La légalisation du cannabis est inévitable

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On se moque souvent d'autres pays qu'on trouve arriérés au regard de notre civilisation des lumières, celles de la raison et de la liberté, alors que la France est à la traîne pour reconnaître la nécessité de sortir de la prohibition d'une drogue commune beaucoup moins nocive que l'alcool, et qui soigne de nombreux maux ! On peut dire que, malgré leur expérience des ravages de la prohibition de l'alcool, les Américains ont mis bien du temps aussi depuis les années 1970 pour mettre fin à une hypocrisie qui nourrit le crime, remplit les prisons et qui a ravagé le Mexique.

Une fois le mouvement entamé, il est cependant devenu irréversible et ne pourra que s'étendre devant l'échec complet, là aussi, d'un volontarisme répressif avec tous ses effets pervers trop minimisés, notamment sur les jeunes et les banlieues.

On comprend qu'il soit difficile à ceux qui défendaient la prohibition par profession de changer de discours et d'admettre qu'ils s'étaient trompés. Beaucoup n'y arriveront pas avant que la nouvelle légalisation rentre dans les moeurs. C'est bien sûr toujours au nom de convictions morales quasi religieuses, et contraires à un minimum d'éthique de responsabilité, que la résistance à la levée de l'interdit se fait la plus claironnante. Ce n'est pas la santé publique qu'on défend, mais l'autorité contre la déliquescence morale - au prix du discrédit de cette autorité et de la plus grande intrusion dans la vie privée ! Il ne manque pas certes de Don Quichotte plus ou moins fêlés pour se battre contre les fantômes du passé et faire de grands discours que les chiffres démentent. Ce n'est pas un cas isolé. Sans vouloir pousser l'analogie trop loin, on pourrait rapprocher la légalisation de l'avortement et la légalisation du cannabis, au moins pour le courage qu'il faut contre la réprobation populaire pour le bien de tous. Non pas le premier mouvement de l'opinion qui veut imposer sa loi morale inflexible au monde, mais sa critique au nom de la vérité effective.

Il ne semble pas que la légalisation soit majoritaire chez nous, ce serait donc électoralement risqué, pas faisable encore (il faudrait beaucoup de courage), mais combien de temps le mouvement mettra-t-il à nous atteindre ? Ce temps de retard sera-t-il accéléré par les communications, amplifié par les réseaux sociaux ? Pour l'instant, le passage par la contravention paraît a priori un stade nécessaire pour dédramatiser le sujet et désengorger les tribunaux. C'est quand même un peu ridicule, l'amende ne pouvant plus être jugée juste lorsque la prohibition est complètement délégitimée ailleurs ; et plus seulement dans la petite Hollande qui en avait déjà montré tous les bienfaits, notamment pour diminuer la consommation des plus jeunes sur le long terme, mais au coeur de l'Empire désormais. Soit c'est l'un, soit c'est l'autre. Les jeunes députés auraient peut-être l'occasion de se faire entendre là-dessus mais les défenseurs de la liberté se font plus rares de nos jours.

Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'inertie sociale, du retard de l'idéologie sur le réel, de l'absence d'intelligence collective et de feedback, d'un volontarisme aveugle, de la dictature de l'opinion et comme le Bien devient souvent cause du Mal (enfer pavé de bonnes intentions). La démocratie doit faire avec ces déficits cognitifs ne conduisant pas immédiatement aux solutions qui s'imposent, c'est le moins qu'on puisse dire. Il n'est pas si facile d'arriver à un consensus raisonnable. Tout cela ne laisse guère d'espoir, ni pour la politique ou l'écologie en général, sinon que malgré tout, les esprits évoluent, parfois plus rapidement à simplement devoir reconnaître la réalité. Sous l'inertie apparente d'un temps immobile, on pourra dire alors "Bien creusé vieille taupe", le réel n'ayant raison qu'à la fin de nos errements, après-coup, parfois plus de 50 ans après...

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