L’hypothèse extrême

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Les prévisions des climatologues sont en général des prévisions moyennes et raisonnables, d'autant plus qu'elles font l'objet de négociations politiques dans le cadre du GIEC, avec le souci de ne pas désespérer les populations. Cependant, les incertitudes étant immenses, il est toujours fait mention qu'on ne peut exclure des ruptures de seuils et des phénomènes d'emballements qui sortent radicalement des projections actuelles mais seraient trop improbables pour être prises en considération...

Seulement, voilà, les dernières nouvelles du climat ne sont pas bonnes du tout et renforcent justement l'hypothèse d'un emballement possible à relativement court terme. Ce ne sont pas des informations qu'on peut prendre à la légère même s'il ne s'agit pas de paniquer. Il faut du moins sérieusement envisager la possibilité d'un tel enchaînement qui augmenterait les températures dramatiquement, bien au-delà des modèles actuels, par un processus qui s'auto-alimente lui-même et qui aurait peut-être déjà commencé !

sauve qui peut !

Il est certes trop tôt pour affirmer que ce soit vraiment le cas, d'autres études pourront sans doute nous rassurer, ce n'est peut-être qu'un effet de cycle qui pourrait s'inverser, espérons-le, mais il n'est pas forcément trop tôt pour en parler, ne serait-ce que pour faire le point sur les raisons qu'on aurait de ne pas trop s'inquiéter. C'est préférable plutôt que de porter une sorte d'interdit sur ce catastrophisme qui n'est pas un simple fantasme, une faiblesse de la cervelle, mais semble bien venir des faits eux-mêmes. Il est surtout important de prendre conscience que dans le cas d'une accélération du réchauffement les priorités en seraient complètement bouleversées. Il sera toujours utile de réduire les gaz à effet de serre que nous émettons pour ne pas en rajouter, mais comme on ne pourra plus ralentir notablement le processus, la priorité sera plutôt de tenter de s'adapter à cet épisode extrême, ce qui changerait complètement la donne.

On est loin de la déclaration des scientifiques au sommet de Bali appelant à ne pas dépasser un réchauffement de 2°C, ce qui serait bien nécessaire effectivement, sauf que c'est un objectif sans doute déjà hors d'atteinte et qu'il se pourrait même que le système soit déjà hors de tout contrôle ! Certains s'imaginent encore pourtant que tout pourrait s'arranger tout seul grâce aux nuages ou quelque autre miracle qui transformerait le chaud en froid, comme si notre planète n'avait pas déjà connu de tels épisodes. Hélas, les nouvelles vont toutes dans le même sens qui n'est pas du tout rassurant, loin de là.

Il faut s'y faire, le monde n'a plus de mystère et personne ne nous sauvera hors de nous-mêmes. L'univers n'est pas habité d'un esprit protecteur mais de bruits et de fureurs, et s'il n'est pas exclu que d'autres intelligences aient pu se développer dans cette immensité, c'est hors de notre portée de toutes façons. Nous somme seuls sur cette Terre dont nous avons déstabilisé un équilibre millénaire et il ne sert à rien d'invoquer la divine Gaïa qui ne viendra pas à notre secours ni aucun autre dieu ou force cosmique... Nous devons faire face nous-mêmes au désastre que nous avons peut-être enclenché mais qui nous dépasse maintenant et menace de tout submerger. En attendant un démenti du réel ou de spécialistes plus compétents que moi à ces sombres perspectives, nous ne pouvons nous dérober à essayer de prendre la mesure de la catastrophe qui vient, de son caractère tellement catastrophique qu'il en devient impensable et nous fait éprouver toute la fragilité de notre existence et de notre aventure humaine, suspendue à notre rationalité trop limitée...

Les faits

Il ne s'agit pas de prétendre que le pire serait sûr. "La Recherche" a certes bien raison d'évoquer "Un monde d'incertitudes" : les effets des nuages, l'incidence des aérosols, l'adaptation des écosystèmes végétaux, la capacité d'absorption du CO2 par les océans, la circulation océanique, la stabilité des hydrates de gaz, le dégel du permafrost, la fonte des glaces, l'activité solaire et le rayonnement cosmique, les rejets humains de gaz à effet de serre, les événements extrêmes...

Il faut bien dire pourtant, que la plupart de ces incertitudes vont vers le pire, en premier lieu la fonte du permafrost qui s'accélère avec celle de la banquise mais aussi la capacité d'absorption de l'océan qui diminue dangereusement et notre incapacité à réduire nos émissions :

- Fonte de la banquise en Arctique : un emballement est possible

- L'emballement (bis) : nos émissions augmentent et l'absorption par la mer diminue...

- Regain d’émissions de gaz à effet de serre dans les pays riches

Ce n'est pas rien et, sans compter tous les avertissements de ces derniers temps, ces nouvelles confortent les risques d'emballement alors même que les spécialistes du climat sont réunis à Bali pour mettre à jour le protocole de Kyoto, mais avec des hypothèses basses afin de ne pas trop effaroucher les politiques... On peut effectivement trouver irresponsable de faire état de scénarios tellement catastrophistes qu'il ne servirait plus à rien de vouloir s'y opposer. Seulement, la question, c'est de savoir si c'est oui ou non ce qui s'annonce au vu des dernières données!

Le cercle vicieux

L'erreur qu'on ne devrait pas commettre avec la météorologie comme avec le climat, c'est de s'imaginer que ce sont des processus linéaires dont les effets sont proportionnels aux causes alors que ce sont des équilibres chaotiques qui peuvent passer rapidement d'un état à un autre par rupture de seuil. Ce qui justifie qu'on puisse s'inquiéter c'est qu'il y a bien des risques d'emballement, des "boucles de rétroaction positive" qui provoquent une amplification auto-entretenue, de type "explosive". Certes, il y a aussi des boucles de rétroaction négative. La vapeur d'eau pourrait ainsi réduire l'ensoleillement mais ce n'est pas automatique et encore trop mal connu car tout dépend de l'altitude des nuages... Prendre pour acquis le fait qu'un réchauffement conduit au refroidissement n'est pas raisonnable. En tout cas, c'est le résultat qui montre qu'on est plutôt dans un cercle vicieux...

Le fait que nos émissions augmentent encore est très significatif mais ce n'est peut-être plus l'essentiel car la fonte du permafrost sibérien et la baisse d'absorption du CO2 par l'océan vont produire inévitablement une accélération rapide du réchauffement peut-être même jusqu'à la libération des méthanes marins... Il ne servira plus à grand chose de vouloir réduire nos émissions (ou alors tout, tout de suite!) car, la réduction de l'absorption du CO2 par la mer va rendre dérisoires nos efforts (on n'est plus dans les mêmes ordres de grandeur) et la fonte du permafrost devrait libérer des quantités énormes de méthane. Plus rien à voir avec la production humaine, on est à une toute autre dimension, géologique, et dans un effet "boule de neige" si l'on peut dire, car plus le climat se réchauffe, plus l'effet de serre se renforce et plus la température monte ! C'est une perspective absolument terrifiante et d'autant moins impossible qu'elle semble se dérouler sous nos yeux !

The Road to Hell

Nous allons connaître l'enfer. Celui qui a vécu par le feu périra par le feu ! Enfin, ce seront plutôt nos enfants qui paieront pour leurs pères... Réussirons nous à faire de cette Terre surchauffée un paradis tropical, du moins dans les terres restées émergées ? Il ne faut pas trop rêver et il faudrait plutôt se préparer à vivre dans un monde infernal, se préparer à la catastrophe si on ne peut plus l'éviter, ce qui pourrait nous obliger à changer de front et, au lieu de se focaliser trop exclusivement sur la réduction du CO2 (avec des biocarburants qui ont des conséquences catastrophiques), prendre à bras le corps l'adaptation de nos sociétés au changement climatique. C'est un changement de cap risqué, d'autant que ceux qui prônent cette position, comme Bjorn Lomborg, le font avec l'illusion que tout pourrait continuer comme avant, en prenant pour argent comptant les valeurs les plus faibles des prévisions, et en ignorant systématiquement les signaux d'alerte majeure ! Si la température devait grimper "en moyenne" de plus de 6° sur toute la planète, maximum envisagé par les modèles, cela voudrait dire pourtant que sur les terres, les températures extrêmes vont monter bien au-delà, sans parler d'un emballement bien supérieur tel qu'on est bien obligé de l'envisager désormais et comme il y en a eu plusieurs par le passé, à l'origine de grandes extinctions de masse (et si ça s'est produit, le même cercle vicieux peut se reproduire, sans rien qui l'arrête apparemment) !

Les échelles de temps sont très incertaines et peuvent varier d'un facteur 100, de quelques dizaines d'années à plus d'un millénaire ! Il est donc bien possible qu'on trouve des solutions pour y survivre, on a la technologie pour cela sans doute et la géoingénierie peut gagner un peu de temps en prenant d'autres risques (en voilant le soleil par du soufre ou de la poussière d'aluminium par exemple!), mais le plus problématique sera de nourrir toute la population. C'est une situation à laquelle il faut se préparer même si ce n'est pas drôle, arrêter de se conduire en gamins irresponsables. On préférerait, certes, parler de choses plus positives ou exaltantes, mais on ne peut ignorer les informations qui nous parviennent. Je dois dire que je suis comme les autres et que ça me gonfle un peu cette histoire de climat et le catastrophisme ambiant, j'espère qu'on se trompe mais ce sont les nouvelles qui ne sont pas bonnes et qu'il faut prendre en compte dans nos projections du futur. S'il y a de bonnes nouvelles il faudra en tenir compte aussi mais ce n'est tout simplement pas le cas pour l'instant.

Comment vivre dans la fournaise ? Voilà peut-être la question de l'avenir et qui rend bien futiles toutes les autres... La question d'aujourd'hui, reste celle de savoir si on peut encore l'éviter (et comment ?). Il n'y a rien de moins sûr mais il faut tout tenter. On pourrait espérer du moins que devant la menace commune et le sentiment d'un destin partagé notre solidarité s'affirme assez fortement pour nous sortir de l'impasse. L'enjeu est toujours le même, "civilisation ou barbarie", mais on sait trop bien que les civilisations sont mortelles !

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