Gilgamesh ou l’écriture du deuil

Temps de lecture : 16 minutes

Comment les plus vieux écrits de l'histoire pourraient-ils nous apprendre encore quelque chose à notre époque hypermoderne ? C'est pourtant le paradoxe qu'une vérité gravée dans le marbre ne soit pas pour autant acquise pour toujours : il faut encore qu'elle soit lue, et relue, afin de pouvoir nous apporter ses lumières et dissiper les illusions du sens commun. C'est pourquoi l'oubli des "humanités" est toujours un oubli de l'histoire, un retour à l'obscurantisme, à l'imitation, si ce n'est à la barbarie.

On écrit toujours contre l'oubli, contre l'apparence et l'immédiat. Ce qui s'écrit, c'est la contra-diction elle-même mais c'est aussi le passage du temps. Paradoxalement, ce qu'on fixe par l'écriture, c'est le changement lui-même et notamment l'impensable transformation de soi qui nous fait passer du rire aux larmes et de l'ombre à la lumière, subversion d'une identité figée dans ses rigidités et ses certitudes. L'écriture qui rend compte du mouvement des astres doit rappeler à celui qui est trop joyeux qu'il fut si malheureux autrefois, comme à celui qui est trop triste, les bons moment qu'il connaîtra encore. Cette transformation du héros de l'histoire est la trame de tout récit comme roman des origines qui prend les formes fantasmatiques de la toute-puissance ou du prince charmant, autant dire le rêve des golden boys, dans leur absence totale d'originalité depuis la nuit des temps.

C'est pourtant la vanité de ce rêve que nous raconte déjà l'un des premiers mythes de l'histoire, l'épopée de Gilgamesh, qui montre comme le pouvoir et les biens de ce monde sont illusoires face à la mort, surtout celle d'un ami. Le trajet de Gilgamesh est assez semblable à celui de ces traders fous qui se retrouvent soudain au monastère, à ces compétiteurs effrénés qui changent de vie après avoir frôlé la mort dans un accident.

On peut lire dans la renonciation à l'absolu, à l'immortalité, au surhomme, la conscience de soi de notre humanité qui prend forme, mais l'essentiel, loin de toute pensée positive et d'une "joie de vivre" naturelle autant que du culte de la performance, c'est bien cette confrontation à la mort, au négatif, à nos limites car ce n'est rien d'autre que notre fragilité et notre détresse éprouvées qui nous rendent plus humains et fraternels.

L'épopée de Gilgamesh nous a été transmise surtout parce que c'était le texte sur lequel les élèves scribes s'escrimaient pour apprendre l'écriture cunéiforme. On peut dire que c'est le mythe formateur de l'écriture, transmis de génération en génération depuis l'époque sumérienne, par écrit bien qu'il soit fait pour être lu tout haut (la lecture silencieuse est très récente). A l'époque du numérique, on est bien loin de se douter à quel point nous sommes encore formés par l'écriture et par les mythes de l'époque sumérienne qui a vu la naissance de la civilisation et de l'écriture. Si nous sommes fait d'argile, c'est bien de l'argile des tablettes cunéiformes !

Or, que dit donc ce mythe où l'on trouve mille choses, un peu comme dans l'Odyssée, entre autre l'histoire de Noé et du déluge qui devait tant frapper celui qui l'a déchiffrée le premier, C'est certainement le premier roman de l'histoire, roman de formation qui peut évoquer la quête du Graal dans la quête de l'immortalité. Au début, le héros tyrannique est déjà tout-puissant et possède toutes les femmes (il a droit de cuissage, passant la première nuit de noce avec les vierges qui se marient). Cela ne lui suffit pas pourtant et voilà qu'il se met en quête de l'immortalité pour se faire l'égal des dieux ! En chemin, il découvre l'amitié dans la rivalité avec son double sauvage, Enkidu, mais échouant dans sa quête, il rencontre finalement ses limites et revient le coeur brisé après la mort de son ami. Seulement voilà, c'est à partir de là qu'il va se consacrer désormais au bonheur de son peuple...

On a le schéma classique du voyage initiatique où ce qui compte, ce n'est pas tant l'objet de la recherche que les épreuves qu'il faut affronter pour mieux se connaître soi-même. C'est un peu comme en philosophie, dans "le premier Alcibiade" de Platon notamment, où la recherche du bonheur sert d'initiation à la connaissance de soi-même, au savoir qu'on ne sait rien. Ce n'est pourtant pas seulement que Gilgamesh renonce à l'immortalité, c'est que ce deuil de l'immortalité le fait plus humain, homme parmi les hommes selon un point de vue qu'on peut dire existentialiste. L'humanité n'est pas dans le ciel des idées mais dans les limites de l'existence, dans sa contingence même qui donne à chaque instant un petit air d'éternité. Ce n'est pas que notre incarnation soit un défaut d'éternité, non, car il n'y a tout simplement pas d'autre façon pour l'éternité d'accéder à l'existence. Aussi étonnant que cela puisse paraître, notre caractère de mortels n'est donc pas négatif mais bien positif à nous rendre plus humains, à nous ramener dans notre monde qui existe vraiment, à nous préoccuper de ses limites.

Ce qui s'écrit dans cet apprentissage de l'écriture, c'est ce que ne veut pas savoir le désir sans frein de la jeunesse conquérante. Le prince frivole et orgueilleux revient blessé mais plus humain, et renonçant à devenir un dieu immortel, il revient vivre au milieu des siens, partageant le sort des mortels avec toutes ses imperfections et ses souffrances. C'est ce qu'on peut appeler "l'écriture du deuil", de l'échec ou des "illusions perdues", écriture toujours à recommencer, et qui est une écriture rédemptrice en un sens, mais plus du côté de l'accident, de la mise à l'épreuve et du renoncement que du salut. Se résoudre à être mortel comme aux revers de la fortune, c'est prendre conscience de soi et de ses limites, de notre universelle vulnérabilité, mais c'est aussi s'ouvrir à la reconnaissance des autres, de ses semblables partageant le même sort.

Rien d'extraordinaire pensera-ton dans ce savoir traditionnel si souvent rabâché et qu'on peut réduire, à tort, à un discours de soumission quand il est un message de solidarité. Il y aura par la suite bien d'autres versions de cette trame romanesque mais la version originale comporte des enseignements qu'on ne retrouvera plus dans les versions grecques ou chrétiennes qui en ont perverti le sens et il n'est pas sans intérêt de mesurer ce qui peut différencier la morale de cette histoire des philosophies régressives de l'Empire (Epicurisme et Stoïcisme) ou des religions du salut. Le message est en effet très différent de celui des gnostiques ou des théories de l'aliénation comme des différentes sagesses puisqu'il ne s'agit pas du tout d'atteindre une perfection perdue mais au contraire de renoncer à la perfection et de reconnaître ses limites pour habiter toute son humanité dans une âme et dans un corps.

On a pu constater à quel point ces principes de base si bien connus étaient complètement méprisés pourtant dans la période de compétition effrénée et d'anti-intellectualisme qui vient de s'écouler. La littérature sert à dire ce qu'on voudrait taire de la "rature", et c'est bien parce qu'on ne peut se passer de leur témoignage, qui n'a rien de trivial, que les écrits de l'antiquité sont parvenus jusqu'à nous. Ainsi, reconnaître ses fautes ou même ses insuffisances est presque impossible, trop insultant dans un monde où chacun rivalise de frime et se croit obligé d'étaler sa réussite. Il faut en passer par le héros antique paré de toutes les vertus : le plus fort, le plus habile, le plus puissant. Celui-là même, pourtant, n'arrivera même pas à résister au sommeil et ne pourra donc devenir immortel, ni échapper à la mort plus déchirante encore de son ami, son double, son frère.

C'est un homme brisé qui revient au pays, pas le jeune homme triomphant, mais c'est à ce moment là justement que son regard se retourne sur notre commune condition et se remplit d'une grande compassion pour le sort de l'humanité à laquelle il appartient. C'est du fond de l'abîme que nous vient la lumière et non d'une réussite sociale trop éblouissante. Notre destin n'est pas un roman à l'eau de rose, c'est celui de l'homme ordinaire, confronté à l'insuffisance, la solitude, l'échec et mille défaites. C'est vraiment l'opposé de la pensée positive, sans qu'on soit obligé de se complaire en lamentations, pas plus malheureux pour cela à retrouver ainsi une chaleur humaine authentique. Il s'agit seulement de moins la ramener et renoncer à la compétition pour sympathiser avec nos compagnons d'infortune.

A quoi sert de le dire à une jeunesse impatiente ? pas plus qu'il ne sert de médire de l'amour à l'amoureux transi... Impossible de battre en brèche l'idéal, c'est ce qui ne passe pas, dû-t-on l'écrire cent fois, et c'est pourtant ce qui s'est écrit des millénaires durant, en vain apparemment. Pas tout-à-fait cependant, puisqu'il en est resté quelque chose chez les juifs et les chrétiens, interposant hélas un dieu entre nous et le prochain, et qu'on retrouve à nouveau dans le romantisme des fleurs du mal et toute la poésie moderne, valorisation du négatif, trop facilement assimilée au nihilisme.

L'homme véritable, ce n'est pas l'homme complet, satisfait, rayonnant, c'est l'homme diminué, bafoué, brisé. L'humanité, c'est l'humanité souffrante, c'est le plus humble d'entre nous. Ce n'est pas "la joie de vivre" dont on nous rabat les oreilles, ni un prétendu retour à une harmonie perdue avec la nature, harmonie qui n'a jamais existé et qui est une illusion au même titre que toutes les promesses de bonheur des marchandises ou des religions. Que serait une vie déjà gagnée d'avance, comme s'il n'y avait plus besoin de vivre... Ce qui est grand en l'homme, c'est la conscience de ne pas être à la hauteur, conscience de ses faiblesses et du mensonge des apparences. La conscience de soi est conscience de notre ignorance et des illusions de l'idéal narcissique, conscience de notre inconscience et de notre rationalité limitée, conscience de nos fautes et de nos limites enfin. Il y a sans doute encore dans ce sentiment d'humanité quelque chose d'animal. On y perçoit la plainte du mammifère qui s'adresse à la pitié des mères et nous réchauffe en troupeaux, angoisse dans la nuit, besoin d'amour et de tendresse qui nous protège du froid et des bêtes sauvages.

Quand cette plainte devient langage et que la demande se fait désirante, elle devient certes plus menteuse ("le mot ment : mot nu mental"), pire encore quand elle s'écrit, à disposition de tous les faussaires. Les religions de l'écriture sainte n'ont fait que renforcer l'hypocrisie d'une morale de pure forme et son pasteur de père suffit à justifier les outrances de Nietzsche qui n'en a pas moins tort de ne voir que mensonge et ressentiment dans ce qui n'est que vérité détournée où le vrai devient effectivement un moment du faux. N'en demeure pas moins l'insistance. Nous n'avons pas à rougir de nos blessures, pas plus que de nos révoltes ni de nos élans de solidarité. Ce sont nos élites bouffies qui auraient à rougir de leur insignifiance et de leur bêtise étalée. Le ressentiment est plutôt de ce côté, de ceux qui se croient au-dessus des autres et qui tiennent à leurs privilèges, du côté des snobs qui ont besoin de se rêver d'une quelconque noblesse toujours usurpée.

L'humanité qu'on nous donne en modèle est une humanité trompeuse qui gomme toutes les aspérités pour ne plus laisser qu'un discours lisse qui n'est rien d'autre qu'un discours d'ordre et de discipline visant à réduire au silence toute protestation. C'est tout autre chose si l'on parle des véritables créateurs et des révolutions ou des luttes contre les pouvoirs qui ont forgés nos droits comme nos libertés. Il suffit de parler de Rimbaud pour comprendre qu'on ne peut séparer le positif du négatif, on ne peut séparer les illuminations d'une saison en enfer et du coup de revolver final. Le message est toujours le même : dream is over, mais ce n'est pas du tout un retour à la case départ, ni même un reniement, encore moins l'abandon des luttes contre l'injustice. C'est au contraire un seuil important dans la conscience de soi de l'humanité, du possible et du souhaitable.

Du temps de ma jeunesse, j'ai traversé sans grand enthousiasme quelques communautés californiennes un peu tristes mais je dois avouer que, ce qui m'a ému surtout, ce sont quelques vieux défoncés adorables, certainement pas des modèles à prendre en exemple, plutôt des pauvres types un peu ridicules (des freaks on disait), et pourtant si humains et touchants. C'est de cette humanité perdue que je voulais témoigner, c'est la dignité de ces naufragés de la vie qui mérite d'être recueillie par écrit, c'est cette fraternité simple, dans toute sa maladresse, qu'il nous faut retrouver, fraternité qui n'est pas dans les discours politiques manipulateurs et les grands idéaux, pas seulement non plus dans le combat, comme le soutient Régis Debray, mais qu'on éprouve par dessus tout dans l'épreuve et la détresse, fut-elle climatique ou même sentimentale !

Pour se contenter de chercher le bonheur et cultiver son jardin, il faut comme Epicure habiter un empire qui ne nous laisse plus aucune existence politique, ou alors vivre dans un monde post-historique qui n'aurait plus rien à nous apprendre, mais il faut avoir perdu tout sens commun à s'imaginer pouvoir ne dépendre de rien ni personne, en totale autarcie satisfaite de soi. C'est une folie de vouloir rivaliser avec les dieux et devenir un homme complet délivré de toute aliénation, ce qui est bien risible au regard de notre inhabileté fatale et de tous nos remords. C'est une folie du même ordre que de vouloir amasser des millions pour s'offrir la belle vie, toute d'apparence et de faux semblants, de quoi se moquer encore plus bien sûr. En tout cas, aujourd'hui, la leçon est à retenir à nouveau du deuil de nos espoirs, comme du deuil de quelques uns de nos proches, pour redescendre sur Terre et retrouver enfin tous nos semblables dans l'action collective afin de nous sortir de l'impasse dans laquelle nous nous sommes mis. C'est du fond de notre commune détresse, devant le désastre qui s'annonce, que monte notre vibrant appel, frères humains qui après nous vivrez, n'ayez le coeur contre nous endurci...

C'est seulement après avoir abandonné l'espérance de supprimer l'être-étranger d'une façon extérieure, c'est-à-dire étrangère, que cette conscience, puisque le mode étranger supprimé est le retour dans la conscience de soi, se consacre à soi-même. Elle se consacre à son propre monde et à la présence, elle découvre le monde comme sa propriété et a fait ainsi le premier pas pour descendre du monde intellectuel. p307 (Hegel, Phénoménologie de l'esprit)

Il est Moi qui est ce Moi-ci et pas un autre, et qui en même temps aussi immédiatement est médiat ou est Moi supprimé et universel...

Le pardon qu'une telle conscience offre à la première conscience est la renonciation à soi-même, à son essence ineffective... Le mot de la réconciliation est l'esprit étant-là qui contemple le pur savoir de soi-même comme essence universelle dans son contraire, dans le pur savoir de soi comme singularité qui est absolument au-dedans de soi - une reconnaissance réciproque qui est l'esprit absolu.

Le Oui de la réconciliation, dans lequel les deux Moi se désistent de leur être-là opposé, est l'être-là du Moi étendu jusqu'à la dualité.

5 573 vues

8 réflexions au sujet de “Gilgamesh ou l’écriture du deuil”

  1. J'ai répondu a Zoé qu'elle a certainement raison de penser que les prolos sont toujours les dindons de la farce. C'est vérifié tant de fois dans l'histoire et notamment avec la première révolution européenne de 989, celle de la paix de Dieu portée par les moines et les reliques mais qui s'achève, après une période plus favorable aux pauvres, par le servage dans l'alliance du sabre et du goupillon. Il ne faut certainement pas se bercer de l'illusion que nous serions devenus sages et se suffire de nos bonnes intentions écologistes. C'est le sort réservé aux plus humbles qui jugera toutes ces bonnes intentions et c'est bien ce qui justifie un revenu garanti suffisant.

    http://jeanzin.fr/ecorevo/politic/989.htm

    Sinon, je ne prétends pas interpréter toute l'épopée de Gilgamesh, ce qui demanderait un livre entier, ni en dire toute la vérité. Même sur la fraternité du deuil, qui est le sujet de l'article, il y aurait à redire. Tout écrit est situé, toute vérité partielle, engagée. Je me sers de Gilgamesh pour rendre apparente une perspective actuelle plus que je ne m'en fais l'interprète.

    La seule chose que je peux dire, en m'excusant de sa trivialité, c'est que l'interprétation freudienne est ici transparente. Marthe Robert a touché juste avec son "Roman des origines et origine du roman" si bien illustré par Robinson Crusoé. Le roman est d'abord l'histoire fantasmée de la transformation de l'enfant en homme qui lui permettra de prendre la place du père dans le coeur de la mère, illusion du self made man s'engendrant lui-même sans plus être le fils de Robin ni de personne ! C'est par la femme qu'on accède à la sexualité et qu'on entre dans la communauté des hommes (des rivaux sexuels). L'animalité ici, serait liée à l'enfance (voir à l'adolescence indomptée) mais c'est bien sûr plus compliqué puisqu'Enkidu est supposé être l'équivalent sauvage de Gilgamesh le civilisé. Le jeu des oppositions contraint le récit, ce pourquoi l'interprétation d'un trait isolé n'a guère de sens. Le structuralisme a apporté des acquis incontournables sur ce point. Cela n'empêche pas d'utiliser ces analogies pour dire autre chose...

  2. En commentaire 37 du billet  « du communisme à l'écologie » Zoé semble accuser les partisans d'une «  écologie-politique », comme Jean(?), de se croire thaumaturges, de vouloir sauver l'humanité.
    La légende fondatrice de Gilgamesh revisitée ici apporte une réponse : il ne s'agit pas de se présenter en sauveur d'humanité, mais au contraire de se situer plus modérément, à sa juste place limitée dans la biosphère? Le billet sur Gilgamesh me semble préciser une réponse de Jean à des questionnement de commentateurs ( billet  « La revanche de l'esclave ») sur la position existentielle de l'animal humain: notre «  différence avec l'animal n'est pas donnée, elle est requise. Il s'agit de prendre la mesure de la rupture introduite par la langage et la réflexion qu'il permet ,en matérialisant la pensée » écrivait Jean . Or la légende de Gilgamesh pose cette question des limites humaines. Un heureux hasard fait aussi que Jean vient d'avoir l'occasion de signaler «  la différence dans la similitude » ( pour parler comme les théologiens du Moyen Age) entre le mythe de l'Atlantide selon Platon et le banc Spartel prés de Gibraltar, immergé lors du grand réchauffement à la fin de l'ère glacière.
    Similitude aussi entre cette montée des eaux de 135 mètres en méditerranée et les récits divers d'un déluge par punition divine.. Différence dans une certaine similitude, aussi, entre une phase de quête moderne de l'immortalité, de scientisme, d' idéologies annonçant un Paradis pour demain, et ce mur rencontré des externalités écologiques imprévues. Ce qui peut plutôt s'interpréter comme les internalités non intégrées au bilan comptable d'une production capitaliste insupportable pour la terre. D'aucun disent insupportables pour Gaïa, en allant sans doute trop loin......
    Première question: Peut-on répondre à Zoé que l'entrée dans l'écologie politique c'est imiter Gilgamesh : l'homme enfin, après des millénaires comme personnage improbable de la légende aurait pris conscience de ses limites?
    Ma deuxième question porte plus sur un détail, mais peut-être signifiant: comment expliqueriez_vous, Jean, ce symbolisme du héros fondateur initié par une prostituée. Enkidu initié à l'amour quitte son animalité, comme les jumeaux fondateurs de Rome sont éduqués par une louve ( en latin lupa radical qui donne lupanard). Est-ce dans la même veine que l'Eve romane du musée d'Autun est si lascive?
    En tout cas, merci.

  3. "Il ne faut certainement pas se bercer de l'illusion que nous serions devenus sages et se suffire de nos bonnes intentions écologistes".
    Si j'ai donné l'impression d'être victime d'une telle illusion, c'est que je me suis mal exprimé. Une sagesse est requise par une situation de fait : crises voire catastrophes écologiques.
    "Cela n'empêche pas d'utiliser ces analogies pour dire autre chose"...
    Peut-être ceci: la courtisane enseigne le " désir du désir" et le besoin de son expression parlée, ou écrite. Avec la courtisane on ne fait pas l'amour pour procréer, mais pour le pur plaisir, ce par quoi, pour le meilleur comme pour le pire, on est requis de quitter le Paradis originel du monde animal et sauvage?

  4. Oui, c'est effectivement une interprétation classique des mythes qui sont souvent des récits d'humanisation. Si j'ai préféré privilégier l'interprétation oedipienne c'est que je situais l'épopée de Gilgamesh plus du côté du roman que du mythe, ce qui est bien sûr contestable mais indiquerait quelque chose sur le passage à l'écriture. Dans un cas on aurait un événement unique fondateur de l'humanité, dans l'autre une transformation personnelle à recommencer pour chacun (par la lecture) ? Hypothèse très spéculative...

  5. merci pour cet article que je trouve encore décisif et très émouvant. je l'ai mis en lien dans le grand jeu à la sous rubrique ( l'art et la mélancolie , l'art et la mort) du projet transversale "pourparler piraterie art de la piraterie" . qui aborde aussi les contre cultures "sombres" comme le black metal et le funéral doom. dans la lignée du mémento mori et de l'art macabre.

  6. Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Il y a une critique explicite des golden boys et du bling bling mais justement c'est une critique qu'on pouvait faire déjà au temps des sumériens. Malgré tout ce qui nous différencie, nous sommes en effet très semblables, ce qui est certes très étonnant. A ce constat doit s'ajouter qu'on ne peut être hypermoderne qu'à se fonder sur l'antiquité et tout ce qui s'est passé depuis, qu'on le sache ou non, la négation de l'histoire nous condamnant simplement à la répétition et à la régression.

Laisser un commentaire