais pure et toujours sous le regard des autres, toujours en représentation (jusque dans les expériences mystiques qui mettent en scène les histoires qu'on nous a racontés). [Frédéric Worms a raison d'insister sur le fait de penser à quelqu'un, absent, la pensée étant le plus souvent un dialogue secret avec un autre contre lequel on argumente, auquel on répond, ce qui était très sensible pour moi dans ma relation à André Gorz et Jacques Robin mais qui met en scène le plus souvent des proches].
En tout cas, je suis assez étonné qu'il n'y ait pas eu plus de contestations de cette réduction de la pensée à la perception (entre présence et re-présentation). Il évoque la proximité de ce "souvenir pensant" avec la poésie, supposée porter elle aussi son attention sur l'essentiel, écoute sensible à la présence des choses mais qui est plus du côté d'une attitude religieuse que d'une pensée réflexive. Nulle négativité dans cette pensée qui s'approfondit et se raffermit elle-même jusqu'à prétendre, par une pirouette, qu'on ne pense pas encore, c'est-à-dire qu'on ne pense pas à ce qui donne le plus à penser et qui est l'impensé de la pensée...
Les idées nous viennent, mais d'où nous viennent ces idées, d'où nous viennent les mots ? Question qui se pose en effet des conditions de la pensée et de ce qui nous fait penser mais dont on ne peut évacuer les conditions matérielles et sociales (histoire, sociologie, psychologie) voire la situation pratique de l'énonciation la plus immédiate, son cadre le plus concret. Il ne s'agit pas de vouloir nier toute vérité au moment heideggerien de l'histoire de la philosophie mais d'en dépasser une certaine naïveté métaphysique et non-critique, en particulier en y réintroduisant la narration puisque penser n'est pas tant dévoiler la présence, recueillir les manifestations de l'être, que d'en faire un récit plus ou moins truqué adressé à quelqu'un. Il y a des pensées qui n'ont rien de la perception et fonctionnent plutôt comme écran de la réalité, ce qui n'est pas nier la part informative de la pensée mais qui est d'un autre ordre qu'une perception occupée à préciser ses représentations. En effet, tout dépend de l'intentionalité de la pensée, de sa motivation, son objectif. On peut se mettre à penser parce qu'on ressent son ignorance, qu'on se questionne, qu'on doute, qu'on manque d'information (définition même de la conscience). Valéry disait que "penser, c'est perdre le fil". Il en va tout autrement si on pense à sa belle en l'enjolivant ; si penser, c'est chercher des raisons à sa mauvaise foi, nourrir son ressentiment ou ruminer sa peine ; si penser signifie aussi croire et souvent faussement ; si notre rationalité limitée, l'état des connaissances, l'ordre du discours et divers facteurs sociologiques ou psychologiques ne déformaient pas nos pensées, la critique elle-même ne pouvant échapper à son parti pris. Il en va tout autrement enfin si notre capacité à délirer ne nous égarait si souvent, pas seulement avec les religions, et la plupart du temps au nom d'une logique implacable. Si donc notre pensée est facilement trompeuse et la conscience surdéterminée par l'inconscient, la réflexion serait plutôt là pour y penser à deux fois et dépasser nos préjugés par une dialectique acharnée opposant avocat et procureur, en multipliant les points de vues, les contre-arguments, en dressant des listes de cas et de possibles qui sortent de l'immédiateté de l'opinion. Penser devient alors une mise à l'épreuve, la recherche des contradictions, et de l'ordre de la reformulation au moins (dont on s'étonne souvent de la portée "paradigmatique"), sorte de déconstruction-reconstruction, quand ce n'est pas simple désillusion, très loin en tout cas d'une méditation monotone et sans réplique, telle que celle d'un moine en prière.
Ce travail du scepticisme ébranle nos certitudes et notre confiance en nous plus qu'elle ne les raffermit, docte ignorance qui inciterait plutôt à redoubler de prudence. La question de la pensée n'est pas celle de garder précieusement une authenticité immuable et qui nous soit propre, prise dans les mirages du narcissisme et de l'idéal du moi (ou identification au maître). La question n'est jamais celle de notre identité postulée, notre origine lointaine ou notre merveilleux destin, mais de savoir qu'est-ce qui arrive (et ce qu'on peut y faire) ? Penser, n'est pas seulement écouter passivement ce qui se passe, c'est devoir choisir, s'orienter dans l'action et, pour cela, pouvoir penser contre soi-même et changer d'avis en fonction des circonstances. En tout cas, toute pensée est située, même la plus abstraite, puisqu'il y a toujours quelqu'un qui cause. L'essence de la vérité est bien la liberté mais dans sa dimension pratique et ce qui en détermine l'énonciation. On n'a pas le choix, il faut choisir, prendre à droite où à gauche (et là, Heidegger a fait le plus mauvais des choix). La liberté est bien notre problème, celui d'une conscience sinon sans objet. Pas de quoi en rajouter pour autant, le choix lui-même est presque entièrement contraint, résultant simplement de la prise de conscience des contraintes et de leur évaluation, choix qui n'est le mien qu'à correspondre à mes intérêts ou mes valeurs et qui serait calculable si on ne savait quoi faire justement (ne serait-ce que par manque d'informations) - les tentatives d'introduire ici la mécanique quantique, sensée garantir une liberté sans cause, sont évidemment absurdes. Penser par soi-même n'est pas penser n'importe quoi, comme on nous y invite si souvent, encore moins agir arbitrairement. On a besoin de liberté d'action et d'auto-nomie mais pour faire le nécessaire en fonction de nos informations et de nos savoirs-faire (limités). Par contre, vouloir "choisir sa vie" serait excessif, tout comme de vouloir "être heureux" : on ne choisit jamais une fois pour toutes alors que choisir, on ne fait que cela dans la vie ; et c'est tout bêtement d'avoir fait les bons choix qui peut nous rendre heureux, dans le rapport aux autres ! L'avenir nous change qui n'est pas donné à l'avance, joyeuse incertitude de l'existence, quoiqu'on dise, du moins quand ce n'est pas dans une trop grande précarité.
De mille façons, de techniques du corps aux principes de sagesse comme à l'engagement dans les ordres religieux ou les grandes idéologies (mais aussi dans l'amour juré), c'est du fardeau de la liberté qu'on voudrait se délivrer semble-t-il, comme de la pensée alors même qu'on ne supporte aucun carcan et que nul ne peut s'arrêter de penser, et non pas seulement pour approcher de plus près son objet et continuer son chemin mais tout autant pour changer d'objectif et revenir sur ses pas. On ne doit aucune fidélité à nos erreurs de départ car c'est la leçon de l'apprentissage de devoir corriger ses erreurs premières. Il n'y a pas de savoir originel dans l'intentionnalité qui est déjà répétition mais se heurte à la désillusion dans sa rencontre avec le réel. La pensée reste sous l'influence du principe de plaisir à penser ce qui nous arrange - il n'y a pas désir de savoir constatait Lacan - mais on est vite rappelé à l'ordre par des contradicteurs et une réalité qui s'impose avec insistance malgré toutes nos réticences. Ce n'est pas tant d'une théorie de la connaissance qui se réglerait sur son objet dont on aurait besoin que d'une théorie de l'erreur, de tout ce qui nous trompe irrémédiablement, des divagations de la pensée qui part en tous sens et s'arrête obstinément sur des points de fixation. Cela n'empêche pas une histoire de l'esprit et des sciences en progrès, nous dégageant (péniblement) de l'impératif du sens et de l'ensorcellement des mots. En fait Heidegger parle bien d'apprentissage mais il s'agit juste d'apprendre à penser, ce qui voudrait dire penser à ce qui donne à penser, dans une sorte de cercle vicieux.
Il est indéniable qu'on ne peut interpréter les choses en dehors de leur temporalité, mais comme processus ou parcours (devoir être) plus que destin ou tradition (avoir été) car la trajectoire ne saurait être univoque, sans bifurcations, chemin qui se construit en marchant et n'était pas donné à l'avance dans un bien-connu originel (ni créationnisme, ni finalisme), histoire si cruelle de toutes nos déconvenues où l'on doit se renier si souvent dans ce dur apprentissage, et qui en marque chaque temps logique, chaque période. A la fin, on est bien obligé de se régler sur le réel, s'appuyer sur des dynamiques matérielles, constater les faits. A l'imitation du vivant, il faudrait très certainement se caler sur le résultat plus que sur les grands principes et nos trop bonnes intentions. Moi, je peux bien rester fidèle à mon enfance de quelque façon, je pense complètement différemment pourtant, sans presque rien de commun, de sorte que la continuité biographique n'a pas vraiment de sens, et bien plus l'influence de l'histoire (Mai68, etc.). Il n'y aura jamais coïncidence de l'énonciation et de l'énoncé (ce que tente ici le "Moi, je").
Il faut bien dire enfin qu'à l'opposé d'une pensée qui se remet en cause, pour la plupart, penser c'est se conforter auprès de ceux qui pensent comme eux, s'abreuver aux mêmes sources en rejetant comme mensonge ceux qui pensent autrement (la politique se divisant en amis et ennemis). On met ainsi des pensées en boîte, avec des think tanks ou des partis qui sont de fait des organes de propagande, sans aucune pensée. C'est exactement la même chose pour ce qu'on peut appeler le degré zéro de la critique avec les théories du complot ou les climato-sceptiques, fiers de ne pas gober le discours officiel et s'imaginant "penser par soi-même" à répéter les rengaines de sa tribu. La virulence de ces polémiques montre comme beaucoup de gens s'identifient à leurs pensées, tiennent à leurs convictions plus que la vie parfois, les plus fous étant ceux qui défendent une hypothèse originale qui leur est propre et qui, cette fois, pensent indéniablement par eux-mêmes, mais avec un discours critique inaccessible à la critique. C'est sans doute une pente naturelle car cela m'évoque le temps de ma première philosophie de la différence (petit philosophe de 16 ans) où je ne me souciais guère que de vérifier ce que je considérais comme ma théorie et admirer que cela semble tenir debout ! S'éblouir ainsi d'une vérité à laquelle on s'identifie relève effectivement de la poésie ou de la mise en scène plus que d'un travail de pensée, mais se produit bien dans la pensée.
A l'opposé, en tant qu'elle est réfléchie et questionnante, qu'elle se nourrit de lectures et d'informations extérieures, qu'elle est mise en relation, la pensée ne saurait se réduire aux données immédiates de la conscience pas plus qu'à une logique automate, faisant plutôt de la pensée une prise de recul, une suspension du sens, l'expérience de la critique, de la contradiction, de la déconstruction des évidences premières - ce qui mène inévitablement à modifier son jugement voire à trahir sa cause initiale (au nom même des principes qui l'anime). L'expérience de la pensée la plus intime est donc aussi l'expérience de l'hostilité des autres, de la pression du groupe, pression du conformisme et du politiquement correct, du surmoi social même dans la solitude - ce n'est pas l'attitude des autres qui est en cause, car fut-elle la plus amicale, soutenir un point de vue contraire au sens commun, ou simplement à ce qu'on nous demande, est toujours une violence, une transgression qui expose au rejet si ce n'est au ridicule, souvent à raison d'ailleurs, on l'a vu ! Raison en tout cas pour ne pas penser, et même d'une haine de la pensée beaucoup plus partagée qu'on ne croit, y compris parmi les philosophes et pas seulement par tous les pouvoirs...
Probablement que les gens cherchent à être rassurés, et que d'être un rassurant pétri de con-victions permet une audience...rassurante en réussites sociales et autres, le "faites moi confiance" ou "believe me". D'où certains égarements excessifs de de philosophes.
Pour paraphraser Bourdieu, la réflexion est un sport de combat.
Lors d'un festival de jazz à Cimiez, étant légèrement stone d'herbe, j'avais été totalement fixé par la vue des gens assis sur la pelouse, tous formaient des cercles juxtaposés, très étrange vision sociale. Sorte de réminiscence des pratiques préhistoriques de groupes autour du foyer ou grillent les morceaux d'auroch, motif géométrique des cercles d'interaction cognitive permettant la convergence des sens, vue, odeur et ouïe. Ce qui explique peut être la persistance des tribus du web et du reste, suffit de lire les blogs et les coms pour voir que ça tourne vite en rond dans un tourbillon centri-centré, loin du mythe démago d'une intelligence collective et noosphérique en émergence.
Une discussion à la radio hier dans "les matins" de FC entre Cécile Renouard et Raphaël Enthoven au sujet de la politique et de la morale. Enthoven est à peu près sur la même longueur d'onde que vous, ne croyant à aucune transcendance et mettant en avant la nécessité pour asseoir la morale, alors que Cécile Renouard croît à une transcendance. Mais dans le comportement, tous deux se rejoignent sur le pragmatisme, l'essai erreur etc... Au bout, que les choix collectifs s'appuient sur une éthique morale transcendante ou une éthique construite sur la nécessité et les informations, ils peuvent être compatibles dès lors que la structure du pouvoir n'est pas rigide (j'entends que le pouvoir ne sera pas déstabilisé par une connaissance nouvelle, comme par exemple dans l'épisode de Giordano Bruno face au pouvoir religio/politique).
Le problème de la morale (de conviction), c'est de mener au pire au nom des principes et couvrir par exemple l'homophobie du voile de l'intérêt des enfants soudain l'objet de toute l'attention. Il ne fait pas question qu'il faut partir du juste et du bien (encore faut-il le connaître), avoir l'effet le plus moral en réduisant la misère et les inégalités (pas en imposant des interdits), mais une morale de responsabilité qui se règle sur les résultats doit bien tenir compte des rapports de force politiques et faire des compromis. C'est l'aboutissement du résumé que j'avais fait de la phénoménologie sous le nom de "misère de la morale" qui part de la conscience de l'autre comme moi-même pour aboutir à la politique, avec son bruit et sa fureur. Il n'est pas vrai que ce soit un débat pour savoir si l'on est pour ou contre la morale en politique alors qu'il s'agit de leur articulation.
L'interdit de l'inceste est tout de même très utile pour éviter l'autodestruction de la famille et du même coup la réceptivité à l'altérité et le brassage génétique.
Les frustrations jouent aussi un rôle important dans la maîtrise des pulsions, comme le dit par exemple Naouri à propos de la violence adolescente:
" La frustration est un processus qui se met en place quasi
automatiquement du fait de la tiercité. Le père, tiers séparateur,
brise la connivence du duo mère-enfant. La frustration aboutit à la
mise en échec de la toute puissance dont l’enfant imagine pouvoir
faire usage. C’est elle qui met fin au débat erroné qui menaçait de s’instaurer et de perdurer. Elle est par ailleurs un processus
adaptatif grâce auquel l’enfant fait progressivement l’expérience d’un temps sans plaisir associé, d’un temps vide qui s’écoule sans que la mort tant redoutée ne survienne. La collection des frustrations, jusques et y compris dans la traversée de la phase œdipienne, permettra peu à peu à l’enfant de s’inscrire solidement dans l’ordre sécurisant de son environnement et de se sentir pleinement vivant."
Le lien avec l'article n'est pas évident mais Naouri fait partie de ceux qui tirent une psychanalyse émancipatrice vers un conservatisme répressif en psychologisant ce qui relève de la structure du désir comme désir de l'Autre (de "l'objectivation du phallus" et non d'une quelconque frustration intériorisée). C'est assez déroutant quand on a connu Lacan entouré de maoïstes, et se moquant des analystes dénigrant déjà Mai 68 dans "L'univers contestationnaire", de le voir ainsi détourné et aplati.
Le caractère pacifiant de l'autorité n'a rien de nouveau, c'est dans Machiavel qui montrait qu'un Prince ne devait pas paraître trop bon et qu'il valait mieux une réputation cruelle permettant ensuite de faire preuve de libéralité que de ne pas pouvoir être à la hauteur de ses bonnes intentions affichées. Que l'ordre règne est effectivement une condition de la liberté mais il ne faut pas en abuser !
Naouri et la pensée, c'est le lien entre l'éducation et l'instruction, les oui et les non que les parents et tous les co-éducateurs délivrent et qui jalonnent la formation de la pensée. On pourrait croire que ça s'arrête avec l'âge adulte, mais il n'en est rien, nous continuons de nous co-éduquer, de nous entre-délivrer des limites et des encouragements aux développements de notre pensée. La parresia de Foucault (l'Autre indispensable à dire la vérité) qu'on retrouve dans le rôle de l'analyste présuppose une pensée à laquelle il ne manquera
...il ne manquerait que le bon miroir pour être dite, alors que je crois que cette pensée se forme au contact de l'Autre, des Autres pour être plus précis. Je ne nie pas sa part autonome sans laquelle il n'existerait aucun Autre, mais je ne crois pas qu'on puisse réduire la part d'interactions.
Les oui/non de Naouri sont délivrés dans le cadre d'éducateurs à des jeunes. Ils délimitent les domaines de l'autonomie, c'est à dire de maîtrise des contraintes estimées par les éducateurs.
V. Gaulejac et d'autres ont pointé l'importance de la permission qu'on s'accorde à penser sur notre autonomie à penser.
J'ai bien le sentiment de ne pas être très clair, mais je voulais souligner le rôle des autres dans notre aptitude à penser et en particulier le rôle très important qu'y jouent nos éducateurs, en particulier nos éducateurs initiaux.
J'avais écrit un petit article sur ce sujet du lien éducation/instruction.
Le problème, c'est que les choses se passent à un autre niveau. Si l'apparence est celle d'une éducation normative et répressive, cela se joue au niveau du désir et de la crédibilité, l'autorité se mérite comme l'amour. La façon d'interdire est plus importante que ce qu'on interdit. Il y a véritable interaction et non modelage. Le désir, forme d'intentionalité, est un peu l'équivalent de l'Être de l'étant, se situant au niveau de l'énonciation plus que de l'énoncé.
Les pédagogues sont toujours suspects à trop faire confiance à des méthodes extérieures. Il est bon de se rappeler que le père du président Schreber, dont Freud analyse la paranoïa, était un pédagogue dont le rigorisme aboutira à ce que Lacan appelle la forclusion du Nom-du-Père pour son fils devenu président de tribunal, belle réussite sociale, et complètement délirant pourtant !
J'ai déjà eu l'occasion de dire que, pour ma part, je ne me souviens pas avoir été marqué par un maître ni avoir eu besoin d'autorisation pour penser, ça pensait tout seul et quand même assez bêtement au début même s'il y avait de justes intuitions, plutôt comme une maladie de l'âme, le doute qui vous ronge (perdre le fil, n'y comprendre rien), que la conquête d'une liberté ou d'un pouvoir (même si j'y ai bien pris goût).
On a déjà eu cette discussion. Pour moi l'éducation n'a pas que cette connotation normative négative ou forcée que vous me renvoyez.
D'accord avec la primauté du désir. Ce désir est aussi plus ou moins stimulé par "les nourritures affectives", le oui sur lequel se construit la confiance. A contrario, l'étude/témoignage de Patrick Declerck sur "les naufragés" établit une forte corrélation entre les naufragés et leurs carences affectives. Le non n'est pas que la norme pour la norme. C'est aussi un signal capable de réguler notre propension à délirer, à prendre nos désirs pour des réalités. Notre imagination féconde a besoin à la fois de confiance et d'assurance. On est comme des escargots avec leurs antennes qui tâtonnent sans cesse le terrain.
Au passage, Naouri est très clair sur le fait que le non n'est rien sans le oui.
Naouri a quand même fait une psychanalyse avec un lacanien pendant 7 ans. Il a aussi bien connu Dolto. Voilà ce qu'il en dit p.196 de son bouquin "Prendre la vie à pleines mains":
"[Dolto] était l'apologue de la frustration". Il est aussi ami avec Françoise Héritier avec qui il a co-écrit un livre "De l'inceste". Ce qui peut paraître surprenant et confondre la réputation d'anti-féministe de Naouri.
Penser implique de ne plus être resté piégé dans l'infantilisme du maternage prolongé entre mère et enfant que le père n'aurait pas été autorisé à rompre.
p.169 du même livre: "le triangle père/mère/enfant ...doit être isocèle à petite base, cad père et mère très jointifs tandis que l'enfant est plus loin, ce qui prépare déjà sa future liberté."
Cela me fait bien rire, ce qui est bon pour la santé, et je me dis que je dois bien en faire rire d'autres à mon tour...
Dolto était un exemple troublant de génie thérapeutique en même temps que débilité théorique, au moins elle reconnaissait ne rien comprendre à Lacan mais ceux qui se disent lacaniens ne valent guère mieux, parfois bien pire. Comme toujours une vérité alimente toutes sortes de délire. Question de formulation et de compréhension mais il en faut pour tous les publics. Seulement, plus on s'approche du coeur de l'être et plus une infime déviation mène à nourrir la connerie ordinaire (qu'on songe qu'on peut justifier ainsi le cynisme le plus absolu comme celui de l'adulte. Lacan disait qu'on acceptait la barbarie pour ne pas être exclu de l'humanité). Il y en a qui confondent le biologique avec des normes sociales, là c'est la structure qui dévient norme impérative. Il y a bien un noyau de vérité - ce n'est pas n'importe quoi - mais la vie est rarement isocèle et toujours mal foutue avec des coins qui ne se rejoignent pas...
Ben moi, je trouve pas que Naouri soit con du tout, et comme Dolto, il a été un excellent praticien, ce qui suppose quand même d'y comprendre quelque chose.
Encore un petit mot sur Naouri et je passe à autre chose. Comme vous, ce serait un "marginal sécant" selon la terminologie du sociologue Sainsaulieu. Ses connaissances transverse, il les a appliquées à la pédiatrie (qui est le seul domaine où il revendique d'être spécialiste) et a testé leur efficacité au moyen d'une démarche qui tient très fortement d'une philosophie de l'information beaucoup plus que d'idéologie, parce qu'au bout il lui tenait à cœur de soigner ses petits patients, quitte à en passer par les parents, quitte à se retrouver catalogué de réactionnaire et de bien d'autres sobriquets assez injustement et vite attribués par ses détracteurs biens plus légers que lui sur le plan du sérieux..
Penser est une fonction qui nous est donnée d’appliquer un processus de rupture d’avec nous même dans le présent. Nous ne sommes pas seulement ce que nous sommes ici et maintenant en tant qu’êtres déterminés, nous sommes aussi dotés d’une capacité de rupture ,donc d’observation , d’analyse etc Ce n’est ni plus ni moins que cela ,en ce sens que la pensée elle-même subie le déterminisme, et que cette extraction de nous-mêmes n’est pas vérité mais essentiellement interrogation .
Je pense donc je suis pourrait se dire aussi je pense n’importe quoi et suis n’importe quoi. La pensée n’est pas en soi éclairante sur nous-mêmes et sur ce que nous sommes.
En ce sens l’humilité est bien une vertu parce qu’elle résulte directement de notre réalité humaine d’être pensant.
C’est en ce sens que la démocratie en tant que régime politique est intéressante, à condition d’être elle-même : à savoir une ouverture permanente à la pensée de l’autre , l’autre étant par définition ce que nous ne sommes pas ( très loin des think tank et partis ou mouvements qui sont des regroupement (illusoires ) de semblables.
On peut donc par la pensée justifier certaines pratiques plutôt que d’autres ; La morale n’est pas (ou pas seulement pour ceux qui sont croyants) une transcendance divine mais plus simplement et directement une conséquence directe de notre capacité à penser qui par définition est ignorance et interrogation.
A ma grande surprise Agoravox a repris l'article qui n'était pourtant pas destiné à une telle diffusion, ce qui pose quelques problèmes de compréhension...
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/qu-appelle-t-on-penser-137543
C'est bien que vos articles soient lus; agora vox présente cet intérêt de mettre le doigt dans la soupe afin de prendre sa température . Je l'ai fait une fois pour voir ce que pouvaient penser les gens sur certaines de mes positions à propos des présidentielles. Mais j'ai infiniment moins à dire que vous !
Cela dit si vous voulez de l'audience et des commentaires nombreux , faites un article incendiaire sur le Front de gauche ou le FN ; les agora vox aiment bien s'exciter sur ces sujets "politiques" ;on en revient à la motivation de la pensée , de l'écriture et de l'expression .
Je me trompe sans doute (j'espère pas trop) sur moi même , mais quand je blogue c'est surtout à la recherche de solutions politiques à nos problèmes; le reste m'intéresse moins .
Il y a des techniques de compréhension du corps en forme investigatoire, mais c'est très différent des techniques du corps au sens programmatif, une règle, une recette. Nous n'en sommes qu'au tout début, tant ce domaine est inconnu, y compris de ceux qui le disent.
Heidegger peut bien penser que tout soit affaire de perception et de représentation, j'ai une opinion bien différente de celle-ci. Une possible interprétation!
Ce serait peut-être intéressant de voir du côté d'Oliver Sacks (son bouquin "l'homme qui prenait sa femme pour un chapeau" et autres) où il décrit des cas de personnes atteintes de pathologies neurologiques pour se faire une idée de la façon dont ces pathologies affectent la pensée. Il serait peut-être possible d'établir un lien entre les divers dispositifs et zones du cerveau et leurs rôles dans le processus de pensée.
Rien lu de Heidegger sinon son "Introduction à la métaphysique", un petit livre qu'il débute ainsi : "Pourquoi donc y a-t-il l'étant et non pas plutôt rien ?" Admirable de finesse et de précision. Il n'y parle pas de la pensée mais de l'être. Difficile de lui donner tort comme vous le faites. Que sa métaphysique soit proche des conceptions religieuses, c'est bien possible dès lors qu'elle s'attache au mystère des origines, mais je n'y vois rien de cet "obscurantisme primitif consistant essentiellement à donner une intention aux choses".
De votre citation, vous ne pouvez pas conclure qu'il considère la pensée comme "recueil d'un sens déjà donné, simple perception". Il laisse seulement entendre, en évoquant un "mode propre" de la pensée, que celle-ci pourrait toucher à une connaissance "indépendante" (?) de l'étant à condition de considérer "en quoi l'être de l'étant repose, lorsqu'il apparaît comme présence". J'y vois effectivement un mystère, analogue à celui de l'adéquation des mathématiques aux phénomènes physiques, à savoir que l'être, pur produit de la pensée et/ou du langage, "apparaît" effectivement comme "étant". (Sinon il n'est que fiction ou mensonge.) Le mystère s'épaissit quand on considère que cet "être de l'étant" n'existe pas tant que la pensée n'en a pas révélé la présence. (Exemple caractéristique avec le Big Bang.)
Que Heidegger ait "cru trouver là un point d'appui aussi solide que le cogito cartésien", c'est-à-dire qu'il se soit fait des illusions, c'est bien possible, mais c'est une autre histoire et ça n'autorise pas à rejeter son questionnement métaphysique.
Il est difficile de vraiment parler philosophie sans s'égarer par des jugements à l'emporte pièce. Je n'ai absolument pas réduit Heidegger à rien mais quand à la fin de son "introduction à la métaphysique" de 1935 il parle de "la vérité interne et la grandeur de ce mouvement" en parlant du nazisme, on peut trouver cela admirable de finesse mais il vaut d'y penser à deux fois.
Il se trouve que je crois trouver dans sa formation théologique (très présente dans ses premiers travaux et qu'on retrouve à la fin "seul un dieu peut nous sauver") comme dans sa conception de la pensée piégée par son origine, sans aucune dialectique, ce qui pourrait expliquer sa complicité avec le nazisme (avec les thèmes de l'authenticité, la présence à soi, l'originaire, l'enracinement, etc.).
La phénoménologie se caractérisant par le fait de rendre compte de la constitution de l'objet par l'intentionalité qui le vise (du noème par la noèse), cela s'applique au monde de la création divine et il ne semble pas si absurde de rapprocher l'Être de l'étant d'une intentionalité originelle qui lui donne sens même si ce n'est pas thématisé comme tel.
Je ne m'appuie pas seulement bien sûr sur les citations données, ni sur le seul texte cité. Le recueillement du sens est plutôt le thème de "Logos", langage et pensée ne pouvant être séparés, mais étant du même ordre que la perception (alors que je prétends qu'il s'agit de narration et plus proche du dogmatisme).
La question n'est certainement pas d'être pour ou contre Heidegger, encore moins d'ignorer son questionnement (qui ne questionne pas tant que ça à rester toujours le même), plutôt de le pousser un peu au-delà en fonction de ce qu'il a révélé de lui-même. Je dis souvent que je déteste le nazi Heidegger mais que je ne peux me passer de sa philosophie (notamment "l'essence de la vérité" comme liberté). Je suis en train de lire un de ses premiers cours, donc je suis loin de le sous-estimer, mais cela ne veut certainement pas dire lui donner raison, plutôt comprendre le piège tendu à la pensée qu'il nous a révélé par son errance (et l'absence de résultat probant, toujours renvoyé à plus tard dans une sorte de mystique).
Tout cela est bien sûr beaucoup trop court, devrait être nuancé et mieux argumenté. Je me contente d'indications, ne cherchant pas à convaincre (le l'ai écrit surtout pour moi). Il m'a juste semblé que sa conception de la pensée était une bonne façon d'en montrer les insuffisances, notamment par rapport à l'écriture, ne se rendant même pas compte que ce qu'il admire chez les Grecs vient de leur usage de l'écriture (grâce à l'invention des voyelles), l'origine étant justement l'écrit qui se détache de la présence et sans quoi on ne voit pas pourquoi les Grecs seraient "originaires". L'oubli de l'être est celui de l'écriture.
Parfois je me pose la question du penser, surtout quand je vois une égérie du oueb "intello" vanter Jens Weidman en pure contradiction avec Keynes sur le plan monétaire, et pourtant disant dans le même élan que Hayek est un facho alors qu'il en défend les principes monétaires, comprenne qui pourra.
Ici les références :
http://www.pauljorion.com/blog/?s=Weidman
Merci pour cette contribution très riche sur un art de penser tel que nécessaire à l'époque présente . Seule remarque: que ne soit pas mieux indiqué le moment du glissement ou de l'accaparement de cette pensée vive, active, critique... à ce qui se nomme, plutôt que " pensée", une croyance, ou une idée, dans une "alteraction" latente produite par l'environnement sociétal (croire ou ne plus croire aux conventions du groupe)? Ce qui est toutefois sous-entendu constamment dans votre propos, puisque je l'ai moi-même ressenti ...
J'ai bien peur que la pensée ne se résume pour beaucoup, y compris chez les gauchistes, à une aseptisation des sentiments et des pensées. L'application aveugle de filtres comportementaux et cognitifs, une forme de morale éthique automatisée, une évacuation de toute forme de dialectique, une pensée de zombies.
En fait, je ne pense pas qu'on glisse de la pensée critique à la croyance mais que ce qui se prend pour pensée critique le fait au nom d'une croyance de sorte que c'est uniquement de l'extérieur, par l'information, la discussion ou la lecture que le point de vue peut évoluer et la pensée être vraiment critique, ce qui est ressenti comme une violence, une correction de la première impulsion. Ce qu'un travail d'apprentissage et de critique apporte n'est pas ce qu'on attendait, ou c'est qu'il n'y a pas eu de travail. On appelle critique en général la critique de l'ennemi, guerre des religions dont aucune n'est vraie, mais ceux qui sont pris dedans sont persuadés de ne pas être dans la croyance. Maintenir la vraie pensée critique est aussi difficile dans les milieux qui se disent critiques, aussi difficile dans les sciences dont c'est pourtant la méthode.
On peut dire que c'est le contraire de Heidegger, on ne fait que se dégager petit à petit de nos propres croyances inaperçues dans leur évidence première (le collectif ou le sens commun précède l'individuel). Ce travail du scepticisme n'est pas tomber dans le scepticisme mais dans un savoir en progrès, daté historiquement comme nous le sommes nous-mêmes, fils de notre temps et de toute la bêtise qu'elle peut charrier comme toute autre. C'est aussi le contraire de Descartes, ce n'est pas le bon sens qui est la chose du monde la mieux partagée, même si on parle tous et sommes dès lors "accessibles" à la raison, c'est la bêtise et le dogmatisme qui sont les plus partagés, pas seulement dans les religions (errare humanum est)
En étant prudent , parce que le diable se cache où on ne l'attend pas , il me semble que la méthodologie du débat contradictoire ouvert à toutes les diversités ,sans exclusive , posée clairement comme règle commune à respecter impérativement dans l'étude des problématiques est la boussole d'une saine gouvernance .
Même avec cette méthode qui est le fondement de la démocratie on est à la merci d'errements et déviances ; elle est donc sans cesse à critiquer et remettre en question et soumise à un travail de vigilance ; mais sans elle , en remplaçant le raisonnement collectif par l'élection de dirigeants d'un parti ou d'un autre , comment espérer un semblant de pensée ?
On peut sans doute affirmer qu'il n'y a pas de pensée sans la confrontation avec l'autre .
Oui, je suis assez d'accord, sauf que lorsqu'on fait un débat sur le climat, par exemple, on va prendre un climato-sceptique ne représentant rien du tout face à de vrais climatologues juste pour avoir un débat, mettant au même niveau des opinions qui ne le sont pas (et des convictions face à des mesures effectives) mais il est certain que la démocratie c'est le débat contradictoire tout comme la justice est sa mise en scène entre procureur et avocat.
Je parles bien sûr du débat qui n'existe pas celui dont un petit nombre pourrait rêver ; il lui faut d'autres éléments obligatoires : bien sûr que l'accès par tous au débat soit réelle et donc que pratiquement cet accès soit rendu possible et cela à plusieurs niveau : le simple fait de médiatiser le débat est important pour un accès non actif directement mais essentiel aussi ; aussi que "le" débat soit en interaction et communication avec "les" débats sur le même thème organisés géographiquement au local dans des lieux divers ;il faut que le débat ait des moyens d'animation ,d'investigation et une méthode ; il faut qu'il se situe dans un temps long avec la volonté de faire le tour du problème ; il faut qu'à un moment soit listés les arguments les accords désaccords , les interrogations etc Si on a des blocages cognitifs c'est parce qu'on ne connaît pas tout mais aussi et surtout parce que le débat n'est pas organisé , pas sérieux : on se fout du résultat en fait ;
Pour être sérieux le débat doit obligatoirement être en lien réel avec la décision politique : on ne débat pas pour jouer , se montrer , se conforter etc il faut un lien avec l'action politique ; c'est pourquoi je tiens tant au débat public , officiel , institutionnel qui est le pendant du vote .Le vote n'est pas à tous coups nécessaire : certaines problématiques n'aboutissent pas forcément à pouvoir poser un questionnement qui se trancherait par le vote; mais le débat doit , c'est impératif avoir ce caractère de préparation aux choix politiques .
Je dis parfois qu'on a su organiser les bureaux de vote et réglementer l'activité ; et qu'il faut faire idem pour le débat public. C'est d'après moi un vrai combat politique de faire comprendre et accepter la profonde l'indispensable utilité du débat ; ce qui gâche le travail c'est qu'on appelle débat les joutes télévisée sur du temps court de toujours les mêmes .
Le débat est aussi la meilleure manière d'appendre et faire le tour d'un sujet : il permet à Monsieur tout le monde d'accéder à la substantifique moelle de ce que savent des gens ayant longtemps étudiés certains domaines ; sur le climat c'est typique comme on a gâché ,gâté le sujet : à force de balancer des faux débats mal ficelés , peu sérieux , les gens se sont détournés de ce qui pourrait pourtant être notre première préoccupation ; quand on parle beaucoup d'une chose en ne faisant que la survoler on croit avoir fait le tour du sujet ,alors que c'est tout le contraire .
Ne parlons pas du débat sur la transition énergétique ! ça a le dont de m'horripiler ,cette subtile confiscation du débat .
Rien sur la relation pensée-mémoire. Il me semble que c'est une lacune importante, parce que la mémoire se construit avec la pensée, pas du tout comme la mémoire d'un ordinateur, et qu'en retour elle fournit du matériau pour la pensée. Elle joue certainement un rôle dans la stabilisation de la "connerie", dans l'entêtement dans les erreurs, par la sélection des éléments qu'elle engrange. Il y a un bouclage stabilisateur entre la pensée et la mémoire.
Je parle de "reconstitution de mémoire" et Heidegger assimile en grande partie pensée et mémoire mais ce n'est pas mon cas, insistant plutôt sur l'information extérieure qui contredit le préjugé de mémoire mais bien sûr toute pensée finit en mémoire et sans mémoire pas de pensée (pas de projection dans le futur). En fait, ce texte vient en continuité avec le précédent où penser (global), c'est trouver comment s'en sortir, la mémoire n'étant pas suffisante pour savoir ce qu'il faut faire dans un contexte complètement différent.
La mémoire façon disque dur existe aussi pour l'humain et s'inscrit dans sa matière organique bien que retravaillée par la pensée, nouvelle forme éthérée. A quel type de pensée associer la mémoire d'un autiste qui peut mémoriser un bottin téléphonique, ou à quel type de pensée celle d'une mémoire visuelle de visages ? Je pense que la mémoire ne dépend pas forcément de pensées très élaborées, bien qu'elle en soit la ressource pour partie.
Tout est solidaire et l'assimilation de la pensée à la mémoire est consistante avec sa réduction à son origine et la simple répétition de l'avoir-été comme les sociétés originaires l'ont toujours fait à coup de sacrifices pour rétablir l'ordre ancien. Il y a bien sûr du vrai à donner à la mémoire un rôle crucial dans le vivant, mais l'information est ce qui contredit la mémoire (sinon ce n'est pas une information), exigence de plasticité et d'évolution bien que répétition et reproduction en restent une condition préalable.
J'ai déjà donné l'exemple de Castel où le retour sur l'histoire de la question sociale et la généalogie des droits sociaux lui fait complètement rater la nouvelle rupture apportée par l'ère du numérique. D'un autre côté, cette révolution anthropologique ne dispense pas de connaître notre histoire. Ce qui s'appelait la nouvelle économie avant la première bulle internet était assez délirant comme si toutes les anciennes lois de l'économie étaient caduques alors qu'il y a simplement reconfiguration de contraintes qui ne disparaissent pas magiquement même s'il y a des nouveautés radicales (gratuité numérique).
Il est essentiel de connaître l'histoire des révolutions dans cette période révolutionnaire, de même qu'il est important de se situer dans la dynamique des cycles de Kondratieff mais cela ne doit pas empêcher de voir comme notre situation est entièrement nouvelle (au niveau du développement, des possibilités techniques, des mécanismes de régulation - de leur mémoire, des protections sociales, de l'unification planétaire depuis la chute du communisme, de la population mondiale et de son effet sur notre environnement à l'ère de l'anthropocène, etc.). Pour évaluer notre situation, et comme il n'y a pas perception directe d'une signification transparente, il faut bien se référer au passé mais au lieu de plaquer des événements anciens sur les nouveaux, cela devrait servir à en souligner les différences. S'il n'y avait que la mémoire, pas besoin de pensée mais sans mémoire pas de pensée du tout, leur rapport étant celui de l'information-structure avec l'information-flux.
A relire le présent texte me vient une question, lorsque vous mettez entre parenthèses :(« même s’il y a des vérités géométriques qui ne changent pas ») Certes, c’est dans un contexte qui dresse une critique justifiée de la position philosophique traditionnelle selon laquelle il n’y a rien de nouveau sous le soleil, dès lors qu’on fait l’hypothèse d’ « un savoir premier nous engageant avec assurance vers notre destinée ».
Mais à prendre à contrepied la phénoménologie ( celle-là dont Heidegger participe, entre autres) au nom de l’historicité du savoir, n’est-ce pas prendre le risque d’occulter l’intérêt de discerner une permanence dans la formation de formes auxquelles participent les états d’existence ; à des degrés divers du vivant ? Ouverture-fermeture, contraction –expansion,inflation-dépression, élargissement-resserrement, répétition, alternance, progressions, séparation- liaison, etc…constituent bien plus qu’un répertoire pour concepteur décorateur en aplat, ou pour monteur de film en 3D, dès lors qu’on prend en compte comme plus essentielles les variables rythmiques du mouvement animant les vivants, la régulation d’un rythme (diastole-systole,…) et ses dérèglements possibles. C’est là-dessus que se construit psychiquement le « moi », le mode d'être , de toute personne humaine ( différence avec l'animal dans son milieu, qui ne s'y construit pas continuellement)
Ainsi, lorsqu’il apparaît, dans une rencontre, en présence sensible effective, le dérèglement des certitudes ( crise des croyances, ou hypothèses en lesquelles nous avions toute confiance jusqu’à présent) c’est bien à des formes générales ( postures de comportement dans l' opposition dialectique du positif et du négatif, entre tout et rien) que nous l’identifions comme crise: Ainsi Patrick Viveret , assez à juste titre, dans le dérèglement climatique, la croissance des inégalités sociales, la crise financière, reconnait-il l'ancienne liaison-opposition entre Ubris et Némésis chez les grecs, entre Démesure et ressenti de Maltraitance avec son corolaire de Vengeance, du fait d’un développement sociétal antérieur (capitaliste, positiviste, etc..) confiant le développement humain à une pensée rationnelle qui ne prenait pas en compte ses limites.
C’est ici que je mets en questions la foi en un débat dont fait preuve dans son commentaire ci-dessus Di Girolamo. Débat sur les seuls choix politiques en vue d’un compromis entre les dominants et les dominés, par des réformes autour d’un programme, radical ou modéré ?
Le débat au contraire porterait-il sur la question plus fondamentale du bonheur? Peut-on envisager des débats publics sur la question du « bien vivre » ? Ou de la sobriété, qui au sens étymologique propre signifie « refus de l’ébriété », d’une ivresse de biens matériels et d’objets offerts à consommer, et qui nous fait passer d’états psychiques d’euphorie à des comportements de panique, que les médias et les experts en économie cherchent à éviter par transfusion de liquidités? Débat sur les modalités d’un bon équilibre rythmique chacun pour lui-même,ou par des expériences locales ou bien concernant le rapport des individus à une relation créatrice collective dans l’intérêt de l’espèce, dans les limites des possibilités d’un équilibre de la biosphère ? Débat sur les modes d’être, sur les innombrables modulations du vivant, de l’existant ( et surtout pas sur l’art de se tenir « modéré » au sens moral) ? Philosopher autant ou plus que politiser ? Mais peut-on y croire ?
Si je parle des vérités géométriques qui ne changent pas, c'est surtout en référence à "l'origine de la géométrie" de Husserl (préfacé par Derrida plus longuement que le texte lui-même!) qui cherchait effectivement à donner à la philosophie le statut de science (ce que Heidegger lui reprochait). Il n'y a, en effet, de certitude que du côté de l'énonciation ou de l'intentionalité, sur ce point Husserl avait raison, non pas dans le triangle réel en ses imperfections mais dans sa définition et les conséquences logiques de la définition elle-même, de ce qu'on s'est donné comme visée, ses propriétés qu'on peut en déduire (sans avoir besoin de prendre des mesures). Heidegger s'éloigne en fait de la phénoménologie qu'il remplace par une herméneutique qui prend le point de vue opposé de celui de Husserl, non plus celui de l'intériorité, de la conscience, de l'intentionalité, de la noèse mais de l'être, de l'ambiance, de la présence, du noéme (de la signification, de la chose).
La principale critique de Heidegger contre la dialectique, c'est effectivement de ne pas préserver l'acquis et la continuité mais c'est parce qu'il ne comprend pas que la négation est toujours partielle. Il y a bien continuité mais pas préservation de l'origine pour autant, une fois qu'on a remplacé le manche puis la lame du couteau. C'est l'intérêt du moment Heidegger de ramener dans les discontinuités dialectiques la question du continu mais la création est elle-même continue, émergence qui n'est pas contenue dans l'origine (pour St Thomas, la création est continue et Dieu est l'acte même d'exister, ce que la science a du mal à avaler mais qui se vérifie dans l'évolution biologique, l'animal se (re)construisant continuellement).
Rien de plus "naturel" que la démesure d'une nature déchaînée que l'homme rationalise et soumet à sa mesure, rien de plus naturel que la démesure de l'homme qui procède pourtant là de processus matériels et non pas d'une faute morale imputable à la raison elle-même.
Je suis tout-à-fait opposé aux débats sur le bien vivre qui me semblent le comble de la bêtise, du pur endoctrinement, un savoir-vivre content de soi qui m'exaspère et rate ce que la vie a de diversité et de pièges narcissiques. Je suis pour une culture de la pauvreté, c'est tout autre chose, une culture populaire. Il s'agit d'insulter les bourgeois, de faire honte aux riches et de se serrer les coudes pas de faire la morale ou se donner en modèle. Une vie où tout serait équilibré me semble bien terne et d'aucun attrait, ni sagesse, ni écosophie. Je crois au contraire qu'on a besoin d'une bonne dose d'hubris, d'excès et de désordre, simplement, selon la formule, jamais trop de trop (pas trop de trop peu non plus donc) afin de continuer à pouvoir changer, préserver la possibilité de signification et ne pas rester dans un même immuable en son agitation. Pas de débat là-dessus comme s'il fallait en convaincre les autres mais on peut l'affirmer bien haut et dénigrer les loisirs marchands qui en sont de bien pâles ersatz. Une action culturelle et artistique, avec sa dimension personnelle, plus que directement politique et normalisatrice. Il y a des différences à maintenir comme entre public et privé, la politique devant rester à l'extérieur et ne pas tomber dans le moralisme.
(je ne vais plus avoir le temps de répondre aux commentaires)
"Il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse" Nietzsche
Les étoiles sont immobiles et leurs spectacteurs dansent dans le chaos.
Pour moi le débat politique doit nécessairement avoir deux dimensions :
Celle de la gestion de la société telle qu’elle est ; et là effectivement on va aux compromis et aux moins mauvaises décisions. C’est de la gestion politique courante.
Celle selon moi beaucoup plus importante du projet de société ; là on analyse les logiques sociétales en cours et leurs implications à long terme ; on sort le nez du guidon, on prend du recul .On est plus dans le rapport de force direct. Les aspects moraux et sens de la société sont ici présents, non pour faire la morale, mais pour comprendre que certaines pratiques et certaines logiques sont destructrices ; on resitue le rapport dominant dominé dans une vision commune plus large.
Cette dimension du débat est rigoureusement absente dans nos sociétés court -termistes. Mais selon moi, si on en reste à la gestion - gestion , libéralisme et fil de l’eau vont très bien ensemble- on en reste aussi au rapport de force dominant dominé et on va tous au casse pipe : du fait même des évolutions en cours. Il y a par exemple une grande inconscience par rapport au climat et ce qui peut se passer.
Si certains seuils sont franchis ont va avoir beaucoup de mal à vivre.
On est dans une phase particulière de l’histoire humaine, où aujourd’hui on se trouve à nouveau contraints.
Je n’ai pas "foi" en ce débat , en ce sens que sur le plan des probabilités, c’est plutôt le casse pipe ; mais je ne sais pas dire autre chose.
LA PENSÉE , UN Héritage et une rature . méritez d'hériter quand la généalogie fait défaut !! n'hésiter pas à raturer quand le résultat ne vous convient pas , l'envie de la justesse et du vrai pour cible et en bandoulière , on fait la nique à tous les cerbères !!quand il faut avoir dans la bouche la bonne bite et dans la poche la bonne bible !! c'est comme cela et à se prix qu'on sera crédible !! ............................................................................................................................................................................................................................
https://www.youtube.com/watch?v=ZkzGZ-GrzQw&feature=youtube_gdata_player
• big up !! cé du lourd !! A.K.A fils du béton, monsieur guérilla , longue vie à toi que le sort t'épargne et que les nuits te soient douces et joviales: je te remercie pour cette tuerie et ce putain de casse dalle !! du son pour les mordus ; le big hip hop !! hard core , comme l'époque !! cé du bon son pour cartonner tous les panneaux STOP ! ...
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UN dernier free-style : le big hip hop ; peace love and unity !! don't beleave the hipe !! another world is possible ....
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Le verbe caméra scénarise les affects : nous vivons dans le monde des œuvres permanentes !! du dialecte !!!
une dernière petite peau morte : du mauvais côté de la corde ; du mauvais côté d'la porte !! hard core, mon kiff : ce qui nous brule quand la chouette de minerve , cette salope!! , hulule au crépuscule !! laser amer toi tu t'assoupis quand le système de la hyène organise les funérailles de tes groupies !
pour que le local soit désirable , il faut viser la belle ironie de l'UN-TOUT-SEUL !! tout seul ivre , je chante dans la nuit !! et incha'allah ça joue , ça jouit^, car on peut être pauvre , mais avoir une bonne vie !!
cabré sur la verticale prendre les chemins de traverses , tenter des convergences inédites !! une révolution se fonde aussi sur des malentendus et beaucoup de chose que l'on peut finalement faire à son insu : comme une compétence précaire qu'on acquière sur le tas , une épaisseur de l'esprit et une joie d'être là !! déchirer le voile et l'hymène de la présence pour laisser advenir la transformation de nos désirs en évènements !! ?? et faire du temps , son temps dans toute notre anormalité et notre animalité ..... vandale loufoques , animaux politiques , intifada verbale : les pirates !! peut être les seuls à rester crédible quand on est cernés par les cibles !! et j'ai aussi 8 secondes pour vous dire que la barre ovomaltine c'est de la dynamite !! le grand jeu une diététique de l'effort spirituel pour rallumer les étoiles !! quand des diadèmes roulent sur le macadam !!
la généalogie me semble demander de l'ascèse , du savoir vivre et de la politesse et de l'hospitalité ... et la rature elle demande un saisissement et une indiscipline : de la fougue, de la rage , de la fièvre , quand des fois on parvient à briser le sortilège et que l'on se réveil d'un long sommeil dogmatique , quand des fois émerger c'est laisser choir ...
Tout à fait d'accord avec toi brunet
MERCI 🙂 !!
On parle beaucoup de Mandela en ce moment, mais assez peu de ce qui le caractérise du point de vue de la pensée et de la liberté à penser. Il me semble que Mandela a réussi comme bien peu à penser librement au milieu d'une collectivité ultra polarisante (noir/blanc). Il a réussi à se "dépolariser" et dépolariser en partie son pays. Par contre, cela ne lui a pas donné des clés de structuration politique et institutionnelle, puisque le pays est aujourd'hui en très grande tension, avec une collusion argent/politique très élevée et des inégalités très élevées qui risquent de rencontrer les anciens démons de l'apartheid pas complètement disparus.
Est-ce que la notion de "narcissisme groupal" vous semble pertinente pour éclairer la question de "qui" pense? Une façon de replacer la pensée dans un contexte dynamique (dialectique) de je/nous à la source de nos désirs.
Concevoir le narcissisme sous son aspect source d'énergie et le narcissisme groupal comme source primaire permet d'entrevoir les enjeux énergétiques qui se jouent dans la politique, cad dans la façon dont nous sommes capables de combiner nos énergies et donc aussi nos libertés.