Comme la plupart des notions trop générales, le Bien, le Mal ou la liberté, l'humanisme peut être mis à toutes les sauces de sorte qu'on pourrait vouloir s'en débarrasser à juste titre, mais ce n'est pas si simple car on ne peut guère s'en passer non plus. Il y a donc plutôt un enjeu politique à défendre dans la définition même de l'humanisme, en sachant qu'il peut servir à couvrir toutes les barbaries comme on a massacré au nom de Dieu, de l'amour ou de la civilisation.
Le débat n'est pas nouveau qui met aux prises un humanisme essentialiste, qu'on peut dire biologisant, raciste, spéciste mais qui est aussi traditionaliste, religieux, idéologique, avec un humanisme "existentialiste" pour qui l'homme est à venir, pour qui il est liberté et projet, être parlant en devenir, apprenti de la vie et découverte des possibles.
A cette opposition s'ajoute les différentes formes d'anti-humanisme qui peuvent être d'inspiration existentialiste aussi (Heidegger avec l'ouverture à l'Etre) tout autant que théologique, structuraliste, historiciste, sexuel ou politique voire purement critique (décentrement cognitif). On voit qu'il n'y a aucune unité de l'humanisme, pas plus que des courants anti-humanistes, le plus connu étant sûrement celui de l'écologie profonde qui voudrait ôter à l'humanité toute prééminence sur les autres espèces mais qui s'enferme ainsi dans ses contradictions. On n'est pas des bêtes et on veut être traité comme des hommes, qu'on respecte notre humanité.
Ce qui pose beaucoup plus de problème aujourd'hui, ce serait d'ailleurs plutôt le post-humanisme, celui du surhomme, de l'homme amélioré ou de l'homme génétiquement modifié...
Il ne faudrait pas tout mélanger quand même, comme le fait un article récent ("La défaite de la pensée souchienne" !) qui voudrait faire non seulement de l'humanisme mais de la philosophie elle-même la cause du colonialisme, ce qui est un peu fort ! Ce sont pourtant les missionnaires qu'on envoyait avant la soldatesque et ce sont les marchands qui ont mis la main sur les ressources des colonies, de sorte que la religion et l'économie sont plus en cause qu'un prétendu humanisme même s'il y a eu, à n'en pas douter, une colonisation qui se voulait civilisatrice. Cette idéologie coloniale a bien été celle de la France de 1900 voulant apporter les lumières de la raison aux indigènes mais son principal représentant, le Maréchal Lyautey, était un fervent catholique et non un fils des lumières. Il est assez absurde de vouloir identifier la philosophie au dogmatisme qu'elle combat depuis l'origine tout autant que le relativisme intéressé des sophistes. Il semble que la confusion vienne du livre de Dionys Mascolo "Haine de la philosophie : Heidegger pour modèle" où la critique nécessaire du nazi Heidegger va s'étendre paradoxalement à toute la philosophie, au rationalisme et à l'humanisme alors même que Heidegger récuse l'humanisme dans sa "lettre sur l'humanisme", met en cause le rationalisme cartésien et accuse l'histoire de la philosophie d'être celle de l'oubli de l'Etre ! C'est bien plutôt contre Heidegger qu'il faudrait réhabiliter l'humanisme et le véritable questionnement philosophique. Avec ce genre de raisonnement, trop rationnel et dogmatique justement, on ferait du nazisme ou du terrorisme islamiste une culture comme une autre, sous prétexte que la démocratie des droits de l'homme a pu conduire effectivement au colonialisme et à toutes ses infamies (ainsi Mein Kampf commence bien par l'évocation du colonialisme pour justifier l'injustifiable).
Ni la philosophie, ni l'humanisme ne se confondent avec l'universalisme, comme on voudrait nous le faire croire. On sait que căthŏlĭcus veut dire universel en latin et c'est d'abord l'universalisme catholique (puis islamique) qui a pu le transformer en une sorte de "totalitarisme". Comment peut-on se tromper à ce point ? ("Tout totalitarisme est un philosophisme en ce sens précis : la contradiction et tout ce qui peut y mener, le doute, l’insatisfaction, l’esprit hypothétique, est catastrophiquement niée"). Tout au contraire ce qui fait la spécificité de la philosophie (et peut-être de l'occident qui a vu la mort des dieux) c'est la critique de la tradition et de tous les dogmatismes, le travail du scepticisme qui délégitime toutes les anciennes autorités. Il est facile de construire une causalité simpliste qui expliquerait tout mécaniquement pour s'imaginer tout régler ensuite en la récusant, mais c'est complètement imaginaire, de l'idéalisme pur. Non seulement on ne peut unifier ainsi toute la philosophie et la pensée occidentale mais on ne devrait pas pouvoir confondre la philo-sophie avec l'idéologie ou la religion (ni même d'ailleurs avec le développement personnel ou une quelconque sagesse) ! Enfin, ce n'est pas seulement dans le monde des idées qu'il faut voir la cause d'un universalisme qui a toujours été porté par les empires mais c'est la mondialisation actuelle dans ce qu'elle a de plus matérielle (migrations, multiculturalisme, internet, globalisation marchande, climat) qui nous impose aujourd'hui un humanisme dépassant les nations et les appartenances ethniques. Il faudrait y ajouter d'ailleurs l'expérience historique des totalitarismes et de leur barbarie.
Ceci dit, il reste plus que pertinent de souligner comme l'humanisme prend le risque de rejeter en-dehors de l'humanité ce qui ne s'égale pas à la définition qu'il en donne, plus ou moins idéalisée, et ce, d'autant plus qu'il fait référence à une supposée "nature humaine" ou qu'il en renforce les exigences morales, celles d'un "homme policé" qui s'égalerait à ses prétentions.
C’est ce qui rebute dans toutes les pensées humanistes et force à les repousser toutes. Toutes présupposent un homme achevé, immuable, enchaîné à une “nature humaine” originelle comme l’animal l’est à son “adaptation spécifique”, entièrement soumis aux lois intangibles de l’espèce - à cette différence près que ces lois chez lui, prennent invariablement la forme de valeurs auxquelles il aurait l’obligation morale d’obéir. Ainsi le veut tout humanisme, pour peu qu’il se soit fait théorique.
C’est en accord avec cette animalité quasi sacrée (non détachée de la nature première) que pourront être célébrés les génies du lieu, l’antre, le terrier, la tanière, la hutte..., bref : la patrie.
On peut être d'accord avec cette critique de toute essence de l'homme qui s'arrache à l'animalité et change son destin, mais c'est revenir à la philosophie justement, et notamment à l'existentialisme de Sartre pour qui, effectivement, « l’homme est un projet ». Ce qui nous caractérise ce n'est rien d'autre que la liberté qui nous est donnée par le langage et la raison. On ne peut qu'approuver : « L’intéressant n’est pas ce qu’il y a d’irréductible dans l’homme. L’homme qui proclame un droit invente de l’homme ». Paradoxalement, c'est justement ce qui définit l'humanisme pour Sloterdijk : "L'humanisme - le mot comme la chose - se construit toujours contre, du fait qu'il s'engage à sortir l'homme de son état barbare (...) Le thème latent de l'humanisme est donc le désensauvagement de l'homme". En ce sens, l'humanisme est bien un constructivisme, c'est l'invention de l'humanité, c'est devenir toujours plus humains. Ce n'est pas un sujet tourné vers le passé comme son origine mais vers l'avenir comme son projet. Ce n'est pas encore suffisant cependant pour lever toutes les ambiguïtés du terme et qu'il ne soit pas le prétexte d'une nouvelle barbarie !
S'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n'est pas par hasard que les penseurs d'aujourd'hui parlent plus volontiers de la condition de l'homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de clarté l'ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l'univers. Les situations historiques varient : l'homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c'est la nécessité pour lui d'être dans le monde, d'y être au travail, d'y être au milieu d'autres et d'y être mortel (...) Et bien que les projets puissent être divers, au moins aucun ne reste-t-il tout à fait étranger parce qu'ils se présentent tous comme un essai pour franchir ces limites ou pour les reculer ou pour les nier ou pour s'en accommoder. Jean-Paul SARTRE
Il faudrait y introduire un peu plus de dialectique au moins et de négativité, ne pas rejeter farouchement le négatif du positif ni le positif du négatif, surtout ne pas en rester au semblable mais l'étendre à ce que Lévinas appelait "l'humanisme de l'Autre", car il n'y a pas d'homme isolé malgré la solitude de la conscience de soi : nous sommes des êtres parlants toujours pris dans des discours et en relation avec les autres. De sorte qu'il y a au moins 3 humanismes irréductibles, selon qu'est valorisé l'individu, le collectif ou l'interlocuteur (le singulier, l'universel, la différence). On peut critiquer l'humanisme, en effet, comme refoulant la division de la société tout comme la division entre les sexes. Cela ne suffit pas pour autant à réfuter tout humanisme, de même que l'existence d'une justice de classe (ou l'opposition entre amis et ennemis) ne supprime pas la nécessité d'une justice impartiale (cf. Kojève). Il y faut simplement moins de naïvetés et plus de lucidité : un humanisme des dominés, au service des plus faibles. Marx avait raison, c'est seulement de l'humanité souffrante et dépouillée de tout que peut venir une véritable universalité, ce qui n'a pas empêché pourtant cet humanisme officiel de mener à la pire des terreurs (cf. Merleau-Ponty), tout comme la religion d'Amour à l'inquisition...
Pour Sartre, l'existentialisme athée est un humanisme en tant que matérialisme spirituel, peut-on dire, restituant la dimension proprement humaine de la conscience de soi, de la raison, de la liberté et du sens qui font la dignité de l'homme et sa spécificité. Cette conception du sujet qui s'oppose à son objet, d'un sujet qui dit non, d'une liberté totale bien qu'on soit entièrement déterminés, c'est la conception d'un sujet qui ne manifeste son existence qu'à perturber le système. On est loin de l'harmonie naturelle et c'est là que la philosophie du sujet débouche sur les luttes d'émancipation contre toutes les dominations héritées du passé.
Cette focalisation non seulement sur l'individu mais sur le mauvais sujet, sur le rebelle, est absolument essentielle face à une écologie normative ou une expertocratie qui devient facilement totalitaire. L'écologie politique ne peut se limiter à la défense de l'environnement et du monde de la vie : la question fondamentale, posée à tous les hommes, reste de donner sens à notre existence, en l'absence d'un sens préalable et d'une vérité déjà donnée. Il nous faut donc pour cela une écologie qu'on peut dire humaniste. Il n'empêche que cet humanisme doit s'inscrire dans son environnement et s'élargir au vivant. L'humanisme ne peut se couper complètement de sa part animale, le constructivisme ne peut être total ni arbitraire. Il y a des limites à l'artificialisation du monde et, devant la dégradation de nos conditions de vie, il nous faut bien défendre notre monde vécu même s'il est bien difficile de faire la part dans cette nécessaire résistance entre le conservatisme culturel et la préservation de nos conditions de vie. La question est difficile car si l'homme n'est pas si naturel que cela, il ne peut s'agir d'un pur et simple retour en arrière mais plutôt d'un équilibre à restaurer entre nature et culture. C'est une question de durabilité et de santé ou de bien-être, non d'un choix entre deux extrêmes comme l'authentique d'un côté et le factice de l'autre. C'est ici que la critique de la technique rentre en jeu avec ce que Sloterdijk a pu appeler de façon provocante, les "règles pour un parc humain" et "la domestication de l'être" manifestant la limite entre l'éducation et l'élevage, entre formation et formatage, entre des homéotechniques informationnelles et la violence des techniques de contrôle autoritaires ou intrusives. En tout cas, il est certain qu'on ne peut "laisser-faire" n'importe quoi et que l'écologie ne peut se passer d'un humanisme, d'une interrogation sur nos fins humaines et sur le monde que nous voulons laisser à nos enfants, l'objectif de l'écologie devant rester l'autonomie de l'individu et le développement humain dans un monde préservé.
En fait, il y a 2 origines principales à l'humanisme : 1) la Renaissance avec l'humanisme d'un Pic de la Mirandole qui se présente explicitement comme celui de la dignité de l'homme, dignité qui est bien dans sa part de liberté et dans son pouvoir de se créer lui-même. Si l'humanisme de la Renaissance est une réappropriation de la philosophie grecque, il reste essentiellement chrétien. 2) La révolution française et la philosophie des Lumières avec les Droits de l'Homme et du Citoyen qui s'affranchissent cette fois de la religion pour se réapproprier la démocratie. Le premier humanisme avait été confronté à l'humanité des "indiens d'Amérique", le deuxième à l'humanité de l'esclave ou de la folie. Nous pourrions être confrontés bientôt à l'humanité du Cyborg, voire à d'improbables extraterrestres. On peut même considérer que nous sommes déjà des hommes artificiels (des lunettes à toutes sortes de prothèses mécaniques ou chimiques), vivant bien au-delà de la durée "naturelle" d'une vie humaine. L'homme artificiel, c'est aussi une société de vieux (et d'handicapés).
Face au déferlement des biotechnologies, il est bien difficile de tracer une ligne de démarcation en définissant les frontières de notre humanité, nourrissant facilement là encore les fantasmes d'une nature originaire aussi bien que d'un "homme nouveau" et d'une transhumanité, tout comme l'humanisme politique pouvait rêver d'une fin de toute aliénation et d'un "homme total" complètement idéalisé. En tout cas, on ne peut réduire l'humanité de l'être parlant à ses gènes, ni même à une espèce : d'hypothétiques extra-terrestres feraient inévitablement parti de notre humanité, tout comme des hommes génétiquement modifiés s'ils existent un jour. En fait, la définition de ce qu'est un homme est l'enjeu d'une lutte pour la reconnaissance et le risque ici reste celui de l'identification qui mène à la barbarie, risque bien aperçu par Lacan au sortir de la guerre :
Je m'affirme être un homme, de peur d'être convaincu par les hommes de n'être pas un homme.
Mouvement qui donne la forme logique de toute assimilation "humaine", en tant précisément qu'elle se pose comme assimilatrice d'une barbarie... (Lacan, Le temps logique, 1945)
Il faut le redire, c'est le plus souvent au nom de valeurs humaines supérieures qu'on justifie hélas tous les massacres et qu'on refuse de voir la vérité en face, que ce soit au nom de l'égalité, de la liberté, de l'amour ou de la vie ! Les pires saloperies sont faites avec la main sur le coeur. Il vaudrait sans doute beaucoup mieux reconnaître d'abord nos faiblesses et la "misère de la morale" pour faire preuve d'humanité et ne pas juger de haut l'humanité réelle au nom de l'humanisme même, ne pas vouloir habiter l'absolu mais notre réalité la plus quotidienne, un humanisme à hauteur d'homme enfin, compréhensif, ouvert à l'expression du négatif et au pardon réciproque de tous nos défauts qui sont innombrables (humains, trop humains), ce qui n'empêche pas des élans tout aussi admirables. L'humanisme doit se faire humble, prudent, responsable, ne pas viser l'éternité ni une quelconque perfection introuvable mais s'orienter dans les méandres du possible pour s'en tirer au mieux, en étant assez attentif aux résultats pour corriger nos erreurs à temps.
L'humanisation du monde n'est pas une tâche métaphysique et l'accès à un quelconque salut, pas plus qu'une fatalité. Ce n'est qu'une façon de prendre soin de notre monde, d'essayer de s'y accorder et de tirer parti des opportunités qu'il nous offre, d'essayer de lui donner sens et de répondre aux questions qu'il nous pose, dans la contingence de l'histoire et les incertitudes d'une aventure dans laquelle nous sommes tous embarqués, sans en connaître le dernier mot ni en percevoir aucunement la fin.
Vous serez une partie de la saveur du fruit, ce fruit gorgé de surprenante tendresse, l’humanité. (Patricia Guenot)
Voir aussi De l'humanisme à l'écologie.
Merci pour cette réflexion très nécessaire.
Une question simple dont je n'ai aucune idée de la réponse : quelles pourraient être les caractéristiques de ces "règles pour un parc humain" que Sloterdijk appelle de ses voeux? Organiser la coexistence entre l'homme et ses extensions techniques (c'est plutôt ainsi que je vois les choses après avoir beaucoup, pour suivre Ellul, vu la technique en système autonome) et le reste du vivant passe nécessairement par la définition d'une limite, et les moyens de la faire respecter. "Règles pour une auto-limitation".
Mon premier réflexe, un peu par désespoir je l'avoue (quand on lit le dernier papier de Mike Davies sur la fin de l'holéocène...), serait de déterminer quelque chose de très "stratosphérique", genre utiliser les zones de la permaculture (zonage progressif entre nature sauvage et habitat humain central) quitte, comme a pu le faire un Balaguer en République Dominicaine, à employer l'armée pour chasser les pauvres des forêts primaires. C'est une vision potentiellement très technocratique dans laquelle nous, écologistes, ne devons pas nous laisser enfermer, non? Qu'inventer pour à la fois définir fermement la possibilité d'une cohabitation/réconciliation avec la nature et ménager un humanisme qui soit respectueux du droit à "ouvrir sa gueule" et, plus simplement, respectueux du droit de chacun de concourir au pouvoir, compétition qui par définition ne peut satisfaire tous ses participants? Cela semble un peu illusoire, non?
Je dois dire que ce genre de commentaire m'effraie...
La conférence de Sloterdijk éditée sous le titre "Règles pour le parc humain" ne me semble pas aussi intéressante que la polémique qu'elle a suscité. C'est une réflexion à partir de "La lettre sur l'humanisme" de Heidegger. Sa thèse principale, c'est que les livres (la culture) seraient supposées nous sortir de la sauvagerie et nous domestiquer. Ce n'est que dans "La domestication de l'être" (autre petit livre) que Sloterdijk pousse la réflexion un peu plus loin en distinguant homéotechniques et allotechniques. L'idée c'est qu'en agissant par l'information on laisse les gens réagir de façon autonome, de l'intérieur, au lieu d'user de violence, de l'extérieur. C'est l'auto-discipline plutôt que le dressage.
On peut trouver le texte de "Règles pour le parc humain" ici :
multitudes.samizdat.net/s...
et un tout petit compte-rendu de "La domestication de l'être" ici :
jeanzin.fr/ecorevo/philo/...
(j'ai rajouté la référence dans le texte)
Sinon on utilise déjà l'armée contre les pauvres au Brésil (sans beaucoup de résultat) et je trouve cela insupportable car ce qu'il faut trouver c'est une solution politique pour qu'il n'y ait plus de pauvres. De quel droit protéger la nature contre les gens ? parce qu'on vaudrait mieux qu'eux ? Amartya Sen a montré que seule la démocratie est une solution effective et durable. Il ne faut jamais céder à la panique, ce n'est pas du tout justifié, mais être responsables. Une humanité qui devrait se livrer à des massacres pour survivre n'aurait pas de raisons de survivre... Il est vrai que s'imaginer la technique complètement autonome en fait une question de vie ou de mort dans un combat perdu d'avance.
Le dieudonisme est-il un humanisme ?
bougnoulosophe.blogspot.c...
Vraiment désespérant aussi. Il y a de quoi vomir, d'autant que je l'aimais bien Dieudonné. Cela fait penser à Pierre Guillaume. Il y en a qui ont vraiment une case en moins. La bêtise a de beaux jours devant elle. C'est bien certes le signe de la confusion des temps avec ce crétin de Philippe Val aussi dont j'ai dénoncé il y a longtemps les premiers symptômes d'islamophobie dans Charlie Hedbo lui-même. Je suis bien content d'être complètement en dehors de ce cirque médiatique. Tout cela ne vaut pas qu'on en parle.
Navré de vous effrayer, Jean. Je constate en relisant mon commentaire qu'il est en effet insupportable, et que l'effet a été plus loin que l'intention; cette référence à l'utilisation de l'armée par Balaguer et autres visions "stratosphériques" est bien évidemment à considérer comme un contre-exemple. Mais je dois dire que ce genre de réaction violente - et, comme vous le soulignez justement, paniquée - est assez commune chez les tenants d'une certaine écologie profonde. Ce qui me fait peur est son aspect simpliste, c'est ce que j'ai maladroitement voulu dire. J'irai lire vos références.
Puisque j'en suis à mettre les pieds dans le plat des épouvantails, autant y aller franchement. Vous dites qu'Amartya Sen a montré que seule la démocratie était une solution effective et durable. Je ne demande pas mieux que de le croire, hormis le fait qu'il ait été récupéré par "L'Institut Veolia" (ce qui peut ne rien enlever à la pertinence de ses idées), mais :
La démocratie à plus d'une centaine de membres est-elle possible sans inégalités; en gros, peut-on aller au-delà d'un groupe humain où tous sont liés par des liens familiaux sans qu'il y ait des inégalités? L'Histoire ne plaide pas en la faveur de cette possibilité.
La démocratie peut-elle résoudre la question démographique, et la question de la "limite" que j'évoque au-dessus? Une société humaine peut-elle être heureuse sans s'étendre? Comment renoncer à la satisfaction indicible de se reproduire et de se multiplier? Les méthodes de contraception actuelles sont sur le point de provoquer une nouvelle pollution majeure...
La démocratie peut-elle résoudre la question du différentiel de rythme entre évolution phylogénétique et évolution culturelle? Même en refusant l'idée d'une autonomie complète de l'une par rapport à l'autre, on ne peut nier que nous évoluons incomparablement plus vite que le reste du monde vivant.
La contrainte écologique me paraît un paradigme terriblement antagoniste pour la démocratie car le propre de cette dernière est d'être imprévisible dans ses décisions (et c'est tant mieux), tandis que le propre de la contrainte écologique est de générer un faisceau complexe de contraintes absolues au moins en termes d'espace et d'énergie. Qui représentera dans la société humaine les intérêts de la nature au sens large, qui par définition se tait? Les experts et leurs tableurs? Les écologistes et leur regard d'ange (parfois exterminateur)? Les fous et les musiciens? Oui, les fous, les musiciens et les poètes ne seraient pas mal 🙂
Franchement?
Bon, je vous pose beaucoup de questions et répondre à chacune d'entre elles vous demandera bien du temps... Excusez-moi de vous assaillir de la sorte, et contentez-vous si vous voulez de m'indiquer les textes d'A. Sen qui viennent appuyer ce que vous dites.
Philippe Van Parijs, un politologue belge a une idée (il n'est pas le seul mais s'en est fait une sorte de spécialité) que je trouve intéressante à creuser : l'allocation universelle. Peut-être la fin de la société du travail servile?
Merci de la rectification mais difficile oui de répondre à tout.
Pour Amartya Sen, il ne s'agit pas de l'approuver en tout ni d'en faire un maître à penser mais il a montré, entre autres, que les famines ne se produisaient jamais lorsque les dirigeants partageaient le même sort que leur peuple. Il a amené aussi beaucoup d'autres choses très utiles comme la définition du développement humain comme développement des capacités et de l'autonomie de l'individu, sans compter les indicateurs de développement humain qui montrent que le Kerala offre une des meilleures qualité de vie malgré un PIB très faible.
jeanzin.fr/ecorevo/politi...
Pour la démocratie c'est compliqué, c'est un processus (voir "La démocratie à venir") mais ce n'est pas la population le problème, population qui devrait commencer à baisser d'ici un peu plus de 50 ans, peut-être moins. Ce qui est sûr, c'est qu'un régime non démocratique mènera à pire même si au début cela paraît meilleur.
Il est certain que l'écologie change le sens de la démocratie qui passe d'une démocratie majoritaire à une démocratie des minorités (voir "Il n'y a pas d'alternative").
Plus généralement, il faut essayer d'éviter de se faire peur avec des raisonnement trop généraux qui sont presque toujours faux.
Je ne suis pas vraiment pour l'allocation universelle de Van Parijs mais je défends dans de très nombreux textes le revenu garanti qui est très proche, c'est un de mes axes principaux...
Il y a toujours quelque chose qui nous échappe.
D'abord bravo Jean pour ce texte mesuré et stimulant.
Ce qui m'échappe est dans cette affirmation d'être plutôt contre l'allocation universelle de Van Parijs et pour le revenu garanti. Contre ce qui la motive à prime abord ? Contre la façon de la calculer (j'en doute) ? Contre le niveau de l'allocation ?
La ligne de partage est-elle d'accord pas d'accord est-elle incisive ?
J'aimerais en savoir plus sur ta position à cet égard.
Ta colonne Live traffic feed m'a surpris. Quand j'ai aperçu Étang-du-Nord, Québec j'ai trouvé que le monde est bien petit, jusqu'à ce que je réalise être à l'origine de cet affichage.
Je suis donc installé pour un an sur mes petites Iles du Golfe St-Laurent et cela se voit.
Je ne suis pas "contre", je suis "très proche", on est du même parti peut-on dire. Philippe Van Parijs a fait un petit compte-rendu de mon livre dans le bulletin du BIEN. Simplement on ne répond pas à la même logique et on n'a pas la même stratégie. Le revenu garanti n'est pas l'allocation universelle en ce que le niveau du revenu garanti dépend de l'activité, afin de favoriser le travail autonome. Il ne s'agit pas de nous dresser l'un contre l'autre mais il y a une logique plus pertinente que l'autre, c'est tout. Pour moi, le revenu garanti n'est que l'élément d'un système où il n'y a pas seulement la reproduction mais aussi la production et l'échange. La différence est assez conséquente, ce n'est pas du tout un antagonisme dans le contexte actuel.
Le trafic m'a surpris aussi. J'en ai supprimé un post trop visité dont je n'approuvais plus tellement le contenu (il faut dire que c'était une commande). Moi j'apparais comme venant de Paris alors que je suis dans le Lot !
Précision très claire et qui me permet de soutenir plus nettement le revenu garanti. Je crois ne pas avoir été le seul à pouvoir tirer profit de cette clarification.
Le suivi de l'origine du traffic permet de savoir que tu es lu d'Amérique latine et des États-Unis. J'espère que dans ces derniers cas, il s'agit intégralement de personnes partageant nos sensibilités et non de personnes effectuant une quelconque surveillance des discours révolutionnaires. Cela peut venir de mon ou de ton pays aussi.
Je ne suis pas paranoiaque, mais quiconque a un blog critique doit parfois y penser.
J'ai effectivement des lecteurs de tous les continents, dont certains m'ont soutenus financièrement quand j'étais au plus bas mais s'ils ne sont certes pas tous bien intentionnés, certains venant là par pur hasard, je ne crois pas que je justifie une surveillance quelconque n'étant finalement dangereux pour personne (ce qu'on peut me reprocher d'ailleurs mais Debord lui-même n'était pas considéré comme si dangereux même s'il était lu par des gens peu recommandables) ! Internet étant un espace public il faut savoir bien sûr qu'on est visible de tous, bien ou mal intentionnés. Ceci dit, le trafic est au plus bas en cette période de vacances.
L'existentialisme est surtout la forme achevée de la philosophie nihiliste bourgeoise. Ce qu'a d'ailleurs confirmé le parcours de la plupart des jeunes existentialistes dans l'élaboration des simplismes conceptuels du déconstructionisme (philosophie du soupçon), l'un des piliers, s'il en est, avec le multiculturalisme, de la pensée post-moderne. Sartre avait besoin d'une bonne conscience, pour ceux qui auront compris, reste la Nausée...
On sent qu'on a dû toucher là un arc réflexe et que cela a déclenché une réponse automatique ! Quelle bouillie, on peut rire après ça de parler des simplismes conceptuels du déconstructionnisme, on imagine qu'il faut n'avoir rien lu et surtout avoir un bon dogmatisme derrière, inébranlable à toute pensée qu'elle soit post-moderne ou autre, persuadé de détenir une vérité entière et auto-suffisante.
Ceci dit, et bien que ce texte ne concerne que très peu l'existentialisme en tant que tel, il est certain que les existentialistes étaient des petits-bourgeois, même si les structuralistes et déconstructionnistes étaient tout-à-fait anti-existentialistes. Seulement cela ne suffit pas à annuler toute l'oeuvre de Sartre comme s'il y a avait la vérité d'un côté (la science prolétarienne ou une autre religion) et l'erreur ou le mensonge de l'autre. De même, ce n'est pas parce que Heidegger a été nazi que cela rend moins indispensable son apport qui est considérable. Hélas, c'est un peu plus compliqué que ces pauvres certitudes qui donnent effectivement la nausée...
En tant qu'hypostase d'un relativisme absolu, le déconstructionisme est effectivement d'une simplicité conceptuel à la portée de n'importe quel intellectuel moyen. En tant que critique du concept de structure, à fortiori du structuralisme, cette pensée n'est pas systématiquement sans pertinence. Les déconstructionistes conséquents ne voient plus que de l'esprit là où un matérialiste non-repenti continue à voir un objet bien réel ; le tout soupoudré d'une psychanalyse de base désactivant la notion de vérité en renversant l'image psychique du "désir de vérité" - qui s'explique par des mécanismes psychanalytiques. On comprend que ces gens-là en voyant un objet ne voient plus que de l'"esprit" (Ghost in the machine, pour reprendre leur plus célèbre trouvaille).
Je penche davantage du côté de Freya : le déconstructionisme est fondamentalement simple dans ses réactions réflexes et surtout absolument sourd à toute critique, résultat direct des apories d'une vérité devenue pour eux impensable. L'ensemble des axiomes théoriques de base est restreint et sans difficulté intellectuelle.
Quant à Sartre et Simone de Beauvoir, ils écrivirent tant de sottises que presque tout le monde a cessé d'en faire l'inventaire.
On ne sait quel statut accorder à ces affirmations péremptoires ni à qui elles s'adressent. On ne peut imaginer que ce soit quelqu'un qui ait lu Derrida ni d'ailleurs aucune philosophie puisqu'on revient à Kant semble-t-il. Dès lors cela ne peut être qu'au nom d'un relativisme absolu que l'ignorant se permette de vouloir faire la leçon comme pour se persuader que son avis en vaut bien un autre. Au contraire, Derrida n'était bien sûr pas du tout relativiste en exigeant une pluralité de points de vues et en dégageant les conditions de possibilités bien réelles des discours qui prétendent tels ces galimatias énoncer la vérité même (par inspiration divine sans doute). Quand à la psychanalyse, loin de remettre en cause la vérité elle la suppose dans le symptôme et son opposition au savoir, vérité de l'énonciation derrière les mensonges de l'énoncé. De sorte qu'on doute de la capacité intellectuelle à saisir ces difficultés un peu trop subtiles à n'en pas douter pour ces jugements brutaux qui voudraient expulser ce qu'ils ne comprennent pas.
Evidemment il y a un relativisme multiculturaliste post-moderne et, comme toute idéologie qui se dégrade avec le nombre, la French Theory est effectivement d'une bêtise sans nom. Le caractère jésuitique de la dialectique a été dénoncée depuis longtemps mais il est trop facile de juger une pensée à ses plus stupides partisans. C'est la logique de l'exclusion bien décrite par Elias : on identifie l'adversaire à ses plus gros défauts et à ses plus mauvais éléments alors qu'on s'identifie à nos qualités et à nos plus grands esprits. Cela permet de justifier sa propre bêtise par celle supposée d'adversaires imaginaires.
Ceci dit, je suis très critique avec Derrida. Je ne suis ni un de ses grands lecteurs ou partisans, pas tellement déconstructionniste. La voix et le phénomène m'avait paru important, le reste un peu rabâchage peut-être et surtout sans issue (avec pas mal de complaisances et d'égarements) mais toujours très intelligent et enrichissant. Je suis plus proche de Malabou (et encore) mais il faut sans doute ne les avoir pas lus ou ne pas avoir vraiment pensé pour rejeter ainsi ces auteurs comme Sartre et Beauvoir qui nous parlent et dont certains arguments insistent, qu'il faut absolument connaître. Il ne s'agit pas de les prendre pour maître comme s'ils détenaient une quelconque vérité mais, se furent-ils trompés (pas tant que cela), cela n'empêcherait pas que leurs erreurs soient un moment du vrai...
La philosophie n'est certes pas un parti pris, c'est une lente réflexion. Ce qui est extraordinaire, c'est que tous ces philosophes de l'histoire, qui se contredisent (pas tant que cela) et s'exposent à se faire réfuter par le premier étudiant venu, restent d'une lecture absolument indispensables et enrichissante, sans lesquelles on ne penserait pas bien loin, pas plus loin que le bout de son nez ! (Je précise qu'il n'y a pas que la lecture des philosophes qui soit indispensable. Lao tseu, Confucius, certains bouddhistes zen et bien d'autres grands textes sont tout aussi indispensables, même s'ils ne tirent pas le même fil).
Nous pensons tous avant le bout de notre nez, mais ne commençons à voir qu'à partir du bout de notre nez ! Toc toc Lacan.
Cher Jean Zin en relisant des écrits anciens je trouve sur l'humanisme ces lignes (concernant Robert Antelme) :
« Ce qui est explicite dans ce livre, c'est la revendication fondamentale d'appartenance à l'espèce humaine, là même où le SS, incarnation du système nazi, veut arracher ou détruire la qualité d'être humain du déporté. C'est une résistance de base, première, antérieure aux formes politiques ou idéologiques de résistance, et qui porte en elle le noyau de tout véritable humanisme. Et dans ce sens, Robert Antelme régénère l'humanisme en se situant à ce qui constitue sa source première. Il énonce ce qui était sous-jacent dans l'humanisme : l'appartenance à l'espèce, notion ici qui n'est pas réduite au caractère biologique de l'humain, mais qui comporte indissolublement ce qui est dissocié dans les conceptions dominantes, âme, esprit et corps ; c'est dire qu'il concerne l'être humain dans sa totalité complexe. »
« Un second caractère admirable du message de Robert Antelme est qu'il lie la revendication d'humanité du déporté à la reconnaissance de l'humanité de son bourreau. Cette seconde partie du message nous élève à un niveau d'humanité qui est le seul vraiment humaniste et auquel arrivent peu d'humanistes officiels. Qu'il y ait source de cette élévation dans les Evangiles, qu'il y ait sa présence chez Dostoïevski et les Grands Russes qui ont eu intensément le sens de la possibilité de la rédemption du criminel, qu'il y ait cette source chrétienne chez Robert, cela me paraît certain. Mais il va au-delà de toute religion révélée, il se situe au niveau laïque, sans récompense, sans promesse divine, sans salut, d'une nécessaire magnanimité, d'une nécessaire capacité de pardon, qui seules peuvent nous faire échapper au cycle infernal de la vendetta et de la haine, cycle qui à nouveau ravage l'humanité en des points de plus en plus nombreux de la planète. Nos ennemis sont aussi humains. Nous devons comprendre que les bourreaux, les Staline, les Hitler, les Saddam, les terroristes de sectes ou d'Etat, les fanatiques hallucinés sont aussi humains, et que parmi leurs traits ignobles, ils ont aussi des traits d'humanité. Sinon nous obéissons à la logique qui est la leur ».
J'ai aussi distingué deux humanismes confondus en un, l'un celui de la reconnaissance de tout être humain comme son semblable, l'autre la déification de l'homme promis à conquérir la nature. Cet humanisme là à rejeter.
Cordialement E.M
Merci beaucoup pour ces rappels avec lesquels je suis en total accord mais cela m'inspire la nécessité d'une "situation de l'humanisme".
Il est certain que pour la justice le criminel fait partie de notre humanité, ce pourquoi son triomphe est d'en extorquer l'aveu. Le procureur suppose toujours la liberté de l'accusé pour pouvoir le condamner et lui ôter sa liberté. En fait, à vouloir cerner l'humanisme, plus encore qu'un autre concept, on se rend compte qu'il peut y avoir d'innombrables glissements de sens (pas seulement 2) et que, ce qui compte surtout, c'est le point de vue, la position d'où l'on parle. Lorsque c'est du plus dépouillé, plus que le prolétaire lui-même, l'universel touche l'admirable, ce qui ne tient pas aux attributs de l'homme mais bien à son humanité. Lorsqu'on est en position de pouvoir, ou même simple professeur, c'est une autre affaire de décider ce qui est humain. Le bourreau qui reconnaît l'humanité de sa victime ne lui donne pas le même sens que la victime qui reconnaît l'humanité de son bourreau. Il y a l'humanisme des vainqueurs et celui des perdants, de l'humanité triomphante et de l'humanité souffrante. Il y a aussi un humanisme de la différence et pas seulement du semblable ou de l'appartenance, le traumatisme de l'autre sexe tout aussi structurant, de notre être étranger, pas seulement de notre conscience de soi mais de notre interlocuteur. C'est pourquoi ce n'est sans doute pas sur le contenu de l'humanisme qu'il faut s'attarder que sur son utilisation politique, la stratégie mise en place, et ne pas se laisser abuser par un mot que chacun habille à sa façon.
On n'a jamais manqué d'idéalisme mais il y a une utilisation dangereuse des meilleures idées. Plutôt qu'une transformation personnelle, je défendrais une certaine personnalisation, une responsabilisation qui est mise en cause des personnes et de leur énonciation au-delà de leurs discours (d'où tu parles ? disait-on, ce qui agaçait mais n'était pas si mal vu). Bien sûr, ça aussi, c'est dangereux (les séances d'auto-critique!) mais ne pas tenir compte de l'énonciation est impossible, c'est refuser l'évidence et clairement une impasse : aucune définition de l'humanisme n'évitera son détournement plus ou moins pervers.
Il faut juger aux résultats, pas aux bonnes intentions proclamées. C'est un décentrement qui n'est pas facile mais incontournable et qui peut définir un humanisme attentif aux hommes réels, aux effets concrets d'une politique qui se fait en leur nom, au-delà du baratin qui peut être sincère jusqu'au fanatisme et se révéler tyrannique et dévastateur.
On pourrait avoir le soupçon d'ailleurs que l'humanisme tend à se substituer à une démocratie fondée sur elle-même dans l'arbitraire de sa volonté souveraine. On peut justifier qu'elle se donne des bornes mais là encore, il ne faut pas s'en aveugler jusqu'à se passer de démocratie. Il faut en juger aux procédures démocratiques elles-mêmes, à leur dévoiement au service des médias ou des marchands pour ne plus être que l'humanisme des droits de la marchandise et du consommateur.