simple, taylorienne, apprenante et lean production (flux tendus)
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Dans les organisations apprenantes, les salariés sont souvent polyvalents, participent activement à l’élaboration des objectifs avec la hiérarchie, apprennent en continu, disposent d’une forte autonomie et utilisent la technologie comme un outil d’amélioration du contenu du travail et des process de production. Ce modèle est très répandu dans les pays scandinaves. La lean production se rapproche de l’organisation apprenante mais s’en distingue par un plus faible niveau d’autonomie, lié à un rythme de travail encadré notamment par les machines et par la standardisation des processus. L’entreprise Toyota a fait figure de pionnière en la matière. Les organisations tayloriennes et simples ont en commun une faible autonomie des salariés, une forte répétitivité des tâches, un faible apprentissage dans le travail et une forte supervision hiérarchique. Dans les structures simples, les procédures de travail apparaissent toutefois moins formalisées.
L’organisation apprenante apparaît comme le modèle assurant la plus grande qualité de l’emploi, qu’il s’agisse d’accès au CDI ou à la formation continue, de valorisation des compétences, de mobilité professionnelle, de conditions de travail ou de relation à la hiérarchie. Elle se révèle aussi plus performante en matière d’innovation et de productivité en raison de ses pratiques managériales hautement participatives. La lean production a certes des atouts en termes de productivité, mais elle entraîne un risque élevé de détérioration des conditions de travail (stress, cadences intensives, contrôle, etc.). L’organisation taylorienne et la structure simple sont celles qui offrent les plus faibles perspectives sur le marché du travail et des risques plus élevés de chômage.
L’intégration dans des organisations apprenantes conférera à certains métiers liés à la santé mais aussi à l’action sociale une forte valorisation en termes de stabilité de l’emploi et de formation continue. Dans ce cadre, chaque membre de l’organisation a un rôle important à jouer et la performance globale repose sur l’interdépendance de tous les métiers concernés.
La faculté de connecter rapidement entre elles les ressources immatérielles pourrait constituer en 2030 un enjeu plus important pour les entreprises que le fait de posséder des compétences en propre. La plateforme collaborative virtuelle repose sur un système informatique qui met à la disposition des travailleurs des ressources et des outils pour faciliter le travail en commun et à distance.
La plateforme collaborative présente de nombreuses caractéristiques propres à l’organisation apprenante, en particulier un mode de coordination où la gestion des connaissances et de la communication s’exerce de manière horizontale. Dans ces espaces collaboratifs virtuels, les « salariés » et la communauté élargie ne communiquent plus par l’intermédiaire de la hiérarchie mais s’adressent directement à ceux qui possèdent les informations. Comme dans le modèle apprenant classique, ces communautés de travail nécessitent une forte autonomie et une grande agilité. Enfin, les activités comportent un contenu cognitif élevé et une dynamique d’apprentissage continu au niveau individuel comme collectif.
On peut prévoir aussi la croissance d’organisations simples sous forme d’un « super-intérim » ultra-flexible. appuyé sur des réseaux de communication très rapides, ce modèle se généraliserait dans les secteurs connaissant des pics de demande de courte durée : on pourrait ici assister à la fin du modèle « employeur unique et contrat de travail unique » — modèle déjà largement écorné. Ce scénario donnerait naissance à une société à deux vitesses, avec une « techno-élite » bien intégrée et un « techno-prolétariat » dévolu aux tâches à faible valeur ajoutée.
Dans une même journée, une personne ferait deux heures de jardinage le matin chez un premier employeur, puis deux heures de service dans un restaurant pour un second employeur, puis une heure de taxi, et ainsi de suite. Ce scénario conduit, pour une partie du marché du travail, à la disparition de la notion de salariat et au retour de formes organisationnelles ultrasimples. Chaque individu serait sa propre entreprise sous-traitante et vendrait sa force de travail sur les plateformes. La concurrence entre « individus sous-traitants » serait vive. Les perspectives de formation et d’évolutions offertes dans le cadre strict du travail seraient limitées. on ne peut exclure une forte progression de ce modèle.
Un nouveau type de plateformes collaboratives vise des personnes ne possédant aucune compétence particulière, pour leur faire réaliser à distance des micro-tâches simples, présentant peu de valeur ajoutée. Ce n’est plus la plateforme de services de type super-intérim mais une plateforme de « production ». Une des premières a été créée en 2005 : sur le site mechanical Turk, filiale d’amazon, de « petites mains » se connectent pour réaliser des micro-tâches que les logiciels les plus perfectionnés n’arrivent pas à accomplir, comme identifier des objets sur images, traduire des fragments de texte, classer des images par catégories. Le principe est toujours celui de tâches « périphériques » réalisables à distance par des personnes peu qualifiées.
Ce modèle pourrait concerner des jeunes, des chômeurs ou des retraités qui peuvent travailler n’importe quand et n’importe où, du moment qu’ils possèdent un terminal. Ces nouveaux travailleurs ne sont plus que des « contributeurs » offrant quelques minutes ou quelques heures de travail pour réaliser des tâches au profit d’entreprises qui les externalisent par l’intermédiaire de plateformes simples. Ils peuvent en faire leur principale source de revenu ou bien un complément d’appoint. Si ce modèle venait à se généraliser, on assisterait au développement d’un sousprolétariat rappelant le XIXe siècle. Le résultat serait une très forte polarisation du marché du travail mais aussi au sein de la société, avec d’un côté des individus exerçant un "vrai" travail, à forte valeur ajoutée, capables d’exploiter les nouvelles technologies ; de l’autre, des personnes exécutant à distance des tâches à faible valeur ajoutée, sans droits sociaux ni perspectives de carrière.
Etude de France stratégie sur les mutations du travail.
En fait cette projection dans le futur ne fait qu'amplifier les tendances actuelles mais du moins s'intéresse aux transformations du travail plus qu'à sa prétendue disparition. Ce n'est pas très original sauf l'idée que la santé et les services à la personne devraient s'intégrer à des organisations apprenantes. De mon point de vue, la dualisation du travail et l'ubérisation des services ne font que renforcer la nécessité d'institutions comme les coopératives municipales et une réappropriation publique des plateformes collaboratives locales par la commune (propriété collective des moyens de production).
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