Après les avertissements des scientifiques de plus en plus catastrophistes, les dernières "marches pour le climat" qui ont eu lieu un peu partout dans le monde peuvent être jugés bien trop timides mais pourraient en annoncer d'autres. On n'est pas du tout au niveau des mobilisations sociales (ou des manifestations sportives) alors qu'il faudrait une mobilisation de toute la société mais il y a une chose dont on peut être sûr, ce n'est qu'un début, le combat ne fera que prendre de l'ampleur à mesure que la température va continuer à monter et il faut encourager cet élan citoyen hors parti même s'il est pour l'instant de peu de poids. Il faut parier sur la montée en puissance de la conscience écologique et du soutien populaire qui seront absolument déterminants, même si on ne peut pas attendre une conversion de l'humanité entière à l'écologie.
Cette tendance de fond regardant vers le futur est cependant concurrencée, au moins à court terme, par le réveil des nationalisme, souverainisme, protectionnisme (anti-immigrants), tournés vers le passé et qui pourraient conduire à des catastrophes d'un autre ordre. Ces réactions autoritaires peuvent malgré tout s'appuyer d'une certaine façon sur l'écologie (qu'elles contestent souvent) du fait que l'écologie aussi introduit des limites au libéralisme et défend un certain protectionnisme (plutôt local). Il est significatif de voir dans un rapport de l'ONU que l'enjeu écologique oblige à dépasser l'économie néoclassique et le libéralisme économique, jusqu'à prendre en modèle un régime autoritaire comme la Chine ! La différence avec le populisme tient dans la prétention de rétablir une véritable démocratie et souveraineté, contre le mondialisme y compris celui de l'écologie, le leader élu incarnant une volonté populaire libre de toute contrainte alors que l'écologie et les enjeux planétaires, tout comme l'Etat de Droit, limitent réellement ce pouvoir "populaire" fantasmé qui n'aboutit finalement qu'à la xénophobie et au rejet des migrants.
On peut remarquer comme, du coup, l'idéologie démocratique se trouve en porte-à-faux quand elle critique ces régimes populistes, obligée de reconnaître la globalisation des problèmes et la constitution effective d'une gouvernance globale (objectif de l'ONU et de ses organisations) qui réduisent largement le pouvoir démocratique et contredisent le mythe d'une démocratie fondée sur elle-même, d'un pouvoir qui vient du peuple. Cette idéologie démocratique officielle qui reste fixée sur le niveau national et un imaginaire appartenant à l'histoire n'est plus assez crédible pour s'opposer aux démocratures autoritaires. Pour se mettre à jour d'une démocratie consciente de son intégration dans l'écologie planétaire, ce n'est plus cette volonté générale arbitraire qu'on doit revendiquer comme fondement d'une démocratie qui retrouve sa dimension humaine et locale, celle d'une démocratie de face à face et d'une nécessaire relocalisation qui est loin de la dimension nationale mais où la démocratie réelle, quotidienne, est celle du développement humain et de la préservation de son environnement, non de la souveraineté.
Plus généralement, on peut constater que la politique constitue une grande partie du problème (si tu fais de la politique, la politique te fait). Le dire n'est pas décourager l'action mais inciter à des stratégies réalistes efficaces et ne pas s'en tenir aux propos de tribune, à l'incantatoire ou la pensée magique. Attendre de la politique plus qu'elle ne peut promettre ne fera que nous faire perdre du temps.
Enfin, il faut reconnaître la difficulté matérielle d'une transformation globale, l'impossible sur lequel on se cogne, les puissances matérielles qui nous dominent, le réel du monde tel qu'il est. Surestimer ses forces ne mène qu'à la défaite, comme se croire majoritaire quand on reste marginal. Il ne faut pas s'imaginer ainsi qu'il serait facile de changer d'énergie ou de modifier notre système de production au niveau planétaire, les masses en jeu étant absolument considérables. Et pourtant, pourtant, il faut bien constater que la transition est engagée, les gouvernements commencent à s'y mettre, certains plus que d'autres. Certes, trop lentement mais il n'est pas sûr qu'on puisse aller beaucoup plus vite (ce pourquoi la réduction des consommations reste prioritaire). Surtout, il ne faut pas juger de notre futur sur notre passé car plus les effets du réchauffement se feront sentir et plus la reconversion de l'économie devrait s'accélérer, avec des technologies de plus en plus efficientes et une relocalisation mieux assumée.
Dans ce contexte contrasté, entre impuissance politique, mobilisations citoyennes et ministère de l'écologie, il semble qu'on n'ait plus besoin des Verts dont la déroute est assez honteuse. Ils ont fait la preuve qu'ils ne valaient pas mieux que les autres et ne pouvaient vraiment pas constituer une alternative crédible. De plus, il faut prendre acte de la prise en compte de l'écologie par tous les partis ou presque. Cependant, il faut agir à plusieurs niveaux et il y a au moins une élection où l'on a besoin des Verts, c'est pour les européennes, le parlement européen étant essentiel dans le domaine écologique dépassant les frontières. Sans en attendre des miracles, leurs compétences peuvent être très précieuses ici, les normes européennes ayant beaucoup de poids et le score des écologistes pouvant accélérer les choses. Un parti d'élus est utile aussi pour la formation. Pour le reste, on a vu, il n'y a rien à en attendre, c'est hors-parti que la société se mobilise, aussi bien au niveau local que global, et ce sont ces différentes composantes parti, mouvement, associations, communes qui devront travailler ensemble.
Le plus utile pour que ces différentes forces se retrouvent, ce serait de porter le débat sur les mesures concrètes les plus urgentes et faisables, de se concentrer sur les solutions pratiques à court ou moyen terme plus que sur les grands principes ou d'encombrantes utopies. Ce qui est bien, c'est que les scientifiques ont commencé à en donner les grandes lignes déjà, mettant au premier rang le reboisement et les pratiques agricoles, "une meilleure gestion des sols, de meilleures pratiques agricoles, la protection des terres et des côtes ou encore le développement de techniques de capture du gaz carbonique, planter des arbres et arrêter la déforestation". Il est rassurant d'une certaine façon que les actions les plus efficaces ne dépendent pas de notre bon vouloir individuel et de nos petits gestes mais de décisions politiques. Encore faudrait-il en convaincre les agriculteurs ce qui ne sera pas facile même si les petits au moins ont sans doute tout à y gagner si on s'y prend bien (notre ministre de l'agriculture actuel est une calamité alors que l'agriculture est la principale clef de notre avenir).
Bien sûr, on ne peut tout faire reposer sur les épaules des agriculteurs, il nous faudra aussi "transformer les modes de production et de consommation de l'énergie, des transports, des aliments et du logement". La réduction de notre consommation de viande sera inévitable (ou passer à la viande artificielle) mais notre rôle reste essentiel dans l'action locale pour prendre en charge notre environnement, encourager les circuits courts, les échanges locaux, le travail autonome et le développement humain, relocalisation qui est de notre responsabilité cette fois, ne pouvant se faire d'en haut et qui est simplement habiter son lieu de vie. Ce n'est pas dire que ce soit facile, ni possible partout, mais modifier nos modes de consommation exige de d'abord modifier nos modes de production et de distribution, sans trop rêver. S'il faut encourager les alternatives écolos pour expérimenter de nouvelles organisations, la plupart échouent d'être trop ambitieuses ou naïves. Je plaide depuis longtemps pour des alternatives municipales plutôt mais il n'y a pas tant de possibles réalisables et s'il faut bien réduire le commerce et les transports à longue distance, ce n'est pas parce qu'ils seraient internationaux et qu'on pourrait se satisfaire d'une intensification des transports nationaux ni de la désertification de nos campagnes ! La production locale est la première chose à développer avec des plateformes d'échanges locaux.
L'inquiétude monte en même temps que les températures, on exige des solutions mais la nécessité de cette relocalisation n'est pas encore bien comprise ni ressentie par des populations trop mobiles. Il faut espérer que les esprits progressent rapidement sur ce point pour remplacer avantageusement un nationalisme archaïque et participer à la réduction d'un réchauffement qui menace de s'emballer. C'est encore possible et le sera plus encore demain.
#RiseForClimate
Reste à déterminer ce est qui écolo de produire local ou pas.
Comme ça doit se faire localement, on peut penser que ce sera bien ciblé.
On pourrait penser qu'au moins la production alimentaire peut être plus locale, mais le Brexit pourrait bien démontrer l'inverse.
https://www.theguardian.com/food/2018/sep/15/food-and-brexit-will-the-cupboard-be-bare-jay-rayner
Cela n'a rien à voir avec la production "locale" mais, outre que l'article est bien trop catastrophiste (il n'y aura pas de pénurie, juste une augmentation des prix), cela montre plutôt que le protectionnisme national n'a aucune pertinence même si le Brexit va sans doute relancer malgré tout l'agriculture (industrielle) britannique. Les circuits courts ne sont pas de l'autarcie et ne peuvent remplacer l'agriculture industrielle, seulement diminuer le transport de nourriture.
Pour produire local, il y a toujours des intrants non locaux, même en agriculture.
Sans incitations bien ciblées, nudge, ce qui n'est pas simple, le local reste une hypothèse.
Oui, mais encore une fois, il ne s'agit pas du tout d'autarcie et cela doit effectivement être organisé localement, ne pouvant se faire tout seul. Il faut une action collective, que je préfère municipale mais qui est en général associative.
Est ce que poser le problème du statut de la Banque Centrale Européenne qui de facto, interdit les investissements massifs et nécessaires dans l'écologie (ce que même N. Hulot dénonçait en 2012), ainsi que les traités dits de "libre-échange" destructeurs et régressifs pour l'éco-système, font partie des "utopies encombrantes" ?
Ce que je désignais comme utopies encombrantes, c'était plutôt les rêves de sociétés écologiques voire d'hommes nouveaux mais, bien sûr, tout objectif irréaliste peut être considéré comme tel, nous détournant des actions efficaces.
Je ne pense pas que ce soient les statuts de la BCE qui empêchent des investissements massifs dans l'écologie, ce serait trop facile et relève de la pensée magique, c'est une question de rapports de force politiques, quand les populations y seront plus sensibles, cela se fera. Les Allemands pourraient investir leur cagnotte dans l'arrêt du charbon mais ne le font pas malgré une sensibilité écologique plus forte que chez nous. C'est de cela qu'il faudrait les convaincre (ce qui n'est ni impossible, ni facile ni gagné d'avance).
Je me suis toujours opposé aux traités de libre-échange sans que cela les ait empêchés (sauf au moment de l'effet Dracula). Se fixer sur des objectifs inatteignables n'est certainement pas souhaitable, il ne s'agit pas de les abandonner, les situations peuvent se retourner, mais il ne faut ni surestimer leur portée, ni en prendre prétexte pour ne pas se donner des objectifs plus concrets et réalisables.
Encore une fois, ce n'est pas le niveau national protectionniste qu'il faut viser mais des circuits courts, locaux, il ne s'agit pas de revenir à la situation antérieure, encore moins de nier une mondialisation irréversible, mais de reconstruire une économie locale, par le bas, pour équilibrer cette mondialisation sans se fier pour cela sur les récits nationaux, complètement construits et datés.
Ce que nous avons à défendre, ce n'est pas une patrie, c'est notre protection sociale, et il n'est pas sûr qu'on en ait les moyens subissant défaites sur défaites, mais qui reste une des meilleures du monde, devant s'adapter aux transformations du travail. En économie comme pour l'écologie, il faut concilier des contraintes matérielles, des intérêts puissants et des rapports de force politique qui ne nous sont pas favorables, avec une fragmentation de la gauche qui la réduit à l'impuissance, mais serait-elle au pouvoir, la gauche ne pourrait faire beaucoup mieux (au moins limiter la casse), souvent hélas, elle fait pire...
Je ne m'oppose pas aux traités dits de "libre" échange au nom d'un sentiment patriotique ou identitaire (ou même culturel), mais parce que ceux-ci concernent également la possibilité d'alternatives au sein même des territoires. C'est d'ailleurs écrit si mes souvenirs sont bons, dans l'article 4 du pré-projet de l'UE concernant le TAFTA, valable tout aussi bien pour le CETA, le JEFTA et certainement l'APE et tous ces avatars du néolibéralisme. Par ailleurs, je relève par contre une sorte de contradiction idéologique, me semble t-il dans votre approche: en effet, peut-on se passer de réflexion globale, donc d'une certaine manière de boussole, au risque de dérive utopique, en pensant simultanément les alternatives locales concrètes ? Votre blog relève de cette même contradiction, puisque vous appelez, avec raison, à un agir local, tout en menant en permanence une réflexion globale tant philosophique, que scientifique ou politique.
Il serait effectivement difficile de prétendre que je ne poursuis pas une pensée globale alors que j'avertis en permanence des risques globaux. Le problème est de non seulement être lucide sur les risques mais aussi sur les moyens qu'on a d'y faire face. Je répète que je suis contre ces traités, comme j'étais contre la constitution européenne d'une concurrence libre et non faussée, mais cela n'a pas arrêté le marché. Le constat n'est pas réjouissant mais faire une fixation là-dessus ne relève pas d'une pensée globale pour ce qui est presque un détail par rapport à ce qu'avait déjà bien vu Marx, le bon marché des marchandises suffisant pour abattre toutes les murailles de Chine. Cela ne doit pas empêcher de continuer à contester cette extension marchande mais de trop compter sur le fait d'y arriver ou que ce serait une solution alors que c'est la production qu'il faut changer, sa relocalisation.
Devenir matérialiste, donc hélas réaliste, est certes assez déprimant, il n'y a pas tant de possibles, mais il ne suffit pas de se déclarer opposé à ce monde pour le changer. Il ne suffit pas de se déclarer anticapitaliste pour se désolidariser de notre monde concret et du négatif de notre production, façon trop facile de se croire innocent alors qu'on est tout autant responsable de notre impuissance collective. Etre plus radical en parole ne change absolument rien à l'effondrement écologique auquel on participe. La connerie humaine (dont j'ai fait preuve moi-même) reste notre principal obstacle.
Je trouve ainsi honteux qu'on tombe sur le pauvre Aurélien Barrau (comme je viens de le lire) qui est certes un bobo un peu allumé et très naïf politiquement mais qui témoigne de la propagation de la conscience écologique, il y a autre chose à faire que de s'insulter entre écologistes sur de grands principes quand il faudrait ajouter nos forces pour gagner quelques batailles, certes toujours trop partielles voire compromettantes, mais qui fait mieux ? Il n'y a rien de plus réaliste que l'écologie, à l'opposé de l'idéal, réalisme qui n'est pas reluisant mais qui n'est pas tout-à-fait rien non plus. En tout cas, il n'y a rien d'autre et la seule question dans notre situation est de réussir à nous unir pour peser sur la politique au lieu de diviser nos maigres troupes.