Une politique pour le XXIème siècle

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Pendant que certains s'enferment dans un romantisme révolutionnaire qui se donne en spectacle et rejoue indéfiniment la même scène, d'autres renoncent à l'essentiel pour se résoudre à renforcer le système. Etre un révolutionnaire sérieux en essayant de changer le monde vraiment est une autre paire de manche. Bien peu s'y essaient. On aura beau les trouver décevants au regard des révoltés métaphysiques, le GRIT fut bien un repère de tels révolutionnaires, si différents soient-ils, d'Henri Laborit à Edgar Morin, Jacques Robin, André Gorz, Félix Guattari, Cornélius Castoriadis, etc.

Il ne s'agit au fond que de comprendre son temps et de s'engager dans son actualité, les possibilités du moment et les perspectives d'avenir, ne pas abandonner la lutte après tant d'échecs mais d'en tenir compte au contraire, tout comme des bouleversements que nous avons subis, pour continuer l'émancipation humaine avec toutes ses difficultés et ses contradictions.

- Etat des lieux

Nous sommes dans un temps de grande désorientation politique avec une gauche devenue inaudible, des organisations archaïques et des idéologies dépassées. L'époque semble condamnée aux actions désespérées, à l'éclatement dans de petites chapelles voire au terrorisme le plus dénué de pensée. Il n'y a rien là de mystérieux étant donnée la mutation anthropologique que nous vivons, c'est le contraire qui serait étonnant. L'ère de l'information et des réseaux planétaire a tout changé, transformant profondément le travail, l'économie et nos représentations de l'avenir, ouvrant à une conscience écologique qu'on peut qualifier de post-moderne au sens que lui donne Ulrich Beck d'une modernité réflexive, d'un progrès qui prend conscience de son négatif, de l'envers de la médaille, et d'une rationalité qui reconnaît ses propres limites. C'est un nouveau stade cognitif auquel on accède à grand peine. Il est aussi difficile qu'important d'arriver à faire un diagnostic juste sur notre situation présente et surtout sur notre avenir à plus ou moins long terme.

- L'autonomie individuelle comme finalité collective

Pour penser notre avenir, nous avons besoin de tenir compte de la révolution informationnelle, de la globalisation des réseaux, de l'interopérabilité et de la gratuité numérique mais aussi de la régulation des écosystèmes. Pour cela, on ne peut se passer de la théorie des systèmes ni de la notion de rétroaction de l'information plus efficace pour atteindre nos objectifs que des stratégies trop volontaristes et centralisées. Ce ne sont pas ces moyens pourtant qui peuvent nous servir de fins. Il n'y a pas d'avenir qui ne se construit sur le passé, il est donc tout-à-fait crucial de s'ancrer dans l'histoire et d'abord dans l'histoire de l'émancipation et la tradition révolutionnaire dont nous héritons nos finalités humaines, même si chaque génération doit s'opposer à la génération précédente et que nous devons en critiquer tous les échecs, les illusions ou les errements. Ces finalités ne sont donc pas nouvelles : ce sont celles du développement humain, compris par Amartya Sen comme le développement de l'autonomie et des capacités individuelles, autonomie qui n'est pas notre état de nature mais une construction sociale, inséparable de la solidarité collective.

Avant de comprendre notre actualité, d'un capitalisme financier menacé de banqueroute et d'un néolibéralisme en perte de vitesse, il faudrait savoir ce qui est possible, ce qui est nécessaire et ce qui serait souhaitable. C'est dans ce contexte qu'il faut s'inscrire, d'une véritable crise de civilisation et d'une vision renouvelée de notre avenir commun. Ensuite on peut tenter d'en détailler les finalités particulières, comme Edgar Morin dans son petit livre-programme "Pour une politique de civilisation" (arléa 2002). On ne peut qu'être globalement assez d'accord, même si on peut discuter le détail et que le terme de "civilisation" est problématique, la civilisation des moeurs étant de l'ordre de la contrainte et facteur de malaise dans la civilisation. Le développement humain comme développement de l'autonomie me semble un bien meilleur point d'attaque pour se débarrasser de l'idéologie libérale sans céder en rien sur nos libertés mais on ne peut nier qu'il y a de nombreux points de recoupement. La question qui se pose alors, c'est surtout de comment ne pas en rester à de simples voeux pieux et des bons sentiments ? Comment réaliser la philosophie ?

- Le moyens d'action

On ne peut avoir des finalités collectives s'il n'y a plus de collectivité. Le préalable, c'est donc bien de refaire société et de retrouver le sens du vivre ensemble, ce que les guerres assuraient régulièrement et les révolutions quelquefois. Cet élan collectif est assez peu prévisible, même s'il semble tenir à l'espèce, et se produit souvent quand on l'attend le moins. Encore faudrait-il savoir qu'en faire.

L'antilibéralisme constitue l'indispensable résistance aux effets du libéralisme économique et non l'opposition à la liberté comme certains feignent de le croire. Il n'empêche qu'il y a toujours eu une division de la gauche sur les moyens de transformer la société. Il y a ceux qui pensent que l'Etat peut décider de tout et que la volonté politique suffit. Il y a ceux qui pensent que les choses se feront toutes seules ou seulement dans les marges. Le débat me semble mal posé car il faut jouer l'Etat contre le marché et le marché contre l'Etat, ni l'un ni l'autre n'étant sans dangers. La question n'est pas celle du libéralisme ou de l'étatisme mais de l'alternative.

Une des questions qui sont loin de faire l'unanimité, c'est celle de la nécessité d'une relocalisation pour équilibrer la globalisation, ce qui définit strictement l'altermondialisme mais modifie la façon de concevoir le changement qui doit avoir une dimension locale (bottom-up) et n'est donc réductible ni à l'Etat autoritaire, ni au laisser-faire du marché. C'est plutôt le retour de la fédération, avec un risque indéniable de reféodalisation qu'il faudra tenter d'éviter. Prendre au sérieux cette question a de grandes conséquences. C'est, en tout cas, un des piliers de ma réflexion avec le travail autonome, qui est une exigence de l'économie immatérielle, tout comme le revenu garanti qui est à la base du développement humain.

La façon dont on comprend l'autonomie et l'auto-organisation est ici essentielle puisqu'une tendance pousse vers le "laisser-faire" libéral et une autre vers l'autogestion ou l'organisation par le bas, ce qui n'est pas du tout la même chose. On ne peut dire non plus que le global émerge du local, comme dans une foule, alors qu'il y a un rapport réflexif du local au global et que nous sommes tributaires d'un mouvement général, d'institutions, de discours, d'idéologies qui structurent notre expérience et assurent notre marge d'autonomie.

Il y a une autre division, tout aussi traditionnelle, entre révolutionnaires et réformistes, entre ceux qui veulent changer le système et ceux qui veulent seulement l'améliorer, en corriger les dysfonctionnements les plus visibles. Là encore, on peut défendre une autre option, celle de la construction d'un système alternatif basé sur le local mais dans une économie plurielle, c'est-à-dire sans prétendre supprimer l'ancien système avant que le nouveau ne puisse le remplacer. Ce n'est pas du réformisme, c'est une véritable alternative bien qu'elle soit dépourvue de toute mythologie purificatrice et n'ait rien de l'idéal, simple adaptation aux évolutions déjà effectives, si l'on veut, sauf que toutes les règles en sont bousculées.

- L'alternative

C'est bien un autre système qu'il faudrait construire, pas seulement un ensemble de mesures nécessaires et c'est peut-être ce qui n'apparaît pas assez dans les propositions d'Edgar Morin bien qu'il parle de la nécessité de "systémiser" (p38) les résistances actuelles qu'il ne suffit pas de rassembler pour que la sauce prenne. Pour cela, il n'y a pas besoin seulement d'indiquer une "voie" mais il faut bien un projet cohérent, des objectifs partagés, une alternative à proposer (un système structuré par ses finalités).

Pour ma part, je m'attache surtout aux dispositifs concrets et aux structures nécessaires pour passer d'un système à l'autre, question de la transition qui est notre actualité des 30 prochaines années qui pourraient être assez troublées. En fait, je suis assez strictement marxiste sur le primat de l'économie "en dernière instance" et des forces matérielles, sur le caractère systémique de la production-circulation-distribution (même si ce n'est pas vraiment un "procès sans sujet"), et donc sur la nécessité d'adapter les rapports de productions aux nouvelles forces productives immatérielles, de même que je suis un écologiste tout ce qu'il y a de plus matérialiste dans l'attention aux écosystèmes. Je crois qu'on ne peut comprendre la société sans un point de vue systémique même s'il ne suffit pas car il faut faire la part du symbolique et de l'histoire avec ses retournements dialectiques. Par contre, comment croire encore à la propriété collective des moyens de production ou bien à la fin de l'aliénation ? Mieux vaut défendre le travail autonome (ou travail choisi) ainsi que le développement humain, ce qui est tout autre chose.

Reprenant les propositions d'André Gorz, Jacques Robin et Murray Bookchin, ces alternatives locales à la globalisation marchande pourraient s'articuler autour de coopératives municipales (production), de monnaies locales (circulation) et du revenu garanti (distribution), constituant effectivement un nouveau système de production. Je trouve préférable des "coopératives municipales" aux "maisons de solidarité" très proches proposées par Edgar Morin mais inutile de dire que, pour l'instant, ni l'une ni l'autre de ces propositions n'ont une chance de se réaliser, n'étant soutenues par aucune force sociale notable. En quoi on voit que la question est bien cognitive et organisationnelle. Le mouvement social ne peut gagner aucune bataille tant qu'il ne propose aucune alternative crédible, adaptée à notre époque. On se cogne à notre rationalité limitée face à la complexité du monde mais surtout au toujours difficile changement de paradigme et d'idéologie. Le risque est que cela nourrisse tous les obscurantismes, les convictions intimes, la simple intuition même ou le sentimentalisme alors que nous avons besoin d'une rationalité supérieure (plus prudente), de la construction d'une intelligence collective et d'une véritable démocratie cognitive, que nous devrions commencer à construire entre nous au moins...

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13 réflexions au sujet de “Une politique pour le XXIème siècle”

  1. Il faut que je relise l'article plusieurs fois je pense... mais je voudrais faire quelques remarques de "wording". Le mot "antilibéralisme" ne me semble pas vendeur, surtout quand on prône la liberté. Ce qui me gêne le plus c'est qu'il n'est vraiment pas compris de la même façon partout dans le monde. Si on est obligé de faire référence au libéralisme pourquoi ne pas plutôt en proposer une autre définition. 1) ça se fait 2) il y avait en effet plusieurs définitions au moment de la création du concept... enfin je crois. Bref: je pense qu'il faut la vendre un peu votre alternative. Dieu sait pourtant que je n'aime pas la vente.

    De même pourquoi "alternative locale" à "globalisation marchande" ? Ne pourrait-on pas imaginer une sorte de "localisation globale" ? De même les "coopératives municipales" sont trop liées à la géographie je trouve: devons-nous être proches géographiquement pour appartenir à la même communauté de comportements ? J'ai peut-être une vision un peu naïve et puis je ne peux m'empêcher de voir chez Marx quelque chose d'assez bassement virile, donc j'ai du mal à être fan. Y a des trucs géniaux, d'autres qui me gênent franchement: pourquoi être strict sur Marx quand on veut dépasser l'industrie (dont l'affaiblissement fait que la gauche est tout autant inaudible que la droite et que les deux nécessitent beaucoup de gesticulation pour faire exister une vieille idée de la politique) ?

    Au sujet de l'ère de l'information je crois sincèrement que nous n'en sommes qu'au tout début puisqu'elle passe encore grandement par l'écrit. La mobilité (avec une homogénéité mondiale possible du support), l'extrême-portabilité (jusqu'à la limite de l'intégration au corps), le multi-média (beaucoup plus sensoriel que l'écrit) feront que les systèmes de communication seront plus ou moins intégrés à notre être... et là vraiment nous sommes loin d'être prêts à ces changements.

  2. Belle vision d'ensemble, et beau retour sur vos idées, cher Jean.

    Intéressant de voir qu'effectivement, comme signaler au dessus, c'est bien un manque de "vente" qui fait que l'alternative proposée ne passe pas... mais ne serions nous pas à l'air du chacun pour soit (selon certain penseurs d'un pessimisme niait) ? Et bien si c'est le cas, chacun de nous, faisons passer les idées ! Et faisons vivre l'alternative, ou plutôt naitre.

    C'est à notre portée, là, sous nos claviers. Reste maintenant à passer du clavier, à la vie, tout simplement....

  3. a ropib
    Il ne faut pas craindre de se situer comme marxiste au XXIeme siècle. Si on fonde cette posture critique, avec les limites dues au passé, sur l'étude des réalités nouvelles concernant les moyens et rapports de production. A relire Marx, on se demande comment on a pu qualifier de marxiste le passage à la propriété collective. Dans les manuscrits de 1848 l'aliénation du salarié à la propriété privée est comparée à celle de la femme dans le mariage ( en son temps, et ce qui n'est pas "viril"?)L'idée d'une mise à disposition collective des femme est envisagé par lui comme une forme d'aliénation plus monstrueuse encore.De même pour la propriété collective primaire des moyens de production
    Au moment où Marx critiquait l'économie libérale, pratiquement personne ( et pas lui non plus)ne posait de limites à l'enrichissement individuel, ou collectif, ou d'Etat,.

    A fabien
    Celà fait plaisir de constater l'enthousiasme de la jeunesse. J'ai 70 ans, et j'ai quitté Attac s'automutilant dans l'anathème et les querelles de pouvoir. J'ai quitté les collectifs antilibéraux soumis aux tentatives de récupération. J'ai aussi , un temps été maoïste, et je me souviens d'une pensée juste ( il y en eut!) du "grand timonier". Parlant des paysans chinois il déplorait ce que je déplore de la gauche éclatée en chapelles étanches: " Jamais ils ne se rencontrent. Et pourtant les chiens qui aboient et les coqs qui chantent chez les uns peuvent être entendus chez les autres.

    à Jean Zin
    alors que sur les blogs qui se réclament de la gauche de transformation sociale on s'insulte trop souvent, ce présent site est une oasis où, j'espère bien des voyageurs internautes se renontreront. A bientôt

  4. @ thersite : merci pour la jeunesse, mais du haut de mes 30 ans, je passe pour un vieux militants aux yeux de bien des gens... ce qui ne me dérage nullement. 🙂

    Avoir l'esprit ouvert et d'ouverture, je pense que la clef est là pour réussir. Encore faut il ne pas, comme aujourd'hui, dévoyer ces mots.

  5. @ropib

    On ne choisit pas ses mots. Le libéralisme n'a pas besoin d'être défini dès lors que ce n'est pas une simple idée mais une idéologie en acte, c'est la réalité que nous subissons. Que l'antilibéralisme laisse perplexe n'est que la conséquence du caractère contradictoire de la liberté, souligné par Popper entre autres. C'est ce qui est difficile à intégrer qu'une liberté puisse être un facteur d'oppression, qu'il y ait un totalitarisme libéral. Rejeter le terme d'antilibéralisme c'est refuser de comprendre cette contradiction qu'il faut pourtant traiter.

    Bien sûr la relocalisation n'annule pas la globalisation et les coopératives municipales ne sont pas le tout de l'économie. La "localisation globale" n'est rien d'autre au l'altermondialisme. Certes les réseaux permettent des communautés délocalisées (comme pour les logiciels libres), il n'empêche qu'on a besoin de contacts humains, de face à face, et que c'est à cause de leur affaiblissement qu'il faut les renforcer mais cela ne veut en aucun cas dire qu'on exclue les relations au loin !

    Sur le fait de se référer à Marx, Hegel, Aristote ou qui vous voulez, il ne s'agit jamais de suivre une théorie, de perpétrer un dogme ou de choisir un maître, il s'agit tout simplement du fait qu'on a besoin de leurs théories et de leurs argumentations. Je suis le premier à insister sur la rupture que nous connaissons avec le temps de Marx, il ne peut donc être question de le répéter, mais d'une part Marx avait en partie anticipé l'automatisation et surtout il y a encore des pans entiers de son oeuvre qui restent indispensables et peuvent nous éclairer encore.

    @Fabien

    Je ne crois pas que ce soit le manque de communication qui rend inaudible les alternatives mais plutôt que c'est l'inertie idéologique et le changement de paradigme qui font obstacle. C'est un fait qu'on ne se résout à changer qu'une fois le désastre consommé. Le Parti Communiste qui refuse de se dissoudre en est l'illustration caricaturale.

    Je ne crois pas trop aux théories du "chacun pour soi" qui me semblent correspondre plutôt à des moments d'un cycle (Vie privée-Vie publique) et qu'il ne faut pas confondre avec l'individuation et le relatif déclin des effets de masse. Ce qui est vrai, c'est qu'on peut s'y mettre localement même si les masses sont loin d'être acquises...

    @thersite

    Marx a essayé de vivre en communauté (avec supposée communauté des femmes) en 1848 je crois mais il y a très vite renoncé ! Je n'ai jamais été maoïste mais il est certain que Mao était loin d'être un imbécile et que l'échec de la révolution culturelle doit être médité pour ne pas en reproduire les horreurs par naïveté...

    On ne rassemble pas des lignes différentes, c'est sur des objectifs précis, des menaces communes qu'on pourra se rassembler. Les élections municipales pourraient aussi en être l'occasion mais j'ai quand même l'impression qu'on est pas encore assez au fond du trou pour que chacun dépasse ses anciennes positions !

  6. @Jean Zin

    Je rejette le mot "antilibéralisme" depuis que j'ai discuté du "libéralisme" avec une amie iranienne. Le mot avait en effet une toute autre dimension dans sa bouche de par son vécu, de par son approche aussi de la langue française et d'une vision de la France assez romantique.
    Si j'accepte l'anti-libéral-totalitarisme je ne suis pas d'accord pour que l'antilibéralisme soit complet. C'est à dire que le libéralisme doit être négocié, il n'y a pas de raison pour que ce soit du tout-ou-rien: la preuve il y a déjà dans notre système des aspects libéraux et des aspects non libéraux. Pourquoi ne pas être "nonlibéral" plutôt que "antilibéral" et reconnaître ce qui doit être remis en question dans notre système. Je me rappelle un de vos articles sur le cadre nécessaire à la liberté pour exister qui, en l'absence de gouvernement en gros, fabrique les conditions de sa disparition.

    Alors peut-être que je confonds "antilibéralisme" avec "contrelibéralisme"... vous dites "On ne choisit pas ses mots". En l'occurrence le mot "antilibéral" est choisi et connoté négativement, peut-être à cause d'une campagne de communication malheureuse, sans doute parce que trop de gens différents l'associent à des idées qui pourtant n'ont rien à y voir. En tous cas dans certains pays le mot "antilibéral" et les courants politiques qui l'emploient ne prônent sans doute pas les mêmes valeurs que vous. Bush est antilibéral par exemple et ce n'est pas le pire, si vous voulez parler avec lui il va falloir choisir un autre mot, c'est tout ; c'est peut-être à cause d'une conccurrence de langues (est-ce bien certain ?), peu importe.

    Par rapport à la localisation, il y a aussi l'aspect production-conssommation d'objets concrets... c'est là où je pense que la localisation géographique prend tout son sens. Le côté "contact humain" et "face à face" n'a de sens que parce que la technologie ne s'occupe aujourd'hui que de la "réalité", comme a priori universel du rapport à l'autre, ce qui est très limité, tandis que dans une relation physique il y a une multitude de choses qui échapent préalablement à la négociation de l'espace et qui s'avèrent devenir pertinentes. Lorsque la technologie se penchera sur ce "paysage", lorsque (pourquoi pas après tout?) la réalité synthétique sera plus riche sensitivement que la réalité naturelle il n'y aura aucune raison pour que la proximité physique soit indispensable à mon avis (si dans le film Matrix la réalité est toujours liée à l'idée de vérité, il en est autrement dans le film Avalon). Il s'agit du futur mais l'accident sera inévitable si nous n'anticipons pas les inerties cognitives à venir: nous ne sommes qu'au tout début de la révolution de l'information.

    Vous faites aussi référence à l'articulation privé-publique: il me semble que nous sommes aussi au tout début d'une redéfinition de ses frontières influencée par la technologie mais aussi par les échanges culturels généralisés et la confrontation très largement pacifique qui en découle (et de la preuve d'ailleurs que la Religion, qui s'évertue dans son fondement même à rendre cette confrontation agressive, n'est pas l'outil politique par excellence comme on le croyait il y a encore quelques années).

    Pour Marx... il s'agit bien sûr d'un des plus grands esprits de notre époque, aussi être "antimarxiste" me semble idiot. Je ne sais pas s'il faut être marxiste pour autant, car là aussi il y a eu des idéologies en actes.

  7. @ ropib

    Je n'ai jamais été vraiment "marxiste", en tout cas pas léniniste car attiré dès le départ par les situationnistes, Vaneigem quand j'étais petit et Debord dès que j'ai été un peu moins niais. C'est une chose que j'ai assez martelé, que je ne suis pas marxiste, pour ne pas penser devoir me répéter chaque fois ! La phrase doit être comprise exactement ou je dis que je suis strictement marxiste "sur le primat de l'économie et des forces matérielles", ce qui ne veut pas dire que je suis marxiste dans tout le reste !

    C'est un peu pareil que sur le libéralisme, il ne faut pas vouloir des positions trop simples. Cela ne me gène pas du tout de me référer au libéralisme, en particulier politique, de m'en réclamer même. Cela ne m'empêche pas d'en critiquer la mise en oeuvre et de dénoncer l'oppression qui nous écrase au nom de la liberté. Il ne s'agit pas d'annuler le libéralisme mais de le complexifier : toute négation est partielle. Tout dépend aussi du contexte, même Marx défendait le libéralisme contre les vieilles féodalités et libéral signifie une sorte de gauche aux USA, gauche qui se trouve confrontée plus que nous aux traditions religieuses. C'est comme ça, on utilise les mots selon le contexte. On est anti-libéral parce qu'on est contre une politique libérale aveugle, contre une idéologie, contre ceux qui s'en font les servants. Car il y a pas mal de gens qui se disent libéraux, qui "aiment" le marché et croient devoir se mettre à son service comme d'autres s'étaient mis au service de l'amélioration de la race ou de quelqu'autre chimère, par une trop grande fascination de la logique. Le besoin de revenir au réel et aux rapports de face à face reviendra toujours...

  8. merci encore pour cet article qui reprend un peu tous les débats du moment qui méritent d'avoir un peu plus de visibilité . c'est très utile .

    vous dite :
    "Le besoin de revenir au réel et aux rapports de face à face reviendra toujours..."

    et pour qu'on y revienne , c'est vrai qu'on a l'impression que c'est encore un peu tôt dès lors qu'on a pas "touché le fond" . mais ça ne saurait tarder . Les conditions materielles des gens vont continuer à se dégrader . jusqu'à devenir invivable . et ce durcissement sera peut être l'occasion de renouer des solidarité perdus . pourtant c'est vrai que le réveil si mystérieux de mon point de vue et qui relève probablement du miracle est difficillement prévisible . faudrait il qu'il soit encore à la mesure du sommeil . c'est surrement en plus d'une question cognitive , une affaire d'émotionnelle collectif . de ce point de vue je serait attentif aux mobilisations à venir, pas tellement à leur contenu ( encore que si les questions que vous abordez ici pouvaient ne serait ce que touchée du doigt ce serait déjà merveilleux , mais c'est peut être encore un peu tôt) mais surtout aux tensions emotionnelle qu'elles pourront exprimer . le cpe date de l'an dernier et il y avait déjà présente une dimension émeutière très forte et des actes qui peuvent paraitre attester d'un grand désepoir. or la situation c'est encore fortement dégradée . à ce sujet , et pour éviter le risque d'une insurrection sans projet , est il réaliste de croire d'une grève générale insurrectionnelle et intélligente , puisse arracher , et en quelques semaines, à la centralité étatique un véritable revenu garanti suffisant ? les émeutiers et les grévistes aurons ils la présence d'esprit de ce dire que c'est en créer des monnaies locales qu'ils pourront en partie résoudre leur problèmes de précarité ? ce mot d'ordre de "changer le travail pour changer la vie" a t'il des chance de se faire entendre ? et comment relier se mot d'ordre de la relocalisation aux préoccupations des futurs grêvistes ?

    c'est sans doute loin d'être gagnénous en sommes même probablement qu'au début. c'est que le "sujet" de l'histoire ne m'apparait pas si clairement que ça. cela peutil encore changer ??!!

  9. Pour l'instant rien ne bouge encore au front des palais... Ce n'est pas l'agitation de quelques étudiants très minoritaires ni la résistance héroïque des cheminots qui peut donner quoi que ce soit ! Je n'ai absolument aucun espoir que le revenu garanti s'impose à court terme, encore moins des monnaies locales, sauf très localement ! Le seul point qui progresse, c'est le plus classique "changer le travail pour changer la vie" quoique son contenu soit encore très loin du travail autonome.

    A juger sur la situation présente, aucun espoir n'est permis et les choses pourraient sembler figées pour l'éternité. Sauf que ça va tanguer très vite avec une crise financière qui prend de plus en plus d'ampleur de semaine en semaine, bien que l'échéance en semble à chaque fois repoussée, et la hausse du pétrole qui nous fait entrer dans une nouvelle phase d'inflation. Je crois plus aux luttes qui émergeront sur le pouvoir d'achat pour prendre de l'envergure : c'est la configuration de nombreuses révolutions. de là à ce que cela débouche sur un revenu garanti, il ne faut pas trop rêver...

    Longtemps l'idée d'une révolution écologique semblait absurde, un peu moins aujourd'hui. Qu'on se souvienne à quel point revenu garanti, monnaies locales et coopératives semblent complètement ringard pour l'instant, il se pourrait que cela change assez rapidement (par exemple si l'Euro est trop surévalué par rapport à un dollar qui s'effondre). Je ne compte pas tellement sur le travail idéologique mais plutôt sur la contrainte des faits !

  10. "C'est une chose que j'ai assez martelé, que je ne suis pas marxiste, pour ne pas penser devoir me répéter chaque fois !" C'est le problème de la politique et le problème de ceux qui en font un métier je crois: on est un peu obligé de répéter chaque fois la même chose. D'un point de vue philosophique vous êtes très clair. Une politique pour le XXIè siècle nécessite pour autant de bousculer nombre de pré-pensées: marxisme strictement économique, l'acceptation du libéralisme dans sa dimension politique... toutes ces finesses sont complexes à rendre.

    Pour simplifier je dirais que vous proposez la complexité politique. Je suis pour mais je m'interroge sur la portée "marketing" de ce point de vue aujourd'hui. Il faudrait penser le moyen puisque la fin prend forme assez clairement. C'est là que je m'interroge.

  11. On ne peut dire que je sois vraiment un "homme politique" ! Je ne suis d'ailleurs pas grand chose, j'essaie de dire ce qui me semble vrai après avoir étudié la question mais je ne prétends pas que cela se fera rapidement ni sans heurts. Je ne fais pas de propagande et n'ai rien à vendre n'étant sûr de rien sinon qu'il y a des problèmes à résoudre et que la démocratie est elle-même le premier problème, ayant besoin d'une régénération et de nouvelles procédures plus démocratiques et moins spectaculaires.

    Ce n'est pas une nouveauté que la complexité ne peut être communiquée au plus grand nombre. Plus on veut élargir la cible, plus il faut simplifier le message. Question de rapport signal/bruit. Ce n'est pas une nouveauté que la démocratie tombe facilement dans la démagogie et que le savoir ésotérique n'est pas accessible à la foule. Il n'y a là aucun élitisme ou mépris du peuple mais incompatibilité avec le nombre.

    Que faire ? Là dessus je ne peux dire grand chose dans la situation actuelle, n'étant pas doté de super-pouvoirs me permettant de balayer des rapports de forces et les réseaux de pouvoir ni d'avoir accès aux médias. La conquête de quelques municipalités me semble le seul horizon envisageable pour l'instant mais l'histoire est pleine d'occasions et de rebondissements. Tout ce qu'on peut faire c'est s'engouffrer dans la brèche mais sinon je ne suis pour rien dans la conversion des Verts, de Chirac et Sarkozy à la révolution écologiste. On peut dire qu'il ne sert à rien d'avoir raison trop tôt, il suffit d'attendre...

    Enfin, je ne prétends pas faire tous les rôles, ayant déjà bien du mal à faire ce que je fais. Il y en a sûrement d'autres qui ont d'autres talents et pourront trouver une voie, entraîner les foules. Ce n'est pas ma partie et je me rendrais insupportable à tous les pouvoirs mêmes révolutionnaires, même populaires car je ne prétends à rien qu'à essayer de formuler ce qui me semble vrai et qui peine à se dire, pointer la contradiction au coeur de l'action et l'ignorance au coeur du savoir.

  12. oui le difficile pour un homme politique local c'est peut être de traduire cette langue philosophique dans la langue de sa terre . on a pas idée des talents que cela suppose pour une commune rural : être bon père de famille, rugbyman , chasseur , joueur de boule , ramasseur de champignon .....bien connaitre les possibilités de la politique locale , être au pc ou au ps voir au verts, être bon réteur et bon communiquant, être bien entouré et savoir amener une équipe vers la victoire electorale ..... et en même temps lecteur de jean zin ! drôle de grand écart tout de même .

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