La nature et la vie

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L'amour de la nature a plus à voir avec l'amour qu'avec la nature, et donc avec les histoires qu'on se raconte. Dés lors, les conceptions qu'on peut avoir de la nature sont assez inconsistantes bien qu'elles tiennent à nos représentations immédiates, c'est ce qu'on va essayer de montrer.

On a vu, en effet, que la véritable origine n'est pas tant l'origine de la vie ou de l'univers mais l'origine de la parole, de l'énonciation comme de l'apprentissage du langage maternel ! La psychologie et l'épistémologie (la phénoménologie) précèdent les mathématiques, la physique, la biologie, la sociologie et celle-ci détermine en grande part la psychologie, fermant le cercle encyclopédique.

Une fois dépouillée de sa gangue mystique personnifiant la Nature, que peut donc nous en dire la science ? D'abord qu'on doit distinguer en son sein ce qui relève de la physique et de la biologie, non qu'il n'y ait une grande interdépendance entre les deux mais parce que cohabitent deux logiques contradictoires, celle de l'entropie et celle de l'information.

Le monde de la physique est bien celui de la causalité et de l'entropie alors que le monde de la vie est celui des finalités où l'effet devient cause, in-formation qui non seulement résiste à l'entropie mais se complexifie même avec le temps. Cela n'empêche pas que le biologique se construit sur le physique et l'intègre. De ce point de vue, on peut dire que le biologique et la biosphère englobent le physique. Malgré tout, la confrontation avec les forces de la nature est souvent purement physique, dans le déchaînement des éléments (l'eau, le feu, le vent, les tremblements de terre...).

Le temps, dans son sens météorologique, est une dimension essentielle de la vie par son caractère chaotique, son imprévisibilité, caprices du temps inaccessibles à nos prières. Comme je l'ai montré dans « l'improbable miracle d'exister », la vie se construit justement contre cette imprévisibilité et les forces de destruction entropiques, « nostalgie de l'unité déchirée par la contingence de l'être ». La Nature en tant qu'elle nous est extérieure et l'inconnu à découvrir, c'est à la fois la condition de la vie et ce à quoi la vie se confronte, dont elle épouse les formes, les fluctuations du milieu et l'incertitude de l'avenir étant ici essentielles (« la vie est une qualité de la matière qui surgit du contenu informationnel inhérent à l'improbabilité de la forme », Rossi).

L'unité supposée de la nature n'est donc pas sans divisions (un se divise en deux), sans une opposition fondamentale même, l'activité vitale étant une activité incessante de résistance à l'entropie, de lutte contre la mort et de régénération constante. Cependant, elle n'est pas seulement refermée sur elle-même et sa membrane qui la sépare réellement, elle est malgré tout ouverte sur l'extérieur qu'elle intègre, s'en nourrissant, offerte aux rayons du soleil dont elle capte l'énergie indispensable à sa survie. Ce n'est pas pour rien qu'on a fait du soleil un dieu. On sait ce qu'on lui doit. C'est de l'entropie extérieure que nous vivons, qui nous donne l'énergie de réduire notre entropie intérieure. C'est la mort d'une étoile qui nous donne vie, tout comme c'est d'animaux ou de végétaux morts que nous nous nourrissons, symbiose du parasite et de son hôte plus que de la mère nourricière et de son enfant. L'harmonie naturelle n'est qu'une bonne blague entre le prédateur et sa proie comme entre les prétendants d'une belle ! Cela n'empêche pas les moments de plénitude au milieu de tous ces dangers. Non seulement il n'y a pas véritable unité dans la diversité des espèces, mais il n'y a pas d'unité dans le temps d'une vie. C'est tout simplement que la mystique de l'unité dans son abstraction relève du langage qui se fige en image arrêtée, très loin d'une réalité fluctuante et contradictoire.

L'énergie est nécessaire à la vie, pourtant, selon le premier principe de la thermodynamique il n'y a jamais création d'énergie qu'il faut donc aller puiser dans l'environnement. Si la vie malgré tout est bien génération et création, c'est parce qu'elle est essentiellement création (reproduction) d'informations et d'organisation. Les organismes vivants ne sont pas immatériels, ils sont parcourus de flux de matières et d'énergie, mais ce ne sont pas des structures dissipatives auto-organisées, leur fonctionnement, leur organisation, leur reproduction est assurée par des flux d'informations qui sont bien différents des autres flux, pas seulement parce qu'ils sont en général inversés (comme l'argent suit le circuit inverse de la marchandise) mais surtout à cause de leur non-linéarité qui peut faire dépendre une métamorphose complète d'une toute petite information ! Il y a une rupture radicale entre le monde de l'énergie (physique) et le monde de l'information (biologique), rupture qu'on retrouvera d'ailleurs entre le monde du langage et le monde animal, rupture enfin que nous vivons avec le passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information.

Qu'est-ce que la vie, en effet ? La vie, c'est la reproduction et l'évolution. Il y a incontestablement contradiction dans les théories métaboliques de l'origine de la vie, supposant une émergence du vivant à partir d'une complexité auto-organisée bien difficile à concevoir mais surtout qui n'explique absolument rien puisqu'on se retrouve au même point dès lors qu'il faut encore expliquer comment cette complexité va pouvoir se reproduire et se doter d'un code génétique avec correction d'erreurs ! A l'opposé, commencer par la reproduction elle-même permet de concevoir assez facilement comment son métabolisme a pu se complexifier par sélection, ce qui est le contraire de l'auto-organisation. Il faut bien sûr un métabolisme minimum, une activité, une agitation, une source d'énergie sans doute fournie par les cheminées hydrothermales. Ensuite, à partir d'éléments qu'on trouve partout dans l'espace, on peut concevoir que tout ait commencé par les ARN autocatalytiques se reproduisant et menant à leur sélection par leur performance, leur fonction ou leur forme (tout comme les protéines) et non plus par leurs propriétés chimiques. C'est là où l'on quitte la chimie pour la biologie et le darwinisme, c'est là où commence la vie. Ce n'est même pas de la chimie sélective mais on passe réellement à une toute autre logique qu'on peut dire perceptive où c'est l'effet qui devient cause et intériorise la contrainte extérieure qui s'impose « mécaniquement », si l'on peut dire, aux éléments intérieurs.

Le fait que la vie soit basée sur l'information (sa mémoire) et sa reproduction (sa sélection) s'oppose à l'obscurantisme des théories de l'auto-organisation qui voudraient faire de la vie une qualité émergeant (mystérieusement) de systèmes complexes, de même qu'on se plait à rêver d'un cosmos vivant, on ne sait comment, et d'esprits incorporels flottant sur les eaux. Si l'auto-organisation a bien un rôle irremplaçable d'adaptation aux marges et sur le court terme, la sélection introduit ensuite une contrainte internalisée, une organisation cumulative qui la canalise sur le long terme en fonction de son histoire et de ses bifurcations. En tout cas, partir de l'information dans sa matérialité (génétique) rend impossible que l'esprit ou la vie consistent dans une propriété cachée, manifestant au contraire à quel point une vie immatérielle n'a aucun sens. Pour l'information, c'est plus ambigu car du fait même qu'elle se reproduit, qu'elle est forme, c'est d'une certaine façon un incorporel (comme les objets mathématique) mais l'information est toujours incarnée malgré tout, ne serait-ce que sous forme de bit numérique (gène, odeur, hormone, langage, écriture). Surtout, il n'y a pas d'information en soi comme il n'y a pas de virus en soi, sans l'organisme qu'il infecte. L'information est une différence qui fait la différence, comme disait Bateson, mais à condition que quelqu'un fasse la différence. Ce quelqu'un, cette subjectivité réactive est ce qui spécifie le vivant, depuis la première cellule.

Si l'information, la reproduction, la sélection expliquent l'évolution, ce qui spécifie la vie, c'est bien son activité vitale et sa réactivité déterminant sa viabilité. On pourrait croire que c'est une sorte de machinerie, ne serait-ce qu'à introduire effectivement des machines biologiques dans les cellules pour les asservir à la production d'énergie ou de produits pharmaceutiques. Cependant, on se rend compte que la caractéristique du vivant est surtout sa variabilité, la place de l'aléatoire étant beaucoup plus importante qu'on ne l'imagine. La cellule n'est pas seulement fermée sur elle-même mais se projette sur l'extérieur, elle est fondamentalement perception et adaptation à son environnement, sa variabilité, sa plasticité y sont vitales. C'est ce qui fait que la vie artificielle n'est pas la vie dont la variabilité serait incontrôlable, ce qui n'arrange pas les industriels. On est à peu près sûr pourtant qu'une cellule privée de possibilité d'évoluer ne peut se maintenir en vie bien longtemps. La vie n'est rien d'autre que l'exploration des possibles (de l'improbabilité des formes). L'évolution procède par intériorisation de l'extériorité (causalité descendante qui optimise les fonctions grâce à la sélection après-coup, en fonction du résultat, procédant par essais-erreurs). C'est cet apprentissage qui constitue la subjectivité de la cellule comme de l'organisme supérieur, à la différence de nos machines actuelles mais que les robots commencent à intégrer, subjectivité qu'on peut prêter aussi à des super-organismes comme une ville qu'on qualifie de vivante, alors que ce sont ses habitants qui lui donnent vie !

Il faudrait éviter les confusions habituelles entre les éléments du vivant, les organismes vivants et les groupes ou les écosystèmes qui ne sont pas assimilables à des organismes. Ainsi, les virus ne sont pas vivants bien qu'ils se reproduisent et évoluent (même le mimivirus qui a peut-être constitué le noyau des cellules eucaryotes). Cela n'empêche pas que les virus sont partie intégrante du vivant qui les produit (il n'y a pas de virus en soi sans l'organisme qu'il infecte). C'est la partie externalisée du code génétique et de la régulation des populations, de leur interaction avec le milieu. Le virus n'est pas plus vivant qu'une protéine isolée, c'est le milieu informationnel, l'information circulante entre les organismes récepteurs qui peuvent l'intégrer, un peu comme un livre qui a besoin d'être lu pour reprendre vie et sinon n'est que lettre morte. Ce n'est pas parce que les virus ne sont pas vivants qu'il pourrait y avoir une vie sans virus, sans échanges de gènes, sans régulation démographique. C'est particulièrement net pour les virus marins dont le rôle est considérable puisqu'ils tuent (régulent) 20% de la biomasse par jour ! Il y a aussi des virus qui nous protègent ou participent à notre évolution comme le virus qui permet au placenta de se former. Ils font donc partie intégrante de notre organisme bien qu'ils ne soient pas vivants et nous viennent de l'extérieur.

Un écosystème non plus n'est pas un être vivant, de même qu'une colonie de bactéries unicellulaires ne forme pas un organisme pluricellulaire (les colonies d'insectes s'en rapprochant beaucoup plus). On ne peut mettre sur un même plan les éléments de la vie, l'organisme vivant lui-même et les interactions entre organismes. La confusion entre organe, organisme et organisation n'est pas éclairante, elle est trompeuse. Ce n'est pas parce qu'il y a des caractères communs que les différences ne sont pas décisives. Ainsi un organisme et un écosystème relèvent bien de la théorie des systèmes mais un écosystème n'est pas un système complet, finalisé, car il n'a ni frontière, ni mémoire, ni véritable régulation globale du fait qu'il ne se reproduit pas. Cela ne veut pas dire qu'il n'a aucune régulation interne ni qu'il n'y a pas une vie de l'écosystème. Des équilibres entre espèces, entre organismes et ressources comme entre prédateurs et proies, se stabilisent forcément à plus ou moins long terme. Il y a une sélection des espèces et donc une sélection du fonctionnement global en fonction de sa durabilité mais il y a aussi régulièrement de grands incendies qui nettoient tout avant que la nature ne redémarre et ne reprenne ses droits. On constate alors que, plus un milieu est complexe plus il est robuste. Ce que cela veut dire est illustré par le lac Victoria en Afrique, où la catastrophe écologique dénoncée par « le cauchemar de Darwin » n'a pas fait baisser la productivité du lac car sa biodiversité était assez grande avant pour que des espèces se trouvent bien adaptées aux nouvelles conditions. Cependant, maintenant que la biodiversité a chuté, une nouvelle catastrophe serait sans doute beaucoup plus fatale.

Si un écosystème n'est pas un être vivant, d'autant plus peut-on le dire de la nature qui n'étant en rien une personne, ne peut être un Dieu en aucune façon. On a vu que c'est surtout le donné dans sa temporalité et l'improbabilité des formes, le temps qu'il fait et ses changements soudain, l'équilibre des espèces enfin. Cependant, la différence entre la biosphère planétaire et les écosystèmes particuliers, c'est qu'elle forme bien une totalité cette fois. On peut parler de frontière planétaire même à rester ouverte sur l'espace. Il n'est donc pas si absurde de nommer Gaïa ce qui constitue indubitablement un être, même s'il n'est pas tout-à-fait vivant et encore moins divin. Il y a indubitablement une sculpture réciproque de la Terre et des organismes vivants tout au long des millénaires de millénaires, avec une influence réciproque très sensible en particulier pour le climat qui est notre temporalité propre, donnant corps au vivant dont c'est l'objet principal, peut-on dire, en tant que variabilité de son milieu.

Cet abord du vivant par sa matérialité et l'objectivité de la nature doit être complété par son côté subjectif, inéliminable du fait que nous sommes partie prenante, comme vivants ou comme être parlants. Nous ne pouvons prendre, comme on nous y invite si souvent, le point de vue d'un Dieu extérieur, d'une prétendue connaissance du troisième genre (ou du troisième oeil) et contempler de loin la vague qui nous engloutit ! On a vu que la subjectivité et son inquiétude commençaient dès la cellule qui explore son milieu, qu'il y avait une dialectique du sujet et de l'objet plus qu'une simple séparation entre l'organisme et son environnement. Le terme d'environnement est en partie impropre pour ce qui participe à la construction des organismes et constitue d'une certaine façon leur origine, leur naissance au monde. Les organismes ne sont pas « jetés » dans l'être mais produits de leur milieu, c'est seulement quand on quitte son berceau qu'on peut parler d'environnement pour un organisme qui doit s'y adapter mais justement, avec le temps et tous ses aléas, l'évolution favorise l'adaptabilité plutôt que la stricte adaptation à des conditions locales. En tout cas, pour le vivant, l'environnement est l'extérieur dans lequel il se meut, l'inconnu dont il explore la variabilité par la sienne propre. Il n'y a pas de connaissance intuitive de l'environnement au sens où il formerait une unité compacte avec les organismes qui doivent toujours regarder où ils mettent les pieds, mais il y a indubitablement une mémoire génétique constituant la connaissance innée des réflexes de survie dans un environnement donné, sorte de prescience. On serait tenté de dire que le subjectif est du côté de l'acquis, de l'apprentissage, de la confrontation au réel, de l'irritation ou de la conscience plus que dans les automatismes instinctuels de l'espèce. Cependant, le ressenti, la sensation, le sentiment, l'émotion, ont une grande part hormonale qui relève de la mémoire génétique (l'affect est puissance d'agir, disposition du corps). Ainsi, l'attachement maternel que nous partageons avec les mammifères ou l'attirance sexuelle, mais la dépression aussi brouille le jugement.

Sans parler du filtre culturel, il n'est donc pas si facile de faire la part entre les prégnances instinctuelles et le perçu dans ce qui constitue notre monde vécu mais il est certain que les organes sont adaptées à leur milieu. Les humains dérogent pourtant à cette loi naturelle qui compensent leur fragilité infantile en créant un milieu artificiel. Il n'empêche qu'il y a un sens à parler de conditions naturelles de vie favorisant une santé définie comme le silence des organes. Il faudrait en tenir compte dans l'urbanisme au moins autant que dans les zoos ! Pour les hommes cependant, ce n'est pas seulement qu'ils construisent leur demeure, mais qu'ils se soucient des discours bien plus que des choses malgré ce qu'on raconte sur la société de consommation. C'est même pourquoi plus de la moitié de la population humaine est désormais regroupée dans les grandes villes. Le monde vécu n'est plus du tout le monde animal, c'est le monde humain, celui du sens où il faut préserver certes la place des corps et de l'écologie du fait qu'ils ne sont plus naturels justement, mais où s'ajoute la posture de l'authenticité, l'hystérie du vécu, la mystique de la nature. Il y a bien des critiques qu'on peut faire des sciences et des techniques, de leurs côtés négatifs indéniables, mais on peut voir une contradiction dans la critique purement phénoménologique au nom du monde vécu dès lors que la donation de sens vient du sujet, de son intentionalité. On serait plutôt dans le biologisme (il faudra y revenir). Certes, on peut mettre légitimement en cause le monde du spectacle comme le monde déjà vécu de la marchandise mais la défense du monde vécu n'est souvent qu'un conservatisme du passé, de ses traditions et de ses divisions sociales, nostalgie d'un monde qui n'a jamais existé souvent, reconstruit idéalement un peu comme la campagne du Petit Trianon ! C'est tout autre chose de vouloir préserver nos conditions de vie et sauvegarder notre autonomie afin de pouvoir donner sens à nos actes (« voir le bout de ses actes » disait Gorz). Il y a là aussi beaucoup de confusions. Ce qu'on prend pour l'évidence naturelle n'est souvent qu'une construction logique, « naturelle » mais parce qu'elle est « culturelle », le vécu n'étant plus que l'incarnation d'un signifiant saturé, comme on le voit dans les religions notamment où l'exaltation de la nature est on ne peut plus artificielle et dogmatique. Décidément, la « nature humaine » n'est pas tellement naturelle, plutôt excessive et même suicidaire, travail du scepticisme et du négatif, prise dans les contradictions du désir de désir comme désir de l'Autre...

Notre rapport à la nature et à la vie ne saurait se limiter à la sentimentalité, même s'il ne s'agit en aucun cas de vouloir refouler les sentiments de communion avec la nature, pas plus qu'avec l'être aimé, sentiments plutôt rares et précieux mais la question n'est plus l'idéalisation romantique de la nature ni la fusion mystique avec la Terre Mère, c'est qu'on est devenu responsables du monde, pas seulement du climat. Ce saut cognitif qui est celui de l'écologie-politique vient couronner l'histoire qui avait pris le relais de l'évolution, en constituant une intelligence collective dont on connaît les balbutiements avec le GIEC. Le principe de précaution est un élément essentiel de ce saut cognitif en tant qu'il est supposé intégrer notre ignorance, encore faudrait-il qu'il ne soit pas appliqué trop dogmatiquement ! C'est chose sérieuse mais avec ce gouvernement mondial en gestation, on peut se demander si Gaïa ne devient pas vraiment vivante à l'ère de l'anthropocène, dotée d'un système nerveux, de régulations et de centres de décision, d'une réflexivité enfin où elle prend conscience de soi comme solidarité des êtres qui la compose. Ne manque que la capacité de reproduction (il n'y a pas de Terre de rechange) mais avec « l'Etat universel », c'est quand même un peu comme si on passait de la colonie bactérienne à l'organisme pluricellulaire, avec des risques totalitaires indéniables de ne plus être qu'un élément interchangeable, un administré, si la diversité locale n'était pas préservée (ainsi qu'une économie plurielle). Le défi serait d'échapper ainsi à la logique darwinienne catastrophiste pour s'adapter aux contraintes écologiques et respecter une « causalité descendante » sans éliminations de masse mais en organisant au contraire les solidarités ainsi qu'en étant réactif (en corrigeant ses erreurs). Il y a malgré tout une limite aux capacités de changement des individus comme des organisations tout autant qu'à nos capacités cognitives. Il ne faut pas rêver. L'unité planétaire effective ne supprime pas les divisions sociales ni la pluralité des opinions ni les rapports de force ni les cycles idéologiques. Des simplifications brutales resteront donc inévitables, de plus en plus rares espérons-le...

Nous devrons subir encore nombre de catastrophes naturelles mais c'est tout de même une nature de plus en plus intériorisée à laquelle nous aurons affaire. Nous appartenons désormais à cette histoire du monde et de l'humanité à laquelle nous participons par nos actes, souvent à notre insu. Dans cette nouvelle responsabilité du monde de l'écologie-politique et le souci de préservation de la nature, on retrouve l'essence même de la vie, de son élan vital, qui est de résister à l'entropie et qui trouve son écho intime dans le sentiment de l'entropie, profondément ancré en nous, la douleur de la perte, l'angoisse de la destruction, la nostalgie du passé, la peur de la mort et la compassion pour tous les êtres.

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