Cryptomonnaies, la blockchain se déchaîne

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Il est quand même très curieux qu'on persiste à faire comme si nous décidions de l'histoire alors que tout nous prouve le contraire. Quand on nous déclare la guerre ou qu'on spolie nos droits, nous sommes contraints d'y répondre, contre notre propre volonté. De la même façon, le progrès technique s'impose à nous malgré nous, par la connaissance et la concurrence ou la guerre (si l'ennemi risque d'avoir la bombe atomique il faut l'avoir avant lui).

La technique pas plus que la science n'a jamais été le produit d'un choix, ni promesse d'amélioration de la vie. Le progrès améliore beaucoup de choses, qu'il améliore la vie est plus discutable. Qu'on songe au passage des chasseurs-cueilleurs nomades à l'agriculture sédentaire, du paradis terrestre (avec ses périodes maigres) à une vie de labeur qu'il faut gagner à la sueur de son front. Les corps souffraient plus, la nourriture était moins bonne mais plus abondante et pouvant nourrir plus de population, empêchant tout retour en arrière mais permettant de développer la culture avec les débuts de la civilisation (des premières cités). On vit beaucoup mieux de nos jours mais il ne manque pas de raisons de se plaindre de la vie moderne et de son inhumanité. Le problème, c'est qu'on ne nous demande pas notre avis, c'est dans ce monde en développement que nous habitons et auquel nous devons nous adapter sans cesse sans pouvoir arrêter le temps.

On observe un tel mécanisme d'une possibilité technique qui nous force la main avec l'arrivée des cryptomonnaies dérivées du Bitcoin bien que s'en différenciant beaucoup. A la base, il y a un système de certification par blockchain supposée inviolable car distribuée et pouvant donc garantir des échanges, des contrats, des identités ou traçabilités. La valeur d'une cryptomonnaie comme le Bitcoin ne repose sur rien d'autre que la demande, valeur purement spéculative qui la rend beaucoup trop volatile pour être utilisable. Des versions plus stables (stable coin) et donc fiables ont été élaborées, gagées sur des actifs réels, tout comme les monnaies papier avaient auparavant un équivalent or.

Depuis, les projets se multiplient dont le plus significatif, étant donné le nombre d'utilisateurs potentiels, est le Libra de Facebook basé sur un panier de monnaies. La première réaction des Etats était de l'interdire. Cela n'était pas du tout souhaitable pour leur "souveraineté" ou capacité de gérer leur monnaie et pouvait servir aux trafiquants comme aux terroristes. Sauf que si Facebook était freiné dans son projet de cryptomonnaie mondiale, cela n'empêchera pas Telegram, qui est moins contrôlable, de sortir la sienne (le Gram). L'impossibilité d'empêcher l'existence de cryptomonnaies pousse dès lors les Etats, notamment la Chine, à créer leur propre cryptomonnaie, obligeant les autres à s'y mettre. On voit que c'est un processus autonome qui ne résulte pas d'un choix alors que l'existence de monnaies supraétatiques va avoir de très grandes conséquences, certaines bonnes, pouvant notamment faire perdre au dollar sa prééminence et profiter aux pays où la monnaie est dévalorisée, mais d'autres dramatiques en cas de crise.

La part humaine ici se réduit au temps de réaction pour adopter une technologie défensive plus ou moins rapidement, jusqu'à ne plus pouvoir le faire si on attend trop. Avoir conscience de ces processus réels au lieu de s'imaginer pouvoir décider de l'avenir est particulièrement important pour les écologistes qui ne doivent pas se bercer d'illusions mais faire valoir les processus écologiques tout aussi implacables, en tirant parti sans attendre de toutes les technologies disponibles et mesures politiques praticables, pas en rêvant à des solutions imaginaires, souhaitables sans doute mais qui n'ont aucune chance de nous sauver à temps.

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