Derrière les péripéties qui nous divertissent comme spectateurs d'une élection à rebondissements, l'essentiel est bien la décomposition du champ politique, sans doute avant sa recomposition, mais le plus frappant dans cette désintégration des anciennes coalitions, à gauche comme à droite, c'est comme chaque composante peut se prétendre majoritaire et prendre le parti pour le tout, refusant toute alliance avec ceux qui ne pensent pas tout-à-fait comme eux ! Les plus radicaux imaginent que c'est en ne cédant rien sur leur radicalité qu'ils gagneront le pouvoir ! Mieux vaut rester pur que se compromettre, ne faisant qu'ajouter à la division. C'est que l'affluence aux meetings persuade monsieur 15% qu'il représente tout le peuple et les primaires se sont révélées l'expression des plus engagés, privilégiant un certain extrémisme (le programme de leurs rêves) sur les plus réalistes ou prudents, exacerbant les différences et figeant les oppositions.
Cet éclatement qui va droit à la défaite, mais au son du clairon, manifeste à la fois que nous sommes tous minoritaires et qu'il n'y a rien de pire qu'une démocratie majoritaire qui se transforme en tyrannie (tentation fasciste toujours brûlante) exécutant à marche forcée tout le programme proclamé et jusque dans ses moindres détails ! Il est effectivement très difficile d'admettre qu'on puisse être minoritaires et qu'il existe des forces contraires, des institutions, des contre-pouvoirs, tant on est convaincu que ce qu'on pense est la raison même. Le minimum d'observation suffit pourtant à constater que la division de la société et des partis est un fait massif. Une majorité ne saurait donc se constituer que d'une coalition, et c'est très bien ainsi, équilibrant les pouvoirs. Admettre qu'on est dans une démocratie des minorités serait un grand progrès même si cela déçoit les rêves de grand soir électoral où tout changerait à chaque élection !
En tout cas, la nécessité de faire des alliances va se poser très concrètement avec les législatives qui sont le véritable enjeu dans ce contexte et pourraient donner une chambre ingouvernable plutôt qu'un raz de marée cette fois. Si la gauche ne veut pas disparaître mais peser sur les prochaines réformes, il faudra bien qu'elle se réconcilie rapidement. Ce n'est pas que j'en attende beaucoup, ni de la politique en général, mais on a besoin de l'unité du mouvement social pour résister au pire. Hélas, il est sans doute nécessaire que la vieille gauche s'efface pour qu'une nouvelle gauche renaisse. Pour l'instant, on est dans une stratégie d'échec qui n'est pas virtuelle et dont il faudra rendre des comptes.
Ce ne sont pas les candidats qui sont les seuls coupables de cette situation de blocage, mais bien les militants ou électeurs qui ne veulent plus se mélanger alors qu'il faudra bien se retrouver ensemble dans nos combats communs et accepter de faire des compromis, accepter qu'on soit dans une démocratie des minorités, minorités dont il faut garantir les droits mais qui ne sont pas majoritaires. Même si on ne veut rien en savoir, une démocratie pluraliste, c'est le contraire de l'unité du peuple fantasmé, tout comme d'une volonté générale souveraine et qui ferait ce qui lui plairait. La proportionnelle serait certes plus pédagogique que l'élection de l'homme providentiel. Sinon, c'est au niveau local qu'on peut essayer d'aller au-delà et construire l'alternative, en se coltinant le réel et nos voisins tels qu'ils sont, dans leur diversité, au lieu d'attendre un miracle politique.
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