- Le plaisir de la surprise dans la musique
Une étude se propose d'expliquer pourquoi à certains égards la musique offre le même genre de plaisir qu'un bon thriller.
La musique semble satisfaire notre soif de stimulation mentale mais l'IRM montre que c'est la zone responsable de la sensation de "bonne surprise" qui est activée. "Nous faisons constamment des prédictions. Même si nous ne connaissons pas un morceau nous essayons toujours de prédire comment il devrait se dérouler".
Il peut paraître "surprenant" que les gens tirent profit d'avoir leurs attentes contredites. Mais ces résultats ne font que donner une base neuronale à ce qui est connu depuis des siècles. Dans le monde antique, les professeurs de rhétorique savaient bien qu'une façon de capter l'attention des gens consistait à créer des attentes, puis de les contrarier.
Meyer avait aussi déjà montré comment ce mécanisme d'espérance contrariée ne fonctionnait que lorsqu'on connaît le style de musique.
J'insiste souvent sur le lien de la musique avec le langage narratif, ce que cette étude semble confirmer, permettant de rapprocher la variation dans la musique de ce qu'on retrouve avec les contes et les mythes.
Au temps où j'étais à l'Ecole Freudienne, j'avais envoyé à Scilicet (qui ne l'a pas retenu) une théorie de la musique basée sur la nécessité de créer une loi pour la contredire mais à condition (quand la musique est bonne) de créer ainsi une autre loi, un autre rythme, devant lui-même être contredit, etc. Comme je dis souvent, il faut avoir des habitudes pour pouvoir en changer ! Le rôle de la syncope dans le jazz l'illustre à merveille (comme ma pratique de l'improvisation) mais ce plaisir purement musical n'est cependant pas le seul plaisir de la musique. Il y a aussi une musique romantique ou le blues dont la jouissance est plutôt dans l'histoire, l'expressivité, la compassion voire la complaisance dans le malheur, et qui ne déçoit pas du tout l'attente pas plus que l'énergie de certains rocks très carrés faits pour la danse. Sinon, il peut y avoir simplement l'opposition de mouvements rapides ou lents comme dans un concerto.
Cependant, lorsque ce n'est pas la musique d'un morceau qui étonne l'attente, c'est le morceau lui-même qui doit se distinguer des autres morceaux (ce pourquoi il ne suffit pas de faire de la bonne musique pour qu'elle soit marquante). On a là une bonne illustration de la dialectique historique, d'une ontologie formelle, ce qui donne existence à une musique ou une mode à un moment donné (c'est ce qui rapproche la musique comme art temporel de la mode).
Pour cette constatation que la musique est souvent plaisante quand elle désarçonne, je l'avais compris il y a belle lurette. C'est en quoi les interprétations de Clayderman du classique sont totalement chiantes, il n'y a aucune surprise, ça tourne en rond, huilé et soporifique.
Il en est de même pour la créativité technique et scientifique, sans échec et remise en cause, c'est chiant à mourir d'ennui. Parfois, je tombe pile sur une solution et je trouve ça sans aucun piment du suspens, un effet bof...