J'ai toujours trouvé le comble du paradoxe les libertaires se réclamant de Nietzsche, l'expurgeant de tout ce qui a mené les Nazis à s'en réclamer, ce qui n'est quand même pas rien. On peut toujours dire que les penseurs ne sont pas responsables de leurs partisans ni des conséquences de leur pensée, mais c'est un peu léger, tout comme ceux qui ne veulent pas penser le rapport de la philosophie de Heidegger au nazisme, ce qui est encore plus incroyable. Il ne s'agit pas de s'ériger en procureur et renvoyer leurs oeuvres au néant, comme le font trop de critiques superficielles, mais au contraire de relier profondément ce qu'elles peuvent avoir de séduction mais aussi de vérité, tout est là, avec leurs conséquences désastreuses. C'est la même chose pour Marx. On a beau répéter que les régimes marxistes n'avaient rien à voir avec Marx, il y a forcément un rapport, et au lieu de croire pouvoir choisir ce qu'on accepte ou non, il faut comprendre la logique menant à l'inacceptable. En fait, ce que les errements politiques des philosophes depuis Platon illustrent, c'est non seulement qu'ils ne valent pas mieux que les autres sur ce plan mais, pire, que le Bien est l'origine du Mal souvent, comme la folie est un excès de logique. Non seulement la philosophie promet plus qu'elle ne peut tenir mais souvent elle égare tout autant que les religions, que ce soit sur sa prétendue sagesse ou sur la liberté.
On comprend bien ce que Nietzsche peut avoir de séduisant, surtout pour des adolescents qui doivent s'affirmer. D'abord, il est simple (simpliste) et c'est incontestablement un grand écrivain qui nous communique son exaltation en nous encourageant à prendre notre indépendance et renverser les idoles. Sortir de la religion pour un fils de pasteur, ce n'est pas rien (et le poussera vers la paranoïa). Cela en fait donc le philosophe de la mort de Dieu, de son absence et de valeurs ayant ainsi perdu leur fondement, nécessité de s'inventer de nouveaux principes de vie. C'est cette réitération du moment sceptique, réveil du sommeil dogmatique, réaffirmation de l'ignorance, réactivation du doute, qui en fait l'importance dans l'histoire de la philosophie. Si Dieu est mort tout est permis, s'imaginent les croyants, alors qu'il montre que cela nous rend surtout responsables de nos valeurs et de nos vies.
Pas étonnant jusque là que les libertaires y voient un allié mais son erreur est d'en faire un enjeu individuel - il n'y aurait pas d'autre fondement que Dieu ou l'individu - ce qui fait que ça se complique ensuite avec un snobisme élitiste assez ridicule, et qui commence avec l'extraordinaire retournement voulant faire de la morale la dictature des faibles et des dominés alors qu'elle est plutôt au service des propriétaires et des dominants ! Ils nous le répètent sans cesse, les riches sont persécutés par les pauvres ! Derrière une salutaire critique de l'hypocrisie morale et de l'insupportable moraline (initiée par les "moralistes français" comme La Rochefoucauld), il y a quand même là de quoi justifier, comme jamais depuis Aristote, inégalités et domination, même déguisées en méritocratie et dépassement de soi. De plus, cette dénonciation d'une morale trompeuse la réduit abusivement à ce qui nous empêcherait de jouir et bride notre instinct ou volonté de puissance.
L'amusant, c'est de constater que son rejet de l'idéal et de la morale ne fera qu'aboutir à un autre idéal, une autre morale négatrice. En effet, derrière la dévalorisation de toutes les valeurs dont il est l'aboutissement, le nihilisme se dévoilait comme la négation de la vie au nom de l'idéal (platonicien) ou de valeurs supérieures, comme si elles n'étaient qu'un obstacle à une affirmation positive de la vie, à laquelle il suffirait de laisser libre cours. C'est bien sûr une illusion dogmatique, et, l'inversion des valeurs au profit de la vie ne se résumera finalement qu'à tout réduire à des valeurs (qui valent pour la volonté - de puissance) et n'en garder que la supériorité, l'effort pour se dépasser qui ne prend sens qu'à pouvoir regarder les autres de haut. Du coup, il ne fait que répéter la promesse du crucifié (auquel il s'identifie à la fin) en reconstituant un idéal de vie héroïque qui transfigurerait l'existence, ce qui dévalorise tout autant la vraie vie, vie quotidienne renvoyée au néant, dans un nihilisme encore plus radical sous ses apparences hédonistes d'une vie débordante (d'ailleurs un fragment de 1887 le confirme : "Je n’ai osé que récemment m’avouer qu’au fond, j’ai toujours été nihiliste"). On peut opposer à cet idéal héroïque inatteignable, la simple beauté du geste quotidien, dans son humanité, qui suffit à donner sens et valeur à nos vies.
L'apport philosophique de Nietzsche me semble assez mince même si certains en font le premier philosophe de la modernité et de l'ère du soupçon. Le soupçon sur la vérité n'était pas vraiment nouveau, qu'il n'y ait que des représentations est déjà chez les stoïciens. Certes, il radicalisera cette critique de la vérité (ramenée à une valeur comme les autres et une simple interprétation ou vérité alternative au service de la volonté de puissance). Qu'il engage à la généalogie de ces représentations serait incontestablement de bonne méthode, sauf que la sienne est complètement imaginaire, purement réactive ! Son perspectivisme, qui nous enferme dans notre subjectivité, l'inscrit sinon dans une ligne qui va de Kant (voire de Nicolas de Cues ou des monades de Leibniz) à l'intentionalité de Husserl, en passant par Schopenhauer, mais négligeant trop sa validation pratique et, pour le reste, son athéisme le fera essentiellement revenir à Spinoza et sa conception de l'être comme expression d'une essence originelle (deviens ce que tu es) sur le modèle du développement et de la croissance des différentes espèces vivantes. La volonté de puissance en est directement issue (même si elle semble déborder le conatus), puissance qui passe à l'acte et joie résultant de son accroissement de puissance (Spinoza parlait lui de passage d'une moindre perfection à une perfection plus grande), ce qu'il voudrait faire passer parfois pour un pur don, sans négatif ni rien prendre à personne (comme est supposée la création artistique), chacun se développant dans sa bulle selon sa propre loi, alors que cela aboutit à la domination des plus forts et l'élimination des ratés... Cette volonté de volonté, qui se réduit à se vouloir soi-même, serait pourtant plus déterminée (génétiquement) que libre, Nietzsche adhérant au déterminisme intégral de Spinoza. Tout est joué d'avance, jusqu'à imaginer, à cause de ce déterminisme implacable, un éternel retour du même (un peu comme chez les stoïciens) assez cauchemardesque.
Il y a malgré tout une absence flagrante, c'est celle du Dieu de Spinoza qui restait la finalité et le couronnement de l'Ethique, son propre perspectivisme rejetant une connaissance du troisième genre qui donnerait un point de vue totalisant en surplomb, hors du monde. En contrepartie de l'inexistence de Dieu, c'est du coup l'humanité de l'homme sans dieu, dont Pascal avait montré toute la misère, qui est en question, ce qui devrait nous distinguer malgré tout de la machine comme des animaux. En effet, jusqu'à Schelling, notre humanité pouvait se définir simplement par le fait que nous ayons l'idée de Dieu. Déjà, les philosophes des lumières en essayant de définir l'humanité de l'homme en dehors de la théologie auront tendance à la réserver à une élite (eux-mêmes). En tout cas, sa confrontation avec cette question constitue tout l'intérêt de Nietzsche pour l'histoire de la philosophie, mais sa conception tronquée de l'homme (du surhomme) aura eu des conséquences on ne peut plus funestes. Dans le fond, le destin de l'homme n'est pas tellement différent pour lui que pour les premiers philo-sophes grecs (pré-chrétiens), nous engageant à l'excellence et à se dépasser (vivre en immortel en se sachant mortel). La différence n'est cependant pas mineure puisque, même s'il récuse l'individualisme (trop démocratique) au profit de la hiérarchie et de l'eugénisme de l'espèce ("la véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l'espèce"), il isole malgré tout l'individu de la cité et le réduit au subjectif, remplaçant les vertus civiques par ce qu'il appelle "le grand style" (qui se la pète) et l'ivresse de se sentir supérieur.
Il ne fait qu'en rajouter dans l'emphase en parlant de surhomme, afin de pouvoir se glorifier lui-même en crachant sur les faibles, lui le grand malade, mais il n'est pas le seul à prétendre annoncer un homme nouveau comme le marxisme le fera, sauf bien sûr que ce n'est pas du tout le même ! A la base, il y a cette idée qu'en l'absence de Dieu nous devons trouver en nous-mêmes le fondement de notre existence, en être responsables, choisir notre vie et nos valeurs, devenir cause de soi enfin. En fait, c'est une idée folle de croire qu'on trouve en soi ses propres ressources alors que nous sommes plutôt l'expression de notre temps et de notre groupe. Ainsi, les "esprits libres" ne font souvent qu'adhérer à la mode critique du moment - quand ils ne tombent pas dans les théories du complot et autres délires. La prétention de penser par soi-même, voire contre soi-même (nos préjugés et traditions), n'a pas grand sens et ne nous découvre pas dans son évidence la réalité qui nous était voilée mais débouche plutôt sur des pensées stéréotypées, réactionnelles, et simplement d'autres préjugés. Vouloir penser par soi-même est d'une si grande prétention que cela mène facilement au délire des grandeurs - assumé explicitement par Nietzsche et dont personne n'est tout-à-fait dépourvu sans doute dès lors qu'il pense et juge mais dont le caractère pathologique est manifeste (difficilement refoulé par ses admirateurs). Ce subjectivisme n'est pourtant qu'un effet dogmatique d'une fausse évidence, celle de la volonté individuelle, quand il n'y a que sens communs (pluriels).
Il faut souligner comme ce prétendu fondement sur soi-même du sens, en l'absence d'un garant divin, est en fait remplacé immédiatement par le mythe de l'éternel retour qui lui donne un fondement extérieur objectif, tout comme la volonté de puissance à laquelle chacun devrait se soumettre (c'est même ce qu'est supposé le surhomme d'épouser sa volonté de puissance). L'éternel retour du même n'est pas très différent du meilleur des mondes possible ou d'affirmer que le réel est rationnel. Si on n'accepte pas ces professions de foi de spinozisme fataliste nous enfermant dans le devenir de l'Être, ce qui peut donner sens à l'existence au contraire serait notre réaction contre la mort qui menace et le cours du temps, notre résistance à l'entropie qui gagnera toujours à la fin - car ce n'est pas parce l'univers n'a pas de sens que nos actes n'en ont pas. Ce n'est certes pas satisfaisant pour l'esprit. On cherche à remplacer le dieu par un fondement aussi totalisant et universel, alors que c'est véritablement son absence qui donne sens à notre liberté et notre existence qu'on ne peut réduire à une vie déjà vécue.
La séduction exercée par Nietzsche sur les libertaires (notamment sur Deleuze et Foucault) est indéniable. Il n'est pas sûr que ce ne soit pas un peu la séduction du mal mais on n'est pas si loin pourtant du développement personnel actuel quand il nous engage à transfigurer notre existence, lui donner plus d'intensité, faire de nous des hommes forts, des winners, des guerriers (il y en a qui ont bien retenu la leçon). Ainsi, ce qui donnerait valeur à l'existence ne serait que de se sentir supérieur, y compris par sa poésie ? On parlera du libre développement de nos facultés ou d'un épanouissement individuel pour ce qui n'est que désir de reconnaissance et narcissisme. Il suffit certes de se poser la question de notre existence pour se demander quelle vie nous semble désirable, quel est le mieux que nous puissions espérer pour nous y consacrer, mais comme "la vraie vie est absente", il est tentant de suivre les gourous ou frimeurs qui nous égarent en nous promettant d'y remédier. On fait du saut à l'élastique mais rien de plus intense que de mettre sa vie en jeu dans un combat guerrier ! Ce qui est à mettre en cause, c'est cette injonction à jouir sans temps morts et ce souci de soi un peu trop exclusif, nouvelle normativité qui préfigure l'existentialisme et qui ne le cède pas dans son nihilisme à la condamnation morale de la vie réelle et de la masse aliénée.
Je vous enseigne le Surhumain. L'homme n'existe que pour être dépassé.
On peut toujours argumenter que la supériorité visée par Nietzsche est le contraire de ce qu'en ont fait ses épigones, qu'il aurait eu le nazisme en horreur (aussi bien les antisémites que les Allemands), cela n'empêche pas qu'il visait bien une race supérieure et que tout le reste en découle. On ne peut censurer son darwinisme et son eugénisme dont se réclameront les nazis sous prétexte qu'ils n'apparaîtraient que dans les fragments posthumes, ce qui est faux (cf. l'Antéchrist : "Périssent les faibles et les ratés", ou Ecce homo : "destruction impitoyable de tout ce qui représente des éléments dégénérés et parasitaires", etc). En effet, la supériorité revendiquée ne va pas sans l'infériorisation des autres, ce qu'il exprimait très clairement dans son soutien à l'esclavage au moment de la guerre de sécession. Même s'il a récusé la réduction par ses lecteurs de sa philosophie au darwinisme, il en adopte plus que le vocabulaire. Au lieu donc de vouloir le défendre par sa hauteur de vue et ses pures intentions dénuées de toute cruauté, comme ceux qui voudraient un nazisme sans les camps ou un communisme sans dictature, c'est son projet darwinien d'une race supérieure qu'il faut critiquer et abandonner. Si l'évolution nous mène bien au surhomme, ce sera celui du transhumanisme et d'une plus grande domestication de l'homme plutôt que de la transvaluation des valeurs ou de la superbe brute blonde (qui serait une régression) ! Devenir les meilleurs dans un domaine ou se libérer de quelques illusions ne nous fait pas accéder à une supériorité de l'existence mais juste, éventuellement, à la reconnaissance de notre valeur pour nos projets communs. Par contre, une société de maîtres ne connaît pas de véritable reconnaissance. La dialectique hégélienne aboutit plutôt à la revanche de l'esclave et une réconciliation finale qui ne peut être qu'une reconnaissance incorporant le négatif (le grand pardon), reconnaissance entre pauvres pêcheurs qui n'atteignent pas à la perfection, où le négatif est reconnu, dans sa nécessité, sans être valorisé outre mesure.
A la morale culpabilisatrice de l'esclave, Nietzsche a voulu substituer une morale de maître et à l'interdit une idéologie de la liberté trompeuse. Dans la réalité, l'esclave libéré n'a pas la vie facile pour autant et l'athée n'est pas épargné par les idéologies de substitution. Au lieu de l'accès à une jouissance originelle, la perte de nos illusions a plus de chances de décevoir nos espérances. Mais si l'émancipation ne débouche pas sur le bonheur, l'Être, l'utopie, la vérité, à quoi bon se libérer ? C'est pourtant ce qu'on doit affirmer, contre tous les prophètes d'un homme nouveau : la nécessité de la liberté sans les promesses de la libération. On peut d'ailleurs être tout-à-fait libre à notre époque plus qu'une autre, malgré tout ce qu'on raconte (je l'illustre d'une certaine façon), mais, surtout, notre réalité contemporaine n'est pas celle d'un retour aux sociétés disciplinaires et théocratiques, plutôt celle de l'autonomie subie et d'une perte de sens - qui ne peut se trouver que dans notre devenir commun et non en nous-mêmes.
En tout cas, malgré ses grandes envolées, le snobisme de Nietzsche ne nous sera d'aucun secours pour affronter les limites de l'émancipation (qui sont notre actualité) sans donc remettre en question l'émancipation elle-même, mais en la projetant dans notre monde commun qui lui donne un contenu. Il ne faut renier ni l'existence individuelle, la précieuse liberté de chacun, ni la dimension sociale de l'être parlant (de la langue et du sens communs) qui ne croit pouvoir s'en abstraire qu'à se persuader de sa supériorité sur les autres. Au lieu d'une liberté se contemplant dans sa vacuité, nous sommes requis par les urgences écologiques et sociales, avec les autres, dans l'action, car il n'est pas question d'amor fati, d'accepter le monde tel qu'il est sans rien faire, encore moins de le célébrer dans sa folie et ses injustices. Où il ne s'agit plus vraiment de choisir sa petite vie (sans vraiment le pouvoir) ni de se torturer pour savoir sur quoi s'appuyer en dehors de la religion et de la loi du Père déficiente, mais de sauver ce qui peut l'être et se mesurer aux forces sociales et matérielles qui menacent nos conditions de vie, en se mettant au service de la finalité commune. Tout le reste n'est que nihilisme.
Là aussi on aurait tort de se croire supérieurs par notre lucidité et se prendre pour des héros alors qu'on reste si ignorants, et d'abord du champ politique. La connerie des autres ne nous exempt pas hélas de notre propre connerie. Ce n'est pas drôle et ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas de vérités mais que c'est pour cela que, ce dont nous avons besoin, c'est des petites mains de la science pour évaluer la situation et pouvoir éviter le pire, besoin d'une trop rare intelligence collective plus que de grands discours et de certitudes inébranlables. Il faut penser collectif, les bonnes intentions ne suffisent pas, ni l'ardeur du combat, mais se jugent au résultat.
Voir aussi : "Généalogie de la morale, de Nietzsche à Lévinas".
Dans son petit livre sur Nietzsche, Deleuze termine son interprétation imaginaire de sa philosophie par ces dénégations massives :
Nous, lecteurs de Nietzsche, devons éviter quatre contresens possibles : 1° sur la volonté de puissance (croire que la volonté de puissance signifie "désir de dominer" ou "vouloir la puissance") [même si la volonté de puissance est volonté de volonté, c'est tout de même en ce sens de vouloir la puissance que Nietzsche l'utilise souvent, parlant de "soif de pouvoir" et même de "sublime méchanceté"] ; 2° sur les forts et les faibles (croire que les plus "puissants", dans un régime social, sont par là même des "forts") [c'est pourtant contre les plus puissants, pas contre les artistes, que les esclaves et les "ratés" sont supposés nourrir leur ressentiment] ; 3° sur l'éternel Retour (croire qu'il s'agit d'une vieille idée, empruntée aux Grecs, aux Indous, aux Babyloniens... ; croire qu'il s'agit d'un cycle, ou d'un retour du Même, d'un retour au même) [c'est pourtant ce qui fait craindre à Nietzsche un retour de sa soeur et de sa mère comme de toute la mesquinerie du monde, sans compter que l'éternel retour du même est bien basé sur un déterminisme intégral reproduisant l'identique au bout d'un temps infini, assurant que nous reviendrons éternellement, l'idée d'une sélection l'améliorant étant complètement inventée, Nietzsche précisant qu'il n'y a pas de progrès et que "cette doctrine est douce envers ceux qui n'ont pas foi en elle ; elle n'a ni enfer ni menaces"!] ; 4°sur les œuvres dernières (croire que ces œuvres sont excessives ou déjà disqualifiées par la folie) [il est absurde de dénier la paranoïa qui s'y étale de plus en plus et dont l'étiologie est transparente de se prendre pour le Dieu/Père qu'il a tué, l'exaltation illuminant certes le style comme d'autres fous littéraires].
Je partage votre texte avec un enthousiasme que le souvenir de mes études de philosophie rend même un peu excessif. Combien de fois à la lecture de certains grands philosophes, comme Nietzsche notamment, ne me suis-je pas interrogée sur la qualité intrinsèque de leur proposition, de leur vision sans apprêts rhétoriques? Nietzsche est devenu au fil des ans un maître de l'aphorisme à mes yeux. J'aime bien à l'occasion dire que «sans la musique, la vie serait une erreur» ou «ce n’est pas l’histoire, mais l’art qui exprime la vraie vie», mais sinon, quoi? Ce que vous dites M. Zin. J'adoube et j'applaudis. - signé une sur-femme donc un sous-homme 😀
Ma critique de Nietzsche sera très mal accueillie par tous ceux pour qui il a été un guide de vie, ce qui rend inaudible ce que j'en dis. Pour eux, donc, je ne fais que des contresens (comme les nazis, etc.), l'idée que tout le monde se trompe sur Nietzsche sauf eux étant très nietzschéenne. C'est Deleuze qui est le plus emblématique sur ce point avec son livre sur Nietzsche où il appelle contresens ce qu'il veut dénier des interprétations courantes.
On peut d'ailleurs dire que Nietzsche lui-même a tenté d'adoucir sa doctrine mais de façon très idéaliste, pour ne pas dire faux-jeton, ce n'est qu'un habillage de sa supériorité et de son mépris d'un genre humain trop mesquin. Car le fond de sa pensée, c'est ce nihilisme du dernier homme qu'il ne surmonte qu'en belles paroles mais rend jaloux ceux qui y croient, croyance en une autre vie !
Il faut avouer que c'est un grand écrivain qui a le sens de la formule, très agréable à lire, mais son génie littéraire ne vaut pas preuve, ce n'est pas pour cela qu'on peut accepter ses simplifications, sa paranoia ni ses penchants mauvais.
... le Bien est l'origine du Mal comme la folie un excès de logique...
Il y a un dicton que j'ai entendu depuis tout petit "le mieux est l'ennemi du bien", c'est de la dialectique populaire!
Edgar Morin est un des philosophes qui a consacré beaucoup de temps à la complexité. Ila écrit des centaines de formules de ce genre, comme l'ordre issu du désordre et réciproquement. J'aime bien aussi, la formule retournée "les moyens justifient la fin", bien qu'un peu trop "linéaire" celle-ci.
Les formules lapidaires pseudo sages sont souvent à côté des baskets. Ni la fin justifie les moyens, ni les moyens justifient la fin.
Quand j'avais 14 ans, j'avais écrit un texte là dessus en cours d'anglais, en anglais, la prof m'avait pris pour un débile mental, elle n'avait rien compris.
Aujourd'hui même, je suis passé devant un juge des affaires familiales avec mes sœurs pour mettre mon père sous curatelle allégée, il ne sait plus rien gérer sur le plan administratif...
J'ai donc rencontré mes sœurs après 3 ans d'absence, et je constate que malgré leur bonne volonté elles mélangent un peu tout encore, et me prennent pour un gamin. Je les ai un peu remuées et engueulées pour les faire atterrir et sortir de leur engluement des raconteries.
Ces fixations gravées dans une famille depuis l'enfance font des distorsions cognitives désastreuses.
Si tu prends les dictons pour des "commandements", c'est certain que tu ne peux que passer à côté de ce qu'ils peuvent dire d'intéressant.
Les moyens justifient la fin, par exemple, ça dit seulement que si tu fais quelque chose que tu justifies par le but à atteindre, ce que tu fais va avoir des conséquences, matériellement, qui vont peut-être bien t'éloigner de la fin que tu poursuis. ça rejoint l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Le mieux est l'ennemi du bien, ça te préviens que quand tu pousses un principe jusqu'au bout, tu peux avoir des effets contraires inattendus. C'est plein de bon sens dialectique.
La religion c’est la projection dans un au-delà, sur un sujet transcendant, de ce qui devrait être l’attribut de la personne humaine : sa capacité à choisir librement sa vie, à déployer toutes ses potentialités. Sa dénonciation n’atteint pas plus son but que la transgression de celui qui met sa casquette à l’envers, c’est une fausse rébellion ! La religion la plus traditionnelle fait bien plus fort que cela. Son dieu n’y apparait que flanqué d’un double inversé : le diable. Il n’y a pas pour elle de dieu sans démon. Elle le maintient en dépit de tout comme le montre la présence dans chaque évêché d’un prêtre exorciste. Elle n’a pas attendu Nietzsche pour oser la transvaluation de toutes ses valeurs. Elle en fait même le piment de ce qui agite la vie intérieure du croyant. Sans enfer et sans diable, pourquoi prierait-il ? de quoi voudrait-il être sauvé ? Il vivrait dans une douce quiétude !
C’est en effet une chose singulière à méditer : ce qui ruine les religions ce n’est la perte de la croyance en dieu mais la perte, beaucoup plus fréquente, de la croyance au diable. Beaucoup croient en dieu ou du moins n’en sont pas encore à ne pas croire mais refusent de croire au diable. Cette croyance-là leur parait ridicule. Leur croyance en dieu sera tiède, tranquille et comme de confort. Ils pratiqueront peu et sans zèle et ne seront jamais des radicaux.
Les programmes de déradicalisation devraient porter là-dessus : rendre ridicule la croyance au diable : car qui sera pressé de rejoindre le paradis s’il ne craint pas d’échouer en enfer. Ce qu’on est assuré de recevoir pourquoi voudrait-on souffrir pour l’avoir ! Les jihadistes suicidaires sont souvent d’anciens voyous: ils veulent troquer leur billet pour l’enfer (qu’ils pensent mériter !) contre un billet pour le paradis !
Il est intéressant de souligner comme Marx a fait de la religion une critique en miroir de celle que Nietzsche a faite de la morale. Marx aussi ne voit dans la religion qu'une duperie sauf que c'est le peuple qui est dupé par les dominants, mais il n'y voit qu'une projection dans le ciel des idées qu'il suffirait de dévoiler pour ramener le paradis sur terre. Sauf qu'il n'y a pas de paradis sur terre, et que c'est pour cela qu'il y a des religions qui servent en premier lieu à la dénégation de la mort et à faire exister un monde imaginaire, immatériel, l'autre monde celui de la parole, des mythes et des morts. On ne peut extirper de la vie souffrance et mort, ce pourquoi il faudra toujours à la plupart des croyances consolatrices. La religion n'est donc pas seulement projection, encore moins conscience de soi comme le croyait Hegel, mais compensation, mauvaise foi, négation du réel.
Toutes les religions ne croient pas au diable et même le christianisme n'y croit guère, du moins dans sa théologie (quand j'étais croyant, dans mon enfance, je n'y croyais pas du tout). C'est plutôt une figure populaire qui ramène au dualisme manichéen, donc inacceptable théologiquement, mais il faut croire que la personnification du mal permet bien cette fois de le projeter au dehors.
C'est une théorie courante de penser que la religion sert surtout par la peur de l'enfer mais je crois que son exaltation du divin est supérieure à l'enfer. Elle comble un manque, donne présence à l'Autre, donne un sens plus qu'elle ne culpabilise, même si la culpabilité est le prix à payer de cette croyance à ce qui n'existe pas.
Les terroristes gauchistes ne croyaient pas à l'enfer mais l'action politique clandestine est très enivrante. On trouve difficilement la même intensité de vie.
Quand j'avais 6 ans, je discutais déjà du rôle à jouer du diable avec Eric van der Stegen et sa famille, lui psychologue dans les prisons, moi enfant de culture catholique :
" le psychanalyste n’a pas à « faire le psychanalyste », mais à être le témoin de ce que la psychanalyse dit de l’être humain."
https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2012-2-page-26.htm
Le surmoi culpabilisateur de la religion ou de la "culture" ambiante me parait important dans les processus cognitifs en tant qu'opérateurs d'influence.
J'ai discuté longuement l'été dernier à Rocamadour avec un moine qui formait des séminaristes et qui depuis prie chaque jour pour moi ! Il croyait au diable et à l'enfer mais parvenait (ou du moins affirmait parvenir) à les concilier avec l'infini bonté et miséricorde divine. Le fondement de cette conciliation consistait à affirmer que Dieu avait fait l'homme libre et que celui-ci se damnait contre la volonté divine et créait son propre enfer.
Quant à la conception marxiste de la religion, je la vois ainsi : https://lemoine001.com/2014/03/07/la-question-de-la-religion/
Je connais ces hypothèses concernant un Dieu parfait qui aurait produit un humain imparfait. C'est de mon point de vue parfaitement ridicule, un conte à dormir debout.
L'humain est prosaïquement le fruit d'une évolution cosmique, narration du matériel, et biologique. Le mal est consubstantiel à la rationalité limitée de l'humain, qui lui fait croire toutes sortes de lubies invraisemblables.
La dernière croyance en vogue étant le climato-scepticisme qui contribue à un ravage.
"...même si la culpabilité est le prix à payer de cette croyance à ce qui n'existe pas."
Je vois les choses autrement sur la question de la culpabilité. Je crois que nous sommes sensibles aux autres et même à tout ce qui nous environne, à l'ordre qui nous environne (cet ordre lui-même est un immense sujet difficile à approcher, mais nous sommes fait pour percevoir un ordre). Nous interagissons avec les autres et notre environnement, nous le dérangeons littéralement. Nous pouvons en concevoir une culpabilité, très probablement. Je crois que les religions se sont, en partie, spécialisées dans la métabolisation, l'absolution, de cette culpabilité.
Je ne dis pas que la religion crée la culpabilité qui est ontologique, liée à la culture, la dette et la conscience de soi mais seulement qu'elle en rajoute, que le surmoi exige toujours plus et ne fait que nourrir l'univers morbide de la faute à mesure qu'on se soumet à sa loi, qu'on y croit.
C'est ce qui rend difficile d'évaluer le profit de la religion qui a des côtés très gratifiants, consolateurs et merveilleux mais dont l'envers est terrifiant, persécuteur, obsessionnel, pervers, mortifère.
oui, l'abus de pouvoir est toujours en embuscade pour laisser un trop libre cours aux perversions qui nous habitent inévitablement.
Quand je regarde les rayons des librairies, ce qui concerne le développement personnel et tout ce qui touche à la recherche de solutions de nos pb actuels dans l'individu, dans l'homme providentiel, et que je compare l'étendue de ces rayons avec ce qui touche à la recherche de solutions collectives, je ne peux que constater que nous sommes bien dans une ère d'individualisme. Il y a un travail très important à faire pour faire découvrir ce qu'est l'intelligence collective et la gestion de l'intelligence collective, découvrir et s'y exercer. Il y a de bonnes connaissances disponibles, assez me semble-t-il pour s'y mettre et faire progresser cette base..
La morale des puissants, ce ne serait pas d'avantage un jeu de dupes non?
Sur le Titanic, La haute-bourgeoisie fait marcher l'orchestre,
les classes moyennes se disent que puisqu'ils ne paniquent pas il n'y a rien n'à craindre,
et les classes populaires demandent qu'on leur explique comment fabriquer des canots de sauvetage,
parce-qu'il n'y en a pas assez pour tout le monde.
Les classes moyennes sont parfaitement conscientes qu'il y a toujours 20% de "pauvres structurels",
pour rien au monde ils n'iraient les rejoindre.
Et il me semblait avoir compris que c'était plutôt dans ce sens-là qu'il se faisait une joie d'aller débusquer les prêtres.
d'où quelque chose de plus actuel:
<< Cette ambiguïté a subsisté jusqu’à nos jours pour fêter de nouveaux triomphes dans « la critique sociale par hyperaffirmation » de l’époque postmoderne,
des triomphes qui, à tout moment, peuvent verser dans une idéologie mortifère « innocente », se réclamant d’une prétendue nature de la nature.
On ne parle pas de ces sujets avec un sourire en coin. Et Sade ne le fait pas ; il est, conformément à son sujet, parfaitement dépourvu d’humour
et ne recourt nulle part à l’ironie : au contraire, de toute évidence il pense ce qu’il dit tout banalement
et c’est tout aussi banalement qu’il se délecte de sa propre scélératesse « mise en scène », de manière déjà presque postmoderne>>
http://www.palim-psao.fr/2017/05/la-femme-comme-chienne-de-l-homme-par-robert-kurz.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_des_insiders-outsiders
Je suppose que voyez là où je veux en venir, Fassin a d'ailleurs récemment fait publier un livre du même nom, sur un sujet qu'il maitrise parfaitement
et dont il fait commerce.
Encore une fois je connais très mal son oeuvre, mais Je crois savoir qu'il a également écrit des choses intéressantes sur les femmes justement:
Si on demande aux hommes, ils choisiront la démocratie parce-qu'ils seront certains de tous en avoir une,
Elles; à la condition bien sûr de ne pas être dependantes financièrement, n'ont pas exactementles mêmes intérêts.
http://isyeb.mnhn.fr/IMG/pdf/Theorie_des_jeux-minipoly.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Investissement_parental
Tandis que Marx lui, excluera du Parti communiste des féministes militantes de l'amour libre;
Il devait sans doute voir autant des couples que des unités de production.
En conclusion, et par simple prudence, il semble qu'il vaille mieux s'abstenir d'être le disciple de qui que ce soit.
La seule chose qu'il y a à comprendre du surhomme selon moi c'est la sélectivité des espèces de Darwin ou les modifications morphologiques selon les espaces géographiques et naturels !!
Nietchze devait sans doute être illuminé ou un peu chaman et emplit de louange envers cet espoir évolutif (peut être qu'il en a fait un peu trop des tartines !). ça n'empêche que c'est grâce à des milliers d'années d'évolution que nous en sommes là (être humain) !!
Il n'y a pas là de quoi lui en vouloir.
c'est tout comme la philosophie sociologique de Bourdieu qui nous montre que le constat global est le même (Marx ou non) et que c'est l'interprétation politique et son pragmatisme économique qui finissent par jouer un rôle, ainsi que les degrés de capacités d'actions de chacun "sans risquer la mort" (capitaux ou fédérations qualitatives).
la religion elle aussi a bon dos !
certaines personnes arrivent trop tôt à travers un contexte emplit d'empires et de guerres assoiffés de viols, de richesse, d'orgies et de crimes et les prophètes prennent tout dans la gueule alors qu'ils souhaitent conseiller (bien que l'enfer soit pavé de bonnes intentions je l'accorde)
qu'aurait il été de l'histoire sans l'ensemble de ces acteurs???
il en est de même pour Proudhon
arriver trop tôt c'est cela qui serait à étudier ! pourquoi ?
la problématique de Nietschze ou de Marx ou encore des religions c'est : pourquoi ne sommes nous pas tous au même endroit spatio-temporel et pourquoi les interprétations divergent tant sur une même phrase ?
Où se trouve la mécanique de l'éloignement des langues?
Le handicap de la lettre, du mot et des phrases divergent selon les conditions de vies, donc les époques et les jours que l'on traverse (mais qu'elles étaient elles ?)
est-ce Marx ou nietzchze qui les ont créées ces conditions de vie?
quels actes ou méditations provoquent des réactivités très divergentes selon les lectures d'une philosophie et d'un penseur ?
à part les empires sadiques, je ne vois rien d'autres qui nous éloigne tant !
de toutes façon les penseurs sont aussi minables que les petites gens qui ont subit l'exploitation (et ils le savent tous très bien en fin de compte), ça c'est sur, ça n'empêche pas qu'ils ne sont pas forcément responsable de toutes ces horreurs (ou d'une partie).
il n'empêche que le processus cognitif et évolutif politique et religieux est resté ultra-violent et que c'est bel et bien l'absence de richesses relationnelles qui en restera sans doute la cause (intelligence collective: mais qui nous a permit dans l'histoire de pratiquer cette intelligence collective si humble ? personne ! même les internationales étaient lors de la commune poursuivies !!. (sans rencontres : pas de partage de nos territoires subjectifs communs)
la crise de 29 n'est dut qu'au chacun pour soi et qu'à la bureaucratie économique des nations !
avec amour et amitiés
Benny
Dieu est mort c'est une autre façon de dire que Dieu est dans le ciel et un tout petit peu sur Terre (Paix Amour Diversité entre toutes diversités + intelligence collective entre les êtres humains et avec la mère nature (faune et flore).
ça n'allait plus loin
pourquoi certains ont le droit de le comprendre
et pourquoi d'autres en font une horreur ?
Il ne faut pas non plus oublier que se confronter au marquis de Sade (à sa logique dans les pouvoirs) c'est aussi augmenter son ego en le combattant et faire des conneries fractales analogues malgré soi
je t'aime Jean
Si tu es fatigué et que tu voeux t'occuper de tes familles je prends la relève
l'ego = narcissisme
One love
Benny
Ne pas oublier cette partie des evangiles :
"ma parole amènera le glaive, le feu, la souffrance et le sang"
Jésus avait conscience que arriver trop tôt allait provoquer la révélation des hommes de guerres et des hommes de sade.
Je t'Aime
Benny
"Derrière une salutaire critique de l'hypocrisie morale et de l'insupportable moraline, il y a quand même là de quoi justifier, comme jamais depuis Aristote, inégalités et domination, même déguisée en méritocratie et dépassement de soi."
Je perçois ce tropisme de méritocratie et de dépassement de soi chez Macron, il était aussi très présent chez Sarkozy.
Malgré tout il est question, avec Macron, d'augmenter l'AAH, pas d'éliminer les handicapés! Par contre je ne vois rien qui se rapprocherait vraiment d'une démarche d'accompagnement de la participation des handicapés à la vie collective.
Choix personnels, choix collectifs, conscience, identité, individuation, sens. Toutes ces questions essentielles sont au cœur de ce texte prenant appui sur Nietzsche, celui qui a exprimé que se référer à Dieu en tant que clé de voûte du sens était d'un autre temps. Qu'il nous revenait à nous de nous déterminer, c'est à dire que nous étions dans une condition qui est celle des schizophrènes, c'est à dire celle de se retrouver dans l'instabilité de nous auto-inventer de nous auto-engendrer.
Possible que l'écosystème et l'attention que nous lui portons (avons nous le choix?) puisse nous redonner des repères externes et que nous ne sombrions pas dans l'idée de "l'homme-Dieu" (Luc Ferry par exemple) qui est une suite logique de la mort de Dieu.
Le premier mouvement inévitable devant la mort de Dieu est effectivement de vouloir le remplacer par l'Homme (ce que Marx fera aussi en voulant ramener le paradis sur Terre) mais ce que je souligne, c'est l'illusion de pouvoir trouver en soi-même son propre fondement, fantasme de l'auto-engendrement (du self made man, de Robinson) qui est comme pour Nietzsche une façon de faire disparaître ses parents réels (et de se croire d'origine royale voire divine, ce qui serait l'origine du roman pour Marthe Robert). Nous ne pouvons en fait trouver notre fondement qu'à l'extérieur, déjà engagé, c'est même ce qui a été le moteur du fascisme, du nationalisme, du nazisme et du racisme. L'écologie nous fournit un fondement plus matériel et universel.
Si l'homme dieu est un fantasme, ce n'est pas que la technologie ne nous donnerait pas des pouvoirs surhumains (on en a déjà) mais que nous ne serons pas plus les maîtres du jeu d'une évolution technologique qui nous dépasse, se découvre à nous, à laquelle nous devons nous adapter, prolongement de l'évolution naturelle. Nous n'aurons jamais les manettes, la maîtrise de notre futur, nous ne pourrons abolir l'entropie seulement l'inverser localement à chaque fois. Le transhumanisme peut supprimer les maladies, repousser la mort, il ne pourra abolir le temps, l'expérience du changement, d'une durée qui nous file entre les doigts, des idées qui se transforment, des modes qui passent.