Les 7 principes de la désobéissance civile de Howard Zinn

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Je viens de découvrir ce texte sur Internet et je suis tellement en accord avec mon célèbre homonyme américain que je ne résiste pas à mettre sur mon blog cette version d'un vieux principe de Confucius et de Thoreau, "Lorsque la consigne est infâme, la désobéissance est un devoir". Confucius disait "Si un État est gouverné par les principes de la raison, pauvreté et misère sont des sujets de honte ; si un État n'est pas gouverné par les principes de la raison, richesses et honneurs sont des sujets de honte". C'est la parfaite illustration du principe hégélien de "la raison examinant les lois" et de la responsabilité politique de chacun.

1. La désobéissance civile est la violation délibérée, spécifique, de la loi, au nom d'un principe social essentiel. Elle devient non seulement justifiable mais nécessaire quand un droit humain fondamental est menacé et quand les moyens légaux pour faire respecter ce droit sont inadaptés. Il peut prendre la forme de violation d'une loi injuste, de protestation contre une situation injuste ou d'application symbolique d'une loi ou d'une situation souhaitable. Qu'elle soit reconnue comme légale, au nom d'un droit constitutionnel ou international, ou non, son but est toujours de combler la brèche qui sépare la loi de la justice, dans un processus infini de développement de la démocratie.

2. Il ne faut reconnaître aucune valeur sociale à l'obéissance absolue comme à la désobéissance absolue à la loi. Prôner l'obéissance à des mauvaises lois, comme façon d'inculquer un certain servilisme abstrait à « l'ordre légal » ne peut qu'encourager les tendances déjà très répandues des citoyens de se courber devant le pouvoir de l'autorité, de refuser tout affrontement avec l'ordre établi. Exalter l'ordre légal comme quelque chose d'absolu est la marque du totalitarisme, et il est possible de créer une atmosphère totalitaire dans une société qui possède nombre des attributs de la démocratie. Revendiquer le droit des citoyens à désobéir à des lois injustes et le devoir de désobéir à des lois dangereuses, c'est la véritable essence de la démocratie, qui accepte que le gouvernement et ses lois ne sont pas sacrés mais qu'ils ne sont que des instruments, au service de certaines fins : la vie, la liberté, le bonheur. Les instruments sont accessoires ; pas les fins.

3. La désobéissance civile peut demander la violation de lois qui ne sont pas injustes par elles-mêmes, pour protester à propos d'une question que l'on estime très importante. Dans tous les cas, l'importance de la loi transgressée doit être mesurée en relation à l'importance de la question. Une règle du code de la route, transgressée temporairement, n'est pas aussi importante que la vie d'un enfant renversé par une auto ; l'occupation de bureaux publics l'est moins que l'homicide de civils au cours d'une guerre ; l'occupation illégale d'un bâtiment est moins injuste que le racisme à l'école. Non seulement des lois déterminées, mais aussi des situations personnelles peuvent être insupportables et la transgression de lois normalement acceptables peut agir comme mode de revendication.

4. Si un acte déterminé de désobéissance civile est un acte de revendication moralement justifiable, il s'ensuit que l'emprisonnement de ceux qui l'ont commis est injuste et devrait être opposé et contesté jusqu'au bout. Celui qui revendique doit refuser la condamnation autant qu'il refusait de respecter la règle transgressée. Il peut exister des cas où les personnes impliquées dans une revendication peuvent décider d'aller en prison comme moyen de continuer leur acte de protestation, pour rappeler à leurs concitoyens l'injustice qu'elles subissent, ce qui ne veut pas dire que l'emprisonnement fait nécessairement partie d'une règle gouvernant la désobéissance civile. L'important est que l'esprit de la revendication soit conservé dans tous les cas, que l'on aille en prison ou non. Accepter la prison comme acte de pénitence en accédant aux « règles » signifie retomber abruptement dans le même esprit de servilité, et minimiser la gravité de la revendication.

5. Ceux qui s'engagent dans la voie de la désobéissance civile devraient choisir des tactiques aussi peu violentes que possible, en accord avec l'efficacité de la revendication et l'importance du sujet. Le degré de désordre provoqué doit être raisonnablement en rapport avec l'importance de la question traitée. La distinction entre tort infligé aux personnes et tort infligé aux biens doit être primordiale. Les tactiques appliquées aux biens peuvent comprendre (toujours : en considérant l'efficacité et l'importance de la question) : la dévalorisation (comme dans le cas des boycotts), la dégradation, l'occupation temporaire et l'appropriation permanente. Dans tous les cas, la force impliquée dans tout acte de désobéissance civile devrait agir clairement et spécifiquement sur l'objet de la revendication.

6. Le degré de désordre dans la désobéissance civile ne devrait pas être mesuré en rapport à une fausse « paix » supposée exister dans l'ordre établi, mais contre le vrai désordre et la violence qui font partie de la vie courante, qui se manifestent ouvertement au plan international dans des guerres, mais qui se cachent aussi localement derrière le masque de « l'ordre » occultant l'injustice de la société actuelle.

7. Lorsque nous réfléchissons sur la désobéissance civile, nous ne devons jamais oublier que nos intérêts sont différents de ceux de l'état et que nous ne devons jamais laisser les agents de l'état nous persuader du contraire. L'état veut le pouvoir, l'influence, la richesse, comme des fins en elles-mêmes. Les individus recherche la santé, la paix, l'activité créatrice, l'amour. L'état, grâce au pouvoir et aux richesses qu'il détient, ne manque pas de porte-paroles pour défendre ses intérêts. Cela signifie que les citoyens doivent comprendre la nécessité de penser et d'agir par eux-mêmes ou en accord avec d'autres membres de la collectivité.

Howard Zinn

(Disobedience and democracy: nine fallacies on law and order- New York : Random House / Vintage, 1968), 119-122

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3 réflexions au sujet de “Les 7 principes de la désobéissance civile de Howard Zinn”

  1. Oui, oui c'est très bien. Cela me rappelle un vieux bouquin "Do it" de Jerry Rubins qui est devenu depuis une richissime conseil en information. Du temps où il n'avait pas vendu son âme au diable, il donnait des exemples de désobéissances civiles. C'était très concret ( comme se présenter au tribunal habillé en Pére Noël, déraciner les jeunes arbres des rues de nos villes pour une transplantation salvatrice au milieu d'une forêt) . Des choses que l'on pouvait faire au quotidien et qui cimentait toute une jeunesse. Je ne conseillerai certainement pas d'acheter le livre de ce type ( sans doute introuvable) mais quelques exemples simples seraient bienvenus. Et bravo pour vos pages. Ca requinque.

  2. Ce texte est en résonnance particulière avec le contenu liberticide de la loi DADVSI et la méthode honteuse utilisée pour la faire adopter, qui discréditent la représentation démocratique et la respectabilité de la loi.
    C'aurait été pro de citer la source internet de ce texte. J'ai retrouvé celle-ci en V.O. :
    worldpolicy.org/globalrig...

    Je serais preneur d'une source plus précise pour le << vieux principe de Confucius et de Thoreau, "Lorsque la consigne est infâme, la désobéissance est un devoir" >>

    Ces reflexions sont trop subversives du point de vue des pouvoirs établis pour qu'ils ne tentent pas par tous les moyens, y compris les moins avouables, de les isoler / discréditer / étouffer / ...
    Parmi ces moyens, "panem et circenses" sont toujours d'actualité, la grande bouffe et le foot pour tous, à domicile jour et nuit grâce a la télé, le meilleur anesthésiant décerveleur asservissant de tous les temps : tu peux toujours essayer de désaoûler nos concitoyens, Jean, mais tu n'as droit qu'a 45 secondes pour retenir leur attention avant de te faire zapper, alors pas de figures de style, mors les fort d'entrée là ou ça fait mal ! 45 secondes, ça fait pas beaucoup de mots pour s'attaquer à ces maux...

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