Un courrier que j'ai reçu sur la situation à Mayotte.
Comme les médias nationaux ne font pas leur boulot, je vous envoie quelques nouvelles du front, car c'est bien de front dont il s'agit.
Nous en sommes ici à 25 jours de grève et de manifestations. Et il a fallu un mort pour que les médias nationaux se déplacent, que l'assemblée nationale et le sénat s'émeuvent.
Le prétexte de ces émeutes est le véritable problème de la vie chère. Je dis prétexte parce que les évènements font émerger des problèmes sociaux encore plus épineux.
Les syndicats dans un premier temps ont mis les jeunes devant... Et ça a donné lieu à des débordements assez violents. Les jeunes ne pensent qu'à en découdre avec les forces de l'ordre. Ils érigent des barrages sur les routes, caillassent les voitures, rackettent les conducteurs...
Il y a eu alors une escalade de violence entre les forces de l'ordre et les "manifestants" : tirs de flashball, grenades lacrymogènes ou assourdissantes... Ça n'a pas arrangé l'image de marque de la police... Un enfant de 9 ans a été touché par un tir de flashball et a perdu un oeil..., et même si les circonstances de cet accident ne sont pas claires, ça n'a pas apaisé l'ambiance...
Dans un second temps, les manifestations se sont déroulées pacifiquement alors que les négociations allaient bon train. La préfecture et les patrons, grande distribution comprise, ont montré une bonne volonté certaine en baissant certains produits de 1ère nécessité jusqu'à 23%. Et même si par rapport au salaire moyen des mahorais c'est encore trop cher (le smic ici est inférieur à celui de la métropole ainsi que les prestations CAF et compagnie alors que la vie est plus chère) tout le monde y a mis de la bonne volonté. Restait le prix de la viande congelée que les patrons ont refusé de voir baisser. Le prix du gaz, du sable, des mabawas (ailes de poulets : base de l'alimentation mahoraise) du riz (indispensable quotidiennement aussi pour les mahorais) ainsi que d'autres produits alimentaires ont tous été revus à la baisse.
On s'attendait à une sortie de crise, car pendant ce temps les magasins étaient fermés, aucun moyen de se procurer autre chose que les légumes des marchés de bord de route. Le marché noir a fait son apparition... Les magasins ont rouvert timidement lundi, réouverture accompagnée d'une ruée "de survie". Les magasins ont été pris d'assaut, les forces de l'ordre ont du intervenir pour réguler l'accès ou bien fermer les établissements. Certaines boutiques se sont fait piller et quelques chanceux qui repartaient avec des vivres se sont vus racketter à la sortie (mahorais et mzoungous confondus...) Bref, une ambiance très explosive...
Du coup, les magasins ont de nouveau fermé, sauf un ou deux que les forces de l'ordre arrivaient à sécuriser. Les boulangeries ne pouvant pas ouvrir à cause de la cohue, le pain est vendu (souvent 2 fois son prix) à travers les grilles du magasin. Le port de Longoni est complètement bloqué et donc certaines denrées risquent d'être perdues... Les frigos sont vides...
On pensait encore que la sortie de crise était imminente, les mahorais ont faim, et les mamans sont inquiètes pour leurs enfants. La police est sur les dents depuis le début du conflit et même avant car on sentait déjà une situation très tendue.
Mme Penchard, ministre de l'Outre-mer est venue et a refusé de s'adresser directement aux mahorais. Cette attitude et les quelques propositions qu'elle a faite ont été très mal perçues par la population. Ils ne veulent pas être un département au rabais.
Les pillages des magasins se sont répandus, plusieurs petites surfaces ont même été incendiées. Le silence assourdissant des autorités politiques de l'île et des syndicats sur la conduite à tenir, à part la reconduite de la grève nous a laissé sans voix...
Et puis mercredi un homme est mort, pendant la manifestation. On ne sait toujours pas la cause de son malaise, mais la police est mise en question. Et là... La nuit a été la plus chaude de tout le conflit : voitures brûlées, magasins saccagés (il ne va plus rester une seule moyenne surface...) barrages partout... A Tsararano 6 arbres dont un manguier ont été abattus sur la route. Et partout dans le sud des barrages ont empêché la circulation.
Les mahorais ont des revendications légitimes, mais ils sont trop loin de la métropole pour être entendus.
Pourvu que nos politiques prennent enfin la mesure de ce qui se passe ici, avant qu'il ne soit trop tard. Les entreprises sont dans une impasse après plus de 3 semaines de grève et d'impossibilité de bouger. Comment va pouvoir reprendre la distribution sans magasin opérationnel? Et comment faire pour arrêter l'énergie du désespoir d'une population qui a moins de 20 ans à 56%? Il faut faire vite avant que ce soit irréversible.
Une marche blanche rassemblant au bas mot 20 000 personnes (soit 10% de la population...) s'est déroulée ce jeudi dans le calme.
C'est assez incroyable en effet, le JT de France 2, la seule émission de TV que je regarde, ne parle pas de Mayotte tandis que les émeutes de la Martinique, comparables dans leurs causes, avaient été largement couvertes.
La Martinique a beaucoup souffert de cette période, le climat social est devenu très lourd, les recettes du tourisme sont au plus bas. Il est temps de trouver autre chose que le tourisme pour que ces iles puissent vivre. Le solaire, un jour ? En attendant...
Bonjour,
C'est surprenant quand le ressenti se traduit par les mêmes mots. J'ai écrit un article le 22 octobre sans avoir connaissance de votre blog qui commençait comme suit...
Mayotte: quelques nouvelles du front
http://feeld.over-blog.com/article-...
Bien à vous
feeld