Pour une écologie plurielle

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A mesure que les effets négatifs de notre industrie se font plus sentir, les préoccupations écologiques sont devenues incontestablement de plus en plus présentes dans nos sociétés, sans beaucoup de conséquences pourtant en dehors d'une transition énergétique bien engagée - qu'on doit surtout à la baisse des coûts du solaire. Cela a déjà permis une stagnation des émissions de CO2, c'est un début mais, ce qu'il faudrait, c'est les réduire drastiquement !

On est donc bien loin de compte. Les traités internationaux comme les accords de Paris ne doivent pas être sous-estimés ni dénigrés, ce sont des étapes essentielles, même si leur portée est très réduite à court terme. En face, les écologistes qui dénoncent ses insuffisances et alertent sur les dangers courus, ne sont pas pris au sérieux et loin de profiter de la popularisation de leurs thèmes, sont devenus à peu près inexistants, sauf exceptions (il n'est pas si facile d'avoir un rapport de force favorable). Les partis Verts ne sont pas dans un meilleur état que les partis sociaux-démocrates dans le contexte actuel, même si on peut penser qu'ils ont plus d'avenir, mais il faudrait pour cela qu'ils dépassent le carriérisme d'un côté et, de l'autre, le démon de la division groupusculaire qui donne priorité à la lutte entre écologistes sur les menaces vitales. Or, tant qu'on n'a pas prouvé qu'on pouvait faire mieux, ce n'est pas le capitalisme vert qui doit être notre cible, même si on ne peut absolument pas s'en contenter.

Ce n'est pas le moment en tout cas d'abandonner le combat politique et militant mais il faudrait s'entendre au moins sur ce que l'état des lieux a de dramatique, et d'abord sur l'échec collectif, aussi bien des politiques gestionnaires que des courants radicaux à changer la donne. Il n'y a pas lieu d'opposer les uns aux autres quand aucun n'a de résultat probant et que le temps presse. C'est un fait que ce qui est nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Alors que les pays les plus peuplés accèdent au développement capitaliste et que s'accélère la numérisation du monde, il faut bien admettre qu'on ne convertira pas du jour au lendemain la terre entière à une vie plus écologique. On peut tout au plus en donner l'exemple, ici et maintenant, avec des alternatives locales.

Sinon il faudra à l'évidence du temps pour aboutir à des traités satisfaisants et des mesures écologiques qui s'imposent. Ce n'est pas un terrain qu'il faut délaisser. On aura donc besoin de politiciens, ce qui est un métier, quoiqu'on dise, pas toujours reluisant, certes, ce qu'on n'ignore plus. Pour obtenir des avancées, les élus Verts ont besoin de s'appuyer sur l'opinion publique et sur les actions des écologistes contrecarrant le poids des lobbies. On a besoin d'une synergie entre gens très différents, entre élus et militants, au lieu de s'épuiser en critiques réciproques. Il ne s'agit pas d'être d'accord entre nous mais la division est trop contre-productive entre praticiens du possible (parfois trop timides) et ceux qui revendiquent avec raison la nécessité d'en faire beaucoup plus (parfois maladroitement).

Il faudrait arriver bien sûr à distinguer entre ce qu'on voudrait et ce qu'on peut obtenir, ce qui est toujours l'objet de débats interminables mais on a tendance à surestimer nos moyens au vu du peu de résultat de notre militantisme se limitant à faire valoir nos idées dans un petit groupe. Il ne sert à rien de faire assaut d'extrémisme et de belles utopies si on n'a aucune prise sur le réel, l'écologie n'est pas tant un idéal futur qu'une nécessité vitale dès maintenant. Il serait plus utile de s'interroger sur ce que peuvent les écologistes aujourd'hui, à tous les niveaux (local, régional, national, européen, global) pour combiner leurs potentiels de transformation. Se convertir ainsi à une pensée stratégique donnerait beaucoup plus d'efficacité à l'action des écologistes mais cela ne peut signifier pour autant abandonner toute radicalité et se convertir à la politique gestionnaire. C'est juste qu'il est complètement vain de se cantonner dans le rôle protestataire, sans débouché politique, quand tout s'écroule autour de vous. La radicalité doit pouvoir par contre s'exprimer ouvertement et s'expérimenter dans des alternatives locales qui ne sont pas de simples dérivatifs, encore moins un repli sur soi alors que ce sont les bases d'une incontournable relocalisation et la préfiguration de la société future.

Ces alternatives locales n'intéressent pas beaucoup les politiques qui rêvent de grands soirs ou de grandes lois mais je reste persuadé qu'il faut réévaluer leur importance. Le projet écologiste devrait être construit sur le local, relayé par les autres niveaux qui sont aussi importants bien sûr et doivent être mis en cohérence, dans la mesure de nos moyens. Il devrait être clair pour un écologiste qu'il est impossible de négliger une relocalisation de l'économie devant équilibrer la globalisation marchande. Cela ne se fera pas d'un coup de baguette magique, sans notre participation active. Se recentrer sur une "écologie communale" (avec des monnaies locales et des coopératives municipales par exemple) pourrait permettre de reconstruire un écosystème écologiste et une écologie politique plurielle, moins idéologique et moins marginale (mais ce serait plus facile en Angleterre ou aux USA que dans la France jacobine) ?

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