Les élections présidentielles, sont les élections les plus folles, celles qui donnent lieu régulièrement aux espoirs les plus démesurés. On nous promet de changer le monde tous les 5 ans avec force moyens de communication et foules rassemblées. Crise oblige, cette fois, plus que les autres, une bonne part de l'électorat a même cru que cette élection pourrait déboucher sur une véritable alternative et non sur une simple alternance. Même le président en place s'est cru obligé de jouer la rupture avec soi-même ! Or, ce qui frappe derrière le triomphe des discours qui prétendent se faire l'expression des désirs collectifs, c'est une forme partagée d'hallucination collective qui mène à s'illusionner sur une possible victoire en prenant la petite partie qu'on représente pour le tout d'un peuple fantasmé. Chacun parle au nom du peuple mais pas du même peuple à chaque fois...
Ce n'est pas parce qu'un président est élu avec un peu plus de 50% des voix qu'il n'y a pas presque une moitié de l'électorat qui n'en voulait pas et qui ne va pas disparaître soudain du paysage comme par enchantement. C'est ce qu'on ne veut pas reconnaître, l'existence des autres. Il est un fait qu'il y a des gens de droite et même des fachos comme il y a des staliniens à gauche, la diversité est infinie qu'on voudrait ramener à l'unité d'un peuple qui ne se soude pourtant que dans la guerre (si ce n'est le sport), n'ayant alors de commun que son ennemi (tout comme l'unité d'un parti se limite à son adversaire). Prétendre parler au nom du peuple, du prolétariat, des femmes, des écologistes, etc., est une imposture qui se dénonce d'elle-même la plupart du temps par les scores infinitésimaux de ceux qui y croient pourtant dur comme fer mais ce n'est guère différent quand c'est une majorité qui se prend pour la volonté générale. En soi, la démocratie majoritaire a quelque chose de totalitaire impliquant la domination d'une moitié de la population sur l'autre, ce à quoi on devrait opposer une démocratie des minorités plus juste dans la détermination d'un intérêt général moins partisan.
Il semble bien cependant qu'admettre cette diversité des opinions et des intérêts soit un peu trop difficile. Cela ne nous condamnerait-il pas à l'impuissance, à devoir toujours composer avec l'ennemi ? Impossible de s'y résoudre, ce serait accepter trop d'injustices et nous dépouiller de notre humanité même avec la liberté de choisir notre destin, ce serait la fin de nos rêves et de nos si belles utopies. Plutôt la guerre !
Ce que l'esprit veut, c'est atteindre son propre concept ; mais lui-même se le cache et dans cette aliénation de soi-même, il se sent fier et plein de joie. Hegel, Philosophie de l’histoire.
Rien de nouveau mais l'après-coup d'une élection est un bon moment pour éprouver à quel point nous sommes face à une erreur cognitive résolue et systématique, de l'ordre du refoulement. "C'est l'esprit qui se nie avec la force infinie de l'esprit" ! Voilà ce qu'il faudrait étudier de plus près, cette tendance politique de tous bords à nier les faits et vouloir se persuader des choses les plus improbables, prendre ses désirs pour la réalité, ce qui est la chose la plus partagée de l'extrême-droite à l'extrême-gauche en passant par les partis de gouvernement, et même le centriste le plus modéré, qui ne sont pas en reste à croire représenter la nation toute entière quand ils ne servent qu'un clan. On voudrait nous persuader que faute de croire à des chimères on ne ferait jamais rien alors qu'une gauche ne peut avoir l'espoir de véritables transformations sociales sans une bonne dose de réalisme et l'élaboration de stratégies plus solides que de s'imaginer une conversion soudaine de tous les coeurs ou d'appeler à un pouvoir autoritaire ! Il faudrait en finir avec les utopies idiotes dont on se vante et qui ne sont que le symptôme de notre impuissance. Il faudrait entrer dans une politique adulte.
La politique n'est pas dans les grandes messes qu'on organise, d'un peuple qui se donne en spectacle (à la différence d'une manifestation), dimension religieuse exploitée intensivement par les fascismes tout comme par le maoïsme et qui touche incontestablement une fibre profonde, source d'ivresse et d'exaltation par l'identification à l'idéal du moi bien analysée par Freud (et Gustave Le Bon). Ces grandes séances de renforcement mutuel produisent de la philia mais sont inévitablement des machines à illusions, à chauffer les troupes pour la victoire finale jusqu'à l'hallucination collective.
La véritable vie démocratique se situe à un niveau beaucoup plus modeste, le plus souvent local et c'est à ce niveau qu'on pourrait construire des alternatives en dehors de toute utopie ou espérances mystiques. Il ne s'agit pas, en effet, de renoncer à l'alternative et se contenter d'un réformisme mou ne faisant qu'à peine atténuer une extension programmée de la misère. Certes, celui qui a été élu est justement celui qui a fait le moins de promesses mais on ne peut se contenter de limiter les dégâts, il y a urgence. Imaginez cependant qu'on abandonne le fantasme de changer le monde par des élections, qu'on prenne conscience qu'on fait partie de l'Europe et d'un monde désormais interconnecté où les pays les plus peuplés ne vont pas arrêter de se développer, qu'une alternative ne peut venir d'en haut mais seulement se construire patiemment par le bas. Nos sociétés riches ne manquant pas de ressources inexploitées, on verrait peut-être alors toute cette énergie militante se tourner vers une politique de proximité (relocalisation et développement humain), construisant sur les débris de la crise une toute autre façon de vivre et de produire plutôt que la sauvegarde d'un monde qui s'écroule.
La relocalisation et la démocratie locale sont le contraire de l'utopie car, qu'est-ce donc qu'une utopie ? c'est une société qui n'existe pas et surtout qui n'est nulle part, qui n'a aucune contrainte sociale ni histoire, et supposée atteindre une perfection immuable. C'est le contraire de la réalité contraignante et de réalisations humaines imparfaites prises dans toute une dialectique historique. Le réel ne se laisse pas faire ni émouvoir de nos bonnes intentions et c'est avec nos voisins tels qu'ils sont qu'il faudra construire l'alternative et sans prétendre vouloir dicter leur conduite. Nous n'habitons pas nulle part ni tout seul, le monde extérieur existe réellement, indépendant de nous, insensible à notre disparition. Notre marge de liberté individuelle n'a aucun rapport avec les déterminismes matériels et sociaux qui s'imposent globalement.
Les beaux discours n'y feront jamais rien. Le langage est bien trompeur en nous donnant la position d'auteur du monde, à nous qui n'en sommes qu'un minuscule acteur ne pouvant peser qu'à faire masse, ce qui ne veut pas dire qu'il suffirait de faire masse pour plier la réalité à nos quatre volontés. Il faut non seulement en rabattre sur nos propres capacités et prétentions mais tout autant sur la capacité d'une collectivité à ignorer le présent avec ses contraintes tout comme à rompre avec son passé millénaire.
S'il y a une chose qui n'apparaît pas du tout utopique et qui l'est pourtant aussi bien, c'est de revenir à l'état antérieur. La voie des Luddites est une impasse. On ne peut éviter de s'adapter aux nouveaux équilibres géopolitiques comme aux nouvelles technologies. Nous serons obligés d'innover dans les protections sociales d'un travail de moins en moins industriel. Il ne suffira pas de défendre des droits acquis réservés désormais à une élite, et si on veut les universaliser, il faudra bien en passer par des droits universels comme le revenu garanti qui paraît pourtant bien trop utopique encore. A l'évidence, ce n'est pas pour tout de suite...
Il ne s'agit pas de défendre un projet de société personnel, ce qui est une contradiction dans les termes, mais de s'organiser avec les autres pour vivre mieux ensemble et régler les problèmes qui se posent collectivement. Au lieu de partir de l'arbitraire des préférences ou des valeurs, il n'y a pas d'autre solution que de partir des possibilités réelles de l'époque. Ce sont ces potentialités à portée de main qui rendent la situation insoutenable et réclament notre action pour profiter de l'occasion. Cette sorte de socialisme scientifique, ou plutôt d'écologie réaliste dont on aurait tant besoin ne peut bien sûr faire l'impasse sur l'échec de la collectivisation qui portait des espoirs légitimes avant son expérience désastreuse à grande échelle. C'est là qu'il faut en rabattre sur des objectifs révolutionnaires qui se sont révélés dans toute leur démesure.
Cela ne veut pas dire qu'on ne pourrait plus rien espérer ni plus rien faire, tout au plus faire bouger les marges alors qu'on doit d'abord éviter le pire, régler un certain nombre de problèmes et qu'on peut toujours continuer notre émancipation et la sortie de siècles d'obscurantisme. La question ici n'est pas tant celle de l'audace ni de la volonté que de la justesse pouvant nous amener un monde un peu meilleur, arrêter du moins sa régression, reprendre la route du progrès en nous adaptant à la fois à la révolution numérique si profonde comme aux contraintes écologiques de plus en plus pressantes.
Dans ce contexte, et si on ne prend pas la partie pour le tout, ce qu'on peut faire au niveau national ne va pas très loin sans doute, mais aucun niveau ne doit être négligé qui peut tout de même changer le sort du grand nombre comme en Amérique latine (mais toujours menacé par la corruption, les réseaux de pouvoir, la bureaucratie) sans qu'on puisse parler ni d'alternative ni de sortie du capitalisme. Il y a déjà beaucoup à faire pour les services publics, la justice fiscale, la reconversion écologique. Sinon, actuellement, un gouvernement pourrait tout au plus sortir de l'Euro, faire un peu de protectionnisme (sans trop pénaliser nos exportations) mais la marge est étroite et l'addition risque d'être très salée dans tous les cas. L'Etat ne peut pas tout et, je le répète, c'est à la base qu'il faudra reconstruire, avec les autres, dans une société plurielle.
Il y a malgré tout des combats idéologiques à mener, un parti à prendre mais plutôt à un niveau supra-national cette fois, contre l'obscurantisme de droite et la fascisation des esprits. Pour arriver à faire pencher la balance de notre côté, il faut s'appuyer cependant sur des évolutions effectives, notamment sur le thème de l'assistance où le revenu garanti peut servir de contrepied à la culpabilisation des pauvres, mais aussi sur les libertés publiques avec la gratuité numérique et la fin de la prohibition du cannabis qui en sont les principales menaces (avec les lois anti-terrorisme). On voit tout le chemin qu'il reste à parcourir pour une gauche engluée dans son passé glorieux.
Le rapport de force n'y est pas favorable, c'est le moins qu'on puisse dire et il faut en tenir compte, il n'y a pas à s'illusionner sur la question, mais les contraintes objectives y mèneront plus efficacement que notre action. Tout ce qu'on peut faire, c'est accélérer le mouvement, abréger un temps de souffrance (de contradiction entre les forces productives et les rapports de production), non pas s'imaginer créer un monde de toutes pièces sous prétexte que la culture nous délivre de la nature en nous ouvrant à un imaginaire sans borne !
oui . mais cela parait bien compliqué , tu le dis toi même jean ailleurs , c'est pas ce qu'on voudrait . pour le moment au moins . bien à toi et merci pour ce petit texte , petite piqure de rappel au comble de cette hallucination collective si perturbante .
Effectivement, la situation n'est pas favorable encore à la relocalisation mais ce n'est pas le sujet de l'article qui est cette étonnante constante de tous les partis à se prendre pour le tout (à vouloir prendre le pouvoir) et qui témoigne d'une dissonance cognitive massive faisant écran aux potentialités réelles de la situation.
Je me suis cru obligé de rappeler ce que je dis depuis longtemps, qu'il faut s'appuyer sur les évolutions effectives, pour ne pas en rester à la simple critique ni encourager à la passivité, mais je souligne bien que cela paraît plus utopique que les utopies de chaque parti et qu'il ne faut pas attendre de convaincre la terre entière de la nécessité d'une relocalisation qui ne sera éprouvée que dans l'épreuve. En attendant, l'action idéologique n'est pas inutile à condition qu'elle ne soit pas régressive et qu'elle reprenne le flambeau de l'émancipation.
Après "Voilà le travail!", voici un nouveau titre astucieux.
Pour le fond, si le parti n'est pas le tout, j'éprouve un soulagement sur un point, je pense que je vais avoir un peu moins honte d'un président prompt à la division, prompt à désigner les pauvres fraudant l'état social, les étrangers et les "faux travailleurs" comme responsables de nos difficultés. C'est déjà ça.
J'espère que le subsidiarisme avancera concrètement à tous les niveaux au détriment du centralisme (ce qui ne veut pas dire d'abandonner les décisions et les actions qui reviennent au niveau central, le subsidiarisme n'est pas le décentralisme). Le niveau collectif local dont vous êtes un des champions devrait alors s'en trouver conforté.
Dans la dernière émission de "Rendez-vous en terre inconnue” de Zabou Breitman chez les Nyangatom où la division des tâches n'est que sexuelle, deux évènements donnent un aperçu de la force d'individuation à l’œuvre chez les Nyangatom. La petite fille qui nait pendant la présence de Zabou et à qui la mère donne le nom de Zabou. Elle dit que plus tard, on lui racontera cet épisode et pourquoi elle porte ce nom et sa mère est persuadée que ça va la rendre forte.
Quand F. Lopez demande au gardien de chèvres comment il sait si elles sont toutes là, s'il les compte, celui-ci répond qu'il ne faut pas les compter, que c'est mal, et qu'il les reconnaît individuellement, en particulier à leurs couleurs et à l'assemblage des taches.
Il me semble que notre débat sur la liberté et l'émancipation tourne souvent à vide en oubliant les processus d'individuation. C'est au contact des contraintes sociales que l'émancipation et l'individuation prend un sens. Quand nous devenons une unité d'un système devenu statistique, la liberté dont il s'agit devient virtuelle ou illusoire d'un certain point de vue. Être un pion qu'on peut compter et être un individu libre est antinomique d'une certaine façon.
On n'est pas dans le tout ou rien. Ni l'individu, ni la liberté ne sont des états de fait. Foucault se moquait de ceux qui pensaient (comme Bourdieu) que le pouvoir était un capital alors que c'est un rapport (ainsi les femmes sont dominés par les hommes mais dominent les enfants). Foucault disait aussi que là où il y a une liberté, il y a un pouvoir qui la contraint.
L'individuation elle-même n'est pas forcément une indépendance, résultant au contraire pour Simondon (ou René Thom) d'un stress social qui s'incarne dans des points singuliers. Lorsqu'un enfant est désigné pour être chaman, il s'individualise sans doute mais en prenant une charge collective sur ses épaules (une voie d'individuation, c'est aussi les sorts par exemple). La liberté moderne d'individuation relève de la diversité des parcours individuel et la multiplicité des déterminismes donnant un peu plus de jeu.
Il est certain que le règne de la quantité (des statistiques, des sondages) est désindividualisant, avec un côté insultant pour notre dignité d'être parlant mais je trouve ridicule d'en faire trop sur ces sujets (rationalité instrumentale, utilitarisme, marchandisation, etc.), comme si on y perdait vraiment notre humanité alors que lorsqu'on se situe au niveau d'une totalité, de la macroéconomie ou d'un gouvernement, il y a inévitablement passage de la qualité à la quantité, de l'individu aux statistiques. On fait toujours partie d'un système, d'un réseau, d'un type de discours. On est toujours un pion, pris comme un moyen par les autres (dans une entreprise notamment), en même temps qu'on reste une fin en soi les uns pour les autres. Depuis ma conférence sur "autonomie et dépendances" j'insiste sur le fait qu'on doit à chaque fois juger par rapport aux situations concrètes plus qu'avec des grands principes trop généraux et englobants (prenant justement trop facilement les individus comme des pions).
Sinon, je me dois de préciser que critiquer le fait de confondre le parti et le tout n'est pas critiquer le fait qu'il y ait des partis qui s'opposent, une gauche contre une droite, pour faire pencher la balance de notre côté mais sans s'imaginer une victoire sans partage pour réaliser nos programmes les plus irréalistes.
Finalement vous êtes proche des thèses qu'expose d'Edgar Morin dans la voie, non?
Tout au contraire :
http://jeanzin.fr/20...
J'ai du mal à percevoir la différence profonde. Vous appelez pourtant bien tous les deux à agir à la fois à l'échelle locale de manière "auto-gérée", et à l'échelle globale de manière institutionnelle?
"En soi, la démocratie majoritaire a quelque chose de totalitaire impliquant la domination d'une moitié de la population sur l'autre, (..)" : oui, et d'ailleurs les démocraties modernes sont nées sur les décombres d'états totalitaires dont elles ont conservé la structure pyramidale.
Parfois je me dis que "le local" serait effectivement le fil à suivre mais, face à la complexité, l'on peut sérieusement douter de l'existence même du "local". L'état d'une une ville ou d'une région résulte désormais du tissage d'une multitudes de flux dont l'origine n'est pas du tout locale, et qui ne sont pas forcément contrôlables. Et puis, quand on voit l'exemple de Paris et sa région, des déséquilibres apparaissent de façon criante avec ses "quartiers" réservés aux riches, aux pauvres, aux bureaux, aux petits pavillons, etc.
En fait, le "local" existe déjà, ce sont les municipalités, mais des municipalités prises dans l'enchevêtrement de flux ou de réseaux qu'elles ne maîtrisent pas. C'est ainsi que l'on voit des régions se vider de leurs habitants, tandis que d'autres deviennent obèses.
@Jean Zin :
"Foucault se moquait de ceux qui pensaient (comme Bourdieu) que le pouvoir était un capital alors que c'est un rapport". Pourtant les outils de Bourdieu sont très opérationnels pour comprendre ...les relations. S'il insiste sur le capital symbolique, ce que je perçois très bien si j'observe les comportements des groupes que j'approche, il ne perd jamais de vue les relations de dominations en particulier. Les modèles des analystes informaticiens de type entités/relations sont sans doute plus complets.
@Jean Zin :
"La liberté moderne d'individuation relève de la diversité des parcours individuel et la multiplicité des déterminismes donnant un peu plus de jeu."
Avoir une place au sein d'un ensemble, être avant tout un individu... individué me semble être la première nécessité psychologique pour un être humain. Quand on dit que notre société génère beaucoup d'exclusion, c'est avant tout de cette exclusion qu'il s'agit, de l'exclusion de la communauté des êtres humains, ou à défaut, d'une communauté particulière d'êtres humains. Je voulais pointer que penser la liberté en négligeant cette dimension me semble tourner à vide. Au bout, on peut constater les résultats de l'exclusion et ses dégâts collatéraux.
Ma position n'est pas de tenter de revenir à un imaginaire âge d'or ou d'en cultiver une quelconque nostalgie, ou même d'imaginer une société idéale à la Fourrier, mais plutôt de compléter l'offre en places (en développant le domaine social) et d'améliorer les places déjà existantes (par exemple organiser l'entreprise avec les outils de la sociocratie plutôt qu'avec ceux de la hiérarchie "féodale"). La statistique ne fait vraiment mal que pour les "déclassés".
@Jean Zin :
"Sinon, je me dois de préciser que critiquer le fait de confondre le parti et le tout n'est pas critiquer le fait qu'il y ait des partis qui s'opposent, une gauche contre une droite, pour faire pencher la balance de notre côté mais sans s'imaginer une victoire sans partage pour réaliser nos programmes les plus irréalistes."
ça devrait aller de soi, la folie idéologique n'est jamais loin.
@2to : Je ne suis effectivement pas en désaccord sur tout avec Edgar Morin, on partage même pas mal de choses mais sa position politique me paraît folle, d'une part en prétendant comme la plupart (Robin en particulier) à une réforme de l'esprit et d'autre part à une sorte de miracle produisant simultanément toutes sortes de bouleversements qu'il appelle la métamorphose. Tout cela n'est que du baratin religieux, la réalité étant qu'il faut du temps pour construire une alternative en partant du bas et qu'on ne va jamais convaincre la terre entière, qu'il faudra toujours tenir compte de rapports de forces pour composer avec la réalité locale.
@Crapaud Rouge : Toutes les démocraties ne sont pas aussi "totalitaires" que notre cinquième république avec cette élection présidentielle plébiscitaire et qui serait bien dangereuse tombée dans de mauvaises mains.
Le local n'implique aucune fermeture sur soi, contrairement au nationalisme. Il n'y a bien sûr pas de local qui ne soit traversé de flux, c'est même à cause de la globalisation qu'il faut relocaliser pour reconstituer un tissu local qui se défait. Ce sont les municipalités qui devraient prendre en charge leur économie locale avec des monnaies locales pour se soustraire aux tempêtes financières prêtes à se déchaîner et donner un débouché aux chômeurs du coin.
Film - Mouton - http://synaps-audiovisuel.fr/mouton...
La modernisation de l’agriculture d’après guerre portée au nom de la science et du progrès ne s’est pas imposée sans résistances. L’élevage ovin, jusque là épargné commence à ressentir les premiers soubresauts d’une volonté d’industrialisation.
Depuis peu une nouvelle obligation oblige les éleveurs ovins à puçer électroniquement leurs bêtes. Ils doivent désormais mettre une puce RFID, véritable petit mouchard électronique, pour identifier leurs animaux à la place de l’habituel boucle d’oreille ou du tatouage. Derrière la puce RFID, ses ordinateurs et ses machines il y a tout un monde qui se meurt, celui de la paysannerie.
Dans le monde machine, l’animal n’est plus qu’une usine à viande et l’éleveur un simple exécutant au service de l’industrie. Pourtant certains d’entre eux s’opposent à tout cela …
Jocelyne Porcher dit des choses intéressantes sur l'industrialisation de l'élevage mais la question n'est pas celle des puces rfid et elle dit, notamment, que pour vivre avec les animaux, il faut les tuer (ce que je constate hélas avec tous mes chats). Ce qui est curieux, et pas assez connu, c'est qu'on peut dire que l'industrialisation de l’élevage a précédé l'industrie. C'est au début du XIXè que l’utilisation des animaux a explosé avec de nouvelles races et des conditions de vie bien plus dures (chevaux de guerre ou de mine entre autres). Bien sûr, on n'atteignait pas l'horreur des élevages de poulets et autres animaux dont on peut se scandaliser beaucoup plus que de remplacer un système de marquage par des puces rfid.
@Jean Zin : "Ce sont les municipalités qui devraient prendre en charge leur économie locale avec des monnaies locales" : c'est une idée pour laquelle je suis très favorable, mais qui se heurte à beaucoup d'obstacles. Le premier est le monopole de la monnaie détenu par l’État: il pourrait sauter, certes, mais cela conduirait les grosses entreprises à exiger, au nom de la liberté démocratique, de pouvoir émettre des monnaies privées. On se retrouverait rapidement avec de multiples monnaies en concurrence, ce qui serait une première historique. Difficile, donc, de savoir comment ça se passerait si l'on généralisait l'idée.
Non, non, il tout-à-fait possible et facile de créer des monnaies locales comme le SOL (soutenu par l'Europe) et d'autres monnaies locales existent, y compris entre entreprises suisses par exemple sans que cela pose problème et des tickets de grande surface ou les miles des compagnies aériennes sont des monnaies privées. Il y a toujours eu de multiples monnaies en concurrence sans que cela pose problème.
Je ne pense pas que ce soit juste "un combat de plus" (à perdre), c'est surtout un cas typique de cette technocratisation du monde, de ce règne des experts centralisés comme d'une nouvelle Bureacratie du ciel en Chine. Ce n'est pas un hasard si ces heureux technocrates sont complètement déconnectés de leurs émotions et d'un contact moins distant avec la nature (assimilé à de la sensiblerie). C'est l'effet froid de leur mode de pensée technologique qui ravale tout au rang d'objet. Je ne suis pas d'accord avec cette dame, on ne vit pas avec les animaux pour les tuer, on les tue en dépit de notre affection/attention pour satisfaire les dures lois que nous imposent notre condition. C'est d'être nous aussi, comme eux, pris dans cette force sous laquelle nous plions qui nous rapproche d'eux, en quelque sorte. Et ce n'est pas de la sensiblerie.
Je ne parle pas des animaux domestiques d'agrément, triste substituts affectifs d'une société où les individus manquent de contact humain ou leur préfère des relations moins problématiques, plus facilement dominant/dominé.
Concernant le protectionnisme , qui ne peut tout résoudre, il me parait utile de mentionner qu'il revêt diverses formes, pas que les quotas ou taxes d'importation, mais aussi les normes techniques, les dévaluations monétaires, les dévaluations internes, les lobbies diplomatiques ou privés, les opérations de guerre OPEX...
En fait, tous les pays font peu ou prou, efficacement ou pas, du protectionnisme.
Là encore, c'est plus complexe, du cas par cas, par une option binaire du type pour ou contre le protectionnisme ou le libre échange.
Il n'y a que du protectionnisme, bien ou mal mené.
Oui, il y a toujours, et heureusement, un peu de protectionnisme, les Etats-Unis étant champions dans l'affaire alors que les Européens ne le sont pas assez. Il en faudrait un peu plus mais ceux qui voient dans le protectionnisme une solution quelconque se foutent le doigt dans l'oeil surtout pour des pays exportateurs comme nous qui perdons simplement notre ancienne hégémonie. Il ne s'agit jamais que de corriger plus ou moins des déséquilibres et non pas, effectivement, de basculer d'un libéralisme sans aucun frein à un protectionnisme étanche, tout cela n'étant donc que du réformisme à la marge qui est utile sans être vraiment décisif.
@Lune : Je n'ai pas dit, elle ne dit pas, qu'on vit avec les animaux pour les tuer, mais qu'à vivre avec eux, on est obligé de les tuer aussi, ce qui est, hélas, la triste réalité malgré les vaches sacrées de l'Inde (j'ai dû tuer déjà 15 petits chats cette année!). Je ne crois pas que les animaux domestiques ne soient que de tristes substituts des relations humaines qui ne sont d'ailleurs pas si gratifiantes qu'on le prétend ni si facilement dépourvues de domination (c'est même impossible, dans un couple il y a toujours un dominant qui peut tout aussi bien être la femme). La domestication du chien est très ancienne, précédant de beaucoup l'élevage, et cette relation animale nous apporte beaucoup, mais s'il est vrai qu'on est un dieu pour les animaux domestiques (le concept de dieu protecteur vient de là sans doute), on en est aussi en bonne partie l'esclave.
Pour le reste moi qui vit en pleine nature, je me dis qu'il faut être un urbain pour idéaliser une nature si dure et précaire. En ce moment, on est envahi de chenilles urticantes, un véritable enfer, et les chats environs sont dans des luttes féroces (sanglantes) alors que les chattes amaigries ont bien du mal à nourrir leurs petits et les protéger. Les villes, la civilisation, datent du néolithique, c'est la contrepartie de l'agriculture et cela fait au moins 5000 ans que les hommes se sont adaptés à cette vie hors nature (avec l'écriture et la bureaucratie qui va avec). Vraiment je trouve que c'est très fantasmatique et exagéré de voir dans les puces rfid quelque chose d'horrible alors qu'il y a bien d'autres choses plus horribles contre lesquelles on peut lutter pour améliorer le sort des animaux auquel on est d'autant plus sensible que nos conditions de vie sont moins dures justement.
Je suis aussi à la campagne et j'ai installé une chatière électronique qui fonctionne avec des puces RFID. Mes chats pucés vont et viennent à leur guise sans que les autres chats puissent s'incruster.
Moi, j'ai un système avec des aimants mais cela n'empêche pas les autres chats de rentrer, du moins certains, il y en a quand même que ça arrête.
Donc l'aspect pratique fait passer comme une lettre à la poste l'aspect déshumanisant/techno-gestionnaire. Super !
Mon mari et moi sommes éleveurs ovins et caprins. La nature, les animaux nous connaissons. C'est exagérer considérablement de ne voir que les combats de chat et les chenilles urticantes en guise de nature ! Vous devriez aller vivre en ville, où j'ai vécu dix ans. Le métro 4 fois par jour et la promiscuité vous guériront définitivement de cette surconsidération des petits désagréments de la vie à la nature.
J'apprécie énormément de vivre dans la nature mais uniquement d'être isolé, pour le reste je trouve cela très dur avec certes de très bons moments mais assez rares en fin de compte, on est toujours en train de se battre contre la nature (le froid, la chaleur, la sécheresse, l'inondation, les mouches, les guêpes, les moustiques, les escargots, les aoûtats, etc.). Vraiment rien d’idyllique, très loin des histoires qu'on se raconte. Il faut dire que je ne savais rien des savoirs paysans et n'étais guère adapté à cette vie. Je n'ai pas envie pour autant de revenir à Paris mais y serais sans doute contraint quand je ne pourrais plus physiquement assumer les tâches du quotidien.
Je trouve qu'il y a plein de misères et d'injustices, plein de problèmes et un besoin de plus d'humanité, notamment avec les animaux, mais qu'on se focalise sur les puces rfid me dépasse complètement !
On se bat sur ce qui nous touche, ce qui nous atteint dans notre vie quotidienne. Le malheur de l'humanité, les guerres, la cruauté, la pauvreté, etc., nous dépasse complètement.
Ce que nous pouvons faire c'est refuser le diktat des technocrates et des éconocrates, c'est avoir un couvert et une assiette vide pour être prêt à recevoir celui qui en aurait besoin, être hospitalier, ne pas faire preuve de cette sotte cruauté qu'on voit partout. C'est le terrain des luttes concrète. On essaye bien de se réunir, de communiquer notre vision de notre travail, de contredire les documents bien présentés des experts en tout genre.
Bref on fait le peu de chose que l'on peut, avec le peu de temps que l'on a. Je ne critiquerai pas ceux qui font plus. Mais souvent les défenseurs autoproclamés finissent par vivre de leur contestation et deviennent alors une sorte d'éco-bobo vivant de la représentation de la contestation. Raison pour laquelle je pense que c'est ceux qui font qui doivent combattre...
Il y a les tiques aussi, une vraie saloperie qui peut transmettre la maladie de Lyme.
Il y a un an, une m'a choppé à la paupière,
résultat : 2 semaines d'antibiotique.
Ne nous plaignons pas trop, en Afrique ils sont bien mieux lotis avec la bilharziose, la malaria et autres parasitoses...
La nature c'est joli le temps d'un couché ou levé de soleil, mais bien souvent assez peau de vache avec ses séismes, animaux dangereux, maladies, toxicités végétales...
Actuellement, j'ai le bon compromis, dans une petite ville de 11000 habitants avec petit hôpital et autres praticiens médicaux, magasins variés, entourée de champs et de forêts, à 20 minutes d'une grande ville.
Ca permet d'avoir le meilleur des deux, sans les inconvénients. J'habite en appartement archi bien isolé, d'où quasiment aucuns frais de chauffage, sauf par -20°C, donc rarement.
Sinon, il y a un truc odieux, ce sont les gros clébards dans leurs jardins qui aboient sous les balcons des voisins. Un de leurs propriétaires à qui j'avais demandé de les dresser pour qu'ils la ferme m'avait rétorqué, tenez vous bien, que nous sommes en démocratie, donc le droit à l'expression pour ses clebs, vu de sa petite caboche à 2 neurones.
Ce crétin abouti et sa cruche de femme avaient la trentaine, une maison, 2 voitures et des gosses. J'ai porté plainte avec constat d'huissier, le tribunal a trouvé le moyen de ne pas me donner raison.
La justice française est une folklorique plaisanterie.
Sûr que lorsque notre président, Cristina Fernandez rencontre Hollande, donnera d'excellents conseils pour vous permettre de trouver des solutions aux problèmes actuels en France.
Salutations de l'Argentine.
E B.
Hélas, je ne crois pas que ce soit à notre portée, être la 5ème puissance économique en déclin et intégrée à l'Europe dans une période de crise systémique mondiale réduit encore plus les marges de manoeuvre, d'autant qu'on devrait entraîner dans notre effondrement le reste des pays riches. Il y a certainement des capacités de rebond supérieur après un tel effondrement mais peu de chances qu'on l'évite ad vitam aeternam. J'essaie d'écrire ce qui serait un scenario idéal de sortie de crise mais je n'y arrive pas vraiment, le plus probable dans l'état actuel semblant un éclatement catastrophique de l'Euro avant la dévaluation du dollar. Il est sûr qu'on fera tout pour l'éviter mais les chances sont minces. On ne sait jamais mais, c'est dans ces circonstances qu'un homme providentiel peut renverser une situation en fédérant des intérêts opposés.
@Eduardo :
La situation est différente, l'Argentine était dépressionaire dans un contexte mondial de croissance, soutenue par la dette, certes.
Actuellement, la situation mondiale est dépressionaire, donc la sortie d'un système monétaire est plus délicate. La bouée de sauvetage de l'export s'est dégonflée.
Pourtant, c'est la direction en cours, avec guerre des monnaies à la clé.
Sinon, on a Jorion pour nous sauver.
C'est tout de même consternant que ce bateleur de foire à la grosse tête et aux chevilles non moins grosses fasse le buzz sur le net.
Ca m'épate qu'un glandu frimeur pareil puisse attirer autant d'audience, chapeau l'artiste qui a trouvé le filon.
Nous vivons des temps tragiques, mais heureusement ridicules grâce à de tels pitres. Le rire est le remède des tragédies.
Je ne suis pas d'accord pour qu'on insulte Paul Jorion qui a un rôle important dans la dénonciation des paris sur les prix et dont les analyses de la situation économique sont très justes (ainsi que celles de François Leclerc bien sûr). Même si j'ai critiqué les insuffisances de sa conception des prix et son incompréhension du concept de valeur, il est malgré tout important qu'il ait rétabli le rôle des rapports de force dans la fixation des prix.
Certes, il s'y croit un peu sur d'autres sujets qu'il ne maîtrise pas aussi bien (ce qui ne veut pas dire que ce qu'il dit soit inintéressant) et ne comprend pas non plus la notion de cycles économiques qu'il réfute avec de mauvais arguments (contrairement à ce qu'il dit, ce sont des statisticiens qui ont mis en évidence les cycles et de toutes façons la similitude avec 1929 saute aux yeux qui n'a pas été la fin du capitalisme comme en était persuadé Staline alors que Kondratieff montrait que ce n'était qu'une crise cyclique, ce que la suite a démontré). Cela l'amène à croire dur comme fer à la fin du capitalisme, ce qui me semble effectivement une bêtise tout autant que les solutions qu'il croit pouvoir y apporter et qui sont purement imaginaires ne prenant pas en compte le caractère systémique et matériel de l'économie (la même erreur que pour le prix). Il est vrai qu'il est conforté dans ses errements par ses commentateurs pleins de bons sentiments. C'est la même impasse constructiviste, représentative de notre moment historique, dans laquelle est tombée Etienne Chouard. On peut s'en agacer mais pas l'insulter ni réduire son apport à rien.
Il croit que l'effondrement viendrait d'un excès de complexité alors que, comme le montre René Passet après Schumpeter, les "destructions créatrices" font partie du fonctionnement des systèmes complexes et que non seulement l'effondrement n'est pas la fin du système de production capitaliste mais qu'il est à l'inverse la condition de son redémarrage. C'est même parce qu'on n'est pas encore dans la position dramatique qu'a connu l'Argentine qu'on ne peut s'en sortir avec les mêmes recettes. Il faut passer par le krach des dettes pour avoir une chance de repartir sur de nouvelles bases. Il y aura des changements dans les systèmes monétaires et financiers mais rien qui ressemble à une fin du capitalisme que ce soit en Chine, aux USA ou en Europe. L'alternative au capitalisme, je le répète, viendra du bas car on ne change pas un système de production par le haut, on peut seulement l'étatiser ce qui n'est pas forcément un progrès.
Ca fait un bail que la spéculation est remise en cause. A 14 ans j'assistais déjà à de telles discussions. Quand à la dette privée américaine, en 1998 j'avais pu en discuter avec des profs d'économie américains qui déjà s'en alarmaient.
Sur ces points Jorion a inventé le fil à couper le beurre. Si il fait son beurre avec et que ça permette d'informer quelques uns pas très curieux qui n'étaient pas déjà au courant, tant mieux, d'où son classement wiki.
Au delà de ses très éventuels apports, son ton dans ses billets ou commentaires posent un problème bien autre sur sa posture.
Sa façon de disqualifier tous les économistes au prétexte qu'il aurait découvert le Graal en dit un peu sur le personnage.
Effectivement, sa prophétie de fin du capitalisme et sa façon teintée d'énigmatisme de l'annoncer est passablement grotesque.
Si on extrapole ses dits ou non dits, on peut difficilement ne pas aboutir au communisme.
Ses conceptions macroéconomiques relèvent du fantasme, que ce soit au sujet de l'Euro ou du commerce international.
Maintenant, si ça plait, why not ?
Leclerc est plus humble et ses billets de même.
Tout le monde est critiquable et il est certain qu'on s'y croit facilement, qu'il est difficile de résister à une certaine popularité, ce qui est une des très bonnes raisons de se retirer du monde comme je le fais, mais il y a vraiment pire que Paul Jorion dont je consulte régulièrement le blog avec intérêt malgré toutes mes critiques, en effet.
Ceci dit, dans son dernier billet, Paul Jorion tombe dans une sorte de numérologie fractale qui est assez délirante. En tout cas, on comprend qu'avec de telles conceptions, il ne comprenne pas les cycles qui ne sont certes pas de l'astrologie, les durées des cycles étant variables et surtout ayant un substrat matériel (générationnel ou cycles d'hystérésis basés sur un temps de retard de l'effet par rapport à la cause).
@Jean Zin
Vous dites en parlant de Jorion et Chouard :"C'est la même impasse constructiviste, représentative de notre moment historique, dans laquelle est tombée Etienne Chouard. On peut s'en agacer mais pas l'insulter ni réduire son apport à rien."
Pourriez vous svp préciser un peu concernant cette "impasse constructiviste" ? Merci
Il faut s'entendre, on peut légitimement me taxer moi-même de constructiviste avec des dispositifs institutionnels sensés servir de base à un système de production alternatif relocalisé. Toute culture (ou langue) est une construction mais cela ne veut pas dire qu'elle serait arbitraire et qu'on pourrait la modifier à notre convenance. Il y a bien sûr des moment révolutionnaires où les structures changent mais ne subsistent que les nouvelles institutions viables. Il ne manque pas de sectes religieuses ayant créé des sociétés idéales dont bien peu ont survécu. Sur le plan politique, c'est la révolution de 1789 qui a inauguré l'illusion constructiviste, d'une société régie par la pure raison, donnant naissance aux idéologies avec leurs massacres inouïs. C'est une méprise totale sur le déroulement de la révolution française ne correspondant à aucun plan préalable contrairement à la révolution russe notamment, dont il ne reste plus rien en Russie actuelle revenue à l'ancienne orthodoxie. Il y a une grande différence entre partir de l'existant (les monnaies locales, les coopératives) pour s'ouvrir de nouvelles opportunités ou vouloir construire de toute pièce une nouvelle constitution (de l'économie).
Ce que je reproche surtout aux utopies constructivistes, c'est d'ignorer les forces matérielles (le bon marché des marchandises) et le caractère systémique du fonctionnement économique. On y substitue des jugements moraux ou la mise en cause des personnes. Postone a bien montré qu'on tombait dans cette voie dans le complotisme (le complot juif ou franc-maçon ou JP Morgan ou le groupe Bilderberg, etc.). Admettre les causalités matérielles et systémiques réduit considérablement nos prétentions et le constructivisme des situations mais ce n'est pas du tout la même chose de construire une alternative imaginaire au capitalisme ou profiter de la situation pour interdire les paris sur les prix ou séparer banque de dépôts et banques d'affaire. Les constitutions sont multiples mais les hommes sont les mêmes. La constitution de l'URSS était apparemment très démocratique sans empêcher un fonctionnement totalitaire et la Suisse n'est pas aussi idéale que sa constitution. Le krach de la dette, comme en 1789 et 1929, appelle une reconstruction et suscite donc un retour du constructivisme alors que nous devrions être dans une époque post-constructiviste, ce qu'on pourrait définir comme l'écologie.
Il y a toujours eu un malentendu sur l'usage que je fais du terme "révolutionnaire" et qui pour presque tout le monde s'oppose à réformisme en devant tout transformer (c'est un totalitarisme) alors que, pour moi, c'est un moment cyclique d'expression du négatif, de refondation et d'adaptation des institutions à un nouveau contexte (un nouveau cycle de Kondratieff). Il y a bien un rapport au tout dans les alternatives locales qui forment une totalité à faire système et sont inscrites dans une perspective globale mais cela n'a rien à voir avec tout changer d'un seul coup par l'effet simplement de notre volonté et notre supposée clairvoyance.