La valeur de vérité !

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Il y a toujours la tentation d'en appeler aux valeurs en politique, à l'humanisme, à la morale sinon à Dieu, à l'éducation, la propagande ou l'endoctrinement et de tout promettre jusqu'au bonheur même. Il semble bien que la politique ne puisse être autre chose si l'on en juge aux dernières élections, il y a pourtant une toute autre voie, trop discréditée, qui est plus matérialiste et raisonnable sans être moins révolutionnaire : c'est d'en appeler à la vérité des faits. On pourrait dire que c'est la voie scientifique si le marxisme qui s'en était réclamé n'en avait fait un scientisme borné, c'est du moins la voie philosophique et celle d'une "démocratie cognitive" dont l'écologie a tant besoin. La question de la vérité est une question pratique et s'il n'y a pas véritable séparation des valeurs et des faits, c'est la vérité qui a le dernier mot et change nos valeurs à l'épreuve des faits. C'est pourquoi il faudrait privilégier la vérité sur les bons sentiments : seule la vérité est révolutionnaire !

Je pourrais certes dire comme chacun que je me bats pour des valeurs, pour l'amour, pour le bonheur mais je ne crois pas que ce serait tout-à-fait exact. Qu'on m'entende bien, je ne suis pas un monstre, je suis animé des meilleures intentions du monde et de la plus grande humanité, mais je crois qu'il est dangereux de se faire une trop haute idée de soi, même s'il ne faut pas non plus se rabaisser en quoi que ce soit. En fait la question écologique et politique ne me semble pas tant de l'ordre du vouloir, de l'intentionalité, mais, contrairement à ce qu'on croit, de l'ordre de la vérité, du cognitif. Notre solidarité est un fait, qu'on peut ignorer un peu bêtement, ce n'est pas un choix individuel. On pourrait dire comme Socrate que nul ne fait le mal volontairement, qu'il n'y a qu'ignorance, mais c'est plus grave car le mal n'est pas un manque de volonté contre une pulsion diabolique. Non, la cause du mal c'est plus souvent le Bien recherché, d'autant plus qu'on lui met une majuscule ! Ce qui fait le plus de mal, c'est l'amour, on ne le sait que trop. Chercher la vérité est ce qu'on a de mieux à faire pour arranger les choses, s'attaquer aux causes matérielles plutôt que de chercher des coupables et faire tomber des têtes. La responsabilité des intellectuels est totale dans la progression du savoir et d'une si difficile lucidité contre des sentiments trop aveugles.

Le monde des valeurs et des idées, c'est celui de Platon et tout le parcours d'Aristote tel qu'il a pu être reconstitué par Werner Jaeger sera d'abandonner cette vision d'un bien suprême pour revenir à la réalité d'un bonheur qui ne peut être que transitoire et ne peut être un aboutissement étant le plaisir de l'action, le bonheur de la réussite qui a sa contrepartie dans le malheur de la défaite. L'éthique n'est plus dés lors une question de valeurs ni de bonnes intentions mais de conformité aux fins. Vouloir le bonheur ne veut rien dire, pour vouloir une réussite il faudrait savoir quoi réussir d'abord et aucun bonheur ne dure ! La psychanalyse en a remis une couche sur la suspicion des valeurs, sur les ravages de l'amour et un bonheur idéal qui n'est rien que nostalgie de la Mère interdite. On est dans le fantasme, ce qui est dangereux. Il ne serait pas si mal de bannir le bonheur du politique. Il vaut toujours mieux revenir aux faits. Plutôt que la multiplicité des valeurs, il serait préférable de proposer une alternative, l'unité d'un système alternatif réaliste pour les hommes tels qu'ils sont et non tels qu'on en pourrait rêver.

Bien sûr, on se bat toujours pour des valeurs mais d'une part c'est le plus souvent au nom de la vérité (d'une religion en général) et d'autre part il n'y a pas lieu de se glorifier de la confrontation des vouloirs alors qu'il faudrait affronter la réalité plutôt. Il ne s'agit pas de bannir toute émotion, ce qui serait impossible, mais au lieu de parler d'amour de façon imprudente, on pourrait se contenter de parler d'amitié, de philia, ce qui n'est pas une valeur : c'est la cohésion d'une société, sa vérité, ce qui distingue l'ami de l'ennemi. S'il y a une valeur suprême, c'est la valeur de la parole qui fait la dignité humaine, la morale communicationnelle (liberté, égalité, fraternité). On peut dire que le décalogue n'est rien d'autre que la loi de la parole et de sa bonne foi (ne pas mentir, ne pas voler, ne pas tuer). C'est aussi par souci de la vérité que nous voulons corriger l'image que l'humanité nous renvoie de ce que nous sommes et qui nous révulse, car l'humanité sera ce que nous en ferons, elle dépend de nos actes mais cela ne veut pas dire qu'on pourrait lui donner une valeur qu'elle n'a pas, que nous n'avons pas. Là encore la question est cognitive plus que morale, de même que ce sont les contraintes cognitives qui font de l'autonomie individuelle une finalité collective : non pas promesse d'un bonheur sans fin mais au contraire d'une interrogation continuelle qui a besoin du témoignage de tous.

Il faudrait cependant distinguer l'intelligence collaborative et l'intelligence collective qui sont aussi distincts que la vérité et la volonté, qu'il faut réintroduire ici. L'intelligence collaborative illustrée par les sciences est de l'ordre des externalités positives, d'une sorte d'auto-organisation basée sur l'autonomie de chacun, alors que l'intelligence collective est une construction sociale, une capacité de décision, un comportement collectif intelligent beaucoup plus problématique tant l'intelligence semble une fonction inverse du nombre dans les foules ! Intelligence collaborative et intelligence collective se combinent ordinairement, dans les organisations et les actions collectives, ce qui fait qu'on peut dire que "la communication n’existe jamais ailleurs que dans l’action commune. Et les plus frappantes outrances de l’incompréhension sont ainsi liées aux excès de la non-intervention" (IS no 7 p21). La construction d'une démocratie cognitive est un défi perpétuel dont le principe consiste à reconnaître son insuffisance pour essayer d'être un peu plus intelligents à chaque fois, face à la complexité du monde et notre rationalité trop limitée. L'histoire, c'est l'histoire de la vérité et de ses contradictions, ce qui nous est demandé c'est de comprendre notre temps et d'être à la hauteur de nos responsabilités plus que de nos rêves.

Les pensées de l'évolution et de l'histoire sonnent la fin de l'histoire subie et le début de l'histoire conçue. C'est l'ère des idéologies qui ont sombré dans la volonté de puissance en s'imaginant qu'il s'agissait d'imposer ses valeurs pour des millénaires alors qu'il ne s'agit que de préserver notre avenir, de prendre conscience de notre communauté de destin et d'assumer notre responsabilité envers les générations futures. La lutte de titans entre libéralisme, communisme et fascisme mettait bien en cause notre vérité humaine mais ce n'est pas le dernier mot de l'histoire. L'échec de la volonté de puissance et la puissance de la technique devraient inciter à privilégier la vérité sur les bonnes intentions et la réalité sur les idéologies. Non qu'on puisse se passer de finalités, d'idéologie, d'une projection dans le futur, mais dont il faut s'assurer la justesse et savoir corriger les erreurs, rectifier le tir à temps pour atteindre ses objectifs. Ce qui compte c'est l'effet réel plus que l'intention initiale qui doit adapter sa tactique au terrain. Voilà qui doit donner à la vérité des faits plus d'importance qu'aux valeurs affichées.

L'enjeu, actuel me semble d'essayer de construire cette démocratie cognitive, en constatant qu'on n'y arrive pas. C'est de proposer des dispositifs concrets et une stratégie pour atteindre nos finalités humaines, pas de se contenter de grands mots et d'injonctions morales. Il ne s'agit pas de valeurs mais d'organisation, de procédures, d'opportunités. Ce n'est pas en faisant appel au coeur des hommes mais en analysant les contraintes écologiques, les transformations de la technique à l'ère de l'information, l'exigence de développement humain et d'autonomie qu'on peut en déduire la richesse du possible et construire un nouveau système de production plus adapté aux nouvelles forces de production immatérielles. Il n'est pas beaucoup question ici de valeur, ni de volonté mais d'une vérité matérielle, de possibilités réelles et de questions pratiques, très concrètes.

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52 réflexions au sujet de “La valeur de vérité !”

  1. Y a-t-il vraiment une vérité ? Ne serait-ce pas son absence qui ferait que la négociation devient envisageable ?

    Les valeurs permettent de nommer des réflexions longues et des priorités, elles ne sont pas indiscutables car elles seraient alors des principes. En fait leur expression doit être considérée comme une porte ouverte au rapport à l'autre: un commencement d'une relation. Je suis d'accord avec vous sur de nombreux points mais le point de vue technique et la rationalisation par l'organisation me fait un peu peur. Il ne s'agit que de forme bien sûr, encore une fois, mais je préfère le terme d'architecture qui est moins systémique. Le questionnement sur ce qui a été fait, la remise en cause, la définition constante des valeurs qu'on utilise (car on ne peut pas éliminer les valeurs, la morale et l'éthique qui sont des conséquences de sentiments), les changements de paradigmes en cours de route, voilà ce qui me semble intéressant et c'est très loin du monde de la technique toujours prête au pré-pensé et aux patrons de conception. Car j'ai bien peur que brandir l'analyse des faits, le beau pragmatisme finaliste et le bon-sens universel soient justement déjà à la base du discours politique actuel pour faire passer toutes les idéologies.
    D'ailleurs imposer des valeurs pour des millénaires ou imposer des vérités pour des millénaires revient au même: le temps existe et le travail cognitif doit toujours être recommencé.

    La réalité réside dans la négociation et s'il y a une ou des vérités elles se trouvent en l'absence de mise en commun en dehors du scope de la politique.

  2. « C’est la vérité qui a le dernier mot et change nos valeurs à l’épreuve des faits » Oui, s’agissant de la recherche d’une vérité scientifique, mais y a-t-il une vérité en politique ? Ou bien seulement on peut tenter d’adopter cette posture, pour approcher d’une démarche « cognitive » en politique ?
    Il est bien difficile de se représenter le présent comme composé complexe de faits, car ils sont matériellement contradictoires ( par exemple- je simplifie- le chômage a actuellement comme source la recherche d’une meilleure rente capitaliste et-ou résulte des nouvelles technologies qui n’ont plus à utiliser la force de prolétaires. Avec tout un tragique de l’action, car les gens et les syndicats avec leur histoire, sont diversement impliqués dans leur chair ! Quelle direction crédible de sens proposer ?
    Difficulté de communiquer du sens ( une recherche de signification) avec des mots continuellement remodelés par l’histoire des concepts. Exemple simple : Je dis à mon interlocuteur « décroissance » et il comprend « décadence » ( comment pourrait-il en être autrement vu que les mots sont depuis toujours quasi synonymes?) alors qu’il s’agit de stopper « l’hypertrophie »de l’économie sur l’écologie, ce que je conçois, avec d’autres, comme un fait crucial.
    Difficulté de faire référence à l’Histoire, car on nous enseigne les faits passés en les prenant à témoin comme d’une mythologie, comme d’une révélation vetero-testamentaire.( exemple : en référer à Valmy pour se faire une opinion sur l’U.E (sic)
    Les faits se présentent à nous selon une diversité contradictoire de nos représentations, soit sur la scène plasticienne des jugements de valeur inculqués plus ou moins en nous, selon la famille, la classe sociale, etc….
    Mais à vous suivre, et je tente de le faire parce que je crois ( puis-je faire mieux, que de croire, en dernier ressort,)) que vous allez dans le sens de la vérité, en professant de certaines incertitudes, je pense que c’est parce que la vérité est justement improbable , que nous pouvons désormais repenser de manière réaliste la question de la solidarité humaine . « Communauté de destin » dites vous. Ce n’est plus une valeur proposée par quelques naïfs humanistes, à ce moment tragique de l’évolution humaine où nous nous sommes rendus effectivement responsables du climat et de la totalité du monde.

  3. Je suis d'accord avec le fait de considérer les réalités pratiques comme possibilité de créer un changement possible dans nos sociétés, mais il y a tout de même des valeurs importantes défendues au fil de l'histoire dans la culture mondiale. Ce sont des valeurs de vivre ensemble qui ne sont pas arrivées par hasard et qui concernent l'émancipation de l'être : la liberté, l'égalité, la justice et la vérité.
    Les libéraux par exemple défendent plus la liberté d'entreprendre tandis que les communistes défendront plus l'égalité et la justice.
    Je pense que si ces valeurs sont arrivées avec force dans nos culture, ce n'est pas par hasard et qu'il ne faut surtout pas les oublier si nous voulons préserver la paix dans nos sociétés : elles représentent des valeurs de dignité données à l'homme dans sa vie avec les autres.
    Je pense même qu'il faut les utiliser comme guide et leur permettre de s'exprimer de façon relative.
    En effet, ces valeurs peuvent avoir une dimension négative aussi bien que positive. Leur dimension positive représente, selon moi, un désir d'équilibre entre ces quatre valeurs qui ont pour finalité le vivre ensemble. considérer l'égalité de façon absolue est donner une part de tyrannie à l'égalité qui a surtout une dimension ordonnatrice, coercitive. Réguler la l'égalité avec la liberté et chercher le juste équilibre entre deux termes qui paraissent au premier abord uniquement antagoniste permet une coexistance entre deux valeurs qui ont leur propre propriété équilibrante. C'est aussi une réconciliation entre les absolutiste de la liberté et les absolutistes de l'égalité.
    La dimension d'équilibre est une dimension proprement humaine, celui-ci cherchant à combattre de façon plus moins forte le desordre (entropie) afin d'avoir une vie lui permettant de réaliser avec les contraintes du vivre-ensemble son épanouissement individuel et collectif.

    La justice et la vérité sont également des termes important même s'ils ont tout les deux également des dimensions dangereuses qu'il faut éviter. La vérité comme connaissance de notre ignorance et de nos insuffisance permet la rigueur dans nos choix de société mais il ne faut pas non plus la séparer des trois autres valeurs si l'ont ne veut pas perdre le fil.
    (je ne peux développe pas plus parceque sinon cela risque d'être trop long)

  4. Oui, le travail cognitif doit toujours être recommencé mais avec un pas de plus à chaque fois. Car il y a une vérité, c'est certain, sans laquelle il n'y aurait pas de mensonge, mais la vérité est sujet, elle change. Pire, on ne peut aller plus loin que son temps. La vérité ne désigne ici aucun dogmatisme mais le devenir lui-même et la réalité des faits, leur dé-couverte.

    Il me semble effectivement qu'il y a une vérité en politique et que tout le bruit qu'on fait autour ne fait que masquer la réalité qui ne doit pas tant à l'idéologie sinon qu'à essayer une chose et le contraire, on finit pas se fixer sur ce qui marche... Le plus coupable, c'est l'intelligence plus que l'égoïsme, la peur ou l'envie. Il est si difficile de se faire une opinion ! Cela n'empêche pas qu'il y a des points de vue différents, des intérêts contraires mais les guerres ne résultent que d'une mauvaise évaluation de la partie la plus faible : on ne se lance pas dans une bataille perdue, c'est qu'on a surestimé sa force.

    Je cite les valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité) comme les lois de la parole plus que des "valeurs". Il n'y a pas comme on le croit trop souvent de lutte entre des valeurs d'égalité ou de liberté alors que "l'égalité, c'est la liberté". A la place de ces abstractions généralisantes, il y a la lutte entre 2 systèmes mais on peut avoir la liberté d'entreprendre et la justice, l'égalité et la liberté ! La preuve qu'il ne s'agit pas de valeur, c'est que la liberté ou l'égalité portés à l'absolu n'ont plus aucune valeur ! L'équilibre est difficile à trouver, c'est une question cognitive. On est tellement ignorant et les choses s'éclairent tellement quand on les regarde de plus près. Moins on fait d'idéologie, mieux ça vaut. En tout cas je m'étonne moi-même du fait que plus on en sait, moins il y a besoin de faire entrer des considérations morales ou subjectives pour justifier la justice...

  5. L'égalité n'est pas la liberté, enfin pour l'instant je ne le pense pas. Historiquement parlant (par exemple Mao ou Hayek) il y a bien une confrontation entre la liberté et l'égalité en tant que valeurs et en tant que système. Mais si elles s'allient dans une optique d'entre-régulation, il y a bien là une unité complexe qui s'instaure dans notre choix de société (public, privé par exemple). Il en est de même pour la justice et la vérité pour être juste, il faut bien prendre en compte des vérités concrètes ce qui engage ce que vous défendez : la démocratie cognitive.

    Si j'appuyais sur ces points c'est parcequ'il y a bien une sorte de changement de paradigme à adopter aussi bien dans nos pensées abstraites que dans nos expériences concrètes elles-mêmes guidée par des paradigmes abstraits.
    N'est-il pas difficile pour un communiste d'imaginer une part de liberté (aléas, desordres) lorsque l'on est pour une planification bureaucratique ? N'est-il pas difficile pour un néo-libéral de penser une fonction autre que régalienne pour l'état ?

    Lorsque l'on veut concrètement changer la société il faut penser à ces valeurs qui ont pour propriété le "vivre-ensemble" dans un paradigme unificateur.

    En effet, la justice peut être justifiée autrement que moralement et c'est cela qui donne beaucoup d'espoir. Montrer divers fait économiques concrets de société expérimentés, ou encore demander de prendre en compte les multiples dimensions humaines (biologiques, sociologiques, existentielles...), mettre en valeur la nécessité de vivre-ensemble (faire société politiquement parlant par le débat public)... Mais même sans cela, il est vrai qu'on constate que par les perspectives qui s'ouvrent dans l'ère de l'information et l'écologie politique il n'y a vraiment pas besoin de justifier autrement un changement de société. Le destin ? En tous les cas c'est très étrange.
    Je pense par contre qu'il est important de mettre tout de même en avant des valeurs, tout simplement par précaution, clarification.

  6. J'ai écrit un texte avec ce titre : "L'égalité c'est la liberté".

    jeanzin.fr/2007...

    Bien sûr lorsqu'on fait de l'égalité ou de la liberté des "valeurs" on tombe dans ce que Kant appelle les antinomies de la raison pure, c'est-à-dire dans l'absurdité. Tocqueville a montré que l'égalité comme valeur est insatiable et les libéraux on montré les ravages de leur dogmatisme. Ce que je veux dire c'est que se situer au niveau des valeurs, c'est l'impasse alors qu'à examiner la réalité on peut améliorer la situation sans tomber dans les contradictions insolubles de la raison pure. Les valeurs n'apportent pas de clarification mais de la confusion (des illusions). Les communistes sont aussi fous que les néolibéraux mais un communiste croit que le communisme apporte la liberté au peuple et Hayek croyait que la liberté était favorable à l'égalité, en tout cas aux plus pauvres (sa thèse c'est que dans la démocratie régulée c'est la classe moyenne qui écrase aussi bien les aristocrates que les pauvres, ce qui n'est pas faux mais ne signifie pas qu'un libéralisme total leur soit plus favorable, ni même qu'il soit vivable malgré toute sa "constitution de la liberté"!).

  7. Non, je ne crois pas du tout que la vérité soit une valeur, même si j'ai mis en titre la "valeur vérité". La question de la vérité est une question pratique (ce n'est pas la foi). Bien sûr, à mettre en cause les valeurs on pense à Nietzsche mais ce n'est pas du tout ma pente. Je n'aime pas du tout Nietzsche qu'il faut lire quand même, il y a de bonnes (belles) choses, mais ça ne va pas loin et c'est souvent une pensée très courte. Je me réfère plutôt à Hegel, ce qui est beaucoup moins populaire...

    Voir "misère de la morale" :
    jeanzin.fr/2006...

  8. Je réagis rapidement sur Nietzsche pour dire que tout d'abord il est de son temps (une révolution n'existe pas de manière intemporelle), c'est quelque chose d'important, et pour ajouter qu'il ne se projette pas forcément dans le domaine du social mais plutôt dans un rapport interne à l'échange social. Je crois que Nietzsche est important dans le rapport à soi et, de plus en plus, plus riche que Freud. Hegel ne parle pas vraiment de la même chose, et puis il m'énerve... j'aime la dialectique, je n'aime pas la sienne.

    Je pense que la vérité n'est pas de nature dialectique en tous cas et qu'on parle là de la réalité. Il est bien quelque chose en dehors de notre conscience et en dehors de toute transmission: certes il est possible d'examiner la nature d'un atome, la nature d'une galaxie, la nature de l'organisation de l'un par rapport à l'autre... mais dans le cadre d'un discours qui n'est pas identique à l'objet décrit. Cette problématique de la confusion d'un modèle avec la chose modélisée se retrouve tout le temps.

    "on finit pas se fixer sur ce qui marche" Par ce qu'on dit qui marche et on se fixe un certain temps. Il n'y a pas d'immuabilité politique parce qu'une mauvaise solution à une époque peut devenir une bonne à une autre, il n'y a pas homogénéité parce qu'une bonne solution pour les uns n'en est pas une pour les autres. Les conditions ne sont pas les mêmes ? Mais c'est principalement parce que les personnes ne sont pas les mêmes ! Si on n'analyse que la période de négociation explicite la prise de décision semble pouvoir être étudiée de manière pragmatique, l'Histoire, la sociologie sont aussi des paramètres à prendre en compte pour expliquer dans quel cadre cette négociation a lieu. Or il s'agit déjà d'une négociation de l'espace collectif.

    Cette "vérité" toujours à réaliser et à prendre comme objectif c'est la réalité de la réalité: la négociation des outils de négociation de l'espace collectif, c'est à dire que c'est la politique elle-même. Il me semble que dans le sens usuel de la varité il y a la notion d'intemporalité et de complétude.
    Quant au mensonge il se situe dans l'intention, dans la manipulation de l'objet de l'interaction pour fausser le consensus. S'il n'empêche que la chose derrière l'objet possède une essence propre, la réalité, elle, est basée sur cet objet et le mensonge disparaîtra avec l'intention. Peut-être que ce mensonge initial peut aboutir à un déséquilibre entre la modélisation et l'essence de la chose modélisée mais seulement si elle rentre en interaction et si le travail de négociation devient obligatoire. Donc on peut admirer la beauté des choses qui sont, sans réification, et peut-être même la contemplation est-elle une étape de préparation à l'interaction, mais ce paysage nous échappe nécessairement de par sa nature plus ou moins fractale, la mise en commun sera nécessairement négociée (pacifiquement ou par la force).

    Ce qui nous semble découler d'une vérité, c'est le sentiment de ce que nous avons réussi à mettre en place comme prérequis à toutes les interactions passées. Quelqu'un de nouvellement rencontré et qui ne s'y pliera pas pourra alors être taxé de mauvaise foi par "l'adulte", qualifié d'artiste par le curieux, de professeur par "l'enfant"...

    Cela n'entraîne absolument pas que toute chose est égale à une autre.

  9. Je suis tout à fait d'accord avec votre texte. (Je pense que j'ai été trop abstrait dans ma représentation et que c'est cela qui a causé un malentendu).
    Il n'est pas possible de séparer l'égalité de la liberté dans un projet de société altermondialiste en antagonisme avec le libéralisme si l'on veut rester dans la justesse.
    Le fait que je sois auto-didacte a à mon avis joué sur ce malentendu (je ne connais rien de kant et ne vois pas vraiment la différence entre les valeurs et leur application concrète dans la réalité : j'ai par exemple du mal à considérer comme antinomique ces deux valeurs lorsqu'on leur donne un sens relatif et qu'on les places concrètement à l'endroit où elles ont des possibilités émancipatrice pour l'être).

  10. Impossible dans ces commentaires de discuter vraiment de Nietzsche (le snob anti-socialiste, le petit bourgeois qui rêve d'accéder à la noblesse, comme dit Lukàcs) ni de Hegel (moi je ne comprends pas qu'on ne voit pas la puissance de sa dialectique que j'essaie de rendre accessible dans "Misère de la morale" !).

    Pour Kant, dont la critique de la raison pure est très chiante car très mal écrite (alors que la critique de la raison pratique est limpide et la critique du jugement magnifique), je précise juste que les antinomies de la raison pure sont simplement des contradictions impossible à résoudre par la seule raison. Un des exemples qu'il donne c'est la liberté : il montre sur une page que la liberté existe sinon il n'y aurait pas de commencements et sur la page en vis à vis il démontre qu'il n'y a pas de liberté puisque tout a une cause.

    Ce que je dis n'est pas kantien pour autant mais, en tant que valeur on peut dire n'importe quoi sur la liberté ou l'égalité (l'égalité des femmes par exemple est une revendication d'inégalité, d'accès aux postes de pouvoir). Une égalité parfaite est effrayante (une armée de clones à portée de main désormais...) une liberté complète n'a aucun sens (c'est le meurtre gratuit de Breton).

    Une bonne partie du travail de la pensée s'est de se réveiller de l'ensorcellement des mots, de se dé-sidérer, de se défaire de ses premières illusions, de corriger le tir enfin ! On y gagne en précision ce qu'on y perd en généralité, en sachant ce qu'on cherche dans l'égalité et dans la liberté au lieu d'investir les mots de puissances magiques. Il ne s'agit de rien abandonner de ce qui fait la valeur de l'égalité et de la liberté mais seulement de croire qu'ils vont nous sauver la vie et nous épargner de nous cogner au réel ou de nous mesurer aux autres.

    Enfin, je ne peux répondre à tout, ni ne veux convaincre personne. Tout ce que je dis est très contestable, cela ne fait qu'indiquer un chemin possible, libre au lecteur de s'en saisir. On chemine vers le silence en sortant du bruit ambiant mais cela devrait être pour s'engager dans l'action plus décidé encore bien qu'avec plus de lucidité et de prudence aussi, à savoir qu'on est toujours dans l'expérimentation et qu'il faudra tout reprendre au fur et à mesure, naviguer à vue sans perdre la boussole ni dévier de cap....

  11. Dommage pour moi que les commentaires aient dévié progressivement vers l'ordre du discours sur les philosophes? Je propose que Jean ( et ses commentateurs) reviennent à sa proposition ci-dessus: "les valeurs républicaines ( liberté, égalité, fraternité) sont des lois de la parole plus que des valeurs" Il y a là quelque chose que je ressens comme important à mieux comprendre; et mérite d'être discuté (discutare= secouer pour faire tomber, quoi sinon les fruits du sens? ou bien= secouer jusqu'à briser, quoi sinon la tirelire d'une signification précisée?) Merci

  12. @Thersite
    On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a... désolé si mes interventions font "dévier" la discussion du "vrai".

    @Jean
    Hegel je ne connais pas assez, la puissance est sans doute présente... je parlais de désamour qui est sans doute bien moins rationnel. Quant au fait que Nietzsche soit snob... je m'en moque, des écrivains, des penseurs ou des politiques fameux ont été bien plus discutables que lui. Ca me fait penser à une chanson: "J'suis snob... encore plus snob que tout à l'heure." Nietszche était snob et Marx était barbu... je pense qu'on peut gouter avec délices des réponses de Nietzsche à ses contradicteurs de l'époque si on aime le bel esprit. J'ai du mal à comprendre cette mode de dénigrer cet homme (en fait je comprends tout à fait qu'il ne convient pas aux canons de la société consumériste actuelle)... J'aime bien Jean-Claude Vandamme aussi qui lui a connu des femmes, qui se moque complètement de la noblesse et qui est sans doute souvent prêt à envoyer un coup de pied dans la face d'un socialiste. A mon avis la vérité est ailleurs que dans ces drôles de réflexions s'il faut vraiment la chercher.
    Oui l'ensorcellement des mots est dangereux. Et chacun essaye d'échanger sur ce qu'il peut. Maintenant avancer dans un débat démocratique en annonçant être du côté de la vérité je pense que c'est illogique et que d'autres l'ont fait et le font encore (il suffit de lire les discours de Sarkozy). Je me trompe sans doute, je fais ce que je peux, mais là en l'occurrence, pour moi, on sort de la révolution pour rentrer dans le conservatisme. Je n'ai peut-être rien compris.

  13. Je m'excuse, je suis tout à fait profane en théorie philosophique, je suis de formation classique et artistique, c'est pour dire! et j'apprécie précisément ce que dit Ropib.
    Après tout je peux avancer tout seul et tenter d'expliquer pourquoi je suis accro à cette phrase de Jean Zin., moi à qui on avait appris qu’ils s’agissait de « valeurs » universelles. Parce qu’elle concerne directement le personnage grec que j’ai choisi comme pseudo ! Tout bêtement
    Chez Homère Thersitès est cet homme de la troupe qui s’arroge la liberté de parler à ses frères d’armes, à l’égal du héros Ulysse, pour qualifier le projet de guerre de razzia en vue d’accroître le butin du chef! Insolence pour laquelle il est bastonné. Thersite est dévalorisé dès le départ comme anti-modèle classique : il est décrit comme bossu physiquement et fourbe moralement, donc ridicule : La troupe rit lorsqu’il est battu
    Pour notre propos Thersitès. montre que la liberté cela ne peut se prendre dans une société où cela se mérite, que l’égalité plutôt cela peut se négocier, que la fraternité cela se perd On se moque de lui et pourtant il parle vrai, quand au but de cette guerre, selon des historiens experts d’aujourd’hui!.

    Liberté, égalité, fraternité ne sont pas, ainsi, des valeurs universelles. Ce ne sont pas des idées en soi, ou des essences absolues. Nous n’existons à elles que dans l’acte d’adhésion à des faits. Liberté, égalité, fraternité, du moins selon le vécu de Thersitès vers -700 av.notre ère, étaient sans objet, au sens propre une utopie (=cela n’avait nul lieu d’être). Ce n’était pas des faits de société comparables avec les nôtres.
    Comme trilogie signifiante, la Révolution de 1789 est un fait historique qui donne à ces objets de pensée confirmation d’une date et d’un lieu plus propice , désormais, d’accession. On peut à partir de là ( ou de tout autre fait témoignant de leur être-là) les postuler, ce qui ne veut pas dire les atteindre réellement : Ils n’ont pas de valeur en soi, pas de réalité propre

    J’espère avoir participé à montrer,peut-être et à ma façon, que Jean Zin à raison de dire que ces valeurs républicaines ne sont qu’improprement des valeurs, car elles procèdent des lois de la parole. Elles n’ont d’existence possible que dans le fait , ou le non fait, ou le laisser à faire, de nos actions ; ça vient, ça arrive, c’est le cas , seulement de notre fait, avec éventualité de la défaite.
    Si je semble parler au nom d'un vrai que personne ne détient, excusez-moi. Et Jean Zin que je me suis permis d'appeler par son prénom...

  14. Il est certain que la droite et tout conservatisme se réclament du réalisme le plus plat (There Is No Alternative) sauf que c'est un réalisme tronqué comme l'a montré Amartya Sen. On peut prendre le réalisme au mot pour dénoncer tous les dysfonctionnements du système (et l'inadaptation des institutions aux transformations en cours). De même, la droite n'a pas peur de se réclamer des valeurs d'égalité pour attaquer les droits sociaux et, là aussi, on peut les prendre au mot pour une "nuit du 4 août" abolissant tous les privilèges, pas seulement ceux des pauvre cheminots ! La formule "seule la vérité est révolutionnaire" est de Lénine, ce que je n'ai pas précisé car je ne suis pas du tout léniniste mais c'est quand même la preuve qu'il faut s'appuyer sur la réalité pour changer le monde. Se réfugier dans l'utopie et le volontarisme est un piège. Bien sûr il serait absolument ridicule de se prétendre "du côté de la vérité" ! La seule façon d'être du côté de la vérité c'est de reconnaître son ignorance, d'étudier la question, d'aller y voir de plus près, de recueillir les témoignages des gens intéressés, etc. C'est le contraire d'une religion révélée. Le contraire aussi d'un marxisme trop sûr de soi, de détenir la vérité et d'être dans le sens de l'histoire...

    (je n'ai pas le temps de répondre plus et je m'en excuse)

  15. Une valeur est par définition relative. A un état d’esprit, à un système, etc.. Prenons l’égalité : c’est grâce à cette « valeur » que la Chine est ce qu’elle est, mais la France aussi… Pourtant, les deux pays sont très différents, très antinomiques sur bien des points.

    Il en va de même pour la « liberté » ou la « fraternité ». Ces mots relèvent de la sémantique, comme tous les mots. Ils ne sont que le contenant, pas le contenu qui lui est lié aux faits.

    La force de la « valeur vérité » c’est qu’elle peut se targuer d’être… universelle et indiscutable. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le fait de dire la vérité est vrai de partout. Un mensonge est un mensonge, partout dans le monde. Reste que la Vérité est révolutionnaire, automatiquement, car elle est responsabilisante.

    Prenons un exemple : l’écologie est le fait de tous. C’est une vérité, absolue et indiscutable, tout ayant une incidence sur tout. Du moins indiscutable pour ceux qui souhaite réellement la vérité. Sans fard. Et donc, de ce fait, l’écologie politique est étouffé : quoi de plus responsabilisant que la conscience que l’on est parti prenante de tout : sa vie, ses conditions de vie, de travail, etc….

    Et c’est pour cela que la vérité n’est plus utilisée, cachée, transformée derrière ce que les américains appellent le Storytelling. Hors, qu’est ce qui fait le plus peur à l’ensemble établi ? La révolution ! Pas par la force, celle là elle se contient assez facilement, non celle des esprits et de l’ouverture au monde.

    Alors oui, seule la vérité est révolutionnaire, mais elle n’est pas non plus facile à porter….

  16. @fabien
    Prononçable dans le cadre d'une idéologie, et avancée originairement par Lénine, la phrase " seule la vérité est révolutionnaire" m'inquiète car ce n'est pas un énoncé clair. Je préfèrerais lire : " seuls des faits véritablement établis modifient les systèmes de pensée et les principes d'action"

  17. Je ne connaissais pas ce site "le pouvoir nous veut triste" qui se réclame apparemment de Gramsci mais ce titre pourrait tout aussi bien venir de Stengers ou Benasayag et je trouve que se placer sur le terrain de l'humeur ne vaut guère mieux que de se placer sur celui des valeurs mais du moins ils dénoncent avec raison le piège du moralisme et il est très étonnant qu'on ait écrit ces textes au même moment !

  18. Pour revenir brièvement sur le fait que la devise de la République comme le décalogue ne sont que les lois de la parole, je dois préciser que c'est une idée que j'ai trouvé chez Lacan d'abord et qui a été ensuite le fond de commerce d'Habermas avec sa théorie de l'agir communicationnel (bien critiquable au demeurant, tombant dans un idéalisme sans rapports de force et rejetant dans l'inhumanité ceux qui se soustraient au dialogue). Etant donné la filiation entre la Révolution française et le christianisme, on ne s'étonnera pas de retrouver au fondement de la démocratie les conditions de possibilité de tout débat démocratique mais il ne faut pas réduire ces principes à une tradition particulière car, en dehors de religions asiatiques qui mènent au silence plutôt, la plupart des religions depuis Zarathoustra au moins, sont fondée sur la "bonne foi" opposée à la "mauvaise foi" qui est souvent celle de l'étranger qui ne dit la vérité qu'aux siens.

    "Les gitans jugent avec raison que l'on n'a jamais à dire la vérité ailleurs que dans sa langue ; dans celle de l'ennemi, le mensonge suffit".

    Il n'y a pas que les gitans, mais la valeur de la parole, le respect de la parole donnée, c'est ce qui fait la valeur de l'homme, sa dignité à laquelle il tient plus qu'à la vie car nous habitons les sphères supérieures de l'esprit depuis que nous parlons, monde virtuel du sens commun et de la reconnaissance sociale, héritage qui nous est donné avec le langage et qui est tout ce qu'il y a de plus matériel, sous la forme de la technique ou des rapports humains, tout en restant de part en part spirituel. Ce n'est pas l'espèce humaine qui est en cause mais uniquement l'être parlant, la morale de l'histoire c'est qu'il faut sauver la parole, sauver le langage, sauver le sens, en ayant des interlocuteurs, en gardant à qui parler. On ne parle pas tout seul, on n'invente pas un langage, on ne fait que continuer l'histoire et nous comprendre nous-mêmes un peu mieux, nous qui donnons sens à ce qui n'en a pas et faisons, de notre singularité transitoire, surgir la question de l'être dans le silence des espaces infinis...

  19. bonjour, Jean

    je vous lis régulièrement,

    j'apprécie l'énorme travail que vous faites,
    et votre foi au progrès
    ( en situation de précarité moi-même,
    je sais combien on peut se démobiliser )

    j'aimerais retrouver le compte rendu
    du Grundeinkommen ( le congres suisse du revenu garanti ),
    que vous avez posté ici,

    merci de m'aider et

    BONNE CONTINUATION !

  20. Même chose pour moi, je n'ai jamais vraiment su lire les "Chants", ça me fait l'effet d'un lavement intime, à l'inverse dans les"Poésies" il y a ,il me semble, un projet, un peu comme celui du Comité de la Résistance - "Créer c'est résister..."

    En fait , je pense que les "Chants" sont de Lautréamont et puis les "Poésies" de Ducasse.

    Au départ je pensai à ceci:
    " La justice, se sont nos préférences"
    Saint-Pol-Roux.

    Et la liberté, et la vérité ce sont aussi nos préférences ? Et sur quelles préférences faut-il créer et résister, et sur les préférences de qui faut-il résister et créer, celle du Lautéamont des "Chants" ou du Ducasse des "Poésies"?

  21. Depuis Kant au moins, on le sait, il n'y a pas de vérité en soi... Nietzsche reste incontournable, car c'est le premier à attirer l'attention sur le fait qu'elle est le produit d'interpétation (de perspective sur une chose), cette interprétation étant liée elle-même à l'état de notre corps , de notre "biologie"...Ajoutons en cela , en bon marxiste, que notre est lui-même sujet au déterminant sociaux, à notre appartenance de classe, la manifestation d'un ethos de classe.

  22. bonjour,
    Face au silence sur la demolition du code du travail!!!

    Faites circuler l'info dans les manifs,ne vous disperser pas sans en parler!!

    comme a Toulouse prenons nos affaires en mains;

    Un appel pour une « assemblée générale populaire pour la convergence des luttes » est lancé à Toulouse

    Une « assemblée générale populaire » après la manifestation de mardi ?

    Un appel pour une première « assemblée générale populaire pour la convergence des luttes » est lancé à Toulouse.

    Il s’agirait de réunir étudiants, précaires, cheminots, sans-papiers, salariés de la fonction publique autour d’une sono place Arnaud Bernard, mardi vers 17 heures, à l’issue de la manifestation qui devrait rassembler tous ces mécontentements.

    Pour combattre la politique libérale de ce gouvernement et le froid éventuel de ce mardi, il est prévu de servir de la soupe chaude à ceux qui répondront à cet appel.

    Un comité Inter luttes s’est réuni hier après-midi dimanche sous la Grande arche de l’université du Mirail. Parmi les 74 personnes présentes à ce comité, on pouvait compter entre autres des lycéens, des étudiants bien sûr, des fonctionnaires territoriaux, des fonctionnaires de l’enseignement, des salariés de petites entreprises, un syndicaliste CGT des impôts, des syndicalistes de la CNT, une danseuse ou un intérimaire du bâtiment.

    Assez de voir s’ajouter les unes aux autres les « revendications catégorielles » ! Assez de devoir respecter une organisation trop convenue des manifestations concoctées par les « bureaucraties syndicales » ! Les militants du comité Inter luttes rêvent de voir « se confronter les expériences » dans une sorte de grand élan spontané.

    Pour aider à la spontanéité, un comité d’organisation se charge de préparer une soupe géante à Arnaud Bernard pour ce rassemblement de mardi après-midi. « Ne serait-ce que parce que ça risque de cailler », explique très pratiquement un étudiant du Mirail. Et « parce qu’une soupe peut être plus fédératrice que n’importe quel mot d’ordre », ajoute une enseignante du syndicat Sud.

    Dès ce matin, cet appel devrait être distribué par tracts aux cheminots de la gare Matabiau et aux enseignants et divers fonctionnaires Toulousains.

    http://www.libetoulouse.fr/2007/...

    Démolition accélérée du droit du travail, fragilisation programmée de tous les citoyens salariés, démocratie en danger : prise de conscience et réaction urgentes, tous ensemble.

    Par Étienne, lundi 19 novembre 2007 à 01:04 - Liens et documents - #87 - rss

    Bonjour mes amis,

    J’ai reçu et signalé la semaine dernière un document bouleversant que, à mon avis, vous ne devez surtout pas manquer :

    Nous sommes en train de perdre une à une, dans le plus grand secret, toutes les protections contre les abus de pouvoir que nos grands-parents ont fait inscrire depuis un siècle dans le droit du travail.

    Je retranscris intégralement ce document ci-dessous,
    et je le rends disponible ici au format pdf, d’une seule pièce,  pour une impression soignée :

    etienne.chouard.free.fr/E...

    C’est un ancien inspecteur du travail, Richard Abauzit, qui a mis à profit le temps libre que la retraite lui a donné pour analyser en détail les incroyables « réformes » mises en œuvre par nos soi-disant « représentants » qui, manifestement, ne défendent plus du tout l’intérêt général mais autre chose.

    ..........................

    etienne.chouard.free.fr/E...

  23. Je pense que c'est le problème de la démocratie. Tout le monde parle de la vérité comme si ce n'était pas discutable, ce qui fait que personne ne s'entend. Il suffit de voir ce qui s'est passé à l'extrême gauche pour la présidentielle.

    Opposer la vérité au mensonge ça marche pas: le mensonge a à voir avec la sincérité, pas la vérité. Or on ne peut être que sincère et mettre en commun notre rapport au monde, histoire de créer un consensus. L'idée de vérité accentue les "erreurs" en ne les voyant pas. Globaliser les luttes c'est trouver des consensus: ce qui est hautement politique et est bel et bien en relation avec des "valeurs" qui sont en fait les priorités d'actions de chacun. Une valeur n'est pas un principe et est toujours discutable. La vérité c'est ce qui dépasse le consensus, c'est à dire que c'est quelque chose qui nous échappe. Essayer de se retrouver sur la vérité c'est comme se retrouver sur la beauté, ça n'a aucun sens.

    La vérité a à voir avec l'erreur et non avec le mensonge. Une erreur est une prise de décision qui est remise en cause dans le temps par la réalité c'est à dire dans un monde négocié dans un ensemble d'interactions (principalement avec des humains, mais pas uniquement: nous intéragissons avec notre milieu qui n'a de réalité que dans un cadre limité). Pas de vérité en dehors du temps, pas de vérité en dehors d'un consensus, pas de vérité en dehors d'un ensemble d'interactions, en fait pas de vérité en dehors de la réalité. Si la réalité nécessite un consensus, la vérité en nécessite un aussi ce qui fait que tout se passe comme si elle n'était jamais en cause puisque très rapidement c'est la sincérité devient la condition du travail relationnel.

    On pourrait dire que cette vérité, jamais remise en cause si ce n'est par la guerre, c'est l'abstraction de cet objet que représente le travail relationnel, c'est la politique elle-même.

  24. Et j'aurais tendance à dire que l'abondance de talent aboutit inévitablement à la constitution de clans actifs aux méthodes oppressives.

    En fait tout se passe comme si l'oppression était inévitable. Personnellement je n'aime pas le cynisme et je ne le considère pas comme un talent. D'ailleurs "Le cynisme c’est de connaître le prix de tout et la valeur de rien" dit Oscar Wilde, donc finalement je m'attache peut-être trop aux valeurs et pas assez au beau pragmatisme non discuté de Sarkozy, Strauss-Kahn et compagnie.

  25. j'aurais tendance à dire que le pragmatisme oppressif des Sarkos est le masque qui cache la médiocrité, l'abscence de curiosité et d'imagination à défaut de "talent" ou plutôt de créativité, et pour les oppresseurs les/leurs "vérités" ont avant tout "valeur" de rampart face à la critique constructive.

    De fait "Le cynisme n'est rien d'autre que l'art de voir les choses comme elle sont plutôt que comme elles devraient être." disait aussi Wilde.

  26. "Le cynisme n'est rien d'autre que l'art de voir les choses comme elle sont plutôt que comme elles devraient être" Sans doute... mais ça marque justement l'arrêt de la politique.

    Debord proposait "Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux." Nous sommes en plein dedans... je ne pense pas que se satisfaire d'un diagnostic de fin du monde soit forcément sage. Le temps existe et on ne peut revenir en arrière, je crois qu'il est possible de transformer le futur mais il faut se poser la question: quel est l'objectif de toute entreprise à très long terme ?

  27. Je pense que le problème fondamental de la vie en société est le rapport du fort au faible. Déjà, il convient, à mon avis, de protéger le faible: sa vie, ses moyens de subsistance, sa possibilité de penser librement, sa parole. Mais la faiblesse n'est pas consubstantielle à un individu ou à une classe sociale. Une situation donnée produit de la faiblesse ici et pas ailleurs, une autre sitaution en créera ailleurs et pas ici, le faible deviendra fort, le fort deviendra faible, etc. Le tout avec plus ou moins d'inertie, bien sûr.

  28. Salut,

    Je conseille vivement de regarder cette vidéo, c'est une information parfaite sur les OGM, avec Christian Velot, maître de Conférences en Génétique Moléculaire à l’Université Paris-Sud.

    video.google.fr/videoplay...

    si après la conférence (1h25 c'est un peu long mais ça vaux le coup) vous avez des questions d'ordre technique en biologie et génétique je pourrais éventuellement y répondre...

  29. C'est curieux de vouloir que je sois quelqu'un d'autre, donc, non , je ne suis pas Jean-Claude Chevalier mais seulement Jean Zin !

    Pour le reste, je ne vais pas discuter tout ce qui a été dit en mon absence, ce serait trop long et assez inutile. Les objections qui sont faites peuvent être pertinentes sous un certain angle. Aucun texte n'est parfait ni ne peut dire toute la vérité. Je donne quelques réflexions dont on peut faire ce qu'on veut. Elles ne sont certainement pas complètement à côté de la plaque mais on peut en contester mille incompréhensions possibles, mille exagérations ou passage à l'absurde. On peut avoir une autre idée de la vérité, s'enfermer dans d'autres définitions. Les énoncés définitifs sur la vérité frisent toujours le ridicule (comme tout ce que je fais d'ailleurs...) car la vérité comme l'être se dit à plus d'un titre. Dans mon "Café philosophique" j'en distinguait 4 mais on peut en rajouter. La vérité pour le psychanalyste n'est pas la vérité du philosophe mais elle la contamine avec la question de la jouissance de l'Autre sexe et d'un réel qui fait trou dans le savoir. Ce n'est pas bien sûr, la vérité révélée des religions qu'on ne peut mettre en doute et qui se décide sur un champ de bataille ! En politique comme en physique, la vérité n'est pas de l'ordre de la foi, de la certitude, du parti pris, mais de l'examen minutieux des faits, d'aller y voir de plus près, le contraire d'une croyance et de ses préjugés. Juste quelques citations pour élargir le champ d'une vérité qui n'est pas de l'ordre de l'exactitude et ne se confond pas avec le cynisme d'un certain réalisme consistant à accepter les injustices du monde mais on devrait pouvoir soulever l'indignation des foules à simplement décrire la vie des plus défavorisés d'entre nous. Chaque jour un désastre humain différent pour faire pleurer dans les chaumières : la force de la vérité c'est son caractère insupportable. La vérité mathématique, c'est encore autre chose, de l'ordre de la responsabilité de ses paroles et de ses actes, les conséquences implicites de nos définitions.

    "La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'être". Henri Poincaré

    "Toute vérité dont on se contente devient une erreur". Alain

    "L’erreur n’est pas le contraire de la vérité. Elle est l’oubli de la vérité contraire". Pascal, IV.2.148

    "Le faux est un moment du vrai". Hegel

    "Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux". Debord

  30. très cher jean ,

    j'espère que votre colloque c'est bien déroulé et que vous y avez pris du plaisir

    au risque de paraitre un peu hors sujet , et très terre à terre , pourriez vous indiquer une bibliographie actalisé sur "l'intelligence collective" . j'ai bien trouvé un bouquin de pierre levy du même non , mais qui date un peu et qui est horriblement chère ( 40 euros ) et rare .

    j'aimerai travailler la question du rapport de l'écologie politique et de l'éducation ( où la vérité est encore bien autre chose pas si eloignée de cet que hegel en dit je crois )

    merci à vous .

  31. oui et quant à fait une bibliographie sur l'intelligence collaborative aussi .

    j'ai relu votre article sur l'avenir du travail ainsi que les texte satellites . c'est une tuerie cet article , encore bravo . ce petit trou du cul de jacques attali ne méritais pas moins

    quel grand coquin vous êtes !!!

  32. Hélas, je suis bien incapable de faire une bibliographie sur l'intelligence collective ni collaborative. Je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit de satisfaisant (Pierre Lévy est bien vide et bien trop optimiste). Je pourrais essayer de constituer une bibliographie quand même, en commençant pas la psychologie des foules de Le Bon mais cela me prendrait plus de temps que je n'en ai.

    Je suis encore dans les suites du colloque dont je dois faire le compte-rendu. Je suis presque toujours déçu de ces rencontres où très peu peut être dit. On ne dialogue jamais qu'indirectement et par écrit. Ce qui importe c'est ce qu'on produira, ou pas...

  33. Je serais très très intéressé aussi par une bibliographie sur l'intelligence collective

    Je peux néanmoins fournir 4 titres qui valent 100 fois chacun le livre de Pierre Lévy.

    L'institution sociale de l'esprit; Jean de Munck, PUF, 1999

    Sociologie de l'esprit, Patrick Pharo, PUF, 1998.

    Nicole Ramognino et Vergès Pierre (dir) 2006, Sociologie et cognition sociale, Presses de l’Université de Provence.

    Le capital social, La Découverte-MAUSS, 2006. (surtout les tous derniers articles de Bernard Perret, de Jean-Louis Laville et de Vando Borghi)

    Fabrice Flipo aussi commence à s'y intéresser autour de la notion de capabilité de Amartya Sen.

    Voilà.

  34. Billet fort intéressant, mais le fait de ne pas définir clairement ce qu'est une valeur pose un problème de compréhension du propos. Selon la définition que je propose pour cerner les phénomènes axiologiques, "une valeur est une référence déterminante pour la conduite d'une vie, d'un projet ou d'une organisation". Dans:"Pour que les valeurs ne soient pas du vent".
    En ce sens, il faut distinguer entre la valeur de préférence et la valeur de référence: l'écart entre nos discours et les gestes que nous posons. Toute réflexion sur les valeurs conduit l'examen de la tension cohérence /incohérence.

  35. On pourrait bien sûr écrire tout un livre sur le sujet, je ne prétends pas épuiser la question. Comme souvent, ce texte est un texte de circonstance qui répond à une situation particulière et vise à réfréner une utilisation excessive du discours sur les valeurs humanistes qui me semble dangereux par son narcissisme.

    On ne peut enfermer un terme dans une définition trop étroite, ainsi la valeur-travail comme valeur d'échange n'a rien d'axiologique : c'est une objectivation qui passe par l'Autre. C'est d'ailleurs par ce regard de l'Autre que se constituent nos idéaux et donc nos valeurs qui ont une large dimension culturelle. C'est ce qui fait la dimension narcissique des valeurs, ce qui identifie valeur et courage ou vertu mais c'est tout autant la valeur de la parole ou du sacrifice. Enfin, ce qui vaut, c'est ce qui marche, ce qui est efficace, réel, ce qui vaut c'est ce qui est vrai et conforme à sa fin, qui tient ses promesses. La valeur est donc finalement un pouvoir, une force et donc une volonté mais où l'idéal est supposé rejoindre la vérité des faits. C'est d'une certaine façon le processus de signification lui même. Pas tellement de l'ordre de la préférence mais du devoir-être, du surmoi et de la pression collective. C'est l'intériorisation du discours de l'Autre.

    Peut-on pour autant confondre valeur et finalité ? J'aurais tendance à penser plutôt que les finalités organisent les valeurs et que celles-ci représentent plutôt ce qu'on ne peut pas lâcher sans déchoir à nos propres yeux et perdre le sens de sa vie. Bien sûr, elles orientent notre vie mais peut-être pas au point de la conduire, ce sont plutôt les garde-fous de notre errance. Les finalités sont plus structurantes. Les valeurs souffrent de leur caractère trop généralisant qui est leur point faible les faisant tomber à l'idéologie et aux préjugés. C'est la raison pour laquelle il faut opposer la vérité aux jugements moraux. La morale ne vaut rien ! trop sûre d'elle-même et de notre excellence. L'explication par les valeurs, c'est l'explication par le diable : il y aurait des méchants et nous serions du côté des bons. On pourrait se débarrasser du mal alors que le mal est dans le bien lui-même ! Comme si les "bonnes intentions" suffisaient et qu'afficher nos valeurs nous dispensait de les réaliser.

    On pourrait comparer le discours des valeurs à la religion exotérique, celle qui raconte une belle histoire et fait croire qu'il y a un bon dieu à barbe blanche, qu'il suffit de croire et de bons sentiments pour être sauvé. Le discours de la vérité est celui de la religion ésotérique, de son enseignement mystique où le prochain incarne le divin, où il suffit de se rassembler en son nom pour faire exister une réalité supérieure, où nous sommes tous coupables et tous sauvés, mais aussi où la vérité se transforme en mensonge et ne peut se transmettre à tous, hélas, devant rester caché à la foule sous des fables merveilleuses et le simplisme des valeurs...

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