Le capitalisme et le monde de la marchandise semblent se caractériser par leur évacuation complète de la mort, revendiquant une fin de l'histoire qui serait une histoire sans fin, une culture de paix portée par le commerce ainsi que les promesses publicitaires d'une vie de plaisirs.
Point par point, le réel y fait objection pourtant par l'irruption de la mort tant redoutée, le maître absolu, que ce soit sous la forme de l'effondrement systémique, de la guerre ou du suicide (tellement incompréhensible pour l'homo oeconomicus!).
On n'en a pas fini avec la mort, pas plus qu'avec le réel ni avec l'histoire. Ce n'est pas tant parce que le capitalisme serait mortifère, animé d'une "pulsion de mort" venue on ne sait d'où, mais parce que la mort fait partie de la vie et qu'on se cogne au réel inévitablement. Si le capitalisme monte ainsi invariablement aux extrêmes, c'est tout simplement parce qu'il ne connaît pas de limites et ne rencontre ses limites qu'à mettre en cause notre existence, individuelle ou collective. Si la mort est en jeu, c'est que la vérité n'est pas donnée ni le réel transparent et qu'il ne peut y avoir de changement des règles collectives sans menacer l'existence du collectif comme tel et jusqu'à la vie de chacun, obligé de choisir son camp.
Plusieurs événements d'actualité illustrent assez clairement comment peuvent se conjuguer le capitalisme et la mort, de façons certes bien différenciées mais qui témoignent à chaque fois d'un processus livré à lui-même qui outrepasse ses limites vitales et n'en veut rien savoir jusqu'au verdict mortel. Ainsi, on a vu comme les banquiers n'appellent l'intervention de l'Etat et n'acceptent ses directives qu'à l'article de la mort. Dès qu'elles relèvent la tête, les banques n'ont rien de plus pressé que de se débarrasser de sa tutelle pour revenir à leurs petites affaires et recommencer comme avant. Il faut y voir la preuve qu'on ne peut faire l'économie de la crise, qu'il faut voir la mort de près pour accepter de lâcher du lest. C'est hélas la même chose avec l'écologie, on le sait bien, il faut sentir sa vie menacée pour réagir. Se fier à l'auto-régulation des marchés, c'est comme lâcher le volant de la voiture en s'imaginant que cela pourrait être une bonne façon d'éviter nos erreurs de conduite, alors qu'on nous mène ainsi directement dans le mur ! Cependant, l'accident n'a rien d'accidentel, il est même impossible de s'en passer. En effet, les krachs, les crises deviennent d'autant plus inévitables qu'on s'en croit protégé et que la notion de risque se perd. Plus le système semble solide, plus les risques semblent faibles, plus on risque une crise systémique encore plus forte ! On s'en accommoderait si c'était la fin du système et ne provoquait pas souffrances et morts en série, sinon quelques guerres comme dans la plupart des crises précédentes...
On voit en général dans la guerre une façon de stimuler le capitalisme, ce qu'elle est indiscutablement, mais si le capitalisme a besoin de la guerre, c'est peut-être surtout qu'il faut la menace vitale pour sortir de la crise, c'est-à-dire pour donner à l'Etat les moyens de relancer la machine. C'est ce que suggère en tout cas le fait que l'entrée des Etats-Unis en guerre a permis de multiplier par 10 les sommes injectées dans l'économie au moment du New Deal, ce qui a constitué la véritable sortie de la crise de 1929. C'est aussi le moment où l'on peut augmenter les impôts jusqu'à la confiscation des richesses. L'essentiel, au moment de la reprise en main par l'Etat d'une économie moribonde, c'est sans doute en effet la reconstitution des solidarités sociales, les nouvelles institutions qui en sortent (le nouveau régime de capitalisme régulé), plus que les sommes engagées bien qu'elles soient effectivement déterminantes. La guerre avait une fonction différente dans les sociétés féodales ou militarisées même si l'unité sociale entrait aussi en compte. Dans le stade agricole et terrien, la puissance militaire est un facteur de production, soit comme prédation (ou extension de son domaine), soit comme défense contre la prédation. Dans le capitalisme, elle a une toute autre fonction, fonction double de destruction du capital, permettant d'annuler des dettes irremboursables et de reconstituer le taux de profit, mais elle sert aussi à mettre en place de nouvelles règles, reconstituant la solidarité indispensable au fonctionnement d'un système qui s'était auto-détruit. Elle sert enfin d'accélérateur aux mutations technologiques, la technique étant déterminante et vitale dans la guerre. Tout cela ressemble plus à une révolution sans doute. Pourquoi donc la guerre ? Les révolutions sont assez rares parce que seule la guerre nous met le couteau sous la gorge et nous oblige à agir comme nation, intérêt général supérieur aux intérêts privés alors qu'en temps ordinaire les pressions sont trop fortes des intérêts privés et des divergences idéologiques. Les crises sont le signe que le capitalisme n'est pas auto-régulé, qu'il n'a pas de limite interne ni de gouvernement rationnel, et la guerre est le signe qu'il ne peut trouver de sursaut collectif en lui-même mais seulement dans la menace vitale extérieure, de même qu'il faut le plus souvent être mis en cause dans son existence même pour se révolter et vouloir renverser l'ordre établi. L'écroulement du système ne suffit donc pas, en lui-même, la mort des entreprises, on ne peut éviter la confrontation à la mort individuelle pour reprendre l'histoire et redonner toute sa place à l'Etat, au commun, à notre existence comme société.
Si les crises et la guerre sont des caractéristiques relativement bien connues du capitalisme, même si on faisait mine de l'oublier, il semble qu'il y ait un tout nouveau "mode" de confrontation avec la mort, plus surprenant, au moins pour la théorie économique : le suicide des salariés devant des conditions de travail insupportables ! Ce n'est pas si nouveau que cela pourtant, puisqu'on pourrait remonter jusqu'aux suicides d'esclaves, ou beaucoup plus près de nous à ceux du secteur automobile. C'est un phénomène qu'on peut imputer en grande partie au délitement des luttes collectives (l'individualisation et sa psychologisation culpabilisante), mais cela dit sans doute quand même quelque chose d'essentiel sur les transformations actuelles du travail, à la fois sa dégradation (dans les faits) et sa valorisation (dans les discours). D'abord, ces suicides prennent bien l'allure d'une "mode", même si on peut s'en choquer, c'est-à-dire d'une expression collective, d'un sacrifice qui se veut protestation sociale, qui fait sens pour tous. Les suicidés du travail parlent pour nous. On a beau jeu d'arguer que ce taux de suicides ne serait pas supérieur au taux national mais cela n'empêche pas qu'ils fassent sens. Ils manifestent la limite de notre flexibilité et le besoin de conditions de travail plus humaines, ils manifestent notre liberté, notre dignité, les droits de la subjectivité contre l'utilitarisme, le refus de traiter les hommes en moyens. L'émotion vient des raisons du suicide, telles qu'elles sont exprimées, et du caractère effectivement insoutenable d'un management par le stress qui nous ramène à d'autres temps et qui se révèle contre-productif à la longue. S'ils ne mourraient pas tous, beaucoup en sont tombés malades au moins, beaucoup trop de gâchis et de souffrances ! C'est le management des hommes qui a outrepassé les limites au nom d'un productivisme insensé, et quand il ne reste plus que le suicide pour faire entendre cette profonde vérité, il y en aura toujours à préférer se retirer du jeu plutôt que de collaborer à cette infamie. Non, ces morts ne sont pas réductibles à une désertion ni à une faiblesse individuelle. Ce seraient plutôt des sortes de terroristes, si l'on veut, mais qui retourneraient la violence contre eux-mêmes seulement, car ils portent bien un message collectif qu'ils espèrent faire entendre.
Tout ceci, n'est pas de bonne augure mais nous rappelle qu'on ne vit pas dans le monde enchanté de la marchandise. Kojève ne voyait en Mai68 qu'une mascarade, du fait qu'il n'y avait eu aucun mort ou presque et, certes, cette prétendue révolution a vite tournée court. Les choses sérieuses commencent quand on met sa vie en jeu (encore faut-il que ça vaille le coup). C'est, depuis toujours, le sacrifice de la vie qui donne valeur au sens et à la parole donnée, aussi incroyable cela peut-il paraître aux consommateurs d'aujourd'hui. Le réel existe, y compris la subjectivité humaine et son exigence de reconnaissance sociale, on ne peut l'ignorer trop longtemps : ce qu'on rejette du symbolique revient avec violence dans le réel. Quand on outrepasse les limites, le système s'effondre, la guerre éclate, les salariés se suicident ou se révoltent. Car le suicide n'est pas la seule issue, évidemment, et ne vaut pas preuve (beaucoup de fanatiques se sacrifient pour de mauvaises causes). On peut juste espérer que ce soit seulement le symptôme précurseur d'une mobilisation sociale cruellement absente jusqu'ici. La violence pourrait très bien se retourner alors contre les petits nazillons du néolibéralisme.
La souffrance au travail peut surtout, espérons-le, reconstituer les solidarités collectives et les luttes sociales autour de la revendication d'un "travail décent" et même d'un travail épanouissant, pour la reconnaissance de la citoyenneté au travail et donc, aussi, d'une certaine pluralité. Ainsi, les salariés devraient avoir le droit à l'objection de conscience à la guerre économique, notamment le droit de refuser de faire du commercial, droit de traiter les autres en personnes et non pas en clients ni en moyens pour nos fins. Chasser de France-Télécom, non seulement l'idéologue en chef mais tous les promoteurs de méthodes inhumaines de management serait une victoire importante pour nous tous, réaffirmation de la notion de service public et de l'entreprise comme communauté humaine. Les suicides nous rappellent que l'affaire est sérieuse, il ne peut y avoir de compromis. C'est aussi l'affirmation que les temps ont changé et que cette réduction de l'homme à une marchandise a bien assez duré alors que le travail ne devrait plus être une torture mais la valorisation de nos compétences ("Changer le travail, changer la vie"). Ce qui aurait été inaudible il y a quelques années, fait à nouveau sens et ce qui donne sens à ces gestes de désespoir, ce n'est pas tant une aggravation des conditions de travail que le fait qu'elles ont perdu toute légitimité et sont devenues injustifiables, insoutenables idéologiquement désormais, honteuses enfin !
La "sélection naturelle", éliminant ceux qui outrepassent les limites, est l'échec de la régulation biologique, le darwinisme social, c'est l'échec de l'intelligence collective, mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut tenir compte du réel, réel qui se rappelle à nous sinon sous l'aspect le plus sanglant. C'est parce que la vérité n'est pas donnée, en particulier la vérité sur ce que nous sommes, mais qu'elle fait l'enjeu d'affrontements, qu'on peut être amené à y risquer sa vie. Il faut donc s'attendre au pire à cause de notre manque de clairvoyance mais il y aura de nouveau des luttes qui pourront justifier de s'y sacrifier, car, une chose est sûre, la solution viendra de nous et de personne d'autre !
Ce n'est pas dire que la solution soit simple et que, par exemple, l'échec du capitalisme remette le socialisme à l'honneur. C'est même parce que ce n'est pas si simple et qu'il n'y a pas du tout accord sur ce qu'il faudrait faire qu'on en passe inévitablement par les extrêmes pour inventer l'histoire en même temps qu'elle se fait. En tout cas, on ne peut revenir en arrière et faire comme s'il n'y avait pas eu d'expérience historique catastrophique en rêvant simplement de remplacer à nouveau le capitalisme par la bureaucratie. Comme il n'y avait pas de prescience de ce qui allait se passer, il aurait été impossible de se passer de l'expérience du communisme et de ses dérives mais on ne peut faire comme si rien ne s'était passé ! Ce n'est donc pas pour l'Etat socialiste qu'il faudrait se sacrifier mais plutôt pour une société plurielle (écologique), respectant la dignité de l'homme et sa liberté. Ni le communisme ni le capitalisme ne sont la vérité de l'homme, dont la vérité est double. Il y a toujours eu 2 discours s'excluant l'un l'autre : celui de l'intérêt et celui de l'honneur. Il y a toujours eu les commerçants et ceux qui avaient honte de marchander. Impossible de mettre tout le monde à la même enseigne. On peut en tuer autant qu'on veut, il en restera toujours autant ou presque ! Ce n'est pas du tout à la mode et pourtant, admettre cette pluralité pourrait nous éviter bien des tentations totalitaires. Une économie plurielle désarmerait en partie le capitalisme et ses capacités de nuisances... Ce n'est pas le plus probable, hélas. Il faut bien dire cependant qu'on n'en aurait pas fini pour autant avec la mort sous la forme de la guerre, de la résistance ou du suicide qu'on peut juste espérer réduire, tout au plus. Répétons-le, la place singulière de la mort dans le capitalisme vient surtout de son évacuation, de son caractère impensable, incongrue, extérieure, et de la surprise qu'elle introduit dans les calculs un peu béats d'optimisation du bien-être.
Alors qu'on hésite encore entre la consolidation d'un gouvernement mondial et le réarmement général, entre mondialisation et protectionnisme, il se pourrait donc que les choses sérieuses commencent et deviennent plus tragiques, la crise sociale qui s'amorce devant être assez longue et brutale. Fin du spectacle. Rien de certain en ces affaires humaines, bien sûr, sinon qu'on finit toujours par revenir aux réalités et la réalité est celle d'une conjonction inouïe de crises (sociale, écologique, technologique, géopolitique, idéologique). Or, malgré le caractère irréel de cette "drôle de crise" et le si bel été que nous avons eu, ce qui nous attend n'est pas drôle du tout puisqu'on devrait connaître rapidement une aggravation de la crise économique (Immobilier, automobile, etc.) provoquant des licenciements en chaîne, une crise monétaire aboutissant à la dévaluation du dollar et une hyperinflation sans doute après une phase de déflation. Là-dessus la crise énergétique et climatique risque de déstabiliser une économie déjà durement éprouvée par une nouvelle hausse des prix de l'énergie, ce que la récession retarde pour l'instant mais qui est absolument nécessaire et inéluctable. Dans ce contexte les occasions de guerre ne manqueront pas (pétrole, protectionnisme, fanatisation, boucs émissaires, affirmation de puissance). Comment se sortir de toutes ces crises qui s'amoncellent ? Une façon serait peut-être ce que préconise Lester Brown : une économie de guerre pour la production d'éoliennes en masse, guerre contre le réchauffement qui pourrait éviter une nouvelle guerre, contre l'Iran notamment, mais qui donc a les moyens de ce rêve (qui n'est sans doute pas la meilleure solution d'ailleurs), qui a les moyens d'éviter la confrontation par les armes et le déchaînement de la violence ? Un gouvernement mondial ? Même pas, destiné s'il existait vraiment à être renversé comme tout gouvernement, aveuglé à chaque fois par son dogmatisme et sa partialité. Nous serons toujours gouvernés par la nécessité la plus immédiate mais ce n'est pas du bluff, ce n'est pas un jeu de poker menteur, ce sont nos vies qui sont en jeu. S'il n'est pas dans notre pouvoir d'empêcher le pire, il nous reste à en préparer la sortie. Ce qui pourrait se faire dès maintenant au niveau local si nous n'avions besoin, nous aussi, que la situation empire...
Alors là, chapeau!
Un bien beau billet, qui brille comme le soleil noir de nos mélancolies.
En cette fin d'année 2009 serions-nous à un tournant géopolitique décisif ?
Il y a plusieurs indices dans ce sens :
Tous ces signes et tant d'autres encore montrent au moins que l'histoire - qu'on disait finie - est désormais quasiment mûre pour prendre sa revanche. Il suffira bientôt d'une étincelle, pour qu'elle se décide à inscrire un nouveau chapitre majeur de notre civilisation.
Quelle revanche pourrait prendre l'Histoire avec un grand H, tandis que le néolibéralisme occupe et continuera d'occuper tout l'espace?
Quelle sorte d'étincelle pourrait bien jaillir des seuls mouvements contestataires, dont nous pressentons qu'ils sont massivement réactionnaires?
Et ce nouveau chapitre? Faudra t'il le peindre en Clair ou en Sombre?
Vous avez raison tout dépendra de nous!
Merci, j'étais quand même un peu inquiet de l'avoir publié un peu trop précipitamment et s'il n'a eu pour l'instant aucun succès, ce n'est sans doute que justice car il y a de quoi "désespérer Billancourt" ! Ce n'est pas du tout ce qu'on veut entendre et on peut se demander de ce point de vue à quoi sert ce texte ?
Certainement pas à l'immédiat mais à témoigner de cette "vérité qui dérange" qui relie la vérité à la mort. Rien de nouveau bien sûr à cet "être-pour-la-mort", à l'angoisse qui révèle l'existence au monde dans son absence même, dans ce qui la remet en cause et l'ébranle dans ses certitudes, dans son rêve. Cela paraît quand même difficilement compréhensible que la vérité soit liée à la mort du fait qu'il n'y a pas d'autre garant de la vérité que sa mise à l'épreuve des faits. On voudrait en sortir, la suite nous dira si c'est possible, ce qui est plus que douteux.
Curieusement, je dois témoigner d'ailleurs que je n'ai pas du tout l'humeur adéquate aux sombres perspectives que je dessine, pris par la douceur inhabituelle de cet été indien qui vient en supplément et devrait inquiéter aussi. Les émotions sont souvent déplacées mais dépendent aussi de facteurs internes, hormonaux, presque autant que des facteurs externes. A moi aussi il semble donc difficile qu'on aille vraiment à la catastrophe, mais, si je n'en suis pas sûr du tout, je crois qu'il y a quand même pas mal de raisons de penser que les événements devraient se bousculer à relativement brève échéance désormais, sans que je vois comment cela pourrait tourner à notre avantage...
Il est en effet très surprenant que les conditions de travail soient prises si à la légère, aucune rigueur d'approche malgré tout ce qui s'en dit, aucun rapport à leur concret, de la com et toujours de la com, à en vomir.
A peine quelques suicides font le buzz de temps à autre, sorte de marronnier qui refleurit régulièrement, il faut donc ça pour qu'on effleure à peine le sujet et l'oublie jusqu'à la prochaine série. Il est donc trop simple de demander à ceux qui travaillent ce qui leur pose problème. Non seulement l'évolution des conditions de travail n'est pas éthique mais elle est de plus anti-économique, un comble quand elle est imposée par les chantres de l'efficacité.
J'ai l'impression qu'on a atteint un niveau de bêtise assez indécrottable permis paradoxalement par toutes sortes de théories de l'efficacité.
La bêtise a toujours été triomphante, à toutes les époques, de nombreux écrits en témoignent. Le niveau atteint actuellement est plutôt un peu en-dessous de ce qu'il était avant même s'il reste désespérant. Nous sortons à chaque fois d'un obscurantisme pour tomber dans un autre mais il y a quand même du progrès si on ne juge pas les époques antérieures à l'aune de leurs meilleurs esprits qui ont rarement été reconnus à leur valeur de leur vivant.
Les mouvements de l'histoire sont lents et se font le plus souvent à bas bruit même si des manifestations soudaines peuvent les révéler au public. Aucune institution ne rejoint son concept immédiatement mais seulement au bout d'une confrontation avec l'expérience par essais-erreurs et non par la force de l'idéologie. Ainsi, les débuts du capitalisme ont été largement esclavagistes et ce n'est que très tardivement que le modèle fordiste s'est imposé comme la forme la plus adaptée au modèle industriel. De même, la question des conditions de travail ne s'impose pas à cause de la mobilisation des salariés, inexistante, mais par les nécessités productives dans une économie hypertechnicienne où ce qui est mis au travail, ce sont les capacités cognitives et l'autonomie dans la résolution de problèmes.
Il y aura toujours des dégradations des conditions de travail contre lesquels il faudra réagir mais on peut juste espérer une accélération de l'histoire à laquelle on peut participer. C'est donc quand même sur ce sujet de la qualité de la vie au travail qu'il faudrait un peu plus de com (c'est com contre com). Il y a de la matière, un peu comme le principe de Peter avait ridiculisé les hiérarchies, pour fustiger la misère en milieu salarial et les absurdités managériales. Un travail idéologique soutenu de contrecom pourrait accélérer les transformations en cours mais c'est bien l'efficacité matérielle qui finira par les imposer à tous.
Pour l'instant, je peux témoigner de ce qu'une écologie basée sur le travail autonome reste complètement inaudible. On en reste systématiquement au quantitatif, même au niveau d'une décroissance des consommations qu'on n'imagine pas pouvoir obtenir bien mieux d'une transformation de la production elle-même et d'une abolition de la séparation du travail et de la vie, reportant la question de la qualité de la vie sur la qualité du travail en premier lieu. Tout cela est hors des schémas mentaux actuels, tout comme le revenu garanti, ce qui n'empêche pas la droite d'étendre le RSA aux jeunes, même à reculons et la question des conditions de travail ou du développement humain prendre de plus en plus d'importance et de visibilité. On se dit juste que tout cela va prendre 30 ans à ce rythme...
A l'évidence, la patience est le maître mot, aussi en évitant l'endormissement. La dynamique de l'évolution est lente et lourde comme une administration éléphantesque. Ne pas en tenir compte serait une bévue. Alors une contrecom c'est de bonne guerre pour raccourcir les tours et détours de la laborieuse histoire.
Il me parait vrai aussi que cette séparation du travail de la vie privée m'est toujours apparue abstraite, les suicides actuels laissent entendre que la frontière est plus ténue que ce que l'on voudrait proclamer.
A rajouter, mon expérience récente dans une multinationale me montre à quel point les choses sont à la fois lentes et rapides soudainement, plötzlich en allemand, comme l'évolution des plaques tectoniques. Des contraintes s'accumulent, personne ne sait les mesurer et les évaluer, problème des intégrales divergentes, tout juste les appréhender, et d'un coup, comme une avalanche, les couches glissent, s'écroulent et se réarrangent éventuellement.
A postériori, on expliquera ça de diverses manières mais ça restera toujours incertain, metastable.
Pas rassurant, mais mieux vaut le constater.
Concernant les effets des gaz à effet de serre, il y a cette investigation récente de Courtillot sur les incertitudes de mesures et autres diverses corrélations ou interprétations, il me parait honnête et compétent, les incertitudes des mesures c'est le gros problème cognitif, j'en sais quelque chose dans mon boulot, beaucoup de problèmes sont liés aux stats et aux transformées de Fourrier, traitement du signal :
http://www.js.univ-nantes.fr/149180...
J'ai tenté de mettre ce com dans la revue des science, mais l'accès à la page met des siècles, je renonce, y a un problème quelque part.
Oui, le blog n'est plus vraiment utilisable par moments depuis plus d'un mois, surtout la revue des sciences qui comporte de nombreuses images. Cela devrait s'arranger ce week-end me promet-on ! Je ne peux même pas rebalancer le commentaire au bon endroit qui est effectivement la revue des sciences !
Je n'ai pas confiance en Courtillot qui n'est pas climatologue mais géologue et qui a montré son incompétence en utilisant des données éronnées. Ce n'est pas dire qu'il ne dit que des bêtises, sûrement pas dans son domaine, c'est un vrai scientifique mais, comme Claude Allègre, il s'appuie sur de véritables critiques pour défendre des positions intenables.
Effectivement la courbe des températures du GIEC est très critiquable, comme je le dis dans la revue des sciences, il devrait y avoir aussi un décalage entre CO2 et températures, il ne faut pas prendre ces synthèses politiques pour parole d'évangile. Il y a aussi des indices que l'incidence du soleil est un peu plus importante que dans les modèles actuels, modèles effectivement encore trop grossiers, les incertitudes restent immenses mais il n'y a rien qui permette de prétendre que l'augmentation du CO2 ne serait pas une partie importante du réchauffement. S'il est vrai que la part des nuages n'est pas assez prise en compte, les premières études démontrent qu'on ne peut en attendre un effet atténuateur mais plutôt un renforcement sans doute (cela doit dépendre des périodes). Il y a encore beaucoup à étudier mais s'il est exact qu'on n'a aucune certitude, on en a encore moins que le réchauffement s'arrête par miracle ni que le CO2 ne soit pas un gaz à effet de serre ! Il ne s'agit pas de culpabiliser l'industrialisation comme seule responsable du réchauffement mais de ne pas en rajouter et d'essayer de se préserver un futur viable dans l'état actuel de nos connaissances.
Si, bien sûr, on nous prouve qu'on entre dans une phase plus froide, tout le monde se réjouira et il faudra produire le plus de CO2 possible mais on n'en est pas là. Ce n'est pas aux profanes d'en décider, il faut encourager la controverse scientifique pour tester les arguments mais ce qu'il faudrait ce n'est pas une certitude des dangers du réchauffement mais une certitude qu'il n'y en a pas pour arrêter la lutte contre le réchauffement. C'est cela le principe de précaution, la position opposée étant celle de l'irresponsabilité.
Comme évidemment écouter un seul point de vue paraît toujours convaincant j'invite ceux qui regardent la conférence de Courtillot à aller voir les critiques de realclimate notamment sur ses théories dont, à mon avis ne seule chose est à retenir, correspondant à ses compétences effectives, c'est que l'activité solaire pourrait être dans une phase baissière, ce qui nous arrangerait bien mais ne devrait pas compenser complètement l'augmentation du CO2. Une de ses grandes erreurs, c'est la compréhension du décalage entre température et CO2. Il est évident que les causes des cycles glaciaires sont astronomiques et fonction de l'éclairage reçu du soleil. C'est le réchauffement solaire qui augmente le dégazage du CO2 et pas l'inverse bien sûr mais c'est ce dégagement de CO2 qui augmente ensuite les températures bien au-delà du seul différentiel solaire par une boucle de rétroaction positive. Cela signifie que si on rajoute du CO2, ça augmente encore plus la température et non pas que le CO2 n'a aucune action sur la température. Simplement, dans ce sens là, l'effet du CO2 sur la température devrait être différé d'environ 50 ans. Enfin, l'argument qu'il y a d'autres malheurs à s'occuper ne tient pas, d'autant que la responsabilité du climat est un facteur de l'unification planétaire, ce qu'aucun autre enjeu ne peut remplacer, ne pouvant mobiliser la Terre entière.
Bien d'accord, ce n'est pas moi qui vais décider de qui a tord ou raison, je ne suis pas en position de compétence pour le faire.
De toute façon réchauffement ou pas, le problème des ressources en énergie lui est réel et certain. Donc il faudra bien faire autrement.
Ces controverses nous ramènent à la dialectique. Article intéressant, voir la partie sur Hegel :
http://www.actu-philosophia.com/spi...
Oui, ce n'est pas seulement Marx mais Hegel et la dialectique surtout qui reviennent dans ces périodes révolutionnaires d'incertitudes et de transformation.
Bien sûr ce que je dis sur la guerre se trouve déjà dans Hegel (Phénoménologie et Philosophie du droit).
Les périodes d'inquiétudes nous ramènent aux fondamentaux par les pires chemins ou les moins mauvais. Je sais que parler de fondamentaux fait réac...
Mais Hegel a su conjuguer l'histoire et l'avenir, c'est sans doute son génie propre, toujours inachevé.
"la place singulière de la mort dans le capitalisme vient surtout de son évacuation, de son caractère impensable, incongrue, extérieure, et de la surprise qu'elle introduit dans les calculs un peu béats d'optimisation du bien-être".
Plus qu'un peu béats! Souvent insensés! Et pour évacuer la mort ,évacuer la vie
Pour appuyer votre propos par la force de l' image: Vidéo à voir:
http://vimeo.com/5629970
Merci Jean Zin pour ce texte synthétique
Clin d'oeil en passant: " Ce n'est pas tant parce que le capitalisme serait mortifère, animé d'une "pulsion de mort" venue on ne sait d'où..." Je vous trouve un peu dur avec Gilles Dostaler et Bernard Maris. Leur bouquin "Capitalisme et pulsion de mort" se lit agréablement (mais, je l'avoue, s'oublie tout aussi facilement).:-)
Je ne l'ai pas lu mais j'avais eu l'occasion avant sa sortie de dire à Bernard Maris qui m'en parlait qu'il fallait explorer des voies plus matérialistes et ne pas s'égarer dans une psychanalyse sauvage (sur la vidéo complète du FAN je critique déjà en passant sa pulsion de mort).
C'est un peu le problème des non psychanalystes d'en parler trop, mais je crois que la psychanalyse procure une forme de verni culturel en France et s'en réclamer permet de redorer son blason. Voilà pourquoi j'évite d'en parler, tout juste je me questionne, parce que je reconnais que je n'y connais pas grand chose tout en trouvant ça intéressant.
la mort fait partie de la vie, et son acceptation est la seule manière de vivre pleinement en attendant de la rencontrer... Le refus, l'occultation de la mort dans notre société, c'est peut-être surtout un très bon moyen de nous empêcher de vivre ?
ma petite utopie est toujours là http://blog.ifrance.com/lafeepourqu... et si vous le voulez bien, transmettez toute ma reconnaissance à Bernard Maris, quand vous le croiserez.
merci à vous.