Théorie de la crise et crise de la théorie

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La crise, et après ?, Jacques Attali, Fayard

Alors qu'on s'enfonce dans la récession, que les premiers effets commencent tout juste à s'en faire sentir mais que montent déjà l'angoisse et la révolte, on aurait bien cru devoir approuver sans réserve pour une fois ce petit livre de Jacques Attali, tant l'accord peut être grand sur le diagnostic, aussi bien sur les causes que sur la gravité d'une crise qu'il avait été l'un des premiers à annoncer. Ce qui ne gâte rien, on y retrouve une rhétorique de gauche assez "percutante" (sans doute liée au fait qu'il en profite pour régler quelques comptes avec les banquiers de la City qui l'avaient obligé à démissionner de la présidence de la BERD !).

Comme on le verra, ça commence fort, effectivement, et rien à dire sur le déroulé des événements, mais ça se gâte tout de même sur la fin au niveau des propositions. Non que la plupart ne soient pas raisonnables mais ce sont surtout ses conceptions idéologiques de l'économie et de la démocratie qu'on peut trouver très insuffisantes et bien trop technocratiques, minimisant par trop les dimensions sociale et politique.

Cette théorie de la crise révèle une crise théorique plus profonde de l'économie libérale et de la place qu'y occupe la politique, crise provoquée par l'éclatement de la bulle idéologique, tentative désespérée de retrouver un nouveau consensus sans rien chambouler, juste en serrant quelques boulons par-ci par-là, voire en imaginant quelque autorité supérieure. C'est un vieux rêve de conseiller du prince, sans doute, comme s'il y avait des sages qui savaient assez de vérités déjà connues pour décider de l'avenir sans faillir, alors que les économistes se disputent sans arrêt dans de véritables guerres des religions ! Ce n'est pas encore la fin de l'histoire. La question est de savoir s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre ou d'en changer, ce qui d'ailleurs ne dépend pas tellement de l'opinion qu'on peut en avoir mais ne se fera pas pour autant sans luttes ni sans douleurs. Le meilleur qu'on peut en attendre, c'est la refondation de nos solidarités dans une crise systémique qui nous dépasse tous mais nous réunit aussi de par toute la Terre.

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Le renforcement du système

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On n'a encore rien vu de la crise économique et l'effondrement financier menace toujours mais avec l'engagement inattendu de la Chine dans un véritable New Deal et l'élection d'Obama qui devrait aller dans la même direction, l'hypothèse que la crise soit surmontée devient soudain nettement plus crédible. On n'y est pas encore, loin de là, mais il faut prendre conscience que cette crise née d'un excès de confiance dans la stabilité du système pourrait aboutir à son renforcement jusqu'à un point inégalé jusque là, achevant véritablement la globalisation marchande. On ne peut écarter la possibilité bien réelle d'une période d'instabilité géopolitique plus ou moins dévastatrice mais qui n'est pas le plus probable pour l'instant et ne ferait que reculer sans doute ce "Nouvel Ordre Mondial" qui commence à se dessiner. En tout cas, il faut envisager sérieusement que ce soit dans cet horizon, d'un système entièrement mondialisé, qu'il faudra désormais inscrire toute action politique, ce qui ne signifie pour autant ni la fin de l'histoire, ni qu'il n'y aurait plus d'alternative ! Occasion de revenir sur ce que c'est qu'un système, en quoi il nous contraint mais aussi les marges de manoeuvres qu'il nous laisse et les différents niveaux d'intervention qu'il permet, en commençant par le local.

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« L’argent dette », un monétarisme de plus…

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Le monde est désespérant et incompréhensible, surtout en période de crise où l'on a tant besoin de trouver des coupables, de réponses simplistes, de solutions imaginaires mais qui ne font qu'ajouter au désastre, hélas ! La difficulté de la politique c'est de ne pas tomber dans cette démagogie, dans ce qu'on voudrait bien entendre ou dans l'action purement symbolique, mais de garder le cap d'une transformation matérielle effective qui oblige à dénoncer les impasses de fausses théories et d'emportements un peu trop idéologiques.

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La bulle sociale

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Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu’à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance. (Guy Debord, La Société du Spectacle)

Non seulement la société doit tenir debout, mais elle doit avoir l'air de tenir debout ! (Pierre Legendre, La société comme texte)

La crise du crédit est une crise de confiance nous dit-on, confiance qui a été mal placée et trompée, confiance devenue impossible dans un château de cartes et un emballement qui se nourrissait de lui-même mais n'était pas tenable (pas plus que les chaînes d'argent ou les systèmes de vente pyramidale), et ce malgré toutes les belles théories fort imaginatives qui voulaient nous démontrer le contraire, hautes mathématiques à l'appui ! On n'imagine pas les dégâts, d'avoir voulu croire que l'argent pouvait faire de l'argent et que les arbres pouvaient monter jusqu'au ciel, soudain il semble qu'on ne peut plus croire en rien ni se fier à personne. Sauf aux Etats pense-t-on, derniers remparts contre la panique généralisée, mais pour combien de temps ?

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Pour un New Deal : revenu garanti pour tous

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Alors que des sommes faramineuses sont injectées dans le système financier et qu'une récession mondiale s'annonce dont les conséquences pourraient être dramatiques pour les plus pauvres, on est atterré de voir le patronat ne rien trouver de plus pressé que de réclamer une baisse de l'indemnisation du chômage ! C'est non seulement extrêmement choquant mais d'une bêtise immonde ! Il faut de toute urgence une mobilisation générale pour non seulement étendre une couverture chômage réduite à une peau de chagrin (puisqu'elle ne concerne même plus la moitié des chômeurs) mais obtenir un revenu garanti pour tous, véritable New Deal devenu indispensable après le krach à la fois économiquement et moralement dans une société devenue presque entièrement salariale et marchande, où plus personne ne produit ce qu'il consomme, avec une précarité qui se généralise !

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La fin du capitalisme, vraiment ?

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La situation est grave et c'est loin d'être fini mais il faut d'autant plus raison garder : toute réussite dépend de la justesse de l'analyse. Suite à l'avalanche d'articles qui annoncent la fin du capitalisme, l'interview d'Immanuel Wallerstein dans Le Monde du 11 octobre, titré justement "Le capitalisme touche à sa fin", me fournit l'occasion de préciser brièvement pourquoi il ne faut pas faire preuve de trop de précipitation en l'affaire, ni prendre un peu trop ses désirs pour la réalité...

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La reconstruction du monde

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La crise est entrée comme prévu dans sa phase systémique, bien qu'avec un certain retard. Il n'est pas facile de commenter à chaud une situation chaotique qui peut soudain diverger du tout au tout. La situation semblait jusqu'ici relativement sous contrôle malgré les sommes faramineuses en jeu qui pourraient cependant dépasser rapidement les capacités d'intervention des Etats mais on a vu que c'est de l'idéologie et de la politique que pourrait venir le grain de sable précipitant l'écroulement du système. Le facteur humain est là aussi ce qui dérègle les plus beaux montages théoriques et les plus belles mécaniques sociales mais la véritable cause de la crise, on le sait, c'est le retour de l'inflation et la fin de la domination américaine qui n'a plus les moyens de vivre à crédit sur le dos de son empire ni de financer ses guerres, ce qui devra se traduire tôt ou tard par un effondrement du dollar...

C'est un retour au réel mais il est assez stupéfiant de voir qu'en une semaine on est passé de l'évidence que le capitalisme était indépassable au fait qu'il était complètement dépassé ! Toute la culture de gauche considérée comme ringarde revient aussitôt, tout aussi vivante qu'avant, avec les mêmes thèmes (liberté, égalité, fraternité). C'est peut-être pour cela qu'il paraît que le moral des français remonte un peu depuis que la capitalisme financier s'écroule !

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Le dénouement de la crise

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Contrairement aux apparences, on peut décrire la crise actuelle comme un effet de la régulation elle-même, à l'intersection des techniques financières et des injections de liquidités pour effacer les bulles précédentes, tout cela ne faisant qu'aboutir finalement à une explosion du risque ainsi qu'à une bulle immobilière. Cela suffirait à comprendre qu'on n'est pas cette fois dans un simple krach boursier et que les autorités de régulation ne font qu'aggraver la situation quoiqu'ils fassent. Cependant, l'essentiel est de comprendre qu'il s'agit aujourd'hui d'un retour au réel dans sa brutalité, inaugurant un nouveau cycle d'inflation, cycle à la fois économique, technique et générationnel. Ce qui se joue, c'est à la fois un renversement de tendance, retour de l'inflation provoqué par les pays émergents (tensions sur les matières premières et constitution d'un marché intérieur par augmentation des salaires), mais c'est aussi une redistribution des rôles. Les Etats-Unis resteront bien sûr la plus grande puissance, au moins militaire, mais ils perdront sans doute leur hégémonie (et celle du dollar). Derrière le tremblement de terre, il y a une véritable tectonique des plaques.

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Une politique de civilisation de droite

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Il en est de même de l'écologie, de la refondation sociale ou de la "politique de civilisation". Dès lors que ces enjeux cruciaux ne sont pas assumés pleinement par une gauche minée par ses archaïsmes et ses luttes d'appareils ou d'ambitions personnelles, c'est une aubaine pour la droite et le patronat d'en reprendre à leur compte les mots d'ordre en les vidant largement de leur substance afin de ménager au mieux leurs intérêts. C'est une illustration de la dialectique entre droite et gauche car les lignes ne sont pas immuables, comme on le croit trop souvent, mais bougent toujours et jouent régulièrement à front renversé.

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L’amour du maître ou de la démocratie ?

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Il faut le dire, les élections présidentielles relèvent d'une conception fasciste de la démocratie, favorisant la démagogie et l'appel d'une dictature de la majorité sur toutes les minorités. C'est encore plus marqué cette fois, au niveau des discours au moins, avec le retour du "Travail, Famille, Patrie" et même de la religion ! C'est un rappel à l'ordre brutal pour la génération 68. Espérons que ce ne soit qu'une dernière divagation avant la démocratie des minorités et des droits de l'homme dont nous avons tellement besoin pour une société écologisée et plus conviviale.

En tout cas, c'est à peu près plié semble-t-il. Il y a bien peu de chance qu'on évite le pire maintenant, mais c'est tout de même assez serré pour que ce ne soit pas complètement impossible. Du coup chaque voix compte, et même si l'abstention d'une élection anti-démocratique est l'attitude la plus logique normalement, cela deviendrait trop irresponsable dans la situation présente, alors qu'il faut se mobiliser sans attendre pour faire barrage à la tentation autoritaire d'un Etat répressif. Ne pas voter, c'est voter Sarkozy. Il ne s'agit pas de faire confiance à Ségolène Royal, qui a bien des défauts assurément et qu'on n'a pas besoin d'idéaliser. Si elle avait de bonnes chances d'être élue je n'aurais même pas idée d'aller voter pour elle, mais, pas de confusionnisme pour autant, ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet. Il y a une différence de logique radicale entre les discours des deux candidats : il faut choisir si nous voulons un maître, qui prétende nous aimer et nous promette la lune, ou si nous voulons une démocratie pour nous gouverner nous-mêmes !

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Royale !

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Ségolène La victoire est royale. La clameur s'élève pour saluer la nouvelle, le bonheur des foules est communicatif. On voudrait y croire comme au Père Noël ! Et si on en avait pris pour 10 ans, ou même plus ? A considérer la situation froidement, il n'y aurait que des raisons de s'en réjouir, car il n'y a aucune alternative qui ne soit pire ! Qu'est-ce donc qui me fait avoir envie de fuir, de partir en courant ou plutôt de me retirer sur la pointe des pieds, de laisser les enfants s'amuser dans un décor figé de valeurs surannées...

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