Il en est de même de l'écologie, de la refondation sociale ou de la "politique de civilisation". Dès lors que ces enjeux cruciaux ne sont pas assumés pleinement par une gauche minée par ses archaïsmes et ses luttes d'appareils ou d'ambitions personnelles, c'est une aubaine pour la droite et le patronat d'en reprendre à leur compte les mots d'ordre en les vidant largement de leur substance afin de ménager au mieux leurs intérêts. C'est une illustration de la dialectique entre droite et gauche car les lignes ne sont pas immuables, comme on le croit trop souvent, mais bougent toujours et jouent régulièrement à front renversé.
Ainsi, depuis la Révolution Française, la droite a systématiquement repris les revendications républicaines en les atténuant mais en les consolidant aussi, substituant l'identité nationale à la conscience de l'exploité et le rejet de l'étranger à la lutte des classes entre riches et pauvres. Dans cette continuité, l'adoption d'une "politique de civilisation" profite donc des ambiguïtés de la formule pour la tirer vers un retour à l'ordre et la certitude de son bon droit, mais on ne peut s'arrêter là. Il faut y voir d'abord la nécessité de reconstruire un projet politique global dans notre contexte de véritable mutation anthropologique depuis notre entrée dans l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain. Ensuite, d'en reprendre le contenu en grande partie à Edgar Morin, malgré tout, ne peut être sans conséquences positives ni quelques avancées réelles sur lesquelles il faudra bien s'appuyer pour conquérir de nouveaux droits sociaux.
Il n'est pas question de nier le choc et le sentiment d'étrangeté qu'on peut avoir à entendre son propre discours repris par l'adversaire ! Certes, on peut y voir la preuve que ces idées étaient mauvaises, contaminées d'avance, ou bien la confirmation du danger des discours sur les valeurs, si facilement détournées, mais on peut y voir tout aussi bien la confirmation de leur effectivité, surtout qu'on ne peut exclure que se vérifie encore une fois que la gauche fasse la politique de la droite (1983-) et la droite la politique de la gauche (1965-) ! Ce qui rend la chose peu crédible pour l'instant et provoque un malaise profond, c'est d'entendre un discours purement verbal démenti par la politique effective du gouvernement, politique de riche pour les riches et dure pour les plus démunis. On est à l'évidence dans la "société du semblant", toute d'apparences, et "dans le monde réellement inversé, le vrai est un moment du faux" ! Il ne faut pas sous-estimer pour autant le poids des discours, ce qu'ils engagent : il n'est pas si facile de faire oublier une vérité une fois dite...
Toute pensée peut être détournée, on l'a vu avec le marxisme mis au service de dictatures. Il n'est pas non plus si étonnant que, dans son entreprise de récupération à grande échelle, le discours de Sarkozy s'approprie Edgar Morin après Jaurès ! Le pillage de la gauche continue mais il y a une grande différence : on ne peut dire qu'Edgar Morin était une figure de la gauche très en vue jusque là. Au contraire, un article récent du Monde Diplomatique voulait le compromettre avec la droite ("Des chercheurs au secours de l’ordre établi"), on pensera d'autant plus avec raison maintenant, mais ce serait une erreur car ce qui fait la force de la référence à Edgar Morin, ce n'est pas sa position stratégique sur la scène politique, mais uniquement l'importance de sa pensée. Là encore, on peut dire que Sarkozy exploite simplement à son profit les ressources humaines inexploitées par la gauche !
Bien sûr, pour une bonne part, il ne s'agit que d'une stratégie de diversion afin de détourner de l'échec de sa politique économique en remplaçant une politique sociale par un discours social. Comme d'habitude, les riches sont payés cash et les pauvres payés de mots... Rien ne l'obligeait à parler d'Edgar Morin pourtant sinon les nécessités du temps, la réalité de la rupture de civilisation que nous vivons et le besoin d'une politique tournée vers l'avenir. Quand une situation est révolutionnaire, la révolution se fait que ce soit par la droite ou par la gauche ! pour l'instant, c'est la droite qui prend l'initiative, depuis un moment déjà, et occupe tout l'espace déserté par la gauche. C'est en prenant la mesure des bouleversements que nous connaissons que la gauche devrait retrouver toute sa dimension révolutionnaire, et non en s'enfermant dans un conservatisme d'arrière-garde. C'est Sarkozy qui a bien évidemment raison lorsqu'il souligne l'importance de la révolution numérique et du réchauffement climatique, impliquant un véritable changement de civilisation, jusqu'à nos façons de produire, de travailler et de vivre !
La façon dont il s'approprie les concepts d'Edgar Morin est cependant très personnelle, marquée de façon appuyée par une "interprétation de droite", toujours possible en effet. Il les tire du côté de l'autorité, du moralisme, du retour à l'ordre, de l'identité (du ressourcement identitaire) et de la normalisation enfin, mais il voudrait revendiquer de la même façon droits de l'homme, école de Ferry, laïcité, sécurité sociale, droit du travail, services publics même...
La politique de civilisation, c'est la politique de la vie. C'est une "politique de l'homme", comme le dit Edgar Morin. La politique de civilisation, c'est la politique qui est nécessaire quand il faut reconstruire les repères, les normes, les règles, les critères. Ce n'est pas la première fois que cette nécessité s'impose. Elle s'est imposée à chaque fois qu'un grand choc politique, économique, technologique, scientifique est venu ébranler les certitudes intellectuelles, la morale, les institutions, les modes de vie.
La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ce fut le fruit d'une politique de civilisation. L'école de Jules Ferry, ce fut le fruit d'une politique de civilisation. La laïcité, ce fut le fruit d'une politique de civilisation. La sécurité sociale, le droit du travail, les congés payés, le service public, ce furent les fruits d'une politique de civilisation.
Aujourd'hui il nous faut reconstruire notre rapport au temps et à l'espace, et notre rapport aux autres et à nous-mêmes bouleversés par la technique, la science et la globalisation.
Nous avons à combattre les dérapages, les excès de notre propre civilisation dont les principes, les valeurs, les institutions ne suffisent plus à répondre aux besoins qu'elle a elle-même engendrés. Edgar Morin dit que les impératifs aujourd'hui d'une politique de civilisation sont la solidarité, le ressourcement identitaire, la convivialité, la moralisation qu'il oppose aux maux de notre temps que sont l'isolement, le cloisonnement, l'anonymat, la dégradation de la qualité de la vie, l'irresponsabilité. Ces objectifs, je les fais miens. Je les fais miens dans la politique intérieure comme dans la politique extérieure.
Il souligne aussi l'importance de l'école, de l'accomplissement personnel (pas encore le développement humain), de la "sécurisation des parcours professionnels" (!), de la ville... On se demande si tout cela, ce ne sont pas que des mots mais ils désignent de toutes façons des réalités effectives avec lesquelles on ne peut être en désaccord. On ne peut que l'approuver aussi lorsqu'il parle d'un passage au qualitatif, à la qualité de vie et pas seulement au quantitatif ! Jusqu'à parler d'un autre modèle de développement et vouloir changer les indicateurs de richesse, ce qui est effectivement un préalable décisif, "changer notre instrument de mesure de la croissance pour changer notre conception de la croissance". On peut bien sûr ironiser sur le changement d'instrument de mesure lorsque les mesures ne sont pas bonnes, mais j'ai le plus grand respect pour Amartya Sen qui en a été chargé avec Stiglitz. Même pour de mauvaises raisons, on va dans le bon sens.
L'arrêt de la publicité pour la télévision publique devrait être une très bonne chose aussi, mais à chaque fois, c'est un piège : on risque de le payer au prix fort. Ainsi, le constat du passage à une économie de service et de la fin du fordisme, se traduit d'abord par la fin des protections sociales ! La nécessité de laisser place à la jeunesse se réduit à "sortir de la société des avantages acquis" justifiant toutes les régressions sociales ! On a un haut le coeur enfin lorsque la politique des quotas d'immigration et le sort réservé aux sans-papiers sont mis sur le compte de cette politique de civilisation. Sinon, le retour de la participation fait un peu fumeux et il y a peu de chances que le partage des profits s'améliore sans la mobilisation des salariés ! La question n'est pas tant d'analyser ce texte de Guaino, sans doute vite oublié, que d'évaluer le profit qu'on pourrait en tirer s'il était suivi d'effets, et de déplorer sur ce terrain, celui de l'avenir, l'absence de la gauche qui ne devrait pas se contenter de persifler mais devrait reconnaître au contraire les évolutions réelles pour leur donner d'autres réponses, plus émancipatrices, construire une politique de civilisation de gauche cette fois, il y a urgence...
très bien , vous êtes bien plus réactif que moi qui n'en suit pour l'instant qu'à une simple ébauche sur ce sujet. mais je pense qu'on a raison d'attendre la suite . j'en reviens toujours à cette idée qu'on va vers une république religieuse à dimension dictatoriale. pour les sans papier et les pauvres , comme toujours le meurtre est fondateur pour une quelconque civilisation . il faut bien entendu s'attendre au pire , et il y a peu de chance qu'on en vienne sous sarkozy au développement humain et au revenu garanti suffisant et inconditionnelle ,. après la relocalisation , j'avais plutôt l'impression qu'elle se faisait par le bas et ne se décrêtais pas d'en haut . peut -être que je me trompe et que le volontarisme d'un président peut entrainer les foules aveugles . on aurait aussi peur être bien fait de considérer la masturbation orgasmique , comme une véritable politique de civilisation ??!!
trêve de plaisanterie , c'est vrai que les termes du débat semblent un peu changer , tachons de nous en emparer pour imposer un contenu plus positif à tout cela .
mais pour moi la meilleure nouvelle est certainement la perspective de créer des nouveaux indicateurs de richesse ( qualitatifs ). et son idée de faire des universités des centre d'effervessences intellectuel , et un pur effet d'annonce ( il y perdu ces dernier temps 7 point d'un coup danbs les sondages) , à moins que là aussi il remettent en selle les curés ( il confiait dans son discours de latran vouloir faire reconnaitre l'enseignement religieux et les études de théologie , au même titre que l'enseignement laïque ) .
mais sarkozy en toute choses et tout propos ne pense qu'à son intérêt , il ne faut pas enêtre duppe .
"Il les tire du côté de l'autorité, du moralisme, du retour à l'ordre, de l'identité (du ressourcement identitaire) et de la normalisation" Peut on proposer (c est sans doute un peu naif de ma part) l equilibre plutot que l autorite, la paix plutot que l ordre, la fraternite plutot que la norme et l identite comme structure d interaction sociale ? Et en fait ne faudrait il pas tenter, meme si cela semble impossible, une politique de l harmonie plutot que de civilisation ? Car j ai deja entendu ces deux mots dans la bouche de Sarkozy et a chaque fois ils ressemblaient a des references petainistes. Ainsi je ne pense pas, a l inverse de Sarkozy, que ne plus etre en harmonie avec la nature soit un reel progres ni que la France ait apporte la civilisation a ses colonies impies.
Le mot de notre temps est l industrie. Et Virgil Georghiu le montre bien dans la 25e heure. L'epoque n arrivera jamais ou l automatisation des esprits sera la regle de l existence de l homme: parce que cela a deja ete tente (en Europe, en Asie, en Afrique...), que le systeme dysfonctionne gravement lorsqu elle est proche de se faire et que ceux qui en sont responsables se font alors taper dessus suffisamment fort pour que personne n ai l idee de recommencer pendant quelques generations.
Je ne suis pas sur que la verite soit plus forte que les valeurs: je l ai deja dit je ne crois pas a la verite et je pense que l exposition de valeurs represente un premier pas dans une volonte de negociation. Le mensonge par contre doit etre releve. Le mensonge n a pas de rapport avec la verite (qui est du meme domaine que l erreur) parce au il y a en lui l idee d intention. Sarkozy sait parfaitement quelle politique il mene, il sait parfaitement quel discours il tient. On peut discuter de ses erreurs eventuelles et denoncer ses mensonges trop ostensibles.
Que les partis de gauche n'aient pas été capable de concrétiser sur le plan des projets politiques les voies ouvertes , depuis si longtemps,par des chercheurs à mon avis plus que proches de la gauche ( refus de la marchandisation et de la globalisation, par exemple) comme René Passet, Edgar Morin,André Gorz, Jacques Robin, Patrick Viveret, etc... et Jean Zin, celà n'est pas plus désolant aujourd'hui qu'auparavant.
Cela tient aussi à la séparation et aux clivages entretenus entre les instances ( syndicats, partis, associations) spécialités de recherche ( économistes, sociologues, scientifiques de toutes disciplines), dans la phase du productivisme exacerbé. Cela tient aussi à l'essentielle différence entre des politiciens humanistes de gauche qui pensent ( trop!) qu'il faut du temps ( trop) pour être sérieux(trop) et compris, et une vedette populiste de droite qui nous sert au menu des têtes de chapitre susceptibles d'inaugurer un menu de nouveautés à la cuisine " moderne".
La vedette toutefois annonce une certaine maturité des concepts, et c'est à nous d'en vulgariser les contenus entrevus dans les hypothèses
de ceux qui établirent cette cartographie du futur: cette " politique de civilisation" c'est " l'écologie politique" selon Morin, selon Robin, selon Passet, selon nous tous ,etc... qui doit devenir le programme de découverte de toute la gauche! Urgence de la métamorphose! Au boulot!
Ne laissons pas le concept de politique de civilisation dans les mains "de fer" et la bouche "menteuse" de Sarkosy. Travaillons rapidement à une vraie politique civisationnelle de gauche. Les nouveaux indicateurs de richesse? Chiche. Patrick VIVERET y a pas mal travailler. On peut attendre du bon de la part de SEN et STIGLITZ mais que va faire Sarkozy de la commission ATTALI? Il y a comme un paradoxe à parler de relance de la croissance et de nouveaux indicateurs de la richesse.
Le paradoxe est la base même de la communication de Sarkozy, car le paradoxe entraine la perplexité des hommes, et la tétanisation des esprits.
Oui il nous faut à gauche sortir de nos archaïsmes et enfin, oui enfin, faire de c monde un monde réellement meilleur. Par le biais de la politique de civilisation, ou d'une forme de frugalité heureuse, par l'exemple et l'exemplarité, par la pensée et par l'envie.
Redevenir une gauche qui ne regarde pas l'autre pour le contrer, mais pour faire mieux et plus utopiste.
Je suis plutôt d'accord avec ropib en ce qui concerne les termes.
J'ajouterai à l'harmonie sa perpetuelle re-génération et correction grâce et contre le desordre.
Malheureusement, aujourd'hui, la gauche est bien loin de tout cela...
Sinon je suis impatient de voir de quelle manière s'incarnera la poilitique de civilisation de Sarkozy en 2008, en espérant vivement que cela ne décridibilise pas totalement la gauche (soupir).
A écouter : " l'opti-pessimisme" d'Edgar Morin dans un interview lundi 07 janvier 2008 sur france inter.
http://www.tv-radio.com/ondemand...
Avancer jusqu'à 4min30.
Bon ce type fait une OPA sur quelques idées de la gauche ! Mais il ne fait qu'enrober d'une toge gauchiste une politique concrète de droite... Si vous dites: je tourne à gauche et que vous prenez un virage suffisament léger à droite pour qu'ils se sentent pas, tout le monde se laisse berner ! Il y a plein d'analyste internationaux qui le disent: on est rentré dans une nouvelle période fasciste qui s'installe progressivement !! Vous regardez un peu les lois sur la sécurité qui sont passées ??? c'est l'homme coupable à priori, l'identification biométrique par des logiciels avec des caméras en prolifération (photo biométrique oblige), la prise d'adn pour le moindre délit (sauf les délits financiers bien sûr), un conformisme rampant au fonctionnement industriel du monde, l'obligation de participer au sacage du monde, etc. Aux USA ils en sont déjà à avoir des militaires dans les rues des grandes villes et des zeplins qui tournent au dessus de New-York avec des scanners... le monde se rétrécit autour de nous à toute allure ! Les fichiers de la justice, de la secu, de la police, etc., sont déjà interconnectés, etc. Ils sont bien bêtes ceux qui croient que ce fascicme là prendra la forme de l'ancien, il a de bien meilleures techniques depuis cette époque......
A propos de la reprise de sa " politique de civilisation" par Sarkozy, Edgard Morin a dit sur France-Info qu'elle " s'adressait plutôt à la gauche, qui a l'air de s'en foutre complètement" Il avait dit auparavant que Sarkozy a eu le mérite de " sortir ce mot du silence des cimetières"
Lorsque je suis optimiste en disant que maintenant nous pourrons plus aisément nous mettre au boulot, c'est seulement que je constate un avènement possible: A côté d'une gauche de contestation, d'une gauche dite de gestion, il y a eu une gauche inouïe jusqu'ici par les siens d'intellectuels chercheurs. Elle deviendrait audible? C'est l'avènemnt de quelque chose: ces gens seraient moins sidérants désormais. Comme l'écrit Jacques Robin " l'univers observable n'est qu'une mémoire de l'univers" ( temps de franchir les distances, temps de latente, de gestation). Notre travail est de continuer dans le changement de voie qui s'impose ( ce qui est différent du simple changement de cap. Tout en sachant que s'il nous faut comprendre et transmettre ce qui est dans les livres du " groupe des dix", toutefois " la transition ne s'apprendra pas dans les livres, nous n'en avons... plus le temps, mais à l'école très pragmatique de l'expérimentation grandeur réelle" (Laurence B. et Jacques R. dans Urgence de la métamorphose")
Comme si on avait pas déjà assez d'expérimentations grandeur réelle (OGM, nucléaire, armes bactériologiques en plein air, etc)... Faut vraiment être une automobiliste de gauche pour s'imaginer un XXI siècle matînée de teleparticipation et d'ecologisme s'attelerait par la science de Galilée au bonheur de 9 milliards d'hommes. Pendant que vous avez plein de bonnes idées, la police procède à des rafles dans toute la France pour expulser ceux dont les qualités légales sont indésirables. Car c'est bien de rafles au sens fasciste qu'il s'agit: ça consiste à virer et à renvoyer dans leur bantoustan tous ceux dont les critères légaux ne sont pas respectés.
Vous avez aucune change d'inverser les tendances lourdes de l'occident, encore moins avec des grands mots mous,.... Je vois plutôt deux scénarios: 1) Triomphe de la science et du libéralisme, nature et homme refaits de A à Z par les biotechnologies et monde entier stérilisé techniquement. 2) Echec du contrôle de la nature qui détruit notre termitière totalitaire.
Je penche pour le 2. GREMS a très bien exprimé ce que je ressens vis à vis de cette fin de civilisation ( en tout cas ce qui pourrait nous survivre aurait plus rien d'humain, on l'est déjà nous même si peu): "Les péripéties de l'âge interglaciaire vont bientôt s'achever, et les louables efforts du président Bush n'y changeront pas grand chose. Le temps d'édifier quelques ziggourats, de donner un sens à la vie de nos dieux, de rédiger en vain des kilomètres de pages. Nous avons bénéficié dix mille ans durant d'une période de stabilité exceptionnelle : le temps pour le marché de faire ses petites emplettes, et pour nous d'épuiser tous les biens d'équipement. La civilisation est un fruit du hasard. Il ne refleurira pas. Les arbres gêlent, nos sols deviennent stériles. Les courbes et les indices redescendent ; la croissance s'engourdit ; un vent froid traverse l'Atlantique ; mais tout cela est négligeable. Isolé dans la tourmente, le prix du gaz a au moins retrouvé la forme. Plus tôt, l'Alaska avait enserré la main fiévreuse de l'Amérique, et l'avait transformée en glace. La poignée se cassa, les téléspectateurs furent précipités dans le vide, et toute la vie sur Terre redevint pétrole. Qui en profitera ? Nous n'aurons pas eu le temps d'animer les étoiles. Il nous aura manqué un siècle, aussi quelques neurones et le coeur qui va avec. Chers enfants, vous qui manquerez de bras, pardonnez-nous : nous avions la tête à autre chose. Dans le ciel immobile, seules des armes aveugles tournent encore leurs ogives vers la Terre. Le reste de l'univers nous oublie déjà. Allah et Jehovah ont quitté le loft, partis se compromettre ailleurs pour de meilleures affaires. Il est devenu inutile de débrancher les machines. Le camion des poubelles ne passera pas dimanche."
( rezo.net/grems/ )
Monsieur Zin,
Votre site web est toujours aussi intéressant, mais vous négligez les questions financières, qui peuvent alimenter votre/notre réflexion.
Vous parliez de situation "révolutionnaire". Prenons un peu de recul et regardons ce qui se passe de l'autre coté de l'Atlantique, sur le plan financier...
La nouvelle du jour :
Moody’s says spending threatens US rating
By Francesco Guerrera, Aline van Duyn and Daniel Pimlott in New York
Published: January 10 2008 18:36 | Last updated: January 10 2008 18:36
The US is at risk of losing its top-notch triple-A credit rating within a decade unless it takes radical action to curb soaring healthcare and social security spending, Moody’s, the credit rating agency, said on Thursday.
The warning over the future of the triple-A rating – granted to US government debt since it was first assessed in 1917 – reflects growing concerns over the country’s ability to retain its financial and economic supremacy.
La suite sur :
http://www.ft.com/cms/s/0/40f3a2...
Et Le Monde publiait il y a quelques jours une chronique intitulée "Nous ne sommes pas en 1929". Ce quotidien n'est pas vraiment crédible sur les questions financières. Pour s'en convaincre,
il suffit de relire ce qu'il avait publié (ou plutôt ce qu'il n'avait pas publié) en février 2007 sur la crise des Subprimes et de comparer avec les articles de l'International Herald Tribune("Investors in mortgage-backed securities fail to react to market plunge" et du Christian Science Monitor.
Conclusion ?
Si Le Monde écrit "Nous ne sommes pas en 1929", c'est que la situation est grave. Alors 1848 ?
Amicalement,
Tivoli
PS : 1) Le problème de Sarkosy, c'est que ses compétences de candidat ne sont pas à la hauteur de ses compétences de gouvernant. Pour être convaicu, regardons un domaine que vous n'abordez pas, la politique étrangère. En neuf mois, quelle est son action publique en politique étrangère qui n'a pas décrédibilisé la France ? A part le mini traité européen (bien que je sois en désaccord, mais ce n'est pas important), je ne vois rien. En bref, c'est un guignol dont l'amateurisme et l'égo desservira les puissances (financières) qui l'ont soutenu. Et quand ces puissances s'en rendront compte, ce sera l'heure de l'heure de l'alternance ? 1848 ?
@zul. . Il m'est arrivé, comme à vous, de haïr le monde entier, en paroles. Mais j'ai connu cette surprise ( et la rage contre soi) de sentir que ce monde donnant la haine c'était d'abord quelque chose échappé de moi-même.Un serpent sorti de mes propres manches.
Songez un instant que le monde que vous venez de décrire (avec vérité), n'est pas qu' extérieur à vous, c'est aussi vous-même? Car nous ne sommes qu'une particule de l'univers, et cependant nous le contenons tout entier. Comprendre que l'univers est ce que nous sommes,chacun, ici et maintenant, cela m'a guéri pour ma part du nihilisme
D'abord je rappelle que, malheureusement, on ne peut se passer d'un filtre spam et que donc certains mots ou la présence de liens empêchent les commentaires d'apparaître tant que je ne les ai pas validés...
Je ne néglige absolument pas les questions financières qui sont effectivement très sérieuses, j'ai écrit depuis longtemps sur l'effondrement du dollar qui tarde à se concrétiser mais je replace cette crise dans les cycles de Kondratieff à plus long terme et donc dans une phase ascendante qui devrait en réduire les conséquences à une redistribution des places, une réorganisation du monde sur de nouvelles bases. C'est 1848 plus que 1929.
Sinon il ne sert à rien de se fâcher contre Zul même si on peut se gausser de son sens de la nuance, d'une certaine façon on est tous passés par là. C'est la dialectique qui apporte ensuite toutes les négations qui conviennent mais il faut du temps pour cela, pour relativiser le mal comme le bien, un bien qui n'est pas aussi beau qu'on le croyait et un mal qui n'est pas si horrible qu'on pouvait le craindre. Le danger d'aller trop vite au positif c'est de tout accepter et ne plus voir le mal, en tombant dans une sorte de cynisme. Pour ma part j'ai renoncé à vouloir que tout le monde pense comme moi, et d'abord parce que je suis trop ignorant et que je suis capable de dire de grosses bêtises, mais aussi parce que toutes les positions cognitives doivent être occupées. Ainsi, il y aura toujours des gens qui voudront supprimer l'argent ou refuser telle ou telle technique. Il ne sert à rien de convaincre un partisan qui sera remplacé par un autre dans le paysage argumentatif. On ne peut qu'inciter les militants à travailler leurs arguments pour qu'ils aient l'analyse la plus intelligente possible apportant une force transformatrice même si elle ne peut réellement s'incarner. Ni les révolutions ne sont faites par des purs révolutionnaires, véritables anges de l'apocalypse, ni par des philosophes vénérables, il y faut un conglomérat de toutes ces compétences pour aboutir à des transformations durables il faut s'entendre malgré nos différences et pas se refermer sur soi et ses certitudes.
On peut toujours prédire le désastre, il viendra toujours. Se relever du désastre, on n'a jamais rien fait d'autre, c'est notre condition humaine inavouable... L'erreur c'est de croire qu'il y avait un paradis de l'enfance, on progresse malgré tout face à la férocité du passé qui n'avait pas la douceur du sein maternel présente en toute nostalgie. Il n'empêche que la menace est immense et que notre avenir est suspendu à ce que nous ferons, il y a bien urgence, pas de quoi se réjouir de nos petits progrès trop chers payés quand il faut éviter le naufrage, mais pas de quoi se lamenter non plus de notre sort quand il faut s'engager dans une bataille décisive. L'enjeu est cognitif, d'arbitrage entre la vérité et l'erreur, il est aussi de reconnaissance de ce que nous sommes, de notre humanité qu'on confond trop souvent avec une religion ou une culture.
je ne hais pas le monde entier, mais j'ai peu d'affinité avec les fausses consciences qui s'enrobent dans l'abstraction pour ignorer la réalité concrète... Qu'on soit tous coupables, je veux bien (par contre faut pas me parler de noosphère et de ces âneries scientistes........), que ça empêche de voir que certains sont plus responsables que d'autres je ne suis plus d'accord !! D'ailleurs je n'aime pas le tous, les aborigènes d'australie, les penans d'amérique du sud ou de l'orenoque, etc., n'ont jamais sombré la démesure, eux. On est allé les chercher et on leur a offert la civilisation occidentale (et quelle civilisation de merde, maintenant que les indiens trainent leurs guêtres dans les bidonvilles de Manaus). Ca me rappelle ce que j'avais vu dans les années 70 au Kenya, des émissaires de l'Etat allaient chercher les peuplades dans les montagnes - qui vivaient librement et sans ravager leur milieu - et leur donner de l'argent pour qu'il s'installe au bord de la route que l'Etat venait de construire, puis quelques années plus tard l'Etat installait la police, le Tresor Public, l'obligation légale et la "Politique sociale et agricole". L'Etat est la plus grande merde que l'homme ait jamais inventé.
Mais je compte pas passer à la moulinette psychologique mes révoltes et ma vision de ce qui est mal, ce qui mal doit être appelé tel. Vous pouvez toujours relativiser,la vérité c'est que nous aurions pu VIVRE et nous avons choisi de SURVIVRE. Parce qu'au fond la nature ne nous a jamais menacé, y'a que nous qui nous menaçons nous-mêmes.....
@Zul
Notre société a une raison d'être et notamment une histoire. Je ne crois pas qu'il y ait un mal ou un bien objectif, il y a des choix qui sont faits. Il y a des personnes qui ont plus de responsabilités que d'autres, c'est vrai, mais je ne suis pas d'accord non plus pour les accuser de tout et n'importe quoi car cette prise de responsabilités (que nous sommes bien souvent contents de ne pas avoir à prendre) a souvent des conséquences très dures dans la vie privée ou intime.
Ainsi, comme vous le faites d'une certaine façon, il faut se demander comment agir au mieux en fonction de nos propres choix, de notre représentation de la vie. La révolte n'amène pas souvent grand chose en elle-même. Je crois qu'ici il est question de savoir comment atteindre nos objectifs et que cela ne concerne sans doute pas le court terme. Une vraie révolution doit être préparée et ne peut aboutir si elle ne se construit que sur des principes humanitaires ou de compassion privée s'il n'existe pas à côté un système politique ou économique qui nous permettent de vivre en paix tous ensemble.
Soit: flagellons-nous pour avoir exterminer des peuples ou des cultures en ne voyant pas l'intérêt qu'ils auraient pu nous apporter (encore que les aborigènes ne soient pas morts). Mais projettons-nous aussi dans l'avenir si on ne veut pas basculer dans la violence comme bien souvent dans notre histoire.
C'est avec beaucoup d'ignorance et aussi énormement de naïveté que je me permet de vous poser cette question : Au regard des événements passés et présents que l'on peut observer dans l'évolution de la société "alternative" de plusieurs pays d'Amérique Latine- Des pobladores du Chili aux communes libres des chiapas en passant par Chavez, Morales etc... Ne pensez-vous pas que cette grande révolution écologique, cette utopie d'une "civilisation" de l'autonomie, de l'autogestion et de la démocratie participative n'a plus à trouver ses repaires, à faire ses preuves mais plutôt à regarder ce que "ceux d'en bas" ( tel que se nomment eux-mêmes et non sans humour, les zapatistes de Marcos) sont aujoud'hui même en train d'élever très haut c-a-d une réelle société de l'écologie et ce sur base d'un travail de terrain, par une totale synergie entre le pensé et l'agir, loin des dogmes, loin des ronflements théoriques, au coeur même des desirs humains, sur la terre ferme des souffrances et des joies?
"La Démocratie ne viendra pas
Aujourd'hui, cette année,
Ni jamais
Par le compromis ou par la peur."
Langston Hughes
"Fais ce que tu as à faire." Me dit toujours une personne proche que j'aime profondément quand je m'égare dans le dédale de mon cerveau gauche.
Oui, l'Amérique Latine est un peu notre URSS avec le même problème à vouloir s'inspirer de sociétés moins développées alors que nous sommes confrontés à une entrée dans l'ère numérique qui exige de tout repenser. Il est important que ces sociétés témoignent de leurs solidarités préservées mais nous avons plutôt à les reconstituer autrement. Il faut tenir les 2 bouts à la fois : une production plus écologique mais qui regarde vers l'avenir et tienne compte de notre entrée dans l'ère de l'information, de même qu'il nous faut retrouver une véritable communauté tout en développant l'autonomie de l'individu.
Enfin, je crois que la démocratie ne vient jamais, elle est toujours perdue et toujours à reconquérir. Ni les procédures ni les bonnes intentions ne garantissent la parole aux sans voix et le poids de la communauté ou de l'esprit de groupe est rapidement pesant. Ce n'est pas une raison pour baisser les bras mais pour ne jamais baisser la garde, la liberté se prouve en acte, difficile liberté...
Bien évidemment, les spécificités géo-culturelles ne sont pas à négliger.
Mais il semble qu'en ce qui concerne le développement d'une économie agraire écologique(bio-organique) avec une structure de type circuit court (communes, S.O.L etc ), l'exemple des Chiapas semble être une réussite; du moins en tant que revalorisation d'un patrimoine cruellement endommagé par le productvisme néoliberal...
Dans tous les cas, je pense que cette "actualité" Latino-Américaine mérite d'être prise en compte avec indulgence du fait son contexte Humain.
Quand à la démocratie, en effet, elle ne vient jamais , elle se reconstruit chaque jours avec le poids de ses fantômes.
Je pense ici aux expériences sud-américaines d'autoproduction d'ordinateurs et de CDs dont parle Gorz dans son dernier texte :
"L'économie de la connaissance se donne ainsi pour base une richesse ayant vocation d'être un bien commun, et les brevets et copyrights censés le privatiser n'y changent rien ; l'aire de la gratuité s'étend irrésistiblement. L'informatique et internet minent le règne de la marchandise à sa base. Tout ce qui est traduisible en langage numérique et reproductible, communicable sans frais tend irrésistiblement à devenir un bien commun, voire un bien commun universel quand il est accessible à tous et utilisable par tous. N'importe qui peut reproduire avec son ordinateur des contenus immatériels comme le design, les plans de construction ou de montage, les formules et équations chimiques ; inventer ses propres styles et formes ; imprimer des textes, graver des disques, reproduire des tableaux. Plus de 200 millions de références sont actuellement accessibles sous licence "créative commons". Au Brésil, où l'industrie du disque commercialise 15 nouveaux CD par an, les jeunes des favelas en gravent 80 par semaine et les diffusent dans la rue. Les trois quarts des ordinateurs produits en 2004 étaient autoproduits dans les favelas avec les composants de matériels mis au rebut. Le gouvernement soutient les coopératives et groupements informels d'autoproduction pour l'auto approvisionnement.
Claudio Prado, qui dirige le département de la culture numérique au ministère de la Culture du Brésil, disait récemment : "L'emploi est une espèce en voie d'extinction... Nous comptons sauter cette phase merdique du 20e siècle pour passer directement du 19e au 21e siècle". L'autoproduction des ordinateurs par exemple a été officiellement soutenue : il s'agit de favoriser "l'appropriation des technologies par les usagers dans un but de transformation sociale". La prochaine étape sera logiquement l'autoproduction de moyens de production. J'y reviendrai encore.
[...]
Les outils high-tech existants ou en cours de développement, généralement comparables à des périphériques d'ordinateur, pointent vers un avenir où pratiquement tout le nécessaire et le désirable pourra être produit dans des ateliers coopératifs ou communaux ; où les activités de production pourront être combinées avec l'apprentissage et l'enseignement, avec l'expérimentation et la recherche, avec la création de nouveaux goûts, parfums et matériaux, avec l'invention de nouvelles formes et techniques d'agriculture, de construction, de médecine etc. Les ateliers communaux d'autoproduction seront interconnectés à, l'échelle du globe, pourront échanger ou mettre en commun leurs expériences, inventions, idées, découvertes. Le travail sera producteur de culture, l'autoproduction un mode d'épanouissement.
Deux circonstances plaident en faveur de ce type de développement. La première est qu'il existe beaucoup plus de compétences, de talents et de créativité que l'économie capitaliste n'en peut utiliser. Cet excédent de ressources humaines ne peut devenir productif que dans une économie où la création de richesses n'est pas soumise aux critères de rentabilité. La seconde est que "l'emploi est une espèce en voie d'extinction".
Je ne dis pas que ces transformations radicales se réaliseront. Je dis seulement que, pour la première fois, nous pouvons vouloir qu'elles se réalisent. Les moyens en existent ainsi que les gens qui s'y emploient méthodiquement. Il est probable que ce seront des Sud-Américains ou des Sud-Africains qui, les premiers, recréeront dans les banlieues déshéritées des villes européennes les ateliers d'autoproduction de leur favela ou de leur township d'origine."
C'est sans conteste ce qu'il se passe depuis les premières réapropiations collectives aux Mexique par les populations indigènes. Puisque l'on a pu constater qu'ils détenaient et maîtrisaient l'outil informatique nécessaire à leur lutte émancipatrice, tant sur le plan de la connaissance intellectuelle (éducation, ouverture culturelle sur le monde...) que pour tous ce qui rentre dans le cadre de l'aide technique de terrain (aménagements répondant aux besoins vitaux...) tout en retrouvant leurs acquis ancestraux, racines et savoirs, donnant la preuve qu'une démarche technologique innovante peut être totalement compatible avec une organisation sociale autonome et écologique.
Il est aussi très intéressant de remarquer que les zapatiste (et notamment leurs porte-parole) ont su jouer avec subtilité de l'outil de communication ; ces communiqués largement et souvent positivement médiatisés ont permis à ces communautés de tisser des liens de solidarité productifs avec les milieux alternatifs sur l'entièreté de l'échiquier planétaire.
Ce que je trouve aussi très intéressant c'est que L'EZLN s'est toujours positionné en tant qu'organisation militaire défensive, (mais pleine d'humour et d'une certaine"philosophie de la distance") dans un rôle de protection des communautés indiennes le temps de leur permettre de développer des structures socioéconomiques et politiques autonomes, autogérées et viables.
Je voudrais juste rajouter qu'en tant que "bio-consomateur" radical (100 %) au statut socioprofessionnel et économique précaire -et le premier découle du second contrairement au cliché voulus du bioprivilège- depuis plus de vingt ans, je n'ai jamais douté de la validité d'une écologie de vie au quotidien, et à défaut de pouvoir se défouler sur des barricades pour être en bonne santé comme aimait à le rappeler Laborit, une hygiène de vie "bio" est un gage de confort que peu de nos contemporains connaissent.
En ce sens je pense qu'une "civilisation" écologique en lieu et place de la présente civilisation mécaniste serait à n'en pas douter une vraie bouffée d'air.