Il y a de fortes raisons de privilégier les approches politiques et collectives mais il se pourrait que ce soit un objectif plutôt qu'un préalable.
La conception systémique d'une véritable alternative combinant production, échanges et revenu a l'avantage de fixer un cap en montrant la cohérence entre revenu garanti, monnaies locales et coopératives municipales mais l'inconvénient d'apparaître irréalisable tout en même temps...
De même que la vie n'est pas apparue par une auto-organisation miraculeuse mais a été précédée de plusieurs étapes, il faut sûrement procéder très progressivement pour la relocalisation et la construction d'un système alternatif. Du coup, tout pourrait commencer par quelque chose d'on ne peut plus simple : un site d'échanges locaux.
C'est du moins, ce que j'ai retiré de la lecture d'un article d'InternetActu sur une bourse aux petits boulots qui me semblait pouvoir monter en gamme et passer des petits boulots aux auto-entrepreneurs, artisans, etc. Idée trop simple, sans aucun doute, et très ambivalente mais dont la simplicité même est un gage de faisabilité et de multiplication des expériences, ce qui est là aussi la méthode du vivant pour multiplier les chances de réussite.
La plupart du temps, cela ne devrait pas aller bien au-delà des Systèmes d'Echanges Locaux actuels mais sur le nombre, certains devraient pouvoir se municipaliser. Ce qui changerait radicalement la donne par rapport aux plateformes existantes, c'est de s'inscrire dans un projet alternatif cohérent, la création d'un site local n'étant pas du tout un but en soi mais l'engagement dans une stratégie beaucoup plus ambitieuse qui ne commence qu'au coup d'après.
Plutôt que de ne rien faire, je propose donc à l'expérimentation de commencer par la création d'un site d'échanges locaux pour y introduire ensuite une monnaie locale utilisée dans ces échanges de proximité puis regrouper les prestataires dans une coopérative municipale. La principale différence ici avec le SEL consiste à partir d'échanges monétaires ordinaires pour élargir sa base locale avant d'y introduire une monnaie complémentaire. La réussite de cette stratégie n'a rien de certaine mais me semble tout de même plus réaliste que de tout faire d'un seul coup. Il faut arriver à découpler les différents dispositifs sans casser la dynamique qui mène de l'un à l'autre. L'inconvénient, c'est que ça prend plus de temps et perd tout côté révolutionnaire, ou même politique, du moins en apparence mais ce serait déjà beaucoup mieux que rien et n'empêche pas de se battre sur d'autres fronts (notamment pour un revenu garanti suffisant permettant de ne pas avoir une vie trop indigne et d'accéder au travail autonome).
Même les mouvements révolutionnaires actuels ne laissent aucune chance à une alternative économique, la social-démocratie restant pour l'instant un horizon indépassable. Après avoir passé pas mal de temps à essayer de déterminer les conditions concrètes d'une alternative au productivisme capitaliste et d'une libération du travail à l'ère du numérique, il faut bien essayer de trouver une façon de les réaliser même si les voies de la transition sont inévitablement décevantes au début et peuvent être facilement récupérées. Il y a sans aucun doute d'autres manières de s'y prendre mais c'est la première fois que j'envisage un processus qui me paraît faisable sans attendre.
Il y a une autre idée à retenir dans l'article cité, qui est de mutualiser les prestations sociales, ce que font déjà en partie les mutuelles mais que le numérique permettrait de faire passer à une vitesse bien supérieure. Le soutien de certaines mutuelles pourrait d'ailleurs être aussi précieux que celui des municipalités dans toutes ces expériences et ne devrait pas être négligé même si beaucoup de mutuelles ont perdu complètement leur esprit initial.
De quoi envisager en tout cas ce qui pourrait être une véritable révolution par internet, dans un tout autre sens que les révolutions twitter et paradoxalement au service de la relocalisation. Cette nouvelle stratégie d'expérimentation à partir d'internet envisage le réseau numérique comme germe de l'alternative et non pas comme son expression ni simple média. Le réseau n'y constitue pas un objectif en soi alors que ce n'est qu'un simple moyen pour des mobilisations bien réelles et la municipalisation de ses services. A suivre...
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