Et si tout ces bouleversements finissaient par s’arrêter ?

Temps de lecture : 8 minutes

   Vers la fin de l'histoire
Les transformations s'accélèrent sur tous les plans. On ne sait jusqu'où ça peut aller, ayant tant de mal à suivre le rythme, mais, en fait, ce qui se passe, c'est plutôt qu'un monde s'écroule et qu'un autre le remplace. L'accélération technologique n'est peut-être que passagère (et manifestant déjà un certain ralentissement ?), non que les progrès techno-scientifiques puissent jamais s'arrêter mais ils pourraient perdre de plus en plus leur caractère "disruptif" bouleversant l'organisation sociale à mesure qu'une nouvelle organisation se met en place.

L'argument de Francis Fukuyama contre une fin de l'histoire qu'il avait proclamée de façon un peu trop précipitée, c'était que le progrès technique l'empêchait. Ce qu'on peut contester. Certes, nous sommes effectivement très loin encore d'une fin de l'histoire qui n'arrivera pas avant une véritable unification du monde, l'Etat universel et homogène qui est en route depuis la fin du communisme mais est loin d'être achevé (on peut encore en voir des vertes et des pas mûres d'ici là). Préparant cette unification, nous devrions cependant connaître assez rapidement, sur la Terre entière, une adaptation au numérique qui, une fois effective, sera sans doute très durable. Au début tout est à inventer mais une fois les monopoles en place, ils sont presque impossibles à déboulonner et figent les positions. C'est le paradoxe qu'il faut souligner que puisse succéder à notre période de transformations accélérées une longue période de stabilité - un peu comme après la mise en place du Néolithique - et non une singularité exponentielle. Ainsi, notre révolution permanente actuelle ne serait pas forcément le lot de la modernité pour toujours mais seulement du basculement dans l'ère du numérique, du passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information.

Il y a une analogie frappante avec la Physique qui a connu coup sur coup deux grandes révolutions, initiées d'ailleurs toutes deux par Einstein en 1905 et bouleversant les esprits pendant tout le siècle, mais qui semble désormais être devenue inébranlable. En effet, plus on avance dans la connaissance, plus la science en est solide, de moins en moins facile à remettre en cause. Au début de grandes découvertes ont constitué de véritables ruptures mais, à la longue, la masse des faits a donné une très grande inertie au "modèle standard". Ce n'est pas le cas pour la préhistoire, par exemple, basée sur de trop rares données et qui se réécrit en permanence, mais, dans la physique actuelle, le prix à payer devient très élevé d'une transgression de ses lois. Il est possible d'espérer une simplification, une méta-théorie (une grande unification) mais pas de changer significativement le résultat de tant d'expériences. En tout cas, depuis les révolutions des débuts et du milieu du XXème, la science normale a repris le dessus ne faisant que confirmer le modèle standard. Les changements de paradigme du passé pourraient bien se faire beaucoup plus rares à l'avenir même si on est enclin à penser le contraire. On peut comparer aux supports d'enregistrements, à la longue suite de révolutions depuis les disques vinyles (bandes magnétiques, cassettes, CD), mais une fois numérisé, seul peut changer le format du fichier enregistré devenu indépendant de son support.

Il ne sert peut-être à rien de se projeter à trop long terme alors que notre situation immédiate est toute autre mais il me semble qu'on peut prendre pour hypothèse au moins la possibilité qu'on s'achemine vers une certaine stabilisation après la phase d'équipement et l'adaptation des institutions ou des rapports sociaux au nouveau monde numérique. S'appliquerait alors dans le temps aussi cette loi des réseaux : "le premier rafle tout" (Google restant à la pointe de l'innovation dans tous les domaines). Il y aura toujours beaucoup de mouvement à la marge mais ce qui pourrait changer, c'est l'importance des changements et, peut-être même, la fin de la croissance car une fois toute la population équipée, le temps d'attention n'est plus extensible. On n'y est pas du tout encore, ou plutôt cela ne fait que commencer, les éléments se mettent en place. Pour nous, c'est toujours le grand chambardement qui n'est pas près de s'arrêter mais, par exemple, on peut penser qu'une fois un revenu garanti institué (c'est pas fait!), ce serait un facteur stabilisant important. La nouvelle économie ayant besoin d'autonomie et de compétences spécialisées exige une individualisation des parcours fortement entropique, ce qui lui donne une grande inertie et limite beaucoup les capacités de changements globaux, tout comme d'empêcher les mélanges. De même, plus le local prendra de l'importance et moins on pourra agir de façon centralisée, l'ordre global devenant à peu près immuable. L'agitation pourrait bien continuer de façon très localisée mais sans affecter les grandes tendances. Des combats pourront être menés pour améliorer tel ou tel point mais sans réel impact global le plus souvent. Il y aura sûrement des mouvements planétaires voulant prouver le contraire, qu'ils y arrivent est plus douteux.

C'est un malheur, disent les Chinois, de vivre dans des temps intéressants mais, ce monde en gestation vers lequel nous nous dirigeons pourrait être appelé à durer ? Dans ce cas, on devrait pouvoir le penser, penser notre futur, pour s'y adapter du mieux qu'on peut, sur un autre mode qu'un devenir éternel et plutôt celui d'un basculement par étapes vers un monde numérique globalisé - ce qui n'exclut pas qu'il soit divisé, qu'il y ait un altermonde cohabitant avec la globalisation marchande, chose absolument essentielle (et permise par le numérique).

Même si on ne peut exclure d'autres basculements, se diriger vers un point fixe à long terme change les perspectives. Ce prospectivisme est à l'opposé de la construction de sa petite utopie formant le monde à sa convenance puisqu'il faut au contraire essayer de comprendre les mesures qui s'imposeront au regard de la globalisation en cours et des évolutions du travail ou de la prise en compte de la dimension locale du développement humain, avec toutes les potentialités des applications mobiles, entre autres. On commence à savoir que le revenu garanti devrait faire partie de la panoplie ainsi que des monnaies locales, j'ai plus de mal à faire entendre qu'il faudrait y joindre les institutions du travail autonome et du développement humain que j'appelle des coopératives municipales.

On ne voit bien sûr aucun parti suivre cette voie, tous englués dans le passé (et il n'est pas possible qu'il en soit autrement), accrochés à des droits qu'il faut reformuler au moins, au lieu de défendre les nouveaux droits dont on a besoin, non pas qu'il leur faudrait une vision de la société - on n'en a pas le pouvoir - mais une vision à long terme des droits sociaux et du développement humain, une égalisation entropique là aussi. Certes, la majorité est encore sous l'ancienne loi et tient à son CDI comme aux anciennes idéologies, mais c'est seulement en parlant d'avenir ainsi qu'en soutenant les plus faibles et en libérant l'énergie des jeunes qu'on pourrait ringardiser les réactionnaires. Pas besoin de vouloir cette société qui vient, l'Empire universel ne nous demande pas notre avis, mais on a besoin d'en être protégé, de pouvoir y vivre et valoriser nos compétences, on a besoin de pouvoir compter sur l'avenir pour fonder une famille comme pour entreprendre ou se former, c'est l'intérêt de tous.

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80 réflexions au sujet de “Et si tout ces bouleversements finissaient par s’arrêter ?”

  1. Comment risque d'évoluer le rapport oligarchies off-shore et pouvoirs politiques régionaux? Certains pensent que les oligarchies ont capté le pouvoir. D'autres pensent que les états ont encore largement les moyens de dominer ces forces pirates (Piketty dit ça dans cette très longue conférence, avec quelques éléments de preuve).
    Le "lavage des tablettes" devra bien se faire d'une façon ou d'une autre.
    Pour le moment, les tentations nationales autoritaires prennent de la puissance et ne me semblent pas très favorables à une facilitation du développement humain, le travail autonome....

    • Je ne crois pas aux variantes des théories du complot qui prétendent que ce sont les oligarchies qui nous gouvernent, non pas que ce soit faux mais parce que cela en fait un événement arbitraire alors qu'il faut y voir le résultat du fonctionnement économique actuel. Les Etats doivent toujours tenir compte des puissances économiques mais s'ils ont bien les moyens de réprimer la fraude, ils ne l'ont que par rapport aux autres Etats, notamment le plus puissant. La tentation du national me semble aussi inéluctable que la nostalgie du religieux mais l'expérience devrait se faire assez vite de son inanité fac aux forces en jeu, permettant peut-être de prendre au sérieux notre entrée dans l'ère du numérique.

      • au passage, je pense qu'on ne doit pas sous-estimer - vous le rappeliez vous même en affirmant le rôle actif de l'idéologie dans les rapports de domination - le poids énorme de l'oligarchie en matière de contrôle de l'information (et précisément lorsque l'on parle du rôle stratégique du numérique) et donc de contrôle des pouvoirs. J'aime souvent à rappeler et me rappeler deux citations: l'une émane de P. Bourdieu qui à juste titre accuse les journalistes des grandes chaînes d'être des militants sans le dire (le problème n'étant pas qu'ils soient engagés -tout le monde est embarqué/engagé/en situation, mais qu'ils militent sans le dire au prétexte de l'objectivité). Il nous faut donc dénoncer sans relâche les militants-journalistes qui présentent le journal de 20h. L'autre émane du philosophe M. Benasayag, qui s'interroge sur la justesse du fameux proverbe chinois: "lorsque le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt". En fait, l'idiot a raison affirme M. Benesayag, il faut s'interroger sur la fenêtre médiatique qui nous montre le monde. Je suis aussi du côté de l'idiot, lorsque je constate que 95% des médias français par exemple sont aux mains de 8 oligarques (P. Drahi, B. Arnault, F. Pinault, V. Bolloré, M. Pigasse, M. Bouygues, Lagardère, S. Dassault).

      • Le caractère désormais oligarchique de la politique est désormais prouvé scientifiquement pas l'étude de princeton à ce sujet: https://scholar.princeton.edu/sites/default/files/mgilens/files/gilens_and_page_2014_-testing_theories_of_american_politics.doc.pdf. Je le dis de manière péremptoire pour faire court mais cela me semble difficilement contestable.

        Quant aux complots, les complots existent et ils ont toujours existé donc il me semble exagéré sous prétexte que des gens défendent des théories fumeuses d'exclure des scénarios de complots qui sont plus exactement des convergences d'intérêts car il n'y a pas besoin de complots quand il y a convergence d'intérêts. Pour prendre un exemple on peut penser aux actionnaires dans une société qui agissent contre l'intérêt de la majorité des employés ou les détenteurs de dettes d'états qui agissent contre les citoyens des états.

        Les états ont les moyens de réprimer la fraude essentielle, celle des paradis fiscaux, qui existe pour diverses raisons (accors bilatéraux multiples, principe de souveraineté, structure oligarchique de la création monétaire qui encourage à la source les placements dans les paradis fiscaux) mais cela demande l'étude sérieuse de propositions avancés par des universitaires des grandes universités anglo-saxonnes comme l'idée d'un quantitative easing for the people. C'est-à-dire qu'il faut des changements radicaux, en profondeur.

        AU sujet de la fin de l'accélération technologique (L'accélération technologique n'est peut-être que passagère (et manifestant déjà un certain ralentissement ?), il est certain que le progrès technique suit des courbes en S mais ces courbes suivent dans l'histoire, dans la longue durée, des courbes exponentielles. Par ailleurs il est très peu probable qu'un ralentissement arrive dans les 5 à 10 prochaines années du fait des technologies qui sont dans le pipeline (intelligence artificielle, blockchain, imprimantes 3D, réalité virtuelle,...) mais aussi pour une raison démographique évidente qui est que la Chine et l'Inde sont en train de basculer ves des économies d'innovation. L'inde pr le programme startup standup et la Chine pour des raisons d'évolution du modèle économique vers plus de valeurs ajoutés et des programmes politiques de startup et d'entrepreneuriat. Le ralentissement pourrait venir de la concentration inédite des richesses dans le monde pour diverses raisons (automatisation, création monétaire actuelle clairement oligarchique,...). Il pourrait donc y avoir une crise de la demande qui freine l'économie mais même ce scénarion risque d'amener, comme à New York et à Londres, une accélération de création de startups souvent disruptives encouragée par les états et par des employés obligés de se reconvertir, laquelle augmentation des entreprises de disruption devrait provoquer encore plus la baisse de l'emploi et donc de la demande. DOnc le rythme devrait s'accélérer du fait de ce cercle vicieux ou vertueux.

        Voilà, je ne précise que mes désaccords car mes accords sur le reste sont moins intéressants mais l'article est très stimulant, comme d'habitude.

  2. Oui, on peut tout à fait considérer que nous vivons un épisode de transition, mais nous n'en sommes qu'au début et plutôt à une phase de déni. Pour l'instant nous n'avons pas enregistré les impacts réels des changements technologiques qui ont pourtant engendré tant de bouleversements au niveau des moeurs et des comportements.
    Nous allons au contraire vers des phases de désordre de plus en plus grand je pense, sauf si nous arrivons à organiser le changement (c'est à dire l'accepter déjà) ce qui s'est rarement vu dans l'Histoire. On peut par exemple considérer l'ère Meji au Japon, qui a conduit le changement de manière impressionnante, ou la Chine qui réussit à ne pas éclater pour l'instant... mais tout ça débouche tout de même sur une grande brutalité et surtout le changement se fait relativement à un schémas défini par d'autres ; là nous aurions tout à inventer. Je m'attends plus à quelque chose du genre de la Guerre de Cent Ans, qui débouche bien sur des organisations assez originales (nation, capitalisme, industrie). Les désordres au moment de la révolution du néolithique ont dû être très importants, mais peu centralisés et non coordonnés nous avons sans doute du mal à bien les suivre.

    Nous nous retrouverons sans doute un jour dans une nouvelle civilisation, stabilisée. Et nous dirons alors que les choses ont toujours fonctionné de la même façon (comme aujourd'hui quand on dit que le capitalisme a toujours existé), incapables de penser l'altérité, et nous reparlerons de la Fin de L'Histoire, avant que, à nouveau, l'Histoire nous rattrape. La Fin de l'Histoire étant aussi vieille que l'Histoire elle-même j'ai beaucoup de mal à y croire, même pour un avenir lointain : nous pourrions peut-être parler d'horizon.

    • D'accord sur le désordre et la brutalité à court terme. Je pensais moi aussi l'idée d'une fin de l'histoire impossible même si elle avait un fort pouvoir heuristique chez Kojève (mais impliquait une incompréhensible fin du temps chez Hegel). Tout dépend bien sûr de ce qu'on appelle fin de l'histoire, ce qui est toujours la fin d'une histoire seulement si le temps continue à couler. Ce n'est peut-être pas assez clairement dit dans l'article mais la fin de l'histoire envisagée ici procède de la conjonction d'un effet de masse et du caractère entropique d'un libéralisme impliqué par l'individualisation des parcours.

      On pouvait à l'échelle de la cité choisir son mode de gouvernement (comme on peut toujours s'organiser au niveau local), on a cru qu'on le pouvait à l'échelle de la nation jusqu'à ce qu'on se heurte aux réalités qui dépassent les frontières et que le collectivisme s'effondre. Quand on considère le capitalisme mondial avec les USA d'un côté et la Chine de l'autre, impossible de croire qu'on puisse changer une telle masse. Plus cette masse est connectée et individualisée, plus elle est fluide et complexe, moins on peut y changer les effets globaux.

      Si notre échelle est celle de l'Empire globalisé, on n'y a pas plus de poids qu'un citoyen de l'Empire Romain. S'il n'y a plus d'extérieur et qu'on est unifié par les mêmes outils numériques, il me semble effectivement possible que cela arrête le temps d'une certaine façon. Il me semble tout de même probable (souhaitable) qu'on puisse y construire un altermonde dont la dialectique avec le monde marchand pourrait continuer l'histoire mais sous une forme très différente alors.

  3. Bonjour Jean,

    Avec cet article, je vois que si j'ai rencontré votre blog récemment, il me sollicite grandement (thème, problématiques que vous soulevez, ainsi que vos questionnements et convictions).

    Connaîtriez-vous Gérard Foucher, et Francis Cousin ?

    L'un s'est engagé dans une clownerie sérieuse après avoir compris le fonctionnement de la création monétaire (outre son Mini-show, il relaie tout un tas d'infos dans son journal hebdomadaire du Dividende Universel, ainsi qu'un autre intitulé Liberté hebdo / parution le samedi),
    l'autre œuvre sur les traces de Marx et rêve d'abattre argent et État...

    https://www.youtube.com/channel/UCQd75ZLzUNxB5-nkbKmxvmA

    https://www.youtube.com/channel/UCQd75ZLzUNxB5-nkbKmxvmA

    Votre avis me rend curieuse,

    Merci si vous avez le temps d'y jeter bien davantage qu'un œil !

    Amicalement,

    • Non, je ne recommande pas du tout ces vidéos. Francis Cousin est un dangereux paranoïaque, d'autant plus qu'il récite du Marx et du Debord au profit de l'extrême-droite et d'un complotisme anti-américain. Voir comment un discours critique se transforme en interprétation mécanique, très bien maîtrisée, d'une logique implacable, peut être un sujet d'étude mais ce baratin (où il y a beaucoup de vrai) est tout ce que je combats en m'attachant aux puissances effectives qui n'ont pas besoin de comploter dans l'ombre pour imposer leur loi.

    • Gérard Foucher me semble beaucoup moins dangereux, il a même l'air sympathique, mais cela n'empêche pas que sa conception de la monnaie et des banques tende vers le complotisme tout comme "l'argent dette" que j'avais critiqué il y a longtemps :

      http://jeanzin.fr/2008/11/02/l-argent-dette-un-monetarisme-de-plus/

      On est là dans les égarements qui renforcent l'impuissance politique (si les Suisses votaient pour la "monnaie pleine", ils en subiraient les conséquences négatives au lieu des bienfaits supposés).

      • Merci beaucoup Jean.

        Je développe ma propre pensée et les deux personnes pour lesquelles je vous ai demandé votre avis revêtent un rôle important pour moi, à une place bien précise (et j'espère juste). Je vous rejoins donc en partie sur votre analyse rapide.

        Le complotisme, l'antiaméricanisme sont à regarder de très près, pour autant. Et même la paranoïa.
        Ils sont si vite argumentés pour déconsidérer l'auscultation des faits. J'en suis là..

        Ayant rencontré récemment, un peu avant votre présent blog, celui du loup dit Blogalupus, où Bruno Bertez intervient notamment, j'observe avec attention tous les emportements et les convictions.
        Tâchant de garder raison.
        Et mes propres convictions !
        Évitant le sur-intellectualisme (qui m'effraie littéralement).

        Captivée par la relation Humain / Nature (et l'expérimentant autant que je peux, par un choix de vie très engagé, et donc avec des coûts), j'ai du mal à souscrire à certaines de vos pistes pour l'instant (travail autonome, revenu de base en seuls exemples).

        J'aimerais avoir le temps d'entrer davantage dans votre travail... Ce sera tranquillement assurément, car vous argumentez, et je vous vois là où je m'interroge.

        Au plaisir de vous lire.

        Vous fournissez un travail incroyable !

  4. "(...) peut-être même, la fin de la croissance car une fois toute la population équipée, le temps d'attention n'est plus extensible."

    Vous évoquez ici plutôt la minorité vivant en Occident ou dans les régions dites riches du globe, c'est à dire les classes "moyennes" non ? Il y a tout de même d'énorme investissements à réaliser en matière d’infrastructures de base dans la majorité des endroits du globe. Je parle ici des besoins fondamentaux: santé, éducation, transports. Par ailleurs, je vois encore mal comment vous articulez le point de vue local avec une politique de développement nécessaire des services publics, que vous n'évoquez quasiment pas.

    • (suite) Et d'ailleurs lorsque l'on voit des pays dits riches comme les USA, où une partie de la population ne peut même pas se soigner, ne dispose pas d'infrastructure élémentaire en matière de transports, couverture médicales, éducation, je me dis que nous sommes loin du compte. Je suis plutôt du côté des "décroissants", mais cela dit j'entends les arguments de ceux qui parlent de croissance non productiviste.

    • Je ne suis pas vraiment du côté des décroissants mais de l'alternative et je ne parle pas du tout de l'immédiat ici, il y a certes encore du travail (mais la Chine par exemple est en suréquipement d'infrastructures, pas l'Afrique bien sûr). Je parle du fait que l'économie numérique n'est pas extensible.

  5. Il est absolument impossible de garder des commentaires de cette taille que je vais donc retirer. Si vous écrivez des articles, publiez les sur votre blog, on mettra un lien.

    Il est quand même comique de prétendre que notre chômage en France (ou dans le sud de l'Europe) soit dû aux robots alors que notre caractéristique est justement qu'il n'y a presque pas de robots chez nous, qu'on est très en retard (et on peut toujours prétendre que nous n'avons pas plus de chômage que les autres, on appelle cela la dissonance cognitive). Les raisons du chômage sont en grande partie budgétaire comme il est encore plus clair en Espagne ou en Grèce, il y a aussi la préférence pour les insiders et le refus des petits boulots qui existent quand même. Il est tout de même assez comique de prétendre que la RTT (à laquelle j'ai cru) serait une solution alors que nous faisons la démonstration du contraire puisque nos 35h nous plombent au lieu de faire diminuer le chômage (sauf au moment de leur mise en place mais cela ne dure pas) ! C'est d'autant plus idiot que nous allons vers un travail non salarié et des contrats par objectif ne se mesurant plus par le temps.

    Enfin Jeremy Rifkin a été mal traduit, il ne parlait pas de fin du travail mais de fin des emplois. Il est certain que le travail se transforme complètement, que les emplois salariés diminuent, que presque tous les emplois actuels seront automatisés mais cela n'empêchera pas qu'il y aura toujours beaucoup de choses à faire (contre l'entropie universelle), ce n'est pas le travail qui manque mais uniquement le revenu pour le financer. Je renvoie à l'article précédent "travail=revenu".

    Même si l'automatisation crée un chômage frictionnel de masse au moment de la transition, il est d'autant plus stupide et contre-productif de parler d'une fin du travail que l'urgence, c'est de s'adapter aux transformations du travail au contraire (en créant les institutions du travail autonome). On ne peut à la fois dire qu'il n'y a plus de travail et se préoccuper du travail du futur, il faut savoir. On vit effectivement un grand bouleversement mais le monde qui disparait est remplacé par un autre, notamment pour le travail, les services qu'on peut se rendre, pas par un grand trou noir et le fantasme d'une société entièrement robotisée. Le rôle de l'école est effectivement essentiel pour cela mais pas s'il n'y a plus rien à faire...

    • Il est assez navrant de constater que vous employez des épithètes telles que « comique », « idiot » ou « stupide » lorsque vous n’êtes pas d’accord avec votre contradicteur. Tout aussi navrant, votre incroyable cécité lorsque vous déclarez :
      « Il est quand même comique de prétendre que notre chômage en France (ou dans le sud de l'Europe) soit dû aux robots alors que notre caractéristique est justement qu'il n'y a presque pas de robots chez nous ».
      Il faudrait tout de même s’entendre sur le terme « robot ». Le but de mon article n’était pas de prouver que la France est peuplée d’humanoïdes qui nous remplacent peu à peu, mais de prouver que les progrès techniques détruisent l’emploi. Et je pense avoir été sur ce point assez exhaustif. Autre point essentiel (et vous semblez ne pas avoir lu correctement), j’explique également que les politiques économiques expliquent une partie du désastre actuel, ce qui va dans votre sens : il est évident que la Grèce et l’Espagne n’en seraient pas là s’il n’y avait pas eu les politiques d’austérité imposées par la Troïka. Mais j’explique également que dans les pays prétendument vertueux, le plein emploi est une vaste fumisterie. Quant à votre remarque sur les 35 heures, on ne s’attendait pas à voir ressurgir ce genre de poncif cher à la droite… Pensez-vous sincèrement que les pays où il n’y a pas de durée légale du travail s’en sortent mieux que la France ? Quant au fait l’on travaillera dans le cadre d’un travail non salarié, avec « des contrats par objectif ne se mesurant plus par le temps », vous célébrez votre propre idiotie (à ce titre, pour un prétendu philosophe, je trouve que vous êtes incroyablement méprisant à l’égard de l’autre) puisque vous déclarez dans le même temps que « nos 35h nous plombent au lieu de faire diminuer le chômage ». Pour conclure sur ce point, les objectifs dont vous parlez seront simplement remplis par des machines, logiciels ou robots et le travail non salarié ne sera aucunement préservé.
      Quant à vos deux derniers paragraphes, ils sont remplis de contradictions affligeantes, avec quelques perles comme « le chômage frictionnel de masse ».

      • J'ai une amie qui est caissière à Auchan: sur 7h de travail par jour en une après midi, le temps de pause est de 10 à 20mn.

        Pour ma part, je continue à souhaiter que la majorité des travailleurs aient du temps en dehors des obligations du travail, pour lire, contempler, poétiser le monde, se promener.

        Avec une vision implicitement bloquée à 40h/semaine, doit-on laisser la spiritualité à une minorité d'artistes et/ou de philosophes et poètes, tandis que d'autres restent prisonniers de la spécialisation ?

        Que tout cela (la lecture, le temps pour réfléchir, du temps pour l'authenticité, pour l'amitié, pour l'amour aussi) ne soit pas que le privilège d'une minorité.

        Numérique ou pas, cela reste pour moi une boussole, et je sais que si javais travaillé en caisse à Auchan, je n'aurais jamais ouvert un livre de poésie.

        Cette question anthropologique du temps pour soi, du temps non utilitaire, reste fondamentale.

        • (suite) le propos vaut également pour un ingénieur qui fabriquera des robots destinés aux caisses automatiques ou à la fabrication industrielle. La spécialisation liée à l'économie numérique celle du consommateur ou du producteur, accorde t-elle du temps pour la lecture par exemple ? Je ne le pense pas.

    • Il n'est pas trop étonnant que Davos, un MEDEF mondial, sous-estime ce phénomène car cela impliquerait une remise en question du modèle économique du fait de la baisse de l'emploi et donc de la demande. Il est à noter que toutes les autres études que j'ai lues se situent entre 30% et 70% de pertes d'emplois dans les 10 à 20 ans et Davos se situe plutôt à environ 0.1%. Ils sont dans le court-terme et à court-terme le phénomène est un avantage avec la baisse des salaires. Donc ils profitent du jackpot pour les cinq prochaines années afin d'augmenter les bonus et les profits et ils ne sont pas dans le long terme pour l'essentiel. On peut remarquer que le seul homme d'affaires important qui parle de disparition de l'emploi est Bill Gates qui ne dirige plus d'entreprise.

      • http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/021628148719-la-4e-revolution-industrielle-aura-de-lourdes-consequences-sur-lemploi-1193231.php

        La révolution du numérique ou l'automatisation avec des invités comme McAfee et Brynjolfsson est au centre du sommet de Davos. Le message de Davos est celui du World Economic Forum, à savoir une disparition de 5 millions d'emplois pendant les cinq prochaines années dans quinze pays dont la Chine, le Brésil,...

        Ce qui me frappe:

        Les autres analyses d'universités comme Oxford, de cabinets de conseils comme Roland Berger prévoient entre 30% et 70% avec donc une moyenne de 50% de perte d'emplois, c'est vrai à plus long terme, dix à vingt ans mais la différence est conséquente puisque 5 millions rapportés à environ deux milliards (Chine, Brésil,...), cela ne fait que 0.25% de perte d'emplois dans les cinq prochaines années.
        Pourquoi consacrer largement le forum de Davos de cette année à un phénomène qui ne concerne que 0.25% des emplois pour les cinq prochaines années?

        C'est là que l'étude de Princeton est intéressante. On a tout simplement une élite économique mondiale dont le principal message est "on est conscient de l'arrivée du numérique mais tout va bien, il n'y a pas à changer le modèle,". Bref, le mot d'ordre est "business as usual". C'est une stratégie qui consiste à défendre ses intérêts souvent à très court-terme pour dissuader les mouvements alternatifs comme le revenu universel.

        Comme les dirigeants sont conscients du phénomène et ressemblent un peu à un sommet mondial de librairies en 1999 ( je force évidemment le trait), ils vont probablement prendre plus de risques pour gagner un maximum d'argent avant que leurs "business models" ne s'effondrent.

        Mince, on va dire que c'est un raisonnement complotiste/idéaliste/... Ils défendent leurs intérêts, souvent à court terme car ils sont souvent mandatés à court terme. Mais leurs intérêts sont généralement opposés ou peu corrélés à ceux de la majorité dans le monde actuel du fait des paradis fiscaux et de leurs bonus à court terme.

  6. Un petit peu d'aide braves gens. Jean Zin nous dit que le local seul peut nous sortir de l'embarras (euphémisme matinal et primesautier, j'en conviens, mais c'est nerveux!) et que tout va bien se passer quand tout se sera bien passé et que le réel sera devenu rationnel parce qu'il l'était déjà et qu'il suffisait pour le savoir qu'on le sache. Alors moi, voici ce que j'ai compris parce que je suis sans doute très con. Le monde dans sa globalité ne prend pas le chemin du local et reste voué à l'hégémonie des possédants quoi qu'on puisse en dire mais comme il est effectivement très exact que c'est la technologie qui préside aux changements depuis longtemps, alors nous serons sauvés par la globalisation du numérique et la ruse de la raison de nous mener tout droit au triomphe...De la raison. Dans l'histoire de la philosophie, il me semble qu'Hegel a mis fin à la dialectique commencée avec Platon mais il me semble que Max Stirner a lui-même mis fin à philosophie. Or, je vois dans la philosophie de Stirner bien plus d'atouts pour revenir au local que chez Hegel ou Marx et je sens bien déjà qu'on va émettre une critique souveraine pour me ramener dans le droit chemin. Ce qui me convient d'avance.

    • Je n'ai pas lu Stirner. Pour le local, il me semble que les propositions de Jean ZIn sont appropriées: monnaies locales, coopératives municipales, le revenu inconditionnel aussi devrait donner plus de temps aux gens pour s'occuper du local par des associations et renouer des liens,...

      Mais l'intérêt du local repose surtout selon moi dans le principe de subsidiarité, chaque zones territoriales possède suffisamment d'indépendance pour expérimenter. C'est là l'intérêt principal qui devrait réconcilier des gens de gauche ou des écologistes car alors les expériences (monnaies locales,...) peuvent être comparées scientifiquement entre les zones et plutôt que de débattre sans cesse pour savoir quel est la meilleure forme de revenu de base,..., l'on aurait des données scientifiques et les différents mouvements seraient représentés au niveau local. Ce serait là la mise en application de la formule "agir local, penser global" dans la mesure où la pensée globale naîtrait justement de la confrontation des modèles locaux.

      Mais je reste persuadé qu'il est fondamental de sortir du dogme monétariste friedmanien actuel selon lequel l'argent est créé en haut de la pyramide par les banques centrales et commerciales et de réfléchir comme les anglo-saxons à un quantitative easing for the people. Sans une telle mesure, il n'y aura jamais suffisamment d'argent au niveau local et il sera toujours concentré au niveau mondial dans une oligarchie largement financière. Maintenant que les rapports de la banque d'Angleterre à ce sujet ont été écrits, il faudrait être moins frileux et ne pas se passer d'un tel outil démocratique qui par ailleurs est sans doute le meilleur moyen de lutter contre les paradis fiscaux. Il ne faut pas être masochiste, il n'y a pas de raison pour que l'argent créé soit créé au niveau des banques. Mais c'est peut-être un bon exemple du principe de subsidiarité, si une zone souhaite appliquer cette mesure, alors elle pourrait être appliquée et étudiée scientifiquement, expérimentalement. C'est selon moi la cause première de la montée des inégalités qui est sans doute sans précédent (rappelons, d'après le scientific american, *20 en 30 ans sans prendre en compte les paradis fiscaux et quand on lit les rapports de Zucman à propos des paradis fiscaux, c'est consternant). Il faudrait des débats sérieux à ce sujet, sans tomber dans l'anathème (complotisme, utopisme,...).

      • Pour le local, Jean a entièrement raison et c'est d'ailleurs pour ça que je viens sur ce site régulièrement pour m'abreuver à sa lumière. Ce que je voulais dire c'est que nous ne prenons pas le chemin du local. Donc, si le local est une alternative (il l'est!) et que nous ne prenons pas le chemin du local, que reste-t-il comme alternative sachant qu'au bout du compte il n'est pas qu'une alternative mais, et je dis ça parce que je parcours les textes que Jean met à notre disposition et qu'il en découle mon ultime conviction qu'il est la SEULE alternative, que faut-il en conclure ?

        • Je suis d'accod avec vous et avec Jean mais là où mon "analyse" diffère, c'est que je pense que pour réaliser une politique locale, il faut avoir un pouvoir local et donc de l'argent local, c'est-à-dire une création monétaire démocratique (QE for the people) qui puisse irriguer l'économie locale. Si la création monétaire (publique ou privée) est de type centralisée, l'organisation politique le sera aussi. La création monétaire structure la politique. Si l'argent vient de l'état, de l'Europe, de la BCE ou de banques privées internationales, on ne peut pas faire vraiment de politique locale. Les décisions dépendront toujours de l'oligarchie qui crée l'argent. C'est aussi le problème de la réinstauration de la démocratie qui scientifiquement, n'existe plus, il y a de nombreuses études de premier plan à ce sujet. C'est là tout le problème selon moi.

  7. Je suis assez consterné par les malentendus et l'impossibilité de faire entendre un point de vue matérialiste. Il semble que tout le monde cherche des explications idéologiques au mal ou mette en cause des personnes sans pouvoir accepter qu'il y ait des causes plus matérielles. Je n'ai jamais nié que les oligarchies soient au pouvoir, cela a toujours été le cas (désormais est de trop). Ce que je dis, c'est que ce n'est pas cela qui est déterminant. Comme le voient les Tunisiens, de s'être débarrassés du dictateur ne les a pas débarrassés des mêmes puissances sociales. Il y a des complots mais ceux qui réussissent, souvent ouvertement (ce ne sont pas de vrais complots) s'appuient sur des forces matérielles, il n'y a pas d'arbitraire. C'est là-dessus que je veux attirer l'attention pas sur un prétendu optimisme qui n'est pas mon fort. Qu'une nouvelle organisation sociale se stabilise n'est pas optimiste pour les tenants de la singularité et d'une accélération exponentielle dont c'est la contestation. J'essaie de me projeter dans le futur de façon hypothétique pas de prophétiser ni imaginer pouvoir en décider.

    Le problème, c'est qu'on ne peut s'empêcher de faire du monde le résultat d'une décision et chercher quelque moyen magique de guérir par des mots des problèmes matériels qui résistent à notre volonté ou simplement d'empêcher de dire quelques vérités qui crèvent les yeux mais qu'on s'honorera de nier contre toute évidence. Je dois dire que, ce qui a achevé de me déprimer, c'est la lecture d'un article sur la conversion d'André Gorz dans les toutes dernières années de sa vie à une critique de la valeur que je trouve aussi idéaliste qu'absurde (là on serait vraiment sauvé soi-disant). Le problème, comme pour les théories du complot, c'est qu'on part de choses vraies. Les vérités servent souvent à mentir (le menteur a besoin de dire des vérités). Il y a de nombreuses théories dont la force et la vérité nous fascinent, surtout quand elles flatte nos espérances, alors que ce sont des délires logiques. La physique est un bon exemple là-dessus, avec des théories absolument convaincantes et qui se sont révélées fausses (infirmées par l'expérience). Ce n'est pas assez su (5). En politique, s'imaginer savoir parce qu'on récite un catéchisme est une question de dignité, on préférera se faire tuer que d'abandonner ses opinions...

      • Qui a parlé de complot sur le forum? L'accusation de complotisme ou d'utopisme est devenu un moyen pratique de discréditer ceux avec qui on est pas d'accord. Il n'y a pas besoin de complot quand il y a convergence d'intérêts. Il existe une oligarchie mondiale des paradis fiscaux dont les intérêts divergent de la majorité comme les intérêts de la noblesse ou des propriétaires d'esclaves divergeaient de ceux des serfs et des esclaves. Les actionnaires d'une entreprise souvent ne se connaissent pas et ne complotent pas, ils n'en ont pas besoin, il y a une convergence d'intérêts entre eux et les employés en font les frais.

        Je ne sais pas trop à qui ces critiques s'adressent. Pour ma part j'insiste sur les aspects structurels, à savoir l'automatisation et la forme de création monétaire actuelle. J'aurais pu ajouter d'autres phénomènes comme la "rent-seeking economy". Personne n'imagine décider du futur non plus. Franchement, on a l'impression à vous entendre que tous ceux qui ne disent pas la même chose que vous sont des complotistes, des utopistes , des idéalistes ou des fanatiques qui récitent un "catéchisme". Le complotiste, l'idéaliste, l'utopiste, le fanatique, c'est toujours celui qui n'est pas d'accord en politique. C'est fatiguant.

          • C'est vrai qu'il y a des complotistes et il y a aussi le phénomène qui consiste à analyser selon un angle et à rester sur cette angle. Mais bon, il n'y a pas que des complotistes non plus. D'ailleurs à propos d'atlantisme, on voit bien comme l'a critiqué par exemple Julian Assange que le traité transatlantique est inaccessible aux citoyens donc il y a aussi une part de réalité. Je suis plutôt ellulien donc c'est pour moi la technique qui détermine le reste mais ce qui est intéresant, c'est de tenter de distinguer la part de réalité (par exemple le non-accès au traité transatlantique) des théories plus ou moins fumeuses qui vienent se greffer. Mais le complot est le symptôme du caractère oligarchique d'une société et c'est parce que la société devient de plus en plus inégalitaire (écarts de richesses multipliés par 20 en 30 selon scientific american) et oligarchique que de telles théories surgissent. L'oligarchie provoque l'opacité qui provoque les théories du complot.

          • Je ne vois aucune opacité, toutes les infos sont disponibles sur le net. Encore faut il se donner la peine de les lire, c'est là que réside l'opacité. Dans le manque de lecture, pas dans le manque d'information largement disponible.

            L'opacité, c'est la complexité discursive du traitement de l'information.

            Si "oligarchie" il y a, c'est qu'elle peut se payer les meilleures expertises juridiques et techniques. Il n'y a rien d'opaque, c'est même éblouissant de transparence.

          • Dans ce cas là, pourquoi Julian Assange a-t-il lancé il y a quelques semaines un appel mondial pour récupérer les informations du traité transatlantique? Il ne faut pas aller dans l'excès du complotisme mais il ne faut pas aller dans l'excès inverse. Cela dit Assange a pu se tromper ou la situation a pu changer depuis quelques semaines mais ce serait quant même étonnant. Pourquoi Assange lancerait-il un tel appel mondial pour donner des information à propos du traité transatlantique si les informations étaient sur internet? Assange propose d'ailleurs 100,000 euros à celui qui fera fuiter le texte: http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/08/11/wikileaks-s-allie-a-varoufakis-pour-faire-fuiter-le-texte-du-traite-de-libre-echange-transatlantique_4720797_4408996.html. Si vous avez vu le texte en ligne dans son intégralité, dites-le à wikileaks car vous avez gagné 100,000 euros. Bravo. Plus sérieusement, je pense que vous allez dans un anti-complotisme excessif par agacement vis-à-vis des excès du complotisme mais bon, ce n'est que mon avis et je me trompe peut-être.

          • "il n'y a rien d'opaque":

            avez-vous entendu parlé des paradis fiscaux, de sociétés écrans,...? Je vous recommande la lecture de Deneault ou de Zucman.

            "SI oligarchie il y a":
            L'étude scientifique et empirique de Princeton est un fait scientifique. Il y a une oligarchie dont les souhaits politiques sont corrélés à presque 100% avec les décisions politiques. Il ne faut pas, sous prétexte de lutter contre le complotisme, nier des évidences scientifiques indiscutables. L'étude porte sur les USA mais c'est la même chose en France avec l'Europe.

            Si wikileaks existe, c'est justement la preuve de l'existence de l'opacité car son but est de lutter contre l'opacité.

            Enfin bon, on est pas d'accord. Encore une fois, votre position que je partage contre le complotisme vous fait selon moi aller dans l'excès inverse. C'est plutôt un signe sympathique de personnalité passionnée mais cela vous mène à mon avis parois à l'erreur.

          • Je pense qu'il y a deux facettes à cette histoire de "complotisme".

            C'est d'une part, un terme qui est abondamment rappelé par les médias de l'oligarchie pour discréditer par avance toute tentative de concevoir des intérêts divergents au sein de la société, d'évoquer des convergences d'intérêts (inconscient ou non). En pratique, toute critique du néolibéralisme par exemple devient suspect de "complotisme" (une bonne illustration en était donnée au moment de la campagne du TCE en 2005, toute critique du Traité Européen était perçue comme nécessairement paranoïaque).

            Bref, en un mot, l'accusation de "complotisme" est un nouvel avatar du recul du débat contradictoire nécessaire en démocratie.

            D'autre part, des affects de "complotisme" se répandent en effet notamment au sein d'une jeunesse déboussolée, et dans toute une partie de la population. Ceci est corrélé avec ma première remarque: l'interdit du débat contradictoire exerce une véritable censure qui pousse des jeunes à chercher ailleurs sur internet les raisons de leur mal-être. Mais surtout, le développement de l'idéologie "complotiste" que cela soit coté médias (accusation de paranoïa) ou côté citoyens (explications délirantes du monde) trouve son origine me semble t-il dans le recul de la pensée politique matérialiste, notamment du marxisme. A une certaine époque les schèmes marxistes permettaient aux classes populaires d'expliquer leur souffrance par des raisons structurelles (capitalisme, lutte des classes etc.). Il ne s'agit pas de revenir en arrière, de reconstituer une idéologie qui a failli (et contenait également sa part d'illusion, cela a été assez débattu).

            Mais il nous faut retrouver le chemin d'une nouvelle conception matérialiste du monde, au service d'une pratique politique (entre autres).

          • (suite) Le cinéma bien entendu alimente à sa manière la culture "complotiste" à travers une grille de lecture manichéenne, qui est le propre de l'idéologie dominante (je ne parle pas ici de "complot" d'un metteur en scène hollywoodien quelconque, je parle d'habitus, d'inscription des schèmes mentaux dominants ) travers les corps, les affects, un effet d'inertie idéologique même etc;). Le film "Star Wars" en est un exemple éclatant: le "mal" incarné par Dark Vador est concentré en une seule personne, d'une part, et d'autre part, celui qui a le pouvoir détient des (super) pouvoirs un peu magiques. C'est à dire que la domination s'explique par la force de celui qui l'exerce, ou son "pouvoir" physique. On ne relève pas assez combien cette vision simplificatrice peut être dévastatrice. Elle n'a rien d'innocente et ne contribue pas à développer une approche structurelle ou matérialiste des questions politiques.

  8. Pour moi le local n'est pas seulement le local au sens physique , géographique du terme . Ce n'est pas seulement la proximité .C'est un mode de relation au monde et aux autres ; c'est donc une option politique .
    On en a deux : celle actuelle libérale et mondialiste qui organise notre relation au monde (et aux autres) sur le seul schéma économique : le monde est un objet de production et de consommation. Tout s'organise et se spécialise en ce sens en vue d'une efficacité économique et d'un enrichissement capitalisé .
    Le local , le lieu , le territoire s'il est considéré autrement que comme un territoire spécialisé au service du système économique mondial , forme un ensemble diversifié aux ressources multiples et souvent peu adaptées à la spécialisation et production de masse.
    Il ne s'agit pas d'exploiter le local mais de le vivre , de s'y organiser d'une manière la plus résiliente possible en valorisant d'une manière durable les ressources locales ; l'imagination et la créativité réside dans cette valorisation et combinaison des diverses ressources ; l'échelon national ou mondial viendrait compléter et soutenir les organisations locales qui peuvent seules être des démocraties écologiques.
    Cette seconde option politique n'est actuellement pas présente et en tous cas pas bien formalisée ni proposée en tant qu'option politique . Elle est utopique en ce sens qu'on voit mal comment l'urbanisation va s'arrêter ( quoi que ....des tendances , des frémissements , et d'immenses enjeux ne peuvent écarter l'option d'un revers de main ) ; l'hyper urbanisation est en effet la résultante de la spécialisation économique qui de l'autre côté a produit les campagnes industrielles .
    Une politique de relocalisation et donc de réaménagement du territoire , avec à la clé de "vrais " nouveaux métiers devrait pouvoir au moins émerger en tant qu'option politique et se décrire comme une alternative obligée . Elle présente le grand avantage de ne pas toucher frontalement le système et pourrait permettre d'être un champs expérimental ouvrant des issues économiques , sociales et écologiques à un grand nombre de personnes.
    Cette option expérimentale ne peut pas avancer sur les seules initiatives , ici ou là qui émergent et montrent qu'on peut vivre autrement ; elle doit pouvoir être portée au niveau des politiques publiques ; le développement local doit devenir un enjeu politique expérimental national et européen. Sinon ..What else ?

    • Je suis d'accord sauf sur le fait que les habitants des mégalopoles devraient se déverser sur nos campagnes, ce que je ne crois pas ni que ce soit souhaitable en dehors d'un minimum de repeuplement. On verra bien mais le local ne dépend pas d'un apport de population et je crois qu'il y a aussi une politique locale à mener dans les grandes villes.

  9. Qu'est-ce que le complot? Quand des partis adverses sont en lutte de pouvoir, le complot est une façon sous-terraine de lutter. Tant qu'il y aura des luttes de pouvoir, il y aura des complots.
    Mais il y a des forces matérielles qui dépassent de très loin la puissance des comploteurs éventuels, comparable à la tectonique des plaques. Il n'est pas évident de faire le tri de ce qui relève de complots et de ce qui n'en relève pas et il me semble légitime de se poser la question. Comme par nature le complot est censé être secret, il est difficile à démasquer et il alimente plus de fantasmes qu'il ne correspond à la réalité. Mais impossible d'empêcher l'imagination remplir les vides de scénarios complotistes. Le complot est aussi un outil intellectuel, littéraire, de tâtonnement dans le noir.

    • Non, le complot comme le bouc émissaire, dont c'est une des formes, se trompe sur la cause, substituant une cause personnelle à une cause structurelle, s'imaginant qu'à éliminer les méchants, voleurs, dominants tout irait très bien entre nous. Il est logique que les théories du complot se disent anti-système, ne pouvant penser d'autre causalité que celle d'une volonté mauvaise mais elles témoignent ainsi de leur imbécilité et d'une erreur de jugement sur un système économique qui ne serait pas du tout parfait sans l'oligarchie qui le pilote (et ne fait pas du tout ce qu'elle veut même si elle profite outrageusement de sa position).

      Il faut par contre opposer un rapport de force aux intérêts de l'oligarchie mais tous les délires qui nous égarent n'aident pas sinon à renforcer l'extrême-droite (et sa démagogie complotiste à la recherche de boucs émissaires).

      Il ne s'agit pas de disqualifier les complotistes mais de les réfuter (tout comme les explications policières de l'histoire), non pas qu'on ne serait pas tous des comploteurs mais qu'il faut reconnaître les véritables causes pour les combattre ou corriger leurs effets.

      Il est certain que toute cette connerie humaine est fatigante, c'est la réalité première sur laquelle j'insiste et dont je ne m'exclue pas ("commune connerie"), pas plus que Gorz ni Platon, la désignant dans mon propre parcours mais qui complique sérieusement une démocratie qui serait si merveilleuse si on était intelligents et pas aveuglés par des idéologies, préjugés, croyances, biais cognitifs, etc.

      • Il ne s'agit pas d'un complot mais d'une machination à ciel ouvert. Le complot, par définition, ne fonctionne pas et les complotismes sont stériles par définition aussi. Une machination par contre fonctionne à plein régime. De là à la doter d'une intention, je ne suis pas sûr que ce soit judicieux et c'est parce que je n'en suis pas sûr que je préfère m'en abstenir. Seulement, à lire le livre de Jean-Lou Izambert sur le scandale du Crédit Agricole, avec une banque qui se dit mutualiste quand ça l'arrange et entreprise capitaliste quand ça l'arrange aussi sans qu'on sache quel est ce modèle hybride étrange qui a engrangé des milliards de bénéfices au détriment des paysans, ça m'interpelle. Jean étant lacanien, j'attends le procès en paranoïa avec impatience. La fondation Bertelsmann qui annule le vote du "non français contre cette Europe" au referendum de 2005 pour l'imposer par le parlement, ça m'interpelle aussi. Jean étant lacaninen, j'attends le procès d'idiot d'extrême droite avec impatience aussi. La prime d'assurance non reversée dans le cadre du crédit à la consommation signifiant l'intention déguisée des banques de faire bénéfice par rétention d'information ( ça leur coûtera 16 milliards ) sur la misère des gens, ça m'interpelle aussi. JEAN...lacanien...blablabla...procès de populiste, etc...Bref, être marxien présente ce double avantage de dresser l'épée du matérialisme quand ça arrange et des idées quand ça arrange aussi et quand je dis que Stirner a mis un terme à la comédie, je veux dire que celui qui prétend que Marx n'a pas sa vie durant tout fait pour frapper à coup de marteau sur Stirner le sophiste, Stirner le menteur (tiens tiens), Stirner l'inconséquent, là je dis que c'est mensonge. Pour ceux qui n'ont pas lu Stirner, disons qu'il n'avait pas la même sympathie pour l'Etat qu'Hegel, vous savez cet Etat qui n'a jamais tant besoin qu'on ait besoin de lui quitte à ce que vous ayez très peur de l'étranger sanguinaire. L'identité nationale française n'existe pas si ce n'est par la création d'un "ennemi" (Jean l'explique lui-même très bien) tout comme l'irrationnelle identité nationale allemande "Deutscland über alles" n'est qu'un caprice (Lacan dit que le caprice est un dépassement de sa condition pour atteindre au sacré, vous savez le sacré qui vaut qu'on sacrifie sa vie pour lui et surtout la vie d'autrui) mais il n'y a pas d'identité européenne parce qu'il n'y a qu'une Europe des affaires et des intérêts de certains contre la majorité. L'Europe sociale est une utopie qui ne verra jamais le jour et non, Jean, je ne pense que ces bouleversements finiront pas s'arrêter par le local parce que le local demande de se doter d'atouts qu'on lui a déjà confisqué pour qu'il ne soit plus local. Je te provoque un peu et je suis prêt à assumer les conséquences de ma provocation car comme le disait Emile-Auguste Chartier "quand on s'engage dans l'aventure, il faut s'attendre à être secoué".

        • Il n'y a pas plus d'identité française ou du village Trifouilly-les-Oies qu'européenne. Ces histoires d'identité sont des fables. Même les musulmans s'entretuent pour des détails religieux, tout comme les chrétiens autrefois.

          Même au sein d'une même famille parentale les gens s'entredéchirent pour des conneries.

          Le complot c'est comme la croyance en Dieu, c'est croire qu'un gus ou quelques gus dirigent à eux tout seuls le monde, alors que celui ci n'en fait qu'à sa tête et se moque complètement de ces complexes infantiles de toute puissance.

          • Non, ça c'est de la paranoïa! Mais nier le complot c'est comme nier l'existence de lutte de pouvoir, quand bien même cette lutte peut sembler ridicule aux regard d'évènements structurants qui nous échappent. Quant à l'identité, c'est sûr que ça existe, que ça se construit tous les jours, sans qu'il y ait besoin de pousser jusqu'à l'essentialisme identitaire. Tu veux priver les ethnologues et anthropologues de leur boulot :-)?

          • Je dis simplement que les identités ne sont pas un paradis et qu'elles comportent de nombreux conflits souvent meurtriers en leur sein. Elles sont donc une fable en tant qu'agent prétendu de concorde merveilleuse. C'est tout bonnement du flan propagandiste.

            Je me suis souvent trouvé mieux en vivant en dehors de ma famille quand j'étais môme et de même en travaillant avec des "étrangers" qu'avec des français qui sont souvent très chiants et très cons, même si il y a des cons remarquables hors de France...

            Il n'y a qu'à lire sur le net les souverainistes et autres nationalistes franchouilles pour se rendre compte à quel point ce sont des abrutis complétement calcifiés du neurone et du reste. Si c'est ça l'alternative, alors c'est mal barré.

      • C'est vrai mais si l'on prouve scientifiquement qu'une mesure structurelle serait bénéfique pour améliorer la société, réduire les inégalités, réduire la pauvreté, augmenter la croissance,... alors on sera forcé de constater qu'une élite s'oppose à cette mesure qui va dans l'intérêt de la majorité mais pas dans l'intérêt de l'élite.

        Il est en effet prouvé scientifiquement que les décisions politiques sont corrélées fortement avec les souhaits des élites économiques et pas avec la majorité des citoyens (étude de Princeton). Donc on ne peut pas isoler les deux mais je vous accorde qu'il est fondamental de raisonner au niveau structurel. Mais la divergence d'intérêts existe, elle est réelle. Je partage le point de vue qui est le vôtre ou celui d'autres commentateurs comme olaf afin d'éviter le complotisme et le bouc-émissaire et de rester dans l'analyse mais l'étude de Princeton démontre bien qu'il existe une divergence d'intérêts entre les élites et le peuple et que ce sont les décisions politiques des élites qui sont suivies. Et ne tombons pas dans le relativisme qui consiste à dire que cela a toujours existé. Les écarts de richesses ont été multiplié par 20 entre le chef d'entreprise et l'employé en 30 ans (sans prendre en compte que des employés comme des traders font partie de l'élite et beaucoup de patrons sont des patrons de TPE, sans prendre en compte les paradis fiscaux,...).

        Le sujet m'intéresse parce que je pense que la création monétaire joue un rôle fondamental et il était difficile il y a encore quelques années de discuter du sujet sans passer pour un complotiste.

        Que vous soyez vigilent à insister sur l'analyse structurelle, très bien, mais ne découragez pas les analyses ou ne tombez pas dans l'accusation ad comploto, pardonnez mon latin, dès que vous n'êtes pas d'accord.

        Voici un exemple d'actualité qui illustre bien l'étude de Princeton dans la mesure où l'on constate bien selon moi que les élites économiques prennent les décisions pour leurs intérêts alors que leurs intérêts sont opposés à ceux de la majorité de la population. Alors est-on complotiste sous prétexte que l'on illustre les intérêts divergents en matière de création monétaire? Les esclaves auraient-ils été traité de complotistes s'ils avaient accusé les propriétaires d'esclaves et leur influence au gouvernement? Bref, posons comme fondations l'analyse structurelle mais ne nous interdisons pas de l'illustrer sous prétexte de faire du complotisme.

        Si j'ai bien compris, plus la BCE injecte de l'argent, plus la majorité des gens s'appauvrit car l'argent ne descend pas la pyramide socio-économique et certains prix liés plus ou moins au top 1% montent. Plus la majorité des gens s'appauvrit et plus les prix baissent (sauf les prix liés au top 0.1% comme le luxe), la demande baisse et l'endettement ainsi que le chômage augmentent. Plus les prix baissent et plus la BCE injecte de l'argent. Les très riches sont plus riches (surtout les 0.1%) et les autres plus pauvres et surtout plus serviles car endettés et précarisés. Par ailleurs le mécanisme est immunisé contre tout soulèvement populaire par le découplage entre les états et la BCE mais ceci dit, le processus est le même aux USA et ailleurs. On a inventé la machine à mouvement perpétuel pour fabriquer de l'inégalité et du servage. C'est aussi une très belle confirmation de l'étude de Princeton à propos de la nouvelle oligarchie. Finalement on est arrivé à un tel développement technique des forces productives que l'on est à un carrefour, soit le système économique se maintient par une forme de féodalisme juridico-financier, soit le système socio-économique se maintient par une redistribution démocratique de la richesse créée qui se découple du travail et aboutirait probablement à une renaissance créatrice (cf. Graeber et le tournant dit "néo-libéral" alors qu'il commençait à y avoir justement une telle renaissance avant les années 70). Si je ne me trompe pas et si je ne simplifie pas à outrance, c'est vraiment triste. Il est frappant de constater que le titre du journal le monde acheté par des membres des 0.1% prend clairement et sans aucune nuance le parti des 0.1% en écrivant "la BCE ne capitule pas".

        *La BCE ne capitule pas, la Bourse reprend espoir
        PIERRICK FAY | 21/01/2016
        *La BCE envisage de réévaluer et de revoir sa politique monétaire en mars compte tenu des risques qui pèsent sur la croissance et l'inflation. le discours fait mouche sur les marchés financiers.(...)**

        • C'est sûr que, si on était omniscients (prouvant scientifiquement qu'une mesure structurelle serait bénéfique pour améliorer la société, réduire les inégalités, réduire la pauvreté, augmenter la croissance) et tout-puissants, pas de doute sur ce qu'il faudrait faire et l'élimination des forces du mal qui empêcheraient de si beaux idéaux !

          Le problème, c'est que tout ce que proposent nos intellectuels contestataires comme plan B est à côté de la plaque (et contradictoire entre eux). Aucun de nous d'ailleurs n'aurait pu imaginer que les injections de milliards dans l'économie ne servent à rien qu'à alimenter des bulles. Certes du coup les keynésiens se rabattent sur un quantitive easing for the people, c'est-à-dire sur une proposition de Friedman l'ennemi des keynésiens...

          De plus, même quand tout montre que Varoufakis avait raison, on voit qu'on n'a pas les moyens de prendre les mesures intelligentes qu'il proposait et qu'on a imposé à la Grèce des mesures stupides auxquelles personne ne croit.

          Il faut donc redescendre sur terre et notre pauvre finitude mais on peut préférer s'en prendre à nos élites, moquées depuis l'antiquité, en particulier par Platon, en rêvant comme les hérétiques de rétablir la vraie religion et le règne de la justice mais ce ne sont jamais les purs qui ont gagné, toujours la force et la richesse (or nos sociétés sont très très riches malgré la misère qu'elles produisent).

          Il faut rappeler que la libération de l'esclavage n'a pas été l'oeuvre des esclaves eux-mêmes mais de l'industrie salariale du nord écrasant l'agriculture esclavagiste du sud malgré le génie militaire des sudistes et toutes les défaites qu'ils ont fait subir au nord. C'est comme cela que ça marche, c'est le matériel qui a raison à la fin de nos controverses théologiques, et pas toujours dans le mauvais sens, renforçant notre autonomie (et les inégalités?).

          • Les sociétés sont donc très très riches du terreau des monceaux de cadavres qu'a laissé la technologie derrière elle. Nos morts sont donc morts pour notre confort et nous leur en serons reconnaissants les quelques heures que nous vivons, c'est déjà ça. Nous aimons l'Etat comme le chien lèche le fouet de son maître et le pire c'est qu'on en redemande !

          • Aucun de nous d'ailleurs n'aurait pu imaginer que les injections de milliards dans l'économie ne servent à rien qu'à alimenter des bulles.

            Il me semble que c'est faux. Plein de gens l'avaient prédit et il est logique que si vous injectez de l'argent au sommet d'une pyramide, il risque de ne pas redescendre et ceux qui sont au-dessus risquent d'en profiter pour se le reverser, spéculer,...

            Franchement, ce n'est quant même pas étonnant. Comme il n'est pas étonnant que l'économie se financiarise puisque l'activité économique s'oriente tout simplement vers la création monétaire et développe des paradis fiscaux à mesure que la "dérégulation" devient décennie après décennie un régulation pour orienter la création monétaire vers les banques. C'est même le but du monétarisme friedmanien. Peu importe même l'histoire de cette évolution (abandon du standard or, lois de type Pompidou-Giscard,..), c'est la direction générale qui est évidente. Après il y a d'autres facteurs comme le fait de ne plus trouver des secteurs à haut rendement pour investir cet argent mais étant donné l'explosion exponentielle de la création monétaire, il n'est pas étonnant que l'industrie ne suive pas, d'autant plus que la population devient de plus en plus pauvre et donc que la demande baisse. C'est facile de dire cela maintenant et je ne prétends pas que j'aurais prévu les choses avant mais de nombreuses personnes l'avaient prévu et ces prédictions n'étaient pas difficile à réaliser dès lors que la monnaie et sa création ne sont pas considérés comme neutres. Mais bon, je dois être ou complotiste ou utopiste...

            Quant au matériel qui a raison sur le monde des idées: ça n'a pas de sens de distinguer les deux et de tout interpréter par le côté matériel. On pourrait réaliser la même opération et tout interpréter par le côté idéaliste.

            Il faut rappeler que la libération de l'esclavage n'a pas été l'oeuvre des esclaves eux-mêmes mais de l'industrie salariale du nord écrasant l'agriculture esclavagiste du sud malgré le génie militaire des sudistes et toutes les défaites qu'ils ont fait subir au nord.

            Mais pas seulement, de la même manière que la révolution française ou la révolution haîtienne ne dépendait pas que des idées de Rousseau mais aussi des forces matérielles. Par ailleurs les forces productives ont bien été inventées par des hommes et donc influencées par des visions du monde. Bref, cette distinction matériel/idéal ne me convainc pas.

            Pour ma part, les élites ne m'intéressent pas: elles font ce qu'elles ont toujours fait et ce qu'elles feront toujours, accroître leur pouvoir. De ce point de vue, je suis matérialiste et je souhaiterais un changement matériel de la création monétaire. C'est idéaliste? Mais le mouvement du qe for the people prend beaucoup d'ampleur dans les pays anglo-saxons et il y a des raisons d'être optimiste.

            Ensuite Friedman l'a dit donc c'est mauvais... Friedman a parlé de tous les sujets économiques et pour chaque sujet, il a proposé sa propre version. De la même manière qu'il existe un revenu de base friedmanien, il existe un qe for the people friedmanien, il doit même y avoir des casquettes friedman mais je ne vais pas pour autant arrêter de porter des casquettes l'été. Sur la différence avec la version oligarchique de friedman: http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11869701/Jeremy-Corbyns-QE-for-the-people-is-exactly-what-the-world-may-soon-need.html.

            Mais bien entendu, vous êtes les pieds sur terre, dans le monde réel, et vos interlocuteurs des idéalistes naïfs... Si vous croyez vraiment cela, vous êtes... idéaliste. Avec tout le respect que j'ai pour votre travail, je me sens obligé de vous renvoyer ces accusations d'utopisme, de manichéisme,... qui sont contreproductives.

            Mais au plaisir de vous lire et de lire vos arguments et cela, très sincèrement même si parfois je m'emporte un peu dans mes messages.

          • Les QE ont quand même servi à baisser les taux obligataires, donc soulager les budgets des états. Mais avec les règles TSCG et l'agenda de restriction des déficits budgétaires publics trop rapide, ca ne pouvait pas suffire. Draghi l'a lui même sybillinement déclaré plusieurs fois.

            Le QE pour people risque de relancer les importations de consommation, donc pas forcément rapidement l'emploi en Europe.

            Un QE pour les budgets publics européens orienté vers la transition énergétique, infrastructures, aides à l'isolation thermique a plus de chance de permettre une réponse plus rapide sur l'emploi.

            Encore faut il que les gouvernements fassent les bons choix d'investissements, pas pondre des TGV, ronds points décorés approximativement et autres aéroports NDDL ou de Berlin pour faire plaisir aux lobbies et élus, ce qui n'est pas gagné.

            Sinon, j'ai trouvé un job en France, très intéressant qui plus est, de la techno bien sophistiquée et prometteuse. Ça m'a pris 6 mois, mais, vu la situation, c'est plutôt une performance par les temps qui courent. Donc, youpi...

          • "Les QE ont quand même servi à baisser les taux obligataires, donc soulager les budgets des états."

            Oui mais on parle d'états qui ne peuvent plus émettre d'argent et qui sont obligés de mendier des taux bas. On ne va quant même pas se réjouir que les états réduits à la mendicité depuis quelques décennies puisse bénéficier de la gentillesse exquise des pouvoirs financiers qui leurs prêtent à taux bas (d'autant plus que les taux sont bas à la condition de l'austérité).

            "Le QE pour people risque de relancer les importations de consommation, donc pas forcément rapidement l'emploi en Europe."

            C'est un risque mais cela pourrait aussi relancer la demande et l'économie locale car ce sont surtout les biens de nécessité, l'alimentation souvent française ainsi que les service du type plomberie qui devraient en bénéficier. Dans tous les cas, cela ne pourra jamais être pire que la création monétaire actuelle. On aurait tout à gagner. La lutte contre l'inflation de la BCE est la lutte contre une inflation qui concerne surtout l'oligarchie car pour les autres il y a plus de déflation que d'inflation en bas de la pyramide sociale. Il pourrait y avoir des émissions de monnaies locales. Le problème, c'est de tenter des expériences afin de comparer scientifiquement les résultats. Que l'on teste un peu de qe for the people et que l'on étudie les résultats.

            "Un QE pour les budgets publics européens orienté vers la transition énergétique, infrastructures, aides à l'isolation thermique a plus de chance de permettre une réponse plus rapide sur l'emploi."

            Cela pourrait aider mais ce que je regrette, c'est que les gens ont des positions absolutistes. Il veulent une forme de création monétaire et ils veulent souvent exclure les autres. L'état devrait aussi créer de l'argent pour financer des travaux créateurs d'emplois, bien sur mais non seulement ce n'est pas incompatible avec le "qe for the people" mais c'est aussi complémentaire. Mais je pense que l'on est dans une crise de la demande où l'appareil productif produit bien trop de biens et de services avec trop peu d'emplois donc un tel qe aurait un effet limité à mon avis. L'offre n'a pas à être stimulée en dehors effectivement de mesures écologiques du fait de la crise écologique car il y a déjà trop d'offre de biens.

            Mais l'important pour le qe for the people ou pour un qe de relance énergétique de type keynnésien, à la Gael Giraud, c'est que l'on ne peut même pas avoir ces options puisque nous vivons selon le dogme par lequel la création monétaire doit être bancaire (bce et banques privées). Comme on ne peut pas comparer les formes de création monétaire, on ne peut pas mener d'études scientifiques.

            Celui qui a l'argent a le pouvoir et pour cette raison, le pouvoir s'est largement déplacé vers la banque depuis que l'état a perdu le droit de créer la monnaie. Mais dans une démocratie, ce droit devrait être accordé aux citoyens afin d'orienter l'économie vers les citoyens et non pas vers l'état ou vers les banques. Le système de création actuel est oligarchique, accroît les inégalités (*20 en 30 ans) et tous les maux qui accompagnent les inégalités. Il ne repose sur aucune logique si ce n'est l'accroissement du pouvoir oligarchique, sur aucune science,... C'est une machine à fabriquer des inégalités et à détruire les démocraties. Après, il ne faut pas s'étonner des études scientifiques qui prouvent la disparition de la démocratie.

            Mais pourquoi le sdf ne profiterait-il pas de la création monétaire plutôt que de vivre dans la rue quand l'on spécule et l'on se gave en haut de l'échelle grâce au qe oligarchique? C'est là la vraie question. Alors on dira qu'il peut bénéficier du RSA,... Mais la vérité, c'est qu'il n'en veut pas, par une fierté peut-être déplacée mais très souvent, il n'en veut pas. Or on comprend bien qu'il ne touchera un revenu que s'il est inconditionnel s'il refuse un revenu par fierté. C'est peut-être idiot la psychologie mais c'est un fait que les choses se passent ainsi. Alors d'un côté on spécule avec la création monétaire et de l'autre on crève de faim. Il ne faudrait rien dire sous prétexte d'être utopiste, complotiste, idéaliste, de ne pas être matérialiste,... Qu'on arrête un peu avec ces clichés ridicules et que l'on traite du fond, du rôle de la création monétaire dans une économie qui se voudrait démocratique.

            Sinon bravo pour le boulot olaf 🙂

          • "C'est sûr que, si on était omniscients (prouvant scientifiquement qu'une mesure structurelle serait bénéfique pour améliorer la société, réduire les inégalités, réduire la pauvreté, augmenter la croissance) et tout-puissants, pas de doute sur ce qu'il faudrait faire et l'élimination des forces du mal qui empêcheraient de si beaux idéaux !"

            Une autre mesure qui sans aucun doute possible améliorerait la vie de plus de 99% des citoyens: l'élimination des paradis fiscaux. Il existe des mesures évidentes, ne soyez pas de mauvaise foi. Mais une oligarchie s'y oppose. C'est un fait scientifique, empirique indiscutable démontré par les études de l'université de Princeton. Je pourrai en trouver dix dans la soirée des mesures: interdiction de la spéculation à court terme, revenu inconditionnel, qe for the people , coopératives municipales, interdiction de l'obsolescence programmée (il y a quelques mois c'était considéré comme du complotisme mais la loi est passée à l'assemblée, c'est donc officiel),...

            Après si l'on me dit que l'on ne peut pas se débarrasser des paradis fiscaux du fait du droit de souveraineté,..., il existe un moyen imparable: le qe for the people. Les citoyens, contrairement aux banques n'iront dans leur vaste majorité pas mettre cet argent dans les paradis fiscaux alors que le qe massif oligarchique actuel se dirige directement dans la spéculation et les paradis fiscaux. Donc il y a plein de solutions qui arrangeraient tout le monde sauf, les 0.1%.

            Il ne faudrait pas dire cela sous prétexte de bouc-émissarisation? Mais les inégalités ont été multiplié sans prendre en compte les paradis fiiscaux par 20 en 30 ans. Il fut attendre qu'elles se multiplient par 100, par 1000 pour ne pas faire de bouc-émissarisation; En plus je n'ai rien contre ces gens, je ferai probablement la même chose à leur place. Je ne souhaite punir personne, je souhaite changer des lois. Ce que je fais n'est qu'une goutte d'eau et alors, il faut bien des gouttes d'eau.

            "Il faut donc redescendre sur terre et notre pauvre finitude"

            Alors à ce moment-là, on arrête tout? On ne débat plus?

            Je me doute boen que je ne vais pas changer le monde sur un blog mais bon, j'ai convaincu une personne de s'intéresser au qe for the people et cela me suffit amplement, je ne suis pas très exigeant.

        • Il semble qu'aujourd'hui, même les citoyens les plus attentifs comme Jean tombent à mon avis dans le piège qui consiste à ne pas chercher si une proposition pourrait améliorer les choses mais à l'éliminer sous prétexte de manichéisme, d'idéalisme, de complotisme,... C'est le phénomène du syndrome de Stockholm où l'on ne peut pas émettre de critique car on est populiste,... On en vient alors systématiquement et radicalement à défendre le "système". Je ne dis pas cela pour Jean, c'est un phénomène général.

          Cela dit c'est très bien de faire de l'humour, mai sje pense qu'il y a un phénomène qui rend toute critique difficile car caricaturée.

          Ensuite l'argument que l'on entend est de dire, c'est quand même bien car grâce au qe l'état peut emprunter avec des taux bas. Or l'état auparavant pouvait créer la monnaie. Bref, c'est comme si une femme qui se faisait violer disait que c'est vraiment bien le viol parce que le violeur met de la vaseline.

          Un autre problème est celui de l'unidimensionalité du débat. Si je parle de changer la création monétaire on me dit: pourquoi pas, elle pourrait être publique, ce serait mieux. Mais jamais à aucun moment l'interlocuteur ne semble penser qu'il existe d'autres dimensions. Par exemple cele que je peopose oligarchique/démocratique. Ou d'autres, des milliards de manières de découper en deux le réel, il suffit e les inventer. Mais non, gauche ou droite, comme un bonhomme qui avancerait ssans jamais tourner et en allant soit devant, soit derrière.

          "C'est sûr que, si on était omniscients (prouvant scientifiquement qu'une mesure structurelle serait bénéfique pour améliorer la société, réduire les inégalités, réduire la pauvreté, augmenter la croissance) et tout-puissants, pas de doute sur ce qu'il faudrait faire et l'élimination des forces du mal qui empêcheraient de si beaux idéaux !"

          Très bien, je vais vous le prouver car c'est très simple. On imagine 1000 personnes sur trois îles avec de l'eau, des fruits, des légumes, des maisons,... On utilise une seule monnaie et on crée 1 million d'euros par mois, 1000 par habitant. Sur la première île c'est une banque qui crée cetargent et le prête. Elle s'amuse à spéculer, les employés achètent plusieurs maisons, se paient des chauffeurs,... et prête contre intérêt cet argent aux habitants. Dans la seconde île c'est l'état qui crée l'argent et qui crée des travaux contre cet argent. L'île 2 subit elle les travers de la planification et de la corruption administrative avec pots de vins,... Sur l'île 3, chaque citoyen reçoit 1000 euros par mois. Or l'homme aime le pouvoir et il aime aussi créer des choses. Donc par appât du gain et goût de la création, certains vont produire des fruits,... afin de demander en échange une partie de l'argent aux autres. Personne n'est pauvre. La richesse ne se concentre pas. Les pots de vins diminuent. Et les citoyens votent de donner plus ou moins d'argent à l'état et ils sonnent aussi plus ou moins d'argent ou le prêtent contre intérêts à des entrepreneurs. SI les inégalités augmentent trop, il suffit d'augmenter la création monétaire afin de rééquilibrer les richesses. Les travaux les plus pénibles sont les plus payés car personne ne veut les faire et cela crée même une pression pour automatiser les travaux. Personne n'a à passer sa vie à se vendre sur le travail. Quels sont les arguments contre ce modèle? Que les hommes arrêteraient de travailler, ce qui est faux quand on pense à l'histoire de l'humanité (Einstein, Mozart,..., open source, bénévolat, le monde des inventeurs,...).

          Bref, j'écrits ça en moins de 5 minutes. Est-ce qu el'on ne pourrait pas prouver sur des critères objectifs que l'île 3 fonctionnerait mieux que les îles 1 et 2. Est-ce que ce n'est pas évident? Tu veux un modèle scientifique: le modèle de Frank Laborde est rigoureux. Des preuves: les expériences de revenu inconditionnel vont plutôt dans ce sens là.

          Un autre argument: l'île 3 est démocratique, les autres sont oligarchique, quelles que soient leurs institutions. Les citoyens ne possèdent pas le pouvoir de créer l'argent. Ils n'ont donc pas le pouvoir.

          Comme c'est un message rapide, c'est péremptoire mais le but est de montrer que même en cinq minutes il est possible de proposer des arguments qui méritent le débat et qui méritent autre chose que la condamnation ironique d'idéalisme, de populisme,... Ce qui est bien, c'est que plus on me sort cette argumentation plus ou moins implicite qui est devenue la norme de l'époque (et dans laquelle je tombe aussi parfois comme vous), plus cela m'exaspère et cela me donne l'envie de répondre pour ne pas en rester à ce nihilisme dans lequel on baigne tous parfois malgré nous, je ne suis pas meilleur qu'un autre, loin de là.

          • Manifestement, c'est pas un problème de création monétaire par l'état :

            "pourquoi les dettes ont-elles fortement diminuées entre 1945 et le début des années 1970, et explosées un peu partout depuis ? Comme l'explique Carmen Reinhart (PhD Columbia, économiste FMI et j'en passe...), la discussion actuelle sur la nécessité de la réduction de la dette par un ajustement fiscal (= par des mesures d'austérité) montre que la méthode de "répression financière" adoptée pour réduire les dettes à la fin de la seconde guerre mondiale semble avoir été "collectivement oubliée"."

            http://www.captaineconomics.fr/-loi-1973-giscard-pompidou-rotschild-dette-publique-france-etienne-chouard

          • Je trouve cet article tout de même un peu manipulateur, au sens où il est répété que l'abrogation de la loi de 1973 (où l'introduction de son équivalent dans le Traité de Maastricht) n'est pas "LA cause" (je cite le texte) de l'endettement actuel. Personne n'a dit qu'il s'agit là de LA cause, mais que celle-ci, conjuguée à la mondialisation financière contribue à un accroissement de l'endettement envers les institutions privées. D'ailleurs l'article se contredit un peu lui-même puisqu'il explique le sous endettement d'après guerre par un contrôle sur les institutions bancaires ("la mise en place de plafond de taux d'intérêt par le gouvernement, indiquant un niveau maximum de taux d'intérêt contraignant pour les investisseurs"). La conclusion est du même topo: l'article prétend que si l'on revenait à un taux 0 (ou des taux négatifs ce qui est le cas aujourd'hui pour la France) d'emprunt sur les marchés financiers la situation reviendrait au même que si l’État retrouvait ses prérogatives envers la Banque Centrale. A un détail près cependant: lorsque les états ont le contrôle de leur banque Centrale, ceci limite la capacité des marchés financiers à faire pression. Si les taux d'emprunts sont négatifs c'est parce que la politique des gouvernements de l'UE est aligné sur les desiderata des marchés financiers. Que les gouvernements viendraient un peu à s'en écarter (de la ligne de fer des marchés financiers) et ceux-ci les rappelleraient immédiatement à l'ordre, via par exemple une augmentation des taux d'intérêts. Bref, encore un article qui prétend combattre une théorie du complot qui n'existe que dans l'imagination de l'auteur (l'abandon des prérogatives des états est un phénomène systémique lié au développement du capitalisme oligarchique et financier). Et puis, la conclusion contient en soi ce vieux poncif néolibéral concernant l'inflation: "retourner à un financement direct des États sans intérêt par sa banque centrale ne permettrait pas de résoudre le problème de la dette, sauf en supposant un retour à un budget équilibré et une forte crédibilité des engagements politiques (ce qui impliquerait l'absence de risque d'inflation via une création monétaire trop forte)." Non, un peu d'inflation ne nuit pas sauf aux créanciers privés, mais cela nous fait une belle jambe.

          • Moi je ne reproche pas à olaf ou à d'autres leurs idées et il est probable que lui ou d'autres aient raison et que j'ai tort. Ce n'est pas là le problème. Le problème c'est un climat général devenu irrespirable de flicage de la pensée. Dans ce climat l'on ne cherche même plus à débattre du sujet et l'obesseion unique de beaucoup d'interlocuteurs est de rechercher des éléments dans un discours qui puisse disqualifier le discours en le traitant de complotiste, de populiste et en sous-entendant de manière pernicieuse que la personne est faciste, antisémite, vois pédophile ou je ne sais quoi. C'est un réel fascisme intellectuel à la 1984 auquel nous assistons et lel débat devient impossible car tout le monde censure tout le monde et ce censure soi-même.

            Je rappelle, par exemple au sujet de la création monétaire, j'insiste car c'est le le sujet le plus propice à ces accusations que des gens comme Graeber, Keen, Giraud critiquent la création monétaire bancaire et partagent simplement l'analyse de la banque d'Angleterre: http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/mar/18/truth-money-iou-bank-of-england-austerity. Je susi d'ailleurs persuadé que si un homme avait rédigé l'nalyse de la banque d'Angleterre, il serait qualifié de complotiste,...

            On arrive à une censure incroyable du débat. Quand on débat, soit on pennse que la personne à tord et on explique, soit on pense qu'elle est de mauvaise foi, ce qui arrive souvent dans le domaine politique lors des débats (ce qui n'empêche pas à la personne d'évoluer ensuite à plus long terme) et on arrête le débat. mais aujourd'hui le débat consiste à trouver des indices qui peuvent être plus ou moins tirés par les cheveux selon l'honnêteté de l'interlocuteur pour pouvoir accuser l'adversaire de complotisme ou autre. On dirait que le sujet du débat n'a plus aucun intérêt. Le complotisme/populisme/... a envahi le débat si bien que la pensée ne se meut plus que selon ces dimensions.

            Il me semble qu'il y a peut-être un sujet sur lequel les gens d'opinions variées pourraient se mettre d'accord, c'est de mettre en place un principe de subsidiarité pour qu'au niveau local des expériences différentes de monnaies locales, revenu universel, ... puissent être testées et comparées. Finalement, c'est peut-être la seule chose qui importe en politique car ensuite on a des données scientifiques, des expériences que l'on peut comparer.

            Pour olaf:

            Manifestement, c'est pas un problème de création monétaire par l'état :

            "pourquoi les dettes ont-elles fortement diminuées entre 1945 et le début des années 1970, et explosées un peu partout depuis ? Comme l'explique Carmen Reinhart (PhD Columbia, économiste FMI et j'en passe...), la discussion actuelle sur la nécessité de la réduction de la dette par un ajustement fiscal (= par des mesures d'austérité) montre que la méthode de "répression financière" adoptée pour réduire les dettes à la fin de la seconde guerre mondiale semble avoir été "collectivement oubliée"."

            http://www.captaineconomics.fr/-loi-1973-giscard-pompidou-rotschild-dette-publique-france-etienne-chouard

            Un type écrit une démonstration en quelques minutes sur un blog et il s'agirait d'une démonstration définitive, c'est vraiment exagéré. Ces courbes correspondent au contraire aux mesures prises par Roosvelt en 1933: http://www.federalreservehistory.org/Events/DetailView/25.

            Donc oui, quand on laisse les banques privées faire, elles ont tendance à corrompre les politiciens pour endetter plus les pays et gagner plus d'argent. Des banquiers ou des hommes d'affaires qui cherchent à gagner plus d'argent, de la corruption: franchement c'est assez évident, pourquoi chercher des articles plus ou moins tirés par les cheveux qui cherchent, comme des Don Quichotte des temps modernes à contredire à tout prix leurs ennemis imaginaires, les complotistes et autres.

            "Si l'on retourne au milieu des années 1970 et que l'on essaye de comprendre pourquoi la dette de la France a commencé à exploser à cette période, il me semble davantage cohérent de désigner la fin de Bretton Woods et la libéralisation financière mondiale de l'économie comme "facteurs" de ce phénomène, et non pas comme "causes". De plus, et comme très bien expliqué dans l'article "Idées reçues sur la loi du 3 janvier 1973, dite "loi Rothschild"", "une analyse du texte et des débats permet de montrer que la loi de 1973 n'apporte rien de nouveau sur le plan de l'emprunt sans intérêt, même si elle introduit des nouveautés indéniables dans les missions et les outils de l'institut d'émission". Retourner à un financement direct des Etats sans intérêt par sa banque centrale ne permettrait pas de résoudre le problème de la dette, sauf en supposant un retour à un budget équilibré et une forte crédibilité des engagements politiques (ce qui impliquerait l'absence de risque d'inflation via une création monétaire trop forte). Mais dans cette situation, la crise de la dette serait résolue d'elle même ; les taux auxquels la France pourrait emprunter sur les marchés seraient proche de 0 et hop, plus de problème, même sans abroger la fameuse loi de 1973 (ou son équivalent l'article 123 du traité de Lisbonne)"

            C'est vrai mais c'est la même logique de régulations favorables aux banques. Il faut décrocher la monnaie du standard or et forcer les états à s'endetter et sans doute d'autres mesures. Il n'y a pas de contradiction, ces mesures participent d'une même logique favorable au lobby financier.

            Donc en gros, tout cela pour dire que ce ne sont pas des causes mais des facteurs. C'est encore une démonstration qui accuse un adversaire imaginaire qui serait complètement monomaniaque et qui penserait que tout dans le monde s'explique par la cause de la loi de 1973 pour dire... tatata... que ce n'est pas une cause mais un facteur et que ... tatata... ce n'est pas le seul facteur.

            J'écrits rapidement et je n'ai pas le temps de lire dans les détails mais la formulation me gêne, son angle d'approche illustre bien ce que je dis. Il ne semble pas vraiment chercher à comprendre le problème mais il est dans un combat contre un ennemi imaginaire complotiste ou je ne sais quoi. Ce n'est pas parce qu'il existe des complotistes qu'il faut être un militant anti-complotiste. Il faut ignorer ces débats.

  10. Cette phrase du texte m'a échappé: "La nouvelle économie ayant besoin d'autonomie et de compétences spécialisées exige une individualisation des parcours fortement entropique, ce qui lui donne une grande inertie et limite beaucoup les capacités de changements globaux, tout comme d'empêcher les mélanges." La nouvelle économie est-elle favorable à la mixité, au mélange ou son contraire ? Provoque t-elle un effet d'inertie qui la bloque ou bien au contraire l'inertie est-elle le fait de toute société qui se stabilise sur le long terme ?

    • La nouvelle économie étant individualisante favorise la diversité et les mélanges de même que dans un gaz à l'équilibre où les atomes ont des vitesses différentes mais où la chaleur globale est stabilisée. L'entropie globale est très stable ne permettant plus les confrontations entre blocs de différentes "températures" et perdant ainsi l'énergie évolutive. On ne peut dire que ce soit un blocage car il y a une grande agitation intérieure mais qui ne peut sortir de son inertie qu'en rencontrant une "source froide". C'est très différent de la stabilisation des sociétés originaires, des pouvoirs centralisés ou des mafias qui sont des sociétés d'ordre, de basse entropie et donc menacés en permanence par l'entropie universelle, alors que la stabilisation libérale vient du désordre, de l'agitation et de la complexification très difficiles à structurer durablement au niveau des grandes masses et donc ne pouvant plus être véritablement changés bien que soumis à un changement perpétuel.

      • L'ordre des sociétés originaires n'est pas le même que celui des sociétés de pouvoirs centralisés.
        L'ordre du désordre libéral est une entourloupe ( je ne dis pas un complot !) consistant à placer en amont un désordre (libertés individuelles en action) comme principe actif et en aval une gestion, un ordre géré.... par le rapport de force .
        Le mouvement naturel du libéralisme est donc de gérer un désordre servant les intérêts des acteurs les plus puissants.
        Le libéralisme est donc en terme de résultat l'ordre d'un pouvoir centralisé , sauf que c'est une entourloupe laissant croire que ce n'est pas le cas .
        Le "complot " est un complot non dit , non pensé, non décidé , mais accepté par tous et reposant sur l'idée qu'on va pouvoir s'en sortir comme ça . Idée fausse issue des libérations scientifiques et techniques et à l'enrichissement et progrès fort que cela a généré , pendant un temps .
        Aujourd'hui le principe de réalité ressurgit : il est impossible d'organiser et bâtir le monde humain sur ce seul principe ; et comme on ne peut pas revenir aux sociétés originaires , on a besoin de rééquilibrer le libéralisme non pas en aval , mais en amont et donc de revenir à la planification ; une planification qui ne peut pas revenir au pouvoir centralisé ; il nous faut donc un immense progrès démocratique , une capacité à penser et décider collectivement un nouvel ordre . Un miracle.....Quoi !
        Ce nouvel ordre réintroduirait , par la relocalisation , sans que cela soit à mettre sur le même plan , certaines limites salutaires parce que réalistes des sociétés originaires , le futur humain rejoignant ainsi ses origines pour quelque chose .....d'autre.
        La barbarie semble nous attirer malheureusement plus vite que la démocratie cognitive.

        • @DiGirolamo,
          Tu fais état d'une anarchie, d'une absence de structure, qui laisse le champ libre à une structure informelle. OK. En bon maître du monde (:-), tu proposes une planification. T'es sûr? Tu voudrais pas plutôt parler de régulation? De structure de régulation mondiale? Comme serait l'utopique Bancor pour les monnaies par exemple?
          Mais en attendant que tu aies le pouvoir de mettre ces structures en place, qu'est-ce qui t'empêche d'agir localement? Ne te reste t il aucune marge de manœuvre?

          • @Michel

            Il y a pour moi deux composantes de l'action politique : d'une part l'amont , la vision à long terme , le projet et la stratégie de mise en œuvre , la planification ; et d'autre part l'aval ,la régulation après coup . La démocratie étant une question d'équilibre entre ces deux secteurs.
            La planification amont est complètement nécessaire à la régulation avale. C'est la face amont de la régulation .
            De même un ordre mondial passe par un ordre local ; agir localement est sur le même plan qu'agir mondialement. Donc pas besoin d'attendre .
            Quant aux marges de manœuvres ......Il semble qu'on en ait pas beaucoup . Au local comme au mondial et ç'est en lien avec une pratique -culture politique réduite à la gestion.

  11. Sur le fond du sujet, (L'accélération technologique n'est peut-être que passagère (et manifestant déjà un certain ralentissement ?), non que les progrès techno-scientifiques puissent jamais s'arrêter mais ils pourraient perdre de plus en plus leur caractère "disruptif" bouleversant l'organisation sociale à mesure qu'une nouvelle organisation se met en place.), voici ce qui me semble être la "signature" de la dernière "disruption" : un ordinateur a battu le champion européen du jeu de GO selon Rue89 : http://rue89.nouvelobs.com/blog/extension-du-domaine-du-jeu/2016/01/28/un-pro-du-go-battu-par-un-algorithme-pourquoi-ca-change-tout-235202 Sachant qu'il n'a pas pu employer la "force brute", il faut bien admettre qu'il s'est comporté comme un humain. Sans avoir son "intelligence" à mon avis, mais avec une base de connaissances énorme et intelligemment exploitée.

    Avec cet exploit, un verrou symbolique saute. L'intelligence artificielle a désormais prouvé qu'elle égale et même surpasse son homologue naturelle, et cela va booster la recherche. Mais au-delà ? Rien n'étant infini, il faudra bien que ça s'arrête. (Sauf à la marge bien sûr, mais c'est une autre histoire.)

    • Bof ! Il ne faut pas s'accrocher à des totems comme celui-là et cela fait très longtemps que l'intelligence artificielle dépasse nos capacités sur certains sujets.

      Les progrès de l'IA depuis le deep learning sont considérables mais il y a encore du chemin (langage, traduction). On s'en approche doucement et les conséquences de l'introduction de l'IA partout seront considérables mais pas comme on le craint en général.

      Je répète que je n'ai jamais dit qu'on était à la fin de l'histoire alors qu'on est au début de bouleversements considérables. Si je dis que le ralentissement se fait déjà sentir un peu, c'est au niveau fondamental où les choses suivent leur cours depuis quelques années mais les conséquences concrètes en commencent à peine.

      • D'accord avec tout ce que vous dites, mais pas trop sur l'incipit, parce que c'est justement un totem qui vient de tomber. D'après Pixels, (http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/07/24/comment-le-deep-learning-revolutionne-l-intelligence-artificielle_4695929_4408996.html), toutes les grandes entreprises se sont mises au "deep learning" depuis deux ans, alors maintenant ça va être encore "pire" ! Et, toujours selon Pixels, (http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/01/27/premiere-defaite-d-un-professionnel-du-go-contre-une-intelligence-artificielle_4854886_4408996.html), la solution retenue pour le Go combine Monte-Carlo, "deep learning" et apprentissage renforcé. On va donc voir rapidement l'ensemble des techniques d'apprentissage devenir plus faciles d'emploi, (grâce à des logiciels toujours plus simples), puis de plus en plus répandues, car des tas de développeurs se feront fort de les expérimenter dans les domaines les plus variés. Et, dans beaucoup d'entreprises où l'IA n'en était qu'au stade de la veille technologique, les décideurs vont réorienter leur R&D : ce totem a ouvert un boulevard à l'IA, alors qu'avant c'était encore le brouillard de l'incertitude.

        • Pas trop le temps de répondre car je suis dans la revue des sciences mais, oui, le deep learning est époustouflant, progressant à mesure que notre connaissance du cerveau se précise, mais on en parle ici depuis un moment, le jeu de Go n'étant qu'un amusement, présenté faussement par la comparaison avec les échecs alors que la méthode est toute autre.

          Je trouve les articles sur le sujet très fautifs, nourrissant des peur ou des espoirs irraisonnées, ce qui n'empêche que l'introduction de l'IA partout va changer notre vie et la façon dont on utilise nos appareils numériques (plus besoin d'aller sur internet pour avoir une réponse, faire un achat, etc.), il suffira de poser la question. Le vrai verrou, c'est le langage, et là, on en est encore loin.

        • Quand on voit le niveau des traducteurs comme Google, on est loin de la maitrise...

          Ça fait huit ans que je m'amuse à comparer via Google des traductions anglais, francais, allemand, c'est souvent burlesque.

          Par exemple, les conditionnels allemand et francais sont assez différents dans leur temporalité grammaticale.

          La condition est la partie mise en avant de la partie conséquence en francais, ce qui me parait logique sur le plan phénoménologique, alors que c'est l'inverse en allemand. La phrase principale allemande est une conséquence mise en avant sans trop savoir si sa condition de réalisation est remplie.

          La Hauptsatz-conséquence prime sur la Bedingungssatz-cause, ou appelée Nebensatz, du fait que la préposition allemande définit et positionne toujours une phrase secondaire, dont la condion, en finale. C'est une forme de rigidité grammaticale. Essayez de faire l'inverse en Allemagne, et vous allez voir les réactions...

          En francais, c'est bien plus versatile, on peut inverser à volonté la causalité et la conditionnalité dans le déroulement de la phrase, et même utiliser 2 phrases au conditionnel pour gommer le "si, alors".

          "Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour". Ou bien : "D’amour me font mourir, belle Marquise, vos beaux yeux"...

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