La lutte pour l’hégémonie

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Bien que ce soit au pas lent de l'histoire, il semble qu'on entre cette fois véritablement dans la crise économique avec les chômeurs en fin de droit et la fragilisation des Etats. Tous ? non, pas la Chine qui, pour l'instant, prouve la supériorité des dictatures sur les régimes libéraux (ploutocratiques) en périodes de crise. Elle n'est pas, bien sûr, à l'abri de troubles sociaux et pourrait connaître une résurgence du maoïsme sous une forme nouvelle, même si cela paraît impensable encore. La seule chose qui soit sûre, c'est que les choses vont bouger, en faveur de la Chine inévitablement, on ne sait à quel point et tout est là car on peut attendre le pire de la confrontation d'un empire américain déclinant, dont Obama éprouve l'impuissance, et une puissance chinoise émergente qui monte à la tête de leurs dirigeants.

Malgré les récentes escarmouches, on ne voit pas comment un conflit pourrait éclater entre les deux "grandes puissances", alors que la Chine reste très loin de la puissance américaine mais c'est justement ce qui pourrait tenter un va-t-en-guerre pour défendre les emplois américains, surtout si, par exemple, une attitude trop conciliante d'Obama donnait l'impression d'une perte prématurée de leur position de leader, voire d'une humiliation. La compétition bureaucratique en Chine peut mener aussi à un raidissement et des positions irresponsables.

Tout cela semble impossible pour l'instant mais nous entrons dans une période agitée, celle où la crise n'est plus tant financière qu'économique et sociale avec des millions de chômeurs sans revenus et les inévitables faillites en chaîne qui devraient s'ensuivre. La situation ne s'arrangera pas toute seule pour continuer comme avant mais exigerait des réformes radicales qu'on ne voit pas qui pourrait les prendre quand le président des Etats-Unis peine à contrôler ses banques. Il n'y aurait pas que l'interdiction des spéculations sur les prix, mais au moins le rééquilibrage des salaires (alors qu'on nous dit que les salaires sont trop élevés en France!) et le maintien du pouvoir d'achat des sans emplois (un revenu garanti!), sans parler de l'inévitable hyperinflation et des désordres monétaires qui s'annoncent. Le problème, c'est qu'aucun pays isolé ne peut prendre des mesures unilatérales. La seule façon de réduire les dégâts, c'est d'une façon ou d'une autre, un gouvernement économique mondial. Au moment où les Européens commencent à admettre, mais un peu tard, qu'on ne peut faire une monnaie et un marché commun sans être solidaires des pays malmenés, et donc sans une politique économique (et sociale) commune, c'est déjà au niveau mondial que la question se pose désormais.

Ce renforcement du système qui me semblait l'hypothèse la plus vraisemblable de la sortie de crise, peut sembler un gage de paix et d'entente entre les peuples. Sans doute à plus long terme mais le moment dangereux, c'est le moment où le pouvoir s'unifie provoquant des luttes de pouvoir destinées à assurer l'hégémonie sur le nouveau système. Les tensions montent en même temps que la crise s'aggrave, notamment en Europe qui constitue semble-t-il le maillon faible alors que c'est pourtant la première économie, mais ce qui risque d'exaspérer les tensions, c'est la nécessité de faire des choix dans les moyens de faire face à la crise. Là encore, la division des opinions (et des intérêts) est indépassable sinon par la force dans un premier temps et par l'expérience effective sur la durée. Les appels à l'amour n'y feront rien et le volontarisme ne peut qu'aggraver les choses. Il faudrait beaucoup d'intelligence des dirigeants, ce à quoi on n'est guère habitué même si la gestion de la crise a été assez remarquable jusqu'ici mais il est plus facile de gérer des problèmes purement financiers que de rétablir des équilibres économiques gravement affectés ou de prendre des engagements contraignants contre le réchauffement climatique.

En tout cas, qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas dans l'ennui ordinaire que nous devrons nous motiver pour une possible alternative mais dans l'urgence du désastre qu'il nous faudra reconstruire. Il n'y a là aucune contingence car il n'y a aucun moyen de changer les règles du jeu sans que le jeu s'arrête, aucun moyen de redistribuer les cartes sans l'effondrement du système (on le voit bien). Il pourra se passer encore quelque temps où le système semble se survivre à lui-même, la conscience a toujours un train de retard sur l'histoire mais on ne voit pas bien comment on éviterait de passer par le pire, ce serait un véritable miracle étant donnée la situation...

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