Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Après le travail acharné de l'été (jamais je n'avais tant écrit), après le temps pressé de la récolte et l'ivresse des vendanges, après le retour au monde un peu trop tourbillonnant et un peu avant de couper le bois pour l'hiver, je me trouve étrangement désoeuvré (ce qui est très inhabituel pour moi), profitant des dernières chaleurs d'un automne éblouissant ; temps suspendu, sous le signe de la Balance, en attendant toutes les catastrophes qu'on nous annonce (grippe aviaire, fin du pétrole, explosion du réchauffement climatique, disparition du champ magnétique, etc). On n'y coupera pas, il faut s'attendre au pire, notre monde est fini. N'est-il pas temps de s'enivrer ? Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise...
J'ai tout de même dû faire le ramonage et il y a de quoi se dire que le chauffage au bois est bien polluant et dangereux pour la santé en nous enfumant tellement ! A part ça le livre est en fabrication, la newsletter du GRIT en attente d'un dernier article, pas d'autres échéances en vue, pas de texte en cours ni de problèmes d'argent à court terme (je suis vraiment reconnaissant aux 2 ou 3 qui m'aident tant), pourvu que la voiture ne me lâche pas, ni mon portable ! J'ai subi une évaluation de mes compétences qui a conclu à la difficulté de leur évaluation, du coup j'ai droit à un "bilan de compétence" cette fois, supposé durer 3 mois ! Je constate à cette occasion toutes les limites de la décentralisation et les effets pervers de la relocalisation, pourtant indispensable, ou de principes cybernétiques dont on ne peut se passer comme l'évaluation mais qui ne peuvent s'appliquer partout sans devenir absurdes et tyranniques. L'avenir n'est donc pas assuré malgré un regain d'espoir du côté de "l'emploi-tremplin", mais il fait beau, la santé est plutôt bonne, on me sollicite de toutes parts, c'est un bon moment comme je n'en ai pas eu si souvent !
Hegel disait à propos de l'histoire humaine que ses moments de bonheurs étaient ses pages blanches... Pourtant on ne nous parle plus que de catastrophes, et qui nous menacent vraiment ! On en sous-estime même plusieurs comme la libération de méthane qui pourrait mener à un emballement du réchauffement climatique bien au-delà de ce qu'on prévoit actuellement. De même l'inversion du champ magnétique a beau ne pas être une certitude, c'est un phénomène qui se répète à peu près régulièrement et notre bouclier magnétique a déjà diminué de 10% en 150 ans. Il y a bien d'autres catastrophes cosmiques auxquelles on ne résisterait pas, sans compter les risques d'utilisation de l'arme nucléaire qui augmente avec leur dissémination et miniaturisation (dénoncées par Pierre Radanne). Ces nouvelles grandes peurs sont aussi une conséquence de l'ère de l'information et du savoir, on le voit bien avec la grippe aviaire annoncée bien avant l'heure, mais il faut se faire à l'évidence que ce monde est fini et que nous ne devons pas gâcher ce temps qu'il nous reste, même si nous savons que nous ne construirons jamais que des cathédrales éphémères, à l'échelle de l'univers (et même si je me sens déjà bien vieux...)
Que faire alors ? Tout semble immobile et figé comme avant la tempête. Ce monde qui s'écroule, s'effondre de l'intérieur, toute honte bue, bateau ivre qui se laisse glisser sur son erre et dérive au gré des courants, sans direction, sans aucun sens pour le soutenir ou le justifier. Ce monde perdu qui nourrira toutes nos nostalgies après la terrible catastrophe, ce monde est déjà déshabité, parcouru de fantômes. On s'agite en cour de Versailles, je veux dire à Bruxelles ou Strasbourg entre nouveaux bourgeois gentilhommes qui sont notre nouvelle noblesse bavarde, encore toute étonnée que le commerce ne suffise pas à faire une constitution. La situation politique est désespérée, entre social-libéralisme, populisme et extrêmismes qui mènent au pire, vieilles pensées, vieux potentats qui prennent toute la place et font obstacle à toute redistribution des cartes. Sans parler de l'écologie-politique qui reste complètement inconsistante, sans aucune perspective malgré les urgences. On sait du moins de plus en plus qu'il n'y a qu'un seul monde, que nous sommes tous sur la même planète.
Demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer".
En effet, tout semble indiquer la fin d'une époque, voire même la fin tout court... La pensée ayant déserté depuis longtemps l'esprit de nos contemporains, on ne peut qu'attendre le bruissement des malheurs à venir. Et vous avez certes raison, enivrons nous un tantinet et profitons des derniers instants de gloire que peut encore nous offrir le monde, cette gloire nue d'un monde sans histoire.
Salut jean! j'avais un ami, Jean Bouclon, philosophe, musicien mais surtout, soucieux de découvrir le plaisir dans la vie; il est mort, évidemment, juste après avoir prononcé "Il n'y a pas assez de théâtre". C'est joli non ? amicalement Frère Bruno
J'avais oublié de préciser que j'appréciais vraiment votre travail (vous avez déjà un acheteur pour votre livre 😉 ) je le suis d'assez près depuis quelques mois, je dirais même que votre sensibilité est très proche de la mienne et de quelques personnes à qui j'ai fait connaître votre site.
Bonne continuation et tenez bon ! ! 🙂