L'entropie est l'un des concepts les plus fondamentaux de la physique. Il est cependant mal assuré. Qu'on songe que le minimum d'entropie peut être aussi bien attribué au zéro absolu qui fige tout mouvement dans une mort thermique qu'à la chaleur maximale du Big Bang avant son inflation la dispersant dans l'univers. Le problème vient du fait que, pas plus que la chaleur, l'entropie n'est une caractéristique individuelle mais qu'elle est toujours holiste, relative à un système et un point de vue sur celui-ci, exprimant le rapport entre deux états d'une évolution temporelle. On peut ainsi relier l'entropie à l'ordre, la différenciation, aux probabilités, donnant lieu, en dehors de la thermodynamique, à de multiples usages plus ou moins légitimes mais dont il faut être conscient des limites. De plus, il faut tenir compte de l'inversion locale de l'entropie qui est cette fois à la base de la biologie (et de l'information), exception qui confirme la règle. Ce n'est donc pas si simple. Si l'entropie est bien notre problème vital et qu'il nous faudrait passer de l'entropie à l'écologie dans de nombreux domaines (en corrigeant les déséquilibres que nous avons provoqués et en intégrant toutes sortes de régulations pour préserver nos conditions de vie), cela ne fait pas pour autant d'un tel concept quantitatif trop globalisant un concept politique opérant - pas plus que de tout ramener à l'énergie que beaucoup identifient un peu trop rapidement à l'entropie.
Il y a eu, en effet, tout un courant d'écologie énergétique, encore très influent chez ceux qui nous annoncent une apocalypse pétrole et un épuisement des énergies fossiles alors que notre problème est qu'il y en a bien trop et qu'il faudrait arrêter de les extraire sans attendre qu'ils s'épuisent pour limiter le réchauffement ! Le concept d'émergie a même été forgé, supposé exprimer la véritable valeur des marchandises par l'énergie qu'elles ont nécessitée pour être produites. On voit que cette tentative de tout réduire à une mesure quantitative était guidée par un souci économique qui est cependant assez paradoxal pour une écologie basée sur la diversité du vivant et le qualitatif. Ce qu'on appelle l'énergie ici ne renvoie pas au concept physique d'énergie, qui se conserve toujours (rien ne se perd, rien ne se crée), c'est même sa définition équilibrant les équations. L'énergie thermodynamique du second principe contredit le premier en parlant d'une forme d'énergie utilisable qui se perd dans sa consommation (l'énergie transformée étant bien conservée mais devenue inutilisable). C'est ce qui a mené au concept d'entropie signifiant que tout est périssable et que ce qui est perdu est perdu, qu'on ne peut revenir en arrière (c'est le sens du mot entropie). On ne saurait en dénier l'importance puisque l'entropie ne pouvant qu'augmenter suffit à orienter la flèche du temps qui était pourtant supposée réversible en mécanique. Si on le pouvait, inverser le temps, c'est-à-dire les trajectoires, n'inverserait pas l'entropie qui ne ferait toujours qu'augmenter, le dentifrice ne pouvant rentrer dans le tube, ni le verre cassé se reconstituer, ni les morts revivre, ni l'improbable devenir le plus probable. L'inversion n'est pas si facile que le feraient croire les chiffres d'une approche "mécanique" purement quantitative.
On ne s'étonnera donc pas que ce soit un économiste et mathématicien, Nicholas Georgescu-Roegen, qui tentera d'appliquer à l'écologie "les lois de l'entropie" au-delà de la question purement énergétique, introduisant notamment une entropie matérielle devant nous conduire à un épuisement de toutes les ressources, pas seulement énergétiques. Comme tous les concepts simples, ils se présentent sous la forme d'une évidence incontournable. Le seul problème, c'est que ce physicalisme qui nous promet une mort certaine, ne rend pas compte du vivant qui se caractérise cette fois réellement par son inversion de l'entropie contredisant le deuxième principe grâce à l'homéostasie et la reproduction (donc l'information) ! Si tout se réduisait à l'entropie rien ne pourrait exister. Certes, on peut dire que toute inversion ou réduction de l'entropie (forces qui s'opposent à la mort) est toujours locale et se paie la plupart du temps d'une augmentation globale de l'entropie, comme l'utilisation d'un moteur à combustion augmente la température extérieure. Apparemment, les gaz à effet de serre illustrent parfaitement cette conséquence délétère de notre industrie. C'est malgré tout aller un peu vite en besogne à vouloir tout réduire à un concept totalisant alors qu'il y a bien des exceptions à cette loi, que la biosphère n'épuise pas la planète qu'elle exploite et que le désordre mesuré par l'entropie peut être lui-même créateur d'ordre localement.
D'abord, il faut relativiser l'entropie elle-même, dont Maxwell remarquait déjà qu'elle dépendait de l'échelle envisagée et de notre connaissance. De plus il faut tenir compte du fait que plusieurs phénomènes de renforcement comme la gravitation amplifient les différences de concentration, au lieu de les diluer entropiquement. C'est ce qui permet à la matière de se complexifier dans les étoiles avant de diffuser par leur explosion les éléments différenciés indispensables à la vie. Tout réduire à l'entropie est donc absurde et la mort thermique de l’univers n'est pas du tout assurée, l'hypothèse d'un rebond étant envisagée désormais, nouveau Big Bang à partir de la concentration finale de l'univers en trou noir colossal. Ce n'est certes pas une raison pour nier l'importance de l'entropie et sa quasi universalité mais devrait inciter à moins de simplisme. Ainsi, on sait bien comme l'énergie solaire est nécessaire à la vie mais prétendre que son utilisation augmenterait l'entropie ne va pas de soi. L'utilisation d'énergie qui est perdue sinon dans l'espace permet au contraire de réduire réellement l'entropie de systèmes ouverts. C'est le cas aussi de la plupart des optimisations, comme de boucher une fuite - même si des améliorations techniques peuvent aboutir à un "effet rebond" qui en annule les gains au niveau global. Le moins qu'on puisse faire est d'en relever les contradictions car vouloir réduire la vie à une accélération de l'entropie et de la consommation d'énergie est absurde, prenant le problème à l'envers, de même qu'assimiler l'Anthropocène à un Entropocène (comme Bernard Stiegler entre autres), ce qu'on pourrait déduire de mon article cité plus haut, est beaucoup trop unilatéral, négligeant toute la production organisationnelle de la civilisation humaine et sa reproduction galopante même s'il faut effectivement réduire notre accélération de l'entropie des milieux notamment grâce à l'information et la correction de nos erreurs (ce que faisait déjà l'agriculture refertilisant les sols par des jachères comme par l'apport d'engrais animaux).
Contrairement à l'énergie, il n'est pas évident non plus qu'on puisse dresser un bilan entropique discriminant activités destructrices et constructives. Cela n'a aucun sens, sauf exceptions, de vouloir soustraire d'une entropie énergétique une inversion de l'entropie organisationnelle. L'entropie n'est tout simplement pas le bon concept pour juger de ce qui est bon ou mauvais pour nous, toute action ou réaction d'un vivant étant anti-entropique par nature, peut-on dire, y compris la destruction d'une construction menaçante. La véritable entropie, c'est le laisser-faire, dès qu'on intervient, on oriente les processus vers nos finalités et notre perpétuation. Encore faut-il que ce soit possible et dans notre rayon d'action, mais c'est ce qui nous permet d'être vivants et d'avoir colonisé la planète entière. Cette capacité de réaction absolument vitale est requise désormais au niveau planétaire, une inversion de l'entropie et du réchauffement qui n'est pas gagnée et justifie qu'on parle d'entropie et de politique, pas de les confondre en voulant tout interpréter en terme d'entropie quand on a besoin de mesures très concrètes à prendre, pas de rêves théoriques inaccessibles.
S'en prendre de façon trop globale à l'entropie elle-même (comme au capitalisme, au libéralisme, au marché, à l'égoïsme, l'individualisme, etc.) est de l'ordre de l'incantation magique alors qu'une réaction informée est toujours spécifique et locale. Bien sûr, répétons-le, comprendre l'entropie et en tenir compte (probabilité de retour à l'état le plus probable) est absolument incontournable, mais trop d'intellectuels ou physiciens ont déjà prétendu au nom de la science tout ramener à l'entropie, nuit où toutes les vaches sont noires. C'est sans doute reposant de pouvoir s'appuyer sur un concept à tout faire en s'épargnant la complexité du réel avec ses différents niveaux et ses contradictions mais cet aveuglement ne peut mener qu'à leur négation plus ou moins brutale dans la bonne conscience inébranlable des croyants ayant eu la révélation suprême du principe unificateur. L'introduction d'un concept unifiant de l'entropie en politique paraît donc non seulement absurde mais dangereux, occultant justement les enjeux politiques, et croire que l'emploi d'un signifiant maître nous donnerait un pouvoir sur les choses relève bien de la pensée magique, vieille illusion que tout se jouerait dans notre pensée et que cela nous donnerait prise sur l'économie et son évolution alors que nous en sommes plutôt les sujets comme nous le sommes de l'évolution biologique et technique. C'est une illusion tenace en effet, bien que tout le démente depuis toujours, qu'il nous incomberait de "créer une activité économique nouvelle", comme si nous étions les premiers à y penser et que nous en avions le pouvoir sous prétexte de s'imaginer la fonder sur la lutte contre l’entropie. La leçon de l'écologie est tout au contraire d'une détermination par l'extériorité à laquelle on est forcé de répondre, de s'y adapter, mais dont nous ne sommes pas du tout les auteurs.
Enfin, les dangers d'une approche confusionnelle trop globale et quantitative de l'entropie s'aperçoivent mieux quand on l'applique à l'entropie humaine. L'entropie s'applique effectivement tout autant aux civilisations humaines et leur globalisation marchande comme aux populations ou classes qui se mélangent, aboutissant inéluctablement à l'Etat universel et homogène de Kojève, en train de se constituer. Or vouloir s'opposer à cette évolution naturelle (mondialiste) comme à l'immigration est plus que problématique. L'idéologie entropiste pourrait mener assez légitimement à l'opposition aux réductions des inégalités au nom du prétendu nivellement dénoncé par les snobs. On peut tout aussi bien, au nom de l'entropie et de la diversité, tomber dans le racisme, le nationalisme, le culturalisme, attisant les conflits. Cela n'empêche pas de pouvoir regretter une certaine uniformisation ou la perte de langues et la disparition de populations (qu'il faudrait mieux protéger) mais l'entropie n'est tout simplement pas le concept pertinent pour nous guider sur ces questions exigeant une approche différenciée.
Dans notre situation, on a tout à gagner à se débarrasser de cet inutile baratin, qui n'a que l'apparence scientifique, pour se concentrer sur les véritables problèmes dégagés par la recherche et leurs solutions disponibles, qui sont celles d'un Green New Deal et d'une relocalisation de nos économies, loin de grandes déclarations théoriques. Au lieu de se monter la tête à se prendre pour les maîtres du monde et s'imaginer pouvoir le reconfigurer à notre guise, inventer ses propres solutions ou attendre une idée miraculeuse qui nous sauve, ce qu'il nous faut, c'est juste, comme à chaque fois, faire le nécessaire dans l'urgence, face aux menaces vitales, et ce que les événements extérieurs nous dictent sans nous demander notre avis.
Voir mes autres écrits sur l'entropie.
A la base, l'entropie est un concept thermodynamique issu de Boltzmann sur les gaz, alors c'est évident qu'en faire un concept généralisable au vivant foncièrement fractal relève de la pure débilité. Enfoncer des portes ouvertes and so on.
En fait, c'est Clausius qui a forgé le terme pour la thermodynamique alors que Boltzmann en a donné une interprétation statistique qui a justement servi à généraliser l'entropie et à la relier à l'information. Cette interprétation statistique est tout-à-fait justifiée mais elle a ses limites et mène à des abus, ce que j'ai tenté de montrer ici, en particulier par sa trop grande généralisation.
http://jeanzin.fr/ecorevo/sciences/entropie.htm
Bolzmann lui même avait connecté l'entropie au vivant:
“The general struggle for existence of animate beings is therefore not a struggle for raw materials—these, for organisms, are air, water and soil, all abundantly available—nor for energy which exists in plenty in any body in the form of heat … , but a struggle for entropy … … . [Boltzmann, 1886]
lire https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rstb.2012.0254 pour la suite de l'histoire (Schrodinger, Prigogine, Penrose, Russel,...
Effectivement la conception statistique de l'entropie de Boltzmann laissait place à la possibilité de réduction locale de l'entropie, bien que sa probabilité soit très faible, et donc la possibilité de la complexification du vivant. Cette possible réduction spontanée de l'entropie choquait tellement déjà les thermodynamiciens que cela l'a mené au suicide ! Il est quand même très paradoxal qu'on s'en serve pour prétendre qu'il ne peut pas y avoir diminution de l'entropie !!
C'est surtout Schrödinger qui a souligné le caractère anti-entropique de la vie, qualifiée de néguentropie. Il imaginait pour cela une sorte de cristal "génétique". C'était avant la découverte de l'ADN qui a permis de comprendre le rôle de l'information dans cette néguentropie, loin d'une reproduction physique comme une cristallisation.
Il n'est plus possible dés lors de faire de la vie un processus physique purement thermodynamique, comme les auteurs de l'étude citée, car on est plutôt dans une sorte de démon de Maxwell, résultant de la sélection par le résultat de la reproduction génétique d'une information que définit son caractère anti-entropique (Shannon).
Il n'y a plus de débat sur le fait que la vie constitue une diminution locale de l'entropie mais la réduire à un processus physique, thermodynamique, comme les structures dissipatives, ne permet pas de comprendre que cela ne se traduit pas fatalement par une augmentation globale de l'entropie comme le prétendait Georgescu-Roegen (il était plus nuancé à la fin, tenant compte des critiques, entre autres de René Passet).
La simple existence de la biosphère réfute le caractère fatal de l'entropie vitale qui devrait mener à une planète morte alors qu'elle crée ses conditions de vie et de complexification (oxygène), bien que toujours dépendante de la physique et de catastrophes cosmiques. Le débat porte uniquement sur le fait de savoir si l'entropie est bien toujours fatale ou s'il peut y avoir gain net, une diminution d'entropie par optimisation ou régulation, par réaction à l'information.
Cela nous concerne au premier chef car le caractère destructeur et insoutenable de notre développement crève les yeux, c'est ce à quoi nous devons faire face et il s'agit de savoir si un développement technique moins entropique est possible, grâce notamment à l'information, ou si nous sommes condamnés à un manque d'énergie inéluctable (une croissance infinie de la consommation d'énergie dans un monde fini) et l'effondrement de la civilisation industrielle. Il ne s'agit pas bien sûr de ce que je peux souhaiter et de prendre ses désirs pour la réalité, mais de ce qui va se passer selon toute probabilité (loin des délires de Cochet qui font les délices des médias).
Je serais là-dessus d'accord avec Stiegler s'il ne simplifiait trop la question en restant dans un vocabulaire thermodynamique et l'illusion que la réduction de l'entropie puisse être d'emblée générale (politique) alors qu'elle est toujours locale et relative. C'est parce que nos positions sont très proches que je trouve utile d'insister sur ce qui m'en différencie, se traduisant par des politiques différentes (et d'abord par une conception plus réaliste de la politique).
Ça remonte en fait à :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sadi_Carnot_(physicien)
Le plus drôle de cette affaire était que j'habitais gamin rue Sadi Carnot à Rambouillet.
Je suis d'accord avec vous que l'urgence nous impose de privilégier les actes aux paroles et qu'il ne faut pas abuser en politique des termes scientifiques, surtout ceux venant de la recherche fondamentale.
Cependant, la thermodynamique reste comme vous le dite également une discipline essentielle pour la compréhension du réel et de l'évolution des systèmes physiques et biologiques. Sa place en écologie reste donc primordiale.
Connaissez-vous l'astrophysicien François Roddier et son approche biologique et économique de la thermodynamique ?
J'ai commencé à lire l'un de ses ouvrage sur le sujet et je trouve cela vraiment passionnant et éclairant.
http://www.francois-roddier.fr/
Oui, je l'ai découvert avec effarement il y a un bout de temps déjà, c'est même une des cibles de mon article (parmi beaucoup d'autres). On ne peut expliquer un niveau par un autre. Faire de la vie ou de la société des structures dissipatives est débile alors que l'énergie y est optimisée et c'est ignorer les véritables causalités ou les inverser (comme Jancovici faisant de l'énergie la cause de la croissance). Ces fausses explications sont certes plus passionnantes, car plus simplistes, que les véritables (historiques, géopolitiques, techniques, démographiques, etc), réduisant surtout le qualitatif au quantitatif.
Il y a une véritable difficulté qui fait qu'on peut croire que certains de mes textes disent la même chose (car on produit effectivement beaucoup trop d'entropie), ce pourquoi j'ai essayé de montrer que non, mais penser l'entropie est bien moins évident qu'il y paraît, de même que l'évolution.
? Pourtant Jancovici fait bien reposer la croissance sur des causes historiques et des évolutions techniques ? Il explique que la découverte du pétrole et du moteur à explosion a démultiplié nos capacités de production : ce que 100 personnes faisaient 1 seul le fait .
Cela a modifié le travail et son,organisation et modifié en profondeur les sociétés.
Cela n'empêche pas les autres interactions .
Et la société n'est elle pas à la fois optimisatrice et dissipatrice d'énergie ?
Tout le problème effectivement, c'est que ces corrélations sont prises pour des causalités qui semblent très convaincantes mais sont une inversion des causes réelles. Il est exact que nous consommons de plus en plus d'énergie mais ce n'est pas parce qu'on a découvert le pétrole qu'on connaissait depuis Sumer au moins, de même que les moulins qui font le travail de nombreuses personnes (et servaient en Hollande à la menuiserie des bateaux) n'ont pas pour origine la découverte de l'eau ou du vent. La seule énergie "découverte", c'est le nucléaire, d'où le tropisme de Jancovici.
La dynamique évolutionniste est à la fois technique et capitaliste, pas énergétique, des sociétés pouvant rester immobiles pendant des millénaires sinon, alors qu'on exploite plus d'énergie seulement quand on doit se développer (concurrence, guerres) et que les fabriques (d'épingles) basées sur la division du travail, ont précédé le machinisme. Ces fausses causalités le mènent un peu comme Roddier à prétendre expliquer la croissance et les crises par l'énergie (la découverte de nouveaux gisements) sous prétexte qu'il y a forcément corrélation (la consommation baisse effectivement quand il y a récession) alors qu'on trouve de nouveaux gisements quand il y en a besoin (que c'est rentable), sous la pression extérieure. Les récits isolant un seul facteur sont bien trompeurs même s'ils paraissent cohérents.
La comparaison de la vie avec des structures dissipatives de Prigogine est aussi débile alors que ce n'est pas l'énergie qui produit les structures du vivant mais l'information qui se reproduit en utilisant l'énergie (solaire surtout) qui se dissipe de toutes façons et il est très probable que dans un avenir plus ou moins proche, il y aura une baisse de la consommation d'énergie déconnectée du développement (notamment en Chine). Le confusionnisme explique tout de travers et mène à de mauvaises politiques mais vouloir en sortir est désespéré comme on le voit.
Prigogine lui même disait que la vie était une structure dissipative. On peut donc en déduire que, d'après vous, il était "débile", de même que Roddier, Jancovici, Georgescu-Roegen et Cochet. Je suppose qu'on peut ajouter à cette liste Denis Meadows, Harrison Brown, Gaël Giraud, Vaclav Smil, et plein d'autres personnes.
Sur quels travaux scientifiques "véritables" vous appuyez vous pour affirmer cela?
Heureusement que vous êtes conscient que vous ne convaincrait personne ! Mais c'est quand même dommage.
Oui, je prends à peu près tout le monde pour des imbéciles (en tout cas les premiers cités et bien d'autres mais pas Prigogine que j'avais repris dans mon Prêt-à-penser, les structures dissipatives étant un concept très intéressant sauf pour la vie) et, bien sûr, vous pouvez me retourner le compliment car "Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet" et je ne cherche à en convaincre personne car on ne convainc jamais les croyants qui sont innombrables.
Je ne me contente pas cependant de traiter les gens d'imbéciles (il y aurait trop de nécessiteux) mais avance un certain nombre d'arguments dans pas mal de textes, sans doute un peu trop arides (celui-là, entre plein d'autres), arguments à partir du concept d'information (et de la théorie des systèmes) que je suis loin d'être le seul à employer et qui peuvent éclairer certains, pour les autres tant pis.
Il faut préciser plusieurs choses sur Prigogine. D'abord que les structures dissipatives sont un phénomène physique permettant justement de penser la création d'ordre loin de l'équilibre et donc contredire partiellement l'entropie universelle et le déterminisme physique. Cela permet de penser la possibilité de la vie par des processus maintenus loin de l’équilibre par des flux d'énergie, et donc incluant des structures dissipatives, mais Prigogine, qui n'était pas un imbécile, répétait constamment qu'on ne peut pour autant simplement identifier le vivant à une structure dissipative et un phénomène physique à la biologie comme le font beaucoup.
René Thom s'opposait aussi à cette réduction :
Cependant, l'essentiel, dont la théorie des catastrophes ne rend pas compte non plus, est de comprendre l'évolution comme une optimisation de l'énergie grâce à l'information (la régulation), le contraire d'une structure dissipative maximisant sa diffusion. Nous sommes dans un flux d'énergie solaire qui est retenu et concentré par la reproduction du vivant. Il y a bien possibilité d'une néguentropie, d'une diminution de l'entropie même s'il y a toujours besoin d'énergie (de moins en moins) et qu'il n'y a évidemment pas suppression de toute entropie. C'est d'ailleurs sur cela que s'appuie Stiegler même s'il s'illusionne sur la capacité de déterminer le caractère anti-entropique de nos activités. Introduire des régulations diminue bien cependant l'entropie même si on ne sort pas de entropocène pour autant.
"c'est ignorer les véritables causalités ou les inverser (comme Jancovici faisant de l'énergie la cause de la croissance)"
Au sens strict, "la croissance" n'est pas due à "l'énergie", mais c'est bien la première qui pompe la seconde. Donc, si pas d'énergie à pomper, pas de croissance possible, ce qui donne raison à Jancovici. Sinon il faut parler de "découplage", mais il semble que personne n'y soit parvenu, et rien ne dit que la Chine y parviendra.
Mais on pourrait poser le problème de façon plus imagée : quelle est la cause de la vitesse d'un véhicule : son pilote, son moteur ou l'énergie qu'il consomme ? On notera qu'un véhicule dont le réservoir est vide se retrouve immobilisé, même si son pilote a les mains sur les commandes, et que le moteur est en parfait état.
Et qu'est-ce qui a permis l'industrialisation de l'agriculture si ce n'est le gazole pour les tracteurs, assez abondant pour ne pas être trop cher, et assez bien distribué pour être disponible partout ? Sans ces deux conditions qui touchent l'énergie, personne n'aurait jamais acheté de tracteurs, et l'agriculture n'aurait pas pu croître comme elle l'a fait. L'énergie est donc bien une cause de la croissance.
Non, c'est un sophisme et prouve qu'on ne change pas les croyances (je n'ai pas l'intention de polémiquer longtemps sur ce vieux sujet ni de convaincre personne). L'énergie n'a jamais fait avancer un véhicule toute seule. Evidemment, il faut de l'énergie pour une machine, comme pour un moulin mais le besoin d'énergie est second par rapport au développement et n'est pas le facteur limitant.
Ainsi, les premières machines agricoles étaient à vapeur, comme les trains ou les bateaux à roues à aubes et il y a eu très vite des véhicules électriques. Certes, le pétrole était plus pratique, plus concentré, ce pourquoi il a été sélectionné, mais il intervient après, dans la dynamique, et n'est en aucun cas cause. Quand c'est la dépression, ce n'est pas par manque d'énergie (on ne sait que faire actuellement du pétrole, on paie pour s'en débarrasser, et que l'augmentation du prix de l'énergie ait eu ponctuellement un effet récessif ne suffit pas à faire de son prix le moteur de la croissance). Enfin, le découplage de l'énergie en Chine est déjà largement entamé (ils partaient d'un niveau d'efficacité très bas) tout comme en Europe (moins sensible désormais aux hausses comme aux baisses).
Il n'est pas question de nier que l'énergie soit un facteur de la production, sous quelque forme que ce soit (humaine, animale, hydraulique, électrique, fossile, renouvelable) mais la forme d'énergie dépend plus du niveau de développement que le niveau de développement de la forme d'énergie. On trouve ce qu'on cherche. Prétendre comme Cochet et d'autres qu'on ne remplacera jamais le pétrole s'il manquait est une connerie de moins en moins crédible alors qu'il est sûr qu'il y en a trop et qu'il est trop bon marché. Les erreurs d'analyse ont bien des conséquences délétères, ce n'est pas une question théorique mais n'empêche pas les fausses opinions de prospérer.
Sans la science et la technique, je vois pas bien ce qu'on ferait de l'énergie disponible flux-stock sous quelque forme que ce soit. Il s'agit d'un aspect qualitatif, même si le quantitatif intervient un moment donné. La question est plutôt pourquoi un moment donné sciences-technos se sont développées fortement, ce sont des raisons historiques qui ont à voir avec l'histoire de la circulation de l'information.
Concernant l'entropie, il s'agit plutôt d'un principe énergie-matière. Je me demande si il n'y aurait pas moyen de l'étendre d'une façon différente au domaine de l'information, surtout à l'époque du web où on trouve du bon et du n'importe quoi, du lard et du cochon.
Cette offre du web en termes d'info est remarquable tout en étant inquiétante de fouillis.
https://phys.org/news/2020-05-dna-sequence-symmetries-maximum-entropy.html
Si je cite cette étude c'est parce qu'elle vient de sortir mais aussi pour montrer qu'il y a imbrication entre entropie et néguentropie, tout dépend du niveau où l'on se place, mais certainement pas pour donner crédit à ceux qui prétendent absurdement que l'ADN maximiserait l'entropie alors que c'est le support informationnel principal de la vie et de la complexification comme inversion de l'entropie. La répartition des bases de l'ADN minimise sa dégradation mais l'ADN est tout sauf aléatoire, très ordonné au contraire avec la redondance des deux brins et des systèmes de correction d'erreurs très efficaces.