Au-delà de la dépression politique

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Malgré le matraquage publicitaire, la leçon de notre époque pourrait être qu'on n'est pas fait pour le bonheur individuel, pas autant qu'on le prétend en tout cas. En dépit de toutes nos dénégations, nous avons, semble-t-il, bien plus besoin de nous battre ou nous engager dans une grande cause pour justifier notre existence. C'est du moins ce que je ressens, comme d'autres, ne comprenant pas trop les jouisseurs hédonistes contents d'eux-mêmes et de leur petite vie au milieu du désastre. Le bonheur comme bien suprême est à vomir.

Pour ma part, la situation désespérante du moment avec l'accumulation de mauvaises nouvelles m'a replongé dans une dépression que je ne trouve pas tellement inappropriée mais bien plutôt que tout le monde s'en foute ! Il y a sans aucun doute une part de faiblesse personnelle dans la dépression qui voit tout en noir, et les raisons qu'on croit objectives de désespérer ne le sont pas tant que cela en général. On en est même tout étonné lorsqu'on sort de l'état dépressif, étonné de ne pas être aussi sensible qu'on l'était aux malheurs du monde, qui existent pourtant bien réellement et nous fendaient l'âme non sans raisons.

Tout de même, la période accumule les menaces et il n'y a rien à espérer du politique que le pire (même s'il n'est jamais sûr), le plus insupportable étant de ne pouvoir rien y faire étant donné l'état de dispersion de nos forces - où l'archaïsme le dispute à l'utopie pour nous réduire à l'impuissance alors que nous devons faire face à la conjonction de risques écologiques qui pourraient devenir irréversibles et de dérives politiques continuelles à cause du terrorisme ou de l'immigration. Avec la perte de l'espoir en toute alternative désormais (sauf locale), il n'y a vraiment pas de quoi rire même si tout ne va pas toujours dans le même sens et qu'il y a aussi des signes encourageants comme la chute spectaculaire des morts violentes, le retour de la question des inégalités, l'accélération (encore insuffisante) des énergies renouvelables, etc.

Constater notre impuissance politique, au moins à court terme, et que nous restons le jouet de processus matériels ou d'évolutions qui nous dépassent, devrait logiquement mener à se détourner de la politique pour cultiver son jardin. Ce fut le choix d'Epicure au temps de l'Empire romain, et c'est bien ce qui me paraît complètement futile, vraiment ne m'intéresse pas du tout et même tout simplement impossible comme si on pouvait s'isoler du monde et de l'intrusion de sa violence. C'est une option qui me paraît d'autant plus incongrue que je fais partie des militants sincères qui ne se sont jamais préoccupés de leur petite personne, et le paient de leur précarité, ne cherchant ni un poste, ni à être reconnu, ni à être sage ou plus intelligent que d'autres mais cherchant seulement la vérité, à comprendre ce que la situation exigeait, ce qu'il fallait faire pour "sauver le monde", au moins essayer de l'améliorer. Il ne s'agit pas de sacrifice et c'est sans doute un peu ridicule, mais je prenais effectivement cette nécessité très au sérieux. Tout mon travail ne visait qu'à cela, qui a finalement mené à bien des déceptions à mesure que je devenais plus clairvoyant sur l'inanité des programmes, notre commune connerie et la surestimation de nos forces.

En fait, cet effacement devant le but à atteindre et des enjeux vitaux donnait assurément de l'importance, fierté du militant justifiant d'intervenir dans l'espace public avec l'illusion de parler au nom de tous. En dehors du fait que je ne m'en laissais pas conter et privilégiais l'étude de solutions effectives sur le baratin idéologique, je n'étais probablement pas tellement différent là-dessus des militants des pires causes qui sont toujours persuadés d'agir pour le Bien (car c'est la Bien la cause du Mal souvent) ! Il y a là, sinon une constante anthropologique, du moins un besoin "spirituel" largement partagé. Le constat d'échec et d'une fin de la politique annoncée fut d'autant plus rude. La vie militante qui était une grande part de ma vie intellectuelle et par rapport à laquelle les plaisirs sensuels faisaient pâle figure, semblait perdre tout sens, n'ayant effectivement servi à rien jusqu'ici face aux puissances matérielles ou à l'accélération technologique. Ce à quoi je n'arrivais pas à me résoudre, et ce dont il faut bien témoigner.

On a beau s'en moquer mais, à rebours de l'homo economicus ou du biologisme dominant, nous sommes bien des être sociaux et des animaux politiques. Il semble naturel en effet à l'être parlant de vouloir le bien de tous et se mettre en position de surplomb pour juger de la société. Cette disposition un peu folle, religieuse, qui nous met à la place de Dieu n'a jamais été aussi fortement sollicitée peut-être qu'à l'époque des grandes idéologies où il fallait choisir entre démocratie libérale, fascisme ou communisme. Le paradoxe, c'est que cette dramatisation du choix individuel était supposé un choix définitif, les choses ne devant plus bouger ensuite pour des millénaires. Au fond cette hystérisation de la politique visait à chaque fois une fin de la politique éprouvée comme choix existentiel. Aussi bien l'Etat universel que toutes les utopies impliquent une certaine fin de l'histoire et une société réconciliée - qui nous fait en réalité horreur puisque nous coupant de notre dimension politique de rapport à la totalité, à la société comme un tout, faisant partie de notre intimité, de notre être-au-monde, au profit d'une approche devenue purement gestionnaire et utilitariste de la politique (qu'on peut trouver raisonnable mais peut-être pas pour autant réaliste). C'est la contradiction bien connue d'une unité qui ne s'affirme jamais mieux que dans l'opposition et la division !

Même si on ne reviendra pas aux grandes idéologies du XXè siècle, la fin de la politique n'est peut-être qu'un leurre finalement alors qu'elle ne ferait que changer de forme et d'objet, n'étant que la fin de la politique d'aujourd'hui. Ce que je n'avais pas vu, en effet, c'est que cette fin du politique était immédiatement contredite par notre actualité. Certes j'avais raison de voir dans le populisme l'effet de la crise ainsi qu'une vaine réaction à notre impuissance, mais il est impossible de ne pas voir aussi les dangers d'une telle réaction aveugle et de l'appel à un pouvoir fort, nécessitant notre ferme opposition. Ce n'est donc pas le temps de la retraite, les raisons de déprimer aujourd'hui sont aussi les raisons d'une indispensable contre-offensive demain - même s'il faut pour cela passer par la défaite.

La folie humaine se manifeste à nouveau et fait effraction dans le réel. Il ne faut pas y voir un accident ponctuel mais bien la manifestation de notre condition qui nous jette de façon cyclique d'un excès à l'autre. Alors que la politique semblait vouée à se dissoudre dans l'administration des choses, nous laissant désoeuvrés et hors de course, voilà que la faiblesse de notre camp et sa désorientation nous livrait au retour d'une politique inacceptable qui devrait nous remobiliser au contraire, nous ressouder par delà nos divergences actuelles, comme la résistance a pu rassembler toutes sortes de militants politiques les plus éloignés, "ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas". On devrait voir tous les groupuscules persuadés de détenir la vérité, plus radicaux les uns que les autres, arriver à se fédérer enfin (en ce sens, il se vérifie que "plus le danger s'accroît et plus croît ce qui nous sauve") même si, comme pour les résistants, ceux qui rêvaient de révolution se contenteront de faire barrage à la barbarie. En effet, il n'y a pas seulement absence d'intelligence collective, fausseté de l'opinion et diversité inutile des groupuscules dont aucun n'a raison, mais ce n'est pas sans graves effets sur notre réalité. La vérité reste objet de luttes féroces, l'erreur ou la tromperie interviennent dans l'histoire et nous devrons toujours dénoncer les mensonges des arrivistes ou démagogues comme des marchands de doute. C'est, du moins notre horizon immédiat qui reste donc éminemment politique.

Nos ennemis devraient offrir ainsi quelque répit à la fin de nos engagements politiques déçus. On va souvent trop vite dans nos raisonnements, qui vont directement aux extrémités en prolongeant immédiatement à l'infini les tendances du moment, alors qu'on rencontre de ces surprises imprévisibles dans les retournements dialectiques de l'histoire, nous empêchant d'avoir plus d'un coup d'avance à chaque fois. Si nous ne pouvons plus rêver de révolutions métaphysiques ni de modeler l'avenir à notre guise, nous devons du moins résister aux dérives autoritaires et xénophobes, essayer d'éviter le pire, impossible de prétendre rester neutre ou en dehors même si la difficulté est de s'accorder sur nos analyses et solutions. Pas la peine de désigner par contre le pouvoir à renverser et qui nous fera tous entrer en résistance.

Reste qu'on n'y est pas du tout (il est même probable pour l'instant, mais pas certain hélas, qu'on évitera cette fois encore Trump ou Le FN ?). C'est encore l'époque de la désorientation, de fausses espérances et de cuisantes défaites. Cela ne pourra durer toujours. On peut certes trouver malsain d'attendre la victoire de l'adversaire et bien dommage de valoriser ainsi le mal sans lequel nous ne serions pas du côté du bien, mais c'est ce qui nous assure, malgré l'absence de perspective actuelle, bien déprimante en effet, de garder encore quelque temps une existence politique et la camaraderie des luttes, de ne pas être complètement passifs et inutiles dans la résistance à la domination et la bêtise, même s'il n'y a promesse d'aucun paradis et que la bêtise non plus ne nous épargne guère. Finalement, peut-être, effectivement, qu'on n'est jamais plus libre que sous l'occupation, comme le disait Sartre, quand on a un ennemi dont on doit se délivrer et qu'on n'est pas le simple rouage d'une société pacifiée sans plus de risque politique ni de guerre. Cela n'en fait pas pour autant une situation enviable et il serait déshonorant de vouloir hâter pour cela une catastrophe politique qui nous pend au nez. Simplement, pour positiver et sortir de la dépression politique, il semble bien qu'il nous faille ce négatif...

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95 réflexions au sujet de “Au-delà de la dépression politique”

  1. La seule chose qui me fait sortir de la dépression c'est la possibilité concrète et vivante que me donne l'agriculture de travailler , rechercher , m'inscrire dans un rapport sensuel , amoureux et de recherche avec la nature qui m'entoure et qu'il faut cultiver , ou élever pour les animaux , pour produire de la bonne nourriture; refertiliser les sols en se passant des engrais et produits , en laissant les pailles au champs, en implantant la luzerne en rotation pour se passer du labour et de l'apport d'azote( les racines profondes de la luzerne travaille le sol , sa capacité à fixer l'azote et à désherber en font un allié précieux ) ...
    Et même les sangliers qui font actuellement des ravages dans ces pailles laissées au sol , ce remue ménage , ces trous , ce retournement , annonçant de futurs dégâts dans les cultures et le semis ..sont des alliés qui m'obligent à lutter , à poser des clôtures électriques et à prévoir des haies épineuses ; cette obligation , ce travail , comme le blé dur qu'on vient de moissonner , les pâtes qu'on vient de fabriquer et cuire et déguster , comme le fromage de chèvre de ma femme , qu'elle sait si bien faire aboutir , comme le chien noir et blanc , border , qui la suit où qu'elle ailles et qui rentre si bien le troupeau et fait aussi de si belles conneries ... tout cela et le reste , ce vrai travail , qui me relie à ce que je suis...Tout cela m'aide à supporter ma connerie et celle des autres , et cette obstination collective à ne pas voir le désastre qui vient .
    Il n'y a , pour s'en sortir que le local ; non en soi mais le local voulu , perçu comme une nécessité permettant de répondre aux enjeux sociaux , écologiques et moraux au sens de donner du sens à ce qui n'en a plus .
    Las cette proposition politique de relocaliser la mondialisation doit encore attendre son heure , cette attente étant lourde de risques et potentiels désastres . Je ne crois pas qu'on puisse se positionner en attente , même si la dépression nous colle à la peau ; après tout qu'importe , si on ne peut rien y changer . On va continuer . Et même si cette volonté de continuer nous est imposée aussi dans le grand déterminisme , qu'importe cela aussi , on va s'en contenter .

    • Ne s'en contente pas qui veut. Il est certain que cultiver son jardin et tout travail (comme d'écrire) nous distraient du monde. La proposition est bien raisonnable mais, moi qui suis physiquement dans la nature et loin de tout, je témoigne que je ne peux me satisfaire de cette nature et que cela ne suffit pas à me donner la force de continuer.

      En fait, à cette fin de la politique que j'avais moi-même prononcée (avec de très bonnes raisons), j'oppose ici la persistance à la fois de sa dimension subjective et de la division politique. On peut trouver que c'est une conception pauvre de la politique, et pas de quoi arranger nos affaires dans l'immédiat, mais de quoi se débarrasser quand même de faux problèmes et de raisons trop dogmatiques qui nous feraient feindre une fausse indifférence au monde.

  2. Je voulais simplement souligner mon accord total sur le fait que la situation est déprimante , notamment notre incapacité politique ; mais qu'un bon travail épanouissant (cultiver ou écrire ou autre) pouvait être un réconfort. Même se divertir , faire une pose , se faire plaisir est nécessaire.
    Cela dit , si l'on place notre attention sur les enjeux sociaux et écologiques et la situation dramatique actuelle et à venir , beaucoup de choses passent au second plan et deviennent en quelque sorte divertissement ; et l'observation de la vie des gens et de la vie politique par médias interposés montre un tel décalage avec ces enjeux que la dépression se justifie pleinement , tout comme certains allemands devaient déprimer à l'observation de la montée du nazisme.

    • Oui, il y a l'exemple de Stefan Zweig qui se suicide en 1942 (en y entraînant sa femme), pourtant au Brésil loin du danger mais ayant perdu sa patrie. L'exemple illustre à la fois l'importance de la société pour nous (la patrie est un mauvais mot pour désigner notre milieu social et sa culture) mais surtout la bêtise du désespoir puisque 1942 sera justement l'année du retournement et de la défaite du nazisme.

      L'insupportable arrive mais ce n'est jamais pour toujours. Est-ce que la suite valait le coup ? Je le crois malgré tous les mauvais côté de la société du spectacle et les illusions qu'on défendait comme des évidences, avec la gueule bois qui a suivi, les années fric et le chômage, mais le numérique, ce nouveau monde n'a pas dit son dernier mot. Il faut donc sans doute savoir attendre. Ce n'est pas si facile et il n'y a rien à reprocher à ceux qui craquent avant sinon de rater ce moment, cette vengeance des faits.

      Pour l'instant la potion est amère et les élections présidentielles vont nous livrer encore une fois à la foire aux illusions avec des supporters béats qui ne voient pas la débâcle venir. Bien sûr des événements se produiront qui changeront la donne, espérons que ce ne soit pas dans le mauvais sens : les chances de Trump semblent un peu moins grandes cette semaine...

    • C'est une version du "jardin" à l'écart du monde, ici dans les marges, de même que prétendre que le système (le capitalisme, l'Etat, etc.) nous empêcherait de jouir permet de valoriser la jouissance individuelle, version du freudo-marxisme ou d'un impossible nietzschéisme de gauche qui étaient à la mode en 1968 mais qui ne tient pas debout. Ce n'est qu'une injonction publicitaire surmoïque à la jouissance et la confortable justification d'un individualisme qui se prétend révolutionnaire (dans sa vie quotidienne) alors qu'il ne l'est pas du tout (politiquement). On est bien dans une filiation de Deleuze et Guattari (qui prenaient d'ailleurs le relais des situationnistes après leur dissolution).

      Il y aura certainement toujours des anarcho-désirants, c'est la philosophie des adolescents (mâles surtout) découvrant la sexualité, mais la justification philosophique peut changer à chaque époque. Il ne manque jamais de théoriciens transgressifs. L'étonnant, c'est la prétention de voir une dimension politique à ce repli sur soi et le retrait de la société (ce qui n'est pas du tout la même chose qu'une alternative locale qui s'inscrit dans un projet global et des réseaux alternatifs).

      En fait, toutes ces positions (Reich, école de Francfort, utopies communautaires) existaient déjà avant le nazisme. Je souligne souvent le contraste entre ces divagations sur l'homme complet désaliéné et la dure réalité qui a suivi, l'aliénation véritable. En tout cas nos libertés sont toujours à défendre, politiquement menacées, ce qui empêche de s'installer tranquillement dans les marges...

        • On parle de politique qui est par essence action collective ; les écritures , analyses des uns ou des autres n'enlèvent en rien le fait qu'on (collectivement ) subissons un système qu'on ne parvient ni à comprendre ni à maîtriser et que c'est la confusion et la division qui règne ; et que les enjeux écologiques et humains sont lourds de menaces objectives. Et plus on en rajoute individuellement ou en groupes( partis) , plus c'est déprimant. Les "dirigeants" étant la catégorie sociale la plus déprimante ou haïssable , suivant l'état d'esprit du moment.

        • Je suis d'accord que Hakim Bey n'est pas Deleuze, ni Reich, etc., c'est tout autre chose mais qui revient un peu au même quand je lis :

          Babylone se fait haine devant quiconque prend réellement plaisir à la vie, au lieu de seulement dépenser de l'argent en quelque vaine tentative pour acheter l'illusion du plaisir.

          Dans cette société, le vrai plaisir est plus dangereux qu'un braquage de banque.

          • A remettre dans le contexte de l'écrit..

            Je ne suis pas philosophe, donc je ne comprend pas votre comparaison.

            Cependant, le fait de " prendre réellement plaisir à la vie " n'est pas à proprement parler une éloge du plaisir, dans le cadre du propos de HB.
            Je l'ai plutôt perçu comme une possibilité créé par la faillite du système.

            Dans les interstice de cette faillite partielle, babylone perd le pouvoir de nous contraindre.
            La haine reste, le propos reste, afin de maintenir les cadres du spectacle, mais le pouvoir de coercition s'affaiblit.

          • Moi, je pense qu'on peut relativement facilement se soustraire aux pouvoirs, pour autant que ce soit vraiment ce qu'on veut mais comme c'est aussi se soustraire à la société, ce n'est pas forcément si désirable et plutôt vain, en tout cas, cela n'a rien de politique, pas plus qu'un supposé vrai plaisir supposé ne pas être celui des marchandises.

            En même temps, je ne suis pas si éloigné d'Hakim Bey mais je ne trouvais pas satisfaisant ses Zones Autonomes Temporaires (qui commencent à être du réchauffé) que j'ai voulu politiser sous la forme du communalisme.

            On pourrait se retrouver aussi sur la question du plaisir dans le travail autonome où la souffrance au travail n'a plus besoin de compensations dans les loisirs et la consommation (je ne crois plus tellement à l'aliénation par la consommation qui est toujours supposée celle des autres alors qu'une grande part de la population n'en a pas les moyens).

            La question n'est pas de critiquer l'un ou l'autre mais d'avoir un impact politique réel qui ne se contente pas du plaisir subjectif ni d'une libération individuelle (ni d'un travail sur soi) qui ne sont pas politiques malgré ce qu'on a prétendu (moi le premier en suivant les situationnistes).

  3. Des idées pour mettre de bonne humeur, de belles séries télévisées comme Mr.Robot qui montre que la révolte est dans l'esprit de notre époque avec "occupy wall-street", "anonymous", "wikileaks",... ou rectify, une belle série sur la grâce. Enfin un livre marrant, "la conjuration des imbéciles" de Toole ou la série de fiction spéculative "black mirror" sur les conséquences sociales des nouvelles technologies. Sinon il me semble que la lecture de Steve Keen vous remonterait le moral grâce aux perspectives qu'offre sa critique économique mais j'ai essayé déjà de vous convaincre mais sans succès. Bref, trouvez de bons livres, films, séries, de la bonne musique pour vous inspirer. Un conseil par exemple; l'histoire des doctrines économiques de Charles Gide ou le dernier livre de Stiegler qui lui aussi admet sa dépression dans son dernier ouvrage mais la met sur la disruption et la politique des dernières décennies. Bref, bon courage, dites-vous que vous avez en compensation de la dépression le plaisir des idées que beaucoup de gens moins dépressifs ne peuvent pas autant apprécier. Tout idéalisme mène parfois à la dépression et, bien que réaliste, vous êtes idéaliste dès lors que vous essayez e comprendre et de changer votre mesure le monde, ne serait-ce que par ce blog de qualité qui constitue tout de même une oeuvre et réaliser une oeuvre de qualité dans sa vie, même si ce n'est pas du Kant ou du Goethe, c'est déjà pas mal.

    • D'abord il faut dire que, sans être guilleret, je ne suis plus vraiment en dépression depuis que j'ai écrit ce texte pour m'en sortir.

      Ensuite, le fait d'avoir une oeuvre est sans conteste un support mais cela n'était pas vraiment mon but, en tout cas ne me console pas de l'échec politique. Je ne suis pas modeste, je pense avoir fait des apports décisifs (pas seulement le triptyque revenu garanti, coopératives municipales, monnaies locales) bien que sans effets positifs jusque là. Il me semble important aussi d'avoir faire oeuvre de désillusion mais ce n'est pas drôle pour autant. J'ai incontestablement un penchant idéaliste, comme tout le monde, sauf que j'y crois tellement que je ne m'en satisfais pas et bute sur le réel matériel.

      Enfin, mon problème c'est de n'être d'accord avec personne et de prendre un peu les intellectuels et politiques pour des imbéciles, ce qui n'est pas tenable et justifie ma retraite (l'auteur de la conjuration des imbéciles s'est suicidé, lui!).

      Stiegler m'avait fait part de sa dépression mais ce n'est pas la même, la mienne étant plus politique (pas la disruption). On est curieusement assez proches sur les solutions alors qu'en désaccord sur les analyses. Il n'en est pas encore en tout cas au constat d'impuissance à partir duquel on pourrait peut-être trouver une voie mais on se retrouvera c'est sûr dans l'opposition à la droite.

      • Il me semble que comme tout le monde, vous avez une vision du monde et vous semblez un peu rejeter facilement d'un revers de main les analyses contraires à cette vision. Si je prends l'exemple du livre de Steve Keen, vos propos étaient assez méprisants et montraient que vous ne l'aviez pas lu. Il doit y avoir d'autres pensées que vous avez rejeté ainsi d'un revers de main et qui auraient pu améliorer la vôtre et établir des passerelles, des connexions. Si vous êtes en désaccord avec ces analyses et que vous êtes critique au sens commun du terme, très bien mais vous devriez utiliser cette énergie pour faire un travail du négatif d'oeuvres comme celle de Keen, ce qui au passage est sans doute le meilleur moyen de développer de manière positive vos propres idées. Vous pourriez aussi faire une critique du convivialisme de Caillé. Je dis cela seulement pour faire des suggestions, sans animosité aucune. Bonne continuation en tout cas et effectivement je ne vous souhaite pas le destin de John Kennedy Toole mais de prendre des fois de temps de rire avec des oeuvres comme celle de Toole, c'était évidemment l'esprit de ma référence à Toole. Pour l'isolement, si vous avez des contacts avec des penseurs comme Stiegler, cela donne une vie sans doute plus intéressante que la vie mondaine et la vie d'entreprise contemporaine de beaucoup de gens, les deux se rejoignant aujourd'hui dans le réseau numérique, de linkedin à facebook.

        • Ma vision du monde a singulièrement changé au cours de mon travail. Ce qui a été le plus déterminant ces dernières années, c'est d'avoir compris que ce n'étaient pas les idées qui mènent le monde malgré les apparences. Comme la plupart de ceux qui se proclament matérialistes je n'avais pas compris que ce qui est déterminant, c'est le résultat matériel, après-coup, qui valide notamment la puissance des Etats-Unis, que ça nous plaise ou non. Dès lors, tous ceux qui prétendent résoudre les problèmes par des mots, de nouvelles théories, une nouvelle conception du monde me font bien rire (je ris donc). J'avais été outré dans les derniers temps du GRIT des appels à l'amour d'Edgar Morin, ne pensais pas qu'on puisse en être encore là après une vie d'engagement. Le convivialisme est un peu moins sentimental mais n'a juste aucun intérêt lui non plus car hors sujet pour une politique des puissances sociales et matérielles dont les émotions collectives (irrationnelles) font partie.

          Les économistes critiques comme Steve Keen sont souvent à la fois pertinents et excessifs. On peut toujours se bercer de l'illusion que notre situation serait le résultat de fausses théories mais ce n'est pas si différent des théories du complot, d'un voile trompeur qui nous dissimulerait la réalité. En vérité, les théories économiques sont pleines de défaut mais marchent très bien dans une certaine zone. Les prévisions économiques sont souvent assez bonnes. Ce que je reproche surtout, c'est de ne pas distinguer différentes échelles de temps qui correspondent à des lois différentes, comme en écologie animale. Ainsi, que l'avenir reste incertain n'empêche pas qu'on peut gagner beaucoup d'argent à faire des prévisions qui se vérifieront en général sauf accident. En fait, un peu comme pour l'épistémologie qui n'a jamais pu rien dicter aux sciences, seulement courir après, la théorie économique n'est pas aussi prescriptive qu'on le dit et plutôt la pression des faits.

          Comme nous entrons dans un nouveau monde numérique avec une accélération technologique, les théories économiques sont encore moins susceptibles de nous être utiles. On a forgé une théorie qui se tient de la nouvelle économie immatériel autour de l'an 2000. Cela n'a servi à rien. Les banques centrales naviguent à vue et jonglent avec les milliards comme elles peuvent mais jouent un rôle de régulation mondiale comme jamais avant. La théorie viendra après pour expliquer ce qui se passe.

          J'ai quand même beaucoup écrit sur tous les sujets et je ne peux même pas dire que je n'ai pas été lu mais sans arriver à convaincre de la primauté des causes matérielles et efficientes sur celle des idées. Je ne fais des articles que pour 2 raisons en général. Le plus souvent pour me fixer les idées et non pas pour être lu, travailler une question, ne pas me contenter de mon opinion sur la question (et souvent la conclusion n'était pas présente au début). L'autre raison, c'est d'intervenir à mon petit niveau pour donner des arguments ou critiquer des positions politiques.

          Je ne crois pas qu'une critique du convivialisme s'impose, n'ayant rien donné, rejoignant la série des illusions inutiles, tous ces mouvements qui prétendent à la totalité, une nouvelle conception du monde, et s’essoufflent aussitôt (car nous sommes des multitudes en lutte les uns contre les autres). Poser la question de la matérialité et de ce qui détermine l'idéologie me semble plus intéressant mais je l'ai déjà fait.

          • Moi aussi aucune illusion sur le monde ,et oui c'est bien la matérialité qui nous gouverne ; mais en même temps je pense aussi exactement le contraire , à savoir que nous avons prise sur cette matérialité ; mais pas prise au sens de ce qu'on pourrait faire n'importe quoi , à notre guise : si l'on part du principe du résultat matériel après coup , et que l'on situe cet après coup dans le long terme , alors matérialité et spiritualité se rejoignent : le lion veut être lion , la grenouille, grenouille , et nous voulons être ce que nous sommes ; notre problème en tant qu'humain est qu'il y a pour nous possibilité de tricher parce que ce que nous sommes , n'est pas entièrement acquis et dépend aussi de nous. Nous pouvons mentir , voler , tuer , nous illusionner , nous prendre pour le centre du monde .....
            La puissance américaine ....face aux incendie en Californie ?
            Il y a une rigoureuse symétrie entre le fait de laisser se noyer des millions de réfugiés et le fait de balancer du round up sur les cultures : le résultat matériel après coup , à long terme , va nous péter à la gueule . Le positionnement est le même et le résultat aussi .
            Le matérialisme seul est incapable d'expliquer le monde ; mais rien n'est plus agaçant que l'idéologie qui prétend le faire .
            Qu'est qui reste ? Qu'est ce qui compte ? Qu'est ce qui peut nous donner le goût de vivre ? Sinon la vie elle même , en directe , sans le filtre des analyses , qui néanmoins sont utiles....?
            "Poser la question de la matérialité et de ce qui détermine l'idéologie" est intéressant , fortement nécessaire , mais non suffisant ; il faudrait peut être maintenant se poser la question de quelle idéologie rejoint la matérialité de ce monde humain . Ou , qu'est ce qui au final pourrait nous permettre de vivre ensemble sur cette planète , qu'est ce qui pourrait nous faire accéder à une réussite après coup de l'humain ?
            L'état actuel des techniques et du monde qui en est issu ne permet plus l'échappatoire : il va nous falloir décider de ce que nous sommes , retrouver notre matérialité humaine.
            ( précision : j'ai fermé plusieurs km - clôture électrique- de terres pour protéger les cultures avec les chasseurs locaux et peut être abusé du canon de rouge convivial peu avant de poster ce commentaire)

          • Oui mais je ne suis pas certain que le monde matériel importe plus que les idées (ou l'inverse), le monde matérialiste est l'expression phénoménale des idées et le monde des idées son expression "nouménale" pour utiliser hors contexte la dichotomie kantienne, faute de savoir mieux comment m'exprimer. Le onde matériel doit être éclairé par les idées et inversement il faut sans doute tenter de dépasser ce dualisme. Sinon, évidemment, je suis toujours en désaccord à propos de Keen et encore une fois, je ne prétends pas avoir raison. J'ai beaucoup lu aussi à mon niveau et l'apport de Keen me semble beaucoup plus important que ce que vous lui prêtez. Par exemple une de ses démonstration m'a convaincu que les banques centrales ne font que réagir à la création monétaire des banques commerciales. Même si j'aime bien Marx et dans une moindre mesure Keynes, je pense qu'ils se sont trompés sur la monnaie ou plutôt pour être plus précis que leurs analyses sont devenues obsolètes du fait d'une prise de pouvoir de la banque privée au 20ème siècle. Pour être encore plus précis, je pense que la politique monétaire du 21ème siècle peut être rapprochée des chapitres du capital consacrés à l'expropriation car c'est de cela qu'il s'agit à mon avis mais ce serait trop long...

            " En vérité, les théories économiques sont pleines de défaut mais marchent très bien dans une certaine zone. Les prévisions économiques sont souvent assez bonnes."

            Il montre aussi pourquoi les théories orthodoxes ne fonctionnent souvent pas très bien, même dans une zone étroite, par exemple pour les sub-primes et il montre pourquoi ses propres prévisions surpassent les modèles orthodoxes depuis des décennies. Comme les théories des économiques des physiocrates protégeaient le pouvoir de la noblesse et donc de la terre, les théories actuelles protègent le pouvoir des banques. C'est de la convergence d'intérêt, du carriérisme et il est ennuyeux d'entendre une déduction ad complotum comme les réductions ad hitlerum.

  4. Et si les intérêts égoïstes qui nous ont menés où nous sommes contenaient leurs propres solutions ?

    Garder la flamme, être différent, demander le changement.

    Au fond, l'équation est simple : Le monde tel qu'il était a attisé des intérêts.

    Les intérêts ont changé le monde.
    Le monde tel qu'il est attise de nouveaux intérêts.

    Croire que les intérêts d'hier vont rester en place, croire que les déformations d'aujourd'hui sont permanentes, oui, ça doit rendre dépressif..

    Mais c'est idiot !!

    Gardez la flamme, ceux qui, chaque jour, vont chercher comment vivre mieux sauront vous trouver, un par un, silencieusement.

    Quoi d'autre, au final ? Laissons le monde tel qu'il est, construisons à coté, et demain, les choses glisseront naturellement du vieux monde malade vers l'espoir d'un autre possible.

    • Je suis en désaccord total même si j'y ai cru avant quand on vivait en communautés, il est assez désespérant de voir que notre expérience ne compte pas et qu'on recommence à chaque fois comme si c'était le début du monde et que personne n'y avait pensé avant !

      Machiavel remarquait que globalement les choses ne changeaient pas tant que ça même si des empires naissaient et disparaissaient. Cela n'empêche pas bien sûr de croire qu'avec nous ce sera tout différent tellement on est supérieur à ceux qui nous ont précédés...

      De toutes façons, je ne crois plus que le monde est le reflet de notre subjectivité ou de nos intérêts mais qu'il est le fruit d'une évolution matérielle sur laquelle nous avons peu de prise alors que ce serait vital (nous ne pouvons pas nous désintéresser du monde tel qu'il est, ni politiquement, ni écologiquement).

      Ceci dit, je suis effectivement pour un altermonde, la construction de réseaux alternatifs partant du local, pas du tout assuré que cela marcherait (cela a déjà échoué) mais qui pourrait s'appuyer sur les contraintes écologiques ainsi que les transformations des forces productives avec le numérique - non pas sur nos belles idées et bons sentiments. Le plaisir et les préférences personnelles y ont leur place, et même une place centrale, notamment dans le travail où le plaisir devient un facteur de production mais pas sur le plan politique.

      Je suis persuadé qu'il y a des cycles et que la joie venait toujours après la peine mais on ne peut se reposer sur l'espérance que tout s'arrange alors que ce qu'il faut, au contraire, c'est comprendre l'échec, les forces qui dominent. Il est certain qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour arrêter de m'illusionner sur un avenir radieux mais après une vie de militantisme, je suis bien obligé de tenir compte du fait que cela n'a servi à rien, et c'est de cette impuissance qu'il faut absolument sortir en arrêtant de surestimer nos moyens.

  5. Lorsque je dis que "c'est le résultat matériel, après-coup, qui valide notamment la puissance des Etats-Unis" je ne fais bien sûr pas du tout l'éloge du capitalisme américain à simplement constater la puissance matérielle avec laquelle il faut compter. Cela montre aussi que son économie, sa théorie économique, sa gestion par la chambre de commerce qui privilégie les privilégiés et la finance, n'est pas si mauvaise en terme de puissance et de domination planétaire de ses produits. Cela ne veut pas dire que ce serait une économie soutenable longtemps ni qu'elle n'ait tout un tas de gros défauts mais malgré les crises, les feux, etc., elle reste puissante. Ce qu'il y a de bien avec l'écologie, c'est qu'elle ne dépend pas tant que ça de notre militantisme mais que sa matérialité finira forcément par s'imposer malgré toutes les pressions pour faire de l'argent vite sans s'en préoccuper (mais ce sera sans doute trop tard).

    Qu'on ait une prise sur notre petit monde à nous, c'est évident bien que tout de même limité. Le fait d'avoir une prise sur de grandes entités comme le monde, l'Europe ou même la nation me semble beaucoup plus douteux. L'analyse historique montre que derrière les acteurs, ce sont des puissance matérielles qui ont le dernier mot. Notre rôle est sans doute au moins de hâter ou retarder les transformations nécessaires mais la question de la prise qu'on peut avoir sur le monde mériterait plus de réflexion au lieu de la tenir pour résolue. C'est pourquoi, je ne crois pas qu'on arrive à quelque chose avant le constat de la défaite.

    Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait que matérialisme, j'ai même dit que ce n'était que la moitié du monde car notre être social est plus important pour nous. Simplement, le matérialisme s'impose quand on veut un résultat concret. Une expérience scientifique ne fait pas intervenir la moralité de l'expérimentateur (sauf dans les expériences de psychologie sociale trop influencées par l'idéologie). Il faut un dualisme stricte, pas nier qu'on soit des êtres parlants, pensants, idéalistes, etc. Nous resterons pluriels, avec des idéologies et des religions différentes, c'est pourquoi on ne peut s'accorder que sur des questions concrètes et matérielles, vitales, pas avec une nouvelle conception du monde. Non pas décider de ce que nous sommes, mais éviter le pire à chaque fois.

    Pour ma part, je trouve souvent justifié la reductio ad Hitlerum. Que le nazisme ait existé doit obséder la pensée. Assimiler l'idéalisme ou le moralisme aux théories du complot me semble tout aussi légitime dans le sens que le réel disparaît et notamment la sélection par le résultat. Bien sûr, les théories du complot sont l'exemple de fausses rumeurs et attribués aux faibles d'esprit alors que les analyses économiques ou philosophiques comportent de nombreux faits véritables et demandent un esprit subtil mais il est intéressant d'insister sur le fait que dans les deux cas, on attribue la réalité à une volonté au lieu de processus matériels. La question n'est pas de savoir qu'il y a des complots (il y en a plein), des sociétés secrètes, des oligarchies, des intérêts coalisés, des prédateurs, des dogmes économiques, etc. La question, c'est la productivité du système et les puissances effectives comme les banques qu'on a bien raison de vouloir sauver comme en Italie. Au lieu de croire qu'il suffirait de dénoncer un complot, des corrompus, des élites, il faut comme Marx comprendre pourquoi ce système s'impose, dont le mystère n'est pas bien grand puisque c'est "le bon marché des marchandises qui abat toutes les murailles de Chine". C'est à partir du système de production et des nouvelles forces productives qu'on peut essayer de changer la donne, pas dans le ciel des idées qui, encore une fois ne mènent pas le monde qui est, comme le vivant, forgé par son milieu.

    • Question très pertinente et qui témoigne de notre condition contradictoire, de même que l'unité n'est jamais si forte que dans l'opposition. Il n'y a pas moyen de sortir de ce paradoxe par une position dogmatique qui nous assurerait d'être toujours du bon côté. Donc, oui, le mal se fait souvent au nom du bien, que ce soit dans l'éducation, les guerres de religions (le djihad) ou les révolutions. Cela n'empêche pas, mais découle du fait qu'on a un besoin vital de se croire du bon côté, on n'en sortira pas. Même se réclamer du moindre mal comme bien suprême peut mener au pire. C'est ce qui fait le tragique de la vie même si les militants sûrs de casser l'histoire en deux et apporter à l'humanité le bonheur qu'elle attend depuis si longtemps n'en ont aucune idée. Et ceux qui fuient la politique à cause de cela pour ne plus s'intéresser qu'à leur petit bonheur ne se débarrasseront pas plus de la tragédie.

      Car il ne s'agit pas d'un jeu facultatif. Les exemples du communisme et du nazisme sont plein d'enseignements. Ainsi, le pacifisme d'Alain ne tenait pas face à Hitler, aucune subtilité théorique ne pouvait justifier qu'on reste passif. Les nazis, bien sûrs, agissaient pour le Bien le plus désintéressé, pour l'avenir de leur race, se réclamant de l'impératif catégorique kantien pour surmonter les sentiments "pathologiques" comme la compassion qui pourraient y faire obstacles. Ici, on voit un Bien délirant (une dogmatisation du darwinisme mal compris) arrivant cependant à mobiliser et unifier une bonne part de la population, intellectuels compris, dans l'enthousiasme des foules. Au nom de ce Bien sera commis le Mal suprême. A contrario, la résistance au nazisme reste certainement du côté du bien à combattre le mal, à rester du côté du négatif. Le véritable bien serait de s'opposer au bien suprême de l'autre ?

      Je ne crois pas qu'on puisse s'en tenir là et l'autre expérience, celle du communisme, ne peut être mise sur le même plan, porteuse d'universalité. Il est vital d'en reconnaître l'échec, échec de ce qui se voulait "la république de l'amour humain", ce qui a été très difficile à reconnaître par un nombre incroyable d'intellectuels qui y voyaient l'incarnation de tous leurs idéaux et ne voulaient pas voir la réalité en face d'une fausse démocratie et véritable dictature du parti unique. Là aussi, les marxistes s'imaginaient qu'on pourrait s'en sortir par une meilleure théorie nous délivrant du culte de la personnalité alors que le culte du chef, du "petit père des peuples" venait simplement à la place du prolétariat absent de la scène et des nécessités de la production comme d'une volonté unifiée. Encore une fois le Bien a produit le Mal absolu des morts par millions (et donc la gauche aussi peut être le mal à combattre quand elle est au pouvoir, c'est ce que faisaient les "dissidents").

      Malgré tout, il faut différencier des régimes communistes dictatoriaux, les partis communistes des autres pays. Les communistes français n'ont tué personne et constituaient une contre-société dont on aurait bien besoin de nos jours. Je n'ai jamais supporté leur autoritarisme mais de nombreux communistes étaient émouvants et ils ont eu incontestablement un effet positif sur les droits sociaux et la défense de la classe ouvrière. Il y a un documentaire qui vient d'être republié (mais qui date de 2010).

      https://quartierslibres.wordpress.com/2016/08/21/la-seance-du-dimanche-latlantide-une-histoire-du-communisme/

      La question que cela pose, c'est d'empêcher que ces bonnes intentions qui restent louables et même nécessaires ne s'inversent en leur contraire (comme l'inquisition chrétienne au nom de l'amour). Une réponse, qui est celle de Deleuze, serait que la contestation reste dans l'opposition au lieu de prendre le pouvoir pour imposer son modèle. Partir du local me semble aussi minimiser les dangers. En tout cas, non ce n'est pas simple ni drôle de rester du côté du bien mais reste nécessaire pour un être social, avec tous les risque que cela comporte. Si on pouvait s'en passer, ce serait peinard mais la question nous reste posée à chaque fois, où l'on se trompe de bonne foi souvent et qu'on fait le mal qu'on ne voulait pas.

      • En ce qui me concerne, la fois ou je me suis eloigne de la politique c'est apres la victoire de Hollande, pour qui j'avais vote. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi, mais il est arrive la meme chose a un ami et lui non-plus ne comprenait pas. C'etait la premiere fois ou nos votes designaient le gagnant, si on exclut le vote de 2002...
        J'en suis arrive a me poser des question sur le bien d'un engagement a gauche depuis que j'ai emigre aux Etats-Unis il y a 3 ans. Ici le social est completement different. La vie est difficile pour beaucoup de gens, assurance sante, peu de conge, semaine de 40h. Pas de syndicat comme en France pour reclamer de nouveaux droits (la France semble etre le paradis pour beaucoup, et ma foi ils n'ont pas tort de le penser).
        Mais une chose me frappe c'est que les americains, du moins ou je vis... ont vraiment l'air plus heureux que les francais, toujours (souvent) le sourire, d'un commerce tres agreable. A cote d'eux les francais paraissent deprimes, peu sociables, raleurs, et... champion du monde des anti-depresseurs.
        Je me demande donc si le moral au ras des paquerettes des francais (le mal) n'est pas du a une vie trop aisee (le bien).
        Je n'ai pas de reponse, juste des questions...

        • C'est une position qu'on peut soutenir, qui a une part de vérité mais qui est aussi dangereuse idéologiquement puisqu'elle peut justifier que les riches, qui devraient en être la cible privilégiée, accablent les pauvres.

          Si on prenait la joie pour critère, en spinoziste borné, nul doute qu'on pourrait revenir à l'esclavage ou prendre modèle sur la misère de la cité de la joie à Calcutta. Les peuples antiques se méfiaient d'ailleurs beaucoup de l'enrichissement comme facteur de décadence et il est assez courant de dire qu'il faudrait une bonne guerre à une jeunesse revendicative. C'est au moins la preuve que les biens matériels ne font pas le bonheur - le besoin de philosophie vient d'ailleurs de là (des riches cités marchandes).

          Faire pour cela de la misère un bien serait excessif alors qu'on a plutôt affaire à la contradiction de tout être, un positif qui n'est pas sans négatif. Je dirais même que c'est un progrès d'éprouver l'ennui d'une vie protégée au lieu de vivre dans l'illusion qu'on n'aurait besoin que de sécurité matérielle. Je ne dirais pas que c'est le cas de la France où la précarité s'accroît mais pouvait s'appliquer à la Suède d'il y a quelques années qui s'ennuyait. Réduire les protections pour servir d'aiguillon n'est qu'un inutile retour en arrière alors qu'il faudrait dépasser ce moment par le haut en s'intéressant aux besoins "spirituels", à la valorisation de ses compétences, la reconnaissance sociale, la solidarité humaine.

          Reste que les Français font la gueule et ne sont pas connus pour être très aimables (surtout les parisiens). Les Américains ont un contact beaucoup plus facile mais sans doute aussi plus superficiel et se sentent obligés de positiver plus que nous. Il est quand même frappant de voir que les Français sont les plus pessimistes pour leur pays au niveau économique, social et politique alors qu'ils sont à plus de 80% heureux dans leur vie.

          Le facteur principal ne me semble pas du tout un niveau excessif de protection (ce qui n'est pas le cas notamment en absence de revenu garanti) mais bien plutôt la perte d'anciennes protections, une dégradation continuelle de notre système social (qui était un des meilleurs) comme de notre place dans le monde (colonial). Il se conjugue deux phénomènes, celui de l'égalisation entropique qui nous fait reculer quand les autres avancent pour nous rejoindre, et l’obsolescence d'un système salarial à l'ère post-industrielle qui condamne notre système social actuel. Nous ne pouvons plus être les gagnants de la mondialisation comme on l'a été, les perspectives ne sont donc pas bonnes en général pour les Français.

          Moi, je m'inquiète plutôt des catastrophes écologiques, de l'impuissance politique et des dérives populistes. La joie, on la retrouvera dans les luttes, mais arriverons-nous à éviter le pire ?

          • Le problème n'est pas tant la pauvreté ou la richesse en elles mêmes qui sont des notions relatives et en situation . Là encore c'est le sens qui compte , le projet individuel et collectif : si on fait de ces notions des objectifs , soit qu'on souhaite vivre la pauvreté , soit qu'on souhaite s'enrichir ,posséder et accumuler .Soit encore qu'on ne recherche ni l'un ni l'autre en eux mêmes , pauvreté et richesse n'étant pas le but recherché.
            Rechercher la richesse (ou la pauvreté comme étant richesse spirituelle) est une démarche qui coupe du monde et des autres , le monde et les autres étant perçus comme des objets au service de notre enrichissement . ( plus difficile à un riche d'accéder au royaume , que de passer par le trou d'une aiguille)
            Une société libérale qui place l'enrichissement et la croissance comme moteur déploie une relation au monde et aux autres qui est une relation d'exploitation . Il se produit un assèchement du sens de la présence humaine sur la planète et de la prédation ; d'où le sans issu écologique et social .
            Le sans issu social n'a jamais pu changer les hommes : on trouve toujours naturel d'exploiter les autres et de s'en servir pour s'enrichir et on arrive toujours à justifier cela par du raisonnement , des valeurs qu'on dévoie. Et on est les rois du camouflage , du bandeau sur les yeux .
            Concernant l'écologie c'est pour l'instant la même musique , cette immense capacité d'inattention qui risque de nous faire attendre que ça tangue au point de tous couler.
            Si l'on regarde l'histoire , alors c'est désespérant : c'est sûr que c'est le naufrage;

            Une politique de relocalisation des activités humaines nous replacerait dans un schéma non prédateur ; c'est la seule issue humaine de la mondialisation ; il faut aller au delà du triptyque coops municipales-monnaies locales- revenu universel et proposer en le détaillant un projet de relocalisation . .

          • Peut-etre que dans les 80% de gens heureux dans leur vie une bonne part n'a pas le courage de se dire malheureux, mais aussi ceux qui sont plus ou moins heureux en prenant les medicaments aidant cela...

          • La protection sociale française devient de moins en moins efficace :

            "La protection sociale a donc bien joué son rôle.

            Sauf que, là encore, les comparaisons sont cruelles. Si la France fait mieux que la moyenne, elle s’avère nettement moins efficace que les Etats-Unis, pourtant peu réputés pour leur Etat providence, pour amortir par l’impôt et la redistribution l’impact du risque économique primaire."

            http://www.paradigmes.com/grandeur-et-misere-du-modele-economique-et-social-francais-en-deux-graphiques/

          • Très intéressant cette inefficacité relative des protections sociales françaises pour les plus pauvres. C'est sans doute qu'une bonne partie vise large et profite à une partie de la classe moyenne (allocations familiales, allocations logement, sécurité sociale) ? Il y a peut-être aussi le fait que ce soit géré par des syndicats qui ne s'adressent qu'aux salariés et non aux exclus. Tout cela à vérifier.

        • Pour avoir passé 8 ans en Allemagne, je fais le même constat, les français sont souvent des chieurs pour des broutilles comme le burkini et bien d'autres choses.

          Ils sont souvent infoutus lors d'une conversation, explication, de ne pas interrompre leur interlocuteur avant qu'il ait fini son explication, voire même sa phrase. Ca c'est un truc qui m'a frappé quand je reviens d'Allemagne en France, une capacité d'écoute très faible.

          Par ailleurs, plus de 80% des français sont des salariés et le management français est l'un des pires qui soit dans les pays développés, un autoritarisme de chefaillon borné, pas de quoi égayer les journées des salariés...

          Le centralisme jacobin inspiré de Louis XIV, Napoléon, de Gaulle doublé des castes ENA/grandes écoles est une peste bien française qui infecte le monde du travail.

          A ajouter un syndicalisme français obsolète dans ses formes et positions de pompier de la dernière heure.

          • Pas faux. Effectivement mes experiences d'ouvrier en France me furent penibles a cause de ces chefaillons bornes (ce fut meilleur dans le public cependant)
            Emploi different au EU donc difficile a comparer mais jusqu'a maintenant j'admet sans difficulte que je suis moins stresse et mieux valorise ici, sans aucun doute.
            Peut-etre en effet, la, une cause majeure de la deprime des francais?
            Sinon, oui, lorsqu'on debarque a l'aeroport a Paris l'envie de repartir tres vite vous prend a la premiere rencontre...

  6. Montaigne écrivait « nous sommes tous frères en notre humaine nudité », mais Voltaire a ajouté « souviens-toi de ta dignité d'homme » : à ce billet, j'ajoute la résonnace/raisonnance, mon témoignage, celui d'une femme un peu âgée déjà, d'abord bouddhiste de coeur, et militante ATTAC dans les faits, devenue pratiquante bouddhiste par évidence suite au « au grand renoncement » . Trop d'année et d »énergie guerrière cultivé à idéaliser agir, militer, convaincre les AUTRES, sans voir la racine de violence en moi. Trop d'années à espérer en vain. A placer mes espoir dans ce qui échappait totalement à mon pouvoir ! Un témoignage, pas une leçon, pas l'idée d'avoir forcément raison, loin de là. Juste un zeste de tolérance et d’humilité face à la « chose politique », un déplacement de ma manière de voir qui m'est venu avec l'âge et l'envie de consacrer mon énergie à quelque chose qui soit à ma portée : le changement pour moi, sans attendre tous les Autres 🙂 et alors…. Le changement s'opère, un peu, à partir du mien, sans avoir rien à en dire Un raisonnement en trois points : dépressif pourquoi, quelle origine ? Comment changer de carburant ? Penser, parler agir autrement ? A vous de voir si cela vous parle, vous irrite, vous ennuie, à vous de voir... Ariane

    Donc, jean, voici mes réactions, très spontanément : « Il y a sans aucun doute une part de faiblesse personnelle dans la dépression qui voit tout en noir,» A- Dépression ./, rancœur voire colère retournée contre MOI à constater mon impuissance face à ce monde que je voudrais différent de ce qu'il est, ce monde que je voudrais pouvoir changer , et dont je ne peux constater, sans déprimer, que j'en suis incapable. Je suis 1 parmi 7 milliards d'autres, et serais-je 10 000 ou 10 000 000 que cela ne suffirait pas encore à imposer à 7 milliard d’Autres le changement que MOI je voudrais pour cette humanité. La dépression serait la manifestation externe de là où mon orgueil fait mal, là où ma toute-puissance s'échoue. B- dépression/tristesse vraie c'est à dire du cœur, d'un vrai intérêt pour « l'autre tel un autre moi-même » , d'avoir ce sentiment de voir la souffrance de tant d'êtres menacer de s'approfondir, de voir ce processus à l’œuvre et….d'être impuissante à l'empêcher, du moins par un type d'engagement circonscrit au militantisme politique. Le syndrome de Cassandre. Dépression comme manifestation externe de ma sympathie [souffrir (pathos)avec (sym) pour tous les êtres) et mon désir, psychologiquement construit de « les sauver » ha le sentiment d'être un sauveur...il y a tant à en dire. Tant à y regarder mais c'est une autre histoire : le « sauveur empêché » : C- dépression / inquiétude, peur, d'être sur le même bateau en partance pour la souffrance que ces 7 milliards d'Autres qui ne pensent pas, ne ressentent, n'agissent pas comme moi. Dépression comme symptôme de ma conscience irritante , de ma peur, d'être lié à tous , que je le veuille ou non, par un lien étroit qu'on peut nommer l'interdépendance  «  les raisons qu'on croit objectives de désespérer ne le sont pas tant que cela en général » Quelles raisons y aurait-il de déprimer si l'on accepte de voir la réalité telle qu'elle est, avec nos limites et nos capacités réelles, et acceptant justement les limites de nos capacités, d'agir dans ce cadre limité certes mais puissant en lui-même : juste être lucide et intelligent plutôt qu'idéaliste et impuissant . Cultiver la vraie humilité qui est lucidité fondée, sans pathos (de « humus » la terre, le sol, le fondement, ni bon ni muvais, juste la réalité lucide). cultiver une attitude pertinente face aux malheurs du monde en rapport juste avec mes capacités réelles. Mais c'est si dur d'accepter vraiment et avec soulagement ses capacités réelles. «  étant donné l'état de dispersion de nos forces » 1 Est-ce la seule cause à l'incapacité qui est la nôtre ? L'étude de l'histoire montre combien cette croyance est aveuglante mais hélas non pertinente . Quand bien même les forces d'opposition ont été assez grandes pour peser réellement sur l'organisation politique et sociale d'une groupe humain, où et quand a-t-elle pu instaurer ce à quoi elle aspirait ? Une nouvelle guerre d'Espagne pour idéal ? Peut-être faudrait-il voir la chose autrement. J'en suis venue à penser qu'un esprit, qui voit la communauté humaine en terme de conflits et rapports de force entre les bons « nous » et « les Autres », est par conséquence un esprit belliqueux qui ne constitue qu'une source de mal-être supplémentaire. Il ne travaille pas pour une société meilleure comme il le croit, il participe à la violence sociale et politique. Donc, il m'a semblé à un moment plus efficace de situer une action non violente d'abord en moi, pour moi, qui relève d'abord de guérir les tendances guerrières en moi, de les apaiser, de cesser de voir l'Autre comme un obstacle mais comme une partie du tout que nous sommes et faire avec, accepter mon action comme une simple manière d'être, une INFLUENCE par l'être et pas par l'agir. Bref, je ravale ma fraise, j'accepte de ne pas être un sauveur et je commence par me changer moi, de l'intérieur, dans ma vision de la situation. Si je sors de cette vision de rapport de force et si je vois mon action possible, ma puissance, dans ma manière d'être et l'influence qu'elle diffuse, alors, la dépression commence à s'amenuiser, doucement avec des retour de flamme du « sauveur licencié » mais quand même, doucement doucement, l’orgueil s'amenuise et le sentiment dépressif avec 🙂 « l'archaïsme le dispute à l'utopie pour nous réduire à l'impuissance »2 Qui est « nous » et ce « nous » existe-t-il autrement que sur un mode conceptuel seul dans chacune de nos petites têtes? Qui est archaïque si ce n'est tout homme soumis à ses pulsions qu'elles soient de pouvoir et de puissance, de peur, d'avidité, de jalousie d'orgueil, bref tout homme. Le problème n'est il pas de ne pas analyser au fond l’origine de nos difficultés, en chacun de nous ? Lorsque nos parents ont créé une école pour tous, gratuite et obligatoire, qu'ils l'ont étendue ensuite aux filles, qu'ils ont créé la sécu, ils ont apporté à notre morceau d'humanité français une période de sécurité d'abondance et de clarté intelligente possible. Qu'en avons nous fait ? Combien ont saisi cette opportunité pour autre chose que s'amollir dans la consommation idiote et l'abêtissement télévisuel. Je m'agace de voir éternellement le processus victimaire/culpabilisant s'installer. Il n'y a pas que des riches affreux et méchants, les pauvres (dont je suis relativement aux riches), ont leur responsabilité me semble-t-il a avoir choisi l’abêtissement et la consommation anti-écologique non ? Quand je pense à mon père sur le toit des usines en 1936, j'ai honte pour les pauvres héritiers de ces valeurs qui ont choisis la TV et la consommation ! Et qu'on ne me parle pas de la reproduction des élites comme responsable « in fine ». il y a des pauvres, avec moins qu'un certificats d'étude, qui ne sont pas partis là dedans. Donc à qui la faute ? Mais en fait y a t-il une faute ? Le problème est-il vraiment d'ordre judéo-chrétien ? Il me semble que même lorsqu'ils font de mauvais choix, les hommes, vous et moi, croyons souvent bien faire, c'est à dire faire bien POUR NOUS. Mais c'est normal, au fond, de chercher à passer entre les gouttes de la vie , c'est pas des fautes ! C'est juste une déclinaison de l'instinct de survie non ? Se la couler, douce, pas trop réfléchir, comater... Pas de faute à cela. Juste des choix mal éclairés, pas pertinents, bref des erreurs .Si je vois des fautes (celle des AUTRES bien sûr), je suis mal, je nie, je conceptualise et on n'en sort pas. Sauf les psy et les armées, et les marchands d'armes, et les militants armés! Parce que vous l'avez déjà compris, si JE ai compris ce qu'il faut faire, l'AUTRE ne l'accepte pas, ma vision, parce que pour l'Autre, JE est un Autre...et , la guerre n'est déjà pas loi,n les différentes tendances PS, écolo… pas loin les tendances qui nous séparent. Un idéal de fraternité, de solidarité, et vite derrière, si on se déshabille le regard et les concepts, le besoin de vérifier que ma vision du monde est juste et bonne en y mettant mon petit grain d'agressivité qui cumulée forme un parti, un pays une guerre en puissance. MAIS, si je vois « erreur », et « droit à l'erreur, » alors je me souviens de cette amie qui dit « c'est en se plantant qu'on pousse », je souris, je sors du conflit, de la guerre avec moi et l'autre. Donc politiquement je m'interroge : la résolution de cette tension au niveau mondial viendra-t-elle d'une logique de conflit de résolution de conflit, ou d'une logique de détente , d'intelligence des situations, chacun au niveau intérieur d'abord, en lui-même, se libérer de sa propre guerre en local, en lui et autour de lui. Là je me dis : comment je peux sortir de la violence sociale par la violence des luttes ? « alors que nous devons faire face à la conjonction de risques écologiques qui pourraient devenir irréversibles et de dérives politiques continuelles à cause du terrorisme ou de l'immigration » La part du sauveur accroché à sa toute puissance qui subsiste en moi, hé oui, réagit à 100 % à ces propos, avec peur, découragement et colère, ce sentiment de voir la voiture foncer dans le mur et de crier inutilement face un un conducteur totalement sourd . DONT ACTE. Puisque le conducteur est sourd et que je n'ai pas accès au volant, je fais quoi : je cherche un lieu et une place où je suis possiblement le conducteur avec un volant ? Et c'est quoi ce lieu et cette place ? Je n'ai trouvé que mon esprit, c'est à dire mes pensées puis mes paroles et mes actes. «  de l'espoir en toute alternative désormais (sauf locale) » Deux fois oui, très très locale, soi d'abord pour tout dire, lorsque je comprends que je suis une partie du problème, que ma volonté d'apporter ma réponse fait partie du problème, alors le local, c'est d'abord ma manière de voir, ma manière de croire que je peux « d'au-dessus » voir et analyser le monde, comme un dieu, et savoir ce qui est bon , au lieu de voir que mon orgueil et ma toute puissance , tournée vers l'extérieur, les autres, fait partie du problème et, dupliqué par 7 milliards d'Autres, EST LE PROBLEME3, «  devrait logiquement mener à se détourner de la politique pour cultiver son jardin. » D'accord en tout point avec le constat : Il y a mieux à faire (ce qui n'empêche pas de cultiver ses légumes mais pas dans un esprit de fuite et de repli sur soi) car l'interdépendance nie la pertinence d'un tel repli autarcique « des militants sincères qui ne se sont jamais préoccupés de leur petite personne, et le paient de leur précarité » Mes respects pour cette mouvance sincère et rattrapée dans le vieillissement par le néolibéralisme et l'individualisme qu'il génère. Mais cet état d'esprit a probablement généré aussi des tendances très positives dont vous jouissez sans peut-être les évaluer tout à fait. Je connais bien des riches qui souffrent considérablement d'angoisse de manque, he oui ! Je ne fais pas l'apologie de la pauvreté matérielle, mais celle de la richesse en esprit, tant qu'elle n'est pas minée, déstructurée par la peur du lendemain évidemment "sauver le monde" Hé oui, bienvenue au club, mais cela ne marche pas, personne ne veut être sauvé par l'autre, par contre manipuler le sauveur pour en tirer bénéfice, oui. C'est sûr. Je ne crois pas qu'on puisse faire autre chose pour l'autre que tendre la main, à lui de la prendre ! S'il se détourne de la main, du vote..., il récoltera ce que son inertie et son aveuglement génère, je le crains. , «  mesure que je devenais plus clairvoyant sur le vide des programmes, notre commune connerie et la surestimation de nos forces » je me retrouve tant dans ce long chemin, le dépouillement de tant d'illusion sources de tant d'espoirs et de tant de tristesse et désillusion ensuite, mais ce dépouillement crée un vide nécessaire pour qu'autre chose s'élève. D'un terrain encombré de certitudes rien ne croît., ou difficilement. Et si on se méprenait sur ce processus de dépouillement, qui est un deuil plus qu' une dépression ? « nous sommes bien des être sociaux et des animaux politiques » En d'autres mots, on est vissé sur l'Autre, on a besoin du regard, du retour, de l'Autre pour exister, à tout prix. Mais selon quels choix ? Conscients, inconscients ? Selon quels modes et quelles finalités ce rapport à l'autre ? «  la fin de la politique n'est peut-être qu'un leurre finalement alors qu'elle ne ferait que changer de forme et d'objet, n'étant que la fin de la politique d'aujourd'hui » L'histoire en atteste au niveau des civilisations, la psychologie en atteste en atteste au niveau des individus, les spiritualités en atteste pour ce qui transcende l'individu, l'homme a besoin du récit, de se construire une histoire, un film commun, la politique en est le centre pour les sociétés et quelle qu'elle soit, rien ne peut la conduire à ne pas exister, seulement changer, même radicalement. Mais il est tellement difficile de sortir de la vision linéaire et progressiste de l' histoire dont nous avons hérité en occident, avec au pinacle cet orgueil que notre civilisation était le sommet indépassable sous prétexte qu'elle s'appuyait sur la religion scientiste ! Combien de sociétés se sont crues au pinacle : les grecs, les égyptiens...les islamistes radicaux….. « La folie humaine4 se manifeste à nouveau et fait effraction dans le réel ». Mais cette folie a été nôtre, elle est inhérente à l'homme accroché à ses concepts de bien et de mal et qui veut les imposer aux Autres non ? Donc cette folie fait partie du réel et notre illusion, notre rêve nous avait conduit à croire que notre univers protégé état réel, coupé du reste et de la folie de l'homme. Non ? « voilà que la faiblesse de notre camp et sa désorientation nous livrait au retour d'une politique inacceptable qui devrait nous remobiliser au contraire, nous ressouder par delà nos divergences actuelles » Manipuler pour mieux régner sans doute, mais que faire de la « l'intolérance va-t-en guerre » ou « la tolérance peut-elle accepter l'intolérance en son sein et y survivre » ? L'Allemagne nazie, ou le vote des pleins pouvoirs à Petain le 10 juillet 1940 en témoignent : des députés démocratiquement élus sont-t-ils légitimes à voter un abandon de la démocratie ? Et moi, comment je résous cette question à mon niveau et dans ma vie ? Je vote quoi ? Je m'allie avec qui ? « les résistants, ceux qui rêvaient de révolution se contenteront de faire barrage à la barbarie » En admettant qu'ils y parviennent, c'est très bien : que puis je rêver de mieux que de participer à apporter au plus grand nombre possible de gens « dont j'atteins la vie » c'est à dire sur qui j'ai une influence potentielle, que d'apporter de la sécurité mentale et physique et un espace de pensée, d'instruction, pour envisager sa vie et ses choix le plus lucidement possible. Le reste, l'habillage, me paraît aujourd'hui superflu. «  La vérité reste objet de luttes féroces » Tant que qui que ce soit pensera détenir la vérité il y aura lutte. Comment ne pas déclarer la guerre à quiconque prétend m'expliquer mon monde, le mien ? Chacun croit à sa vision du monde comme la seule réalité. Chacun est dans sa bulle et sauf à l'accepter et respecter l'Autre dans sa réalité quelle société pacifiée espérer ? « l'erreur ou la tromperie interviennent dans l'histoire et nous devrons toujours dénoncer les mensonges des arrivistes ou démagogues comme des marchands de doute. C'est, du moins notre horizon immédiat qui reste donc éminemment politique » autant que dénoncer le mensonge et la manipulation de l'autre, je crois nécessaire de m'examiner lucidement pour y déceler mensonge et manipulation chez moi. La racine de la violence, je la crois désormais en chacun de nous, et que chacun doit parallèlement approfondir sa conscience de lui-même pour limiter la violence qu''il met au monde , comme une femme qui accouche, plutôt que rester polarisé sur la violence de l'autre et du monde. Ce qui ne conduit pas à la nier mais à la comprendre et mieux la gérer car la violence de l'autre est peut-être très proche, au fond, de la mienne. De même nature. Et à apaiser ma violence intérieure, peut-être que je pourrai ne pas renforcer par la mienne la violence de l'autre.(beaucoup à dire sur notre réponse au terrorisme...) « dommage de valoriser ainsi le mal sans lequel nous ne serions pas du côté du bien » N'est-il pas possible de sortir de bi-polarité biblique du bien et du mal ? Comment ne pas voir qu'elle porte en elle-même la source de tout conflit de toute violence, de toute souffrance ? « on n'est jamais plus libre que sous l'occupation, comme le disait Sartre, quand on a un ennemi dont on doit se délivrer » Alors pour se sentir libre il faut être en prison et se battre pour en sortir ? OK et si la prison n'était pas extérieure mais intérieure, et si elle était dans nos manières de voir, nos conceptualisations du bien et du mal de moi et de l'autre. Ma conclusion, aujourd'hui, donc transitoire et fragmentaire, est que je renonce à « faire le bien » car cette notion n'est qu'un concept éminemment subjectif. Je choisis de renoncer aux actes, paroles et pensées néfastes (qui agressent et font violence à l'Autre), autant que je le puisse, c'est à dire autant que ma lucidité me permet de les identifier et autant que la maitrise que j'ai de mes automatismes me permets de les contenir. J'essaye juste dans mes actes paroles et pensées de ne pas faire violence ni a moi ni aux autres. Je n'y arrive pas mais j'essaye. Etre une bonne personne pour ceux dont j'atteints la vie, juste cela, sans donner de lecon, sans penser pour l'autre ce qui est bon pour lui.. Juste cela, ce qui est un idéal démesuré puisqu'il me conduit à rechercher en moi la racine de la violence et l'ayant identifiée, accepter de n'être ni un sauveur, rien de plus qu'un être ordinaire au sein de 7 milliards d'être. Cf un petit livre qui vient de sortir : « le manuel des héros ordinaires » de L. JIGME R. désolée de la longueur mais je gage que ceux qui seront allé au bout de leur lecture seront tolérants avec mes concepts sur les non concepts 🙂

  7. cette idée que c'est pas les idées qui mènent le monde est sans doute vrai mais terrible me semblant nous condamner à la panique intérieure et à l'isolement dont on ne voit vraiment pas comment on peut sortir .... car tout le monde pense justement que c'est les idées et les théorie ( avec grands hommes à l'appuis qui font le monde ...) vous entendez certainement comme moi tout ce vacarme ( où à la limite le pecno de base se propose lui aussi de faire sont think tank et ses séminaires) ça donne envie de la fermer et de s'enfermer dans le silence .... et c'est à chialer .. finalement . tout le monde communique mais personne ne se parle , pris dans la nasse amère , écrasante et brutale de la dominance ( mais qu'est ce au juste la dictature du réel ?? jean pour toi ?? )

    • Les idées mènent le monde quand même, pour le meilleur ou le pire. La force matérialiste s'exprime à travers les idées scientifiques résumées en équation brutes de décoffrage se traduisant dans les technologies qui modèlent le monde producteur. C'est bien de cette efficacité matérielle inévitable que le monde des idées tire sa force modélisatrice, y compris des fantasmes idéologiques, dans un registre imaginaire, que les foules s'ameutent.

      Une équation résume tout un processus quand des millénaires de tâtonnements n'y comprenaient rien ou très peu.

      Bien entendu, à l'évidence trop évidente, le dédale entre les idées fondées du réel et celles du conflit des passions est biscornu, donc clame son dû d'errances devant lesquelles il faudra s'agenouiller avant de découvrir une nouvelle verticale inattendue etc...

    • C'est effectivement difficile à avaler, et on ne s'en sort pas ! Il faut donc répéter que si les idées ont la plus grande importance dans nos vies et que les idées (fausses) interviennent massivement dans l'histoire (religions, communisme, nazisme, etc.), on ne choisit pas les idées du moment (si j'avais été un peu plus jeune j'aurais sans doute été deleuzien au lieu d'être situationniste) et, au moins à long terme, ce sont les forces matérielles qui sont déterminantes.

      Les idées peuvent y participer pour autant qu'elles vont "dans le sens de l'histoire". Ainsi, qu'il existe des abolitionnistes aux USA a eu un incontestablement un rôle dans l'abolition de l'esclavage bien que ce soit un rôle subordonné à la puissance militaire industrielle du nord. C'est le développement de la guerre qui a précipité une abolition qui n'était pas au programme même si Lincoln y était favorable. Un génie militaire comme le général sudiste Lee n'a rien pu faire contre la force brute industrielle qui incarnait la supériorité du salariat sur l'esclavage. De même, on voit dans les révolutions françaises ou russes que l'enchaînement des faits a eu plus d'importance que les belles idées malgré ce dont on se persuade.

      Il ne s'agit pas de délaisser les idées, c'est impossible, mais il faudrait choisir dans les idéologies du moment celle qui a une chance d'aller dans le bon sens (non pas de nos rêves mais des potentialités historiques) ou celle qui pourrait éviter le pire. Sauf que, comme on l'a dit, nous ne sommes pas vraiment libres de choisir notre idéologie, chacun étant persuadé selon ses connaissances ou son milieu de savoir ce qu'il faut faire, la plupart du temps complètement à côté de la plaque.

      Les élections présidentielles en sont une illustration, rivalisant de mesures radicales (sans en avoir les moyens) mais ne faisant qu'ajouter à la dispersion et précipiter la défaite. Les dés son pipés, il n'y a pas de bon choix.

      La dictature du réel, c'est que ça ne va pas et qu'on ne fait pas ce qu'on veut.

  8. Moi, ce qui me tient debout c'est d'essayer de développer ma contribution en intelligence collective, d'un point de vue pratique surtout. Je le fais dans l'entreprise où je travaille. Et j'ai commencé à animer des initiations à l'intelligence collective (pour le moment pour des patrons). Quand on commence à percevoir l'autre comme une "ressource", la dépression fout le camp.
    Olivier Zara me semble le plus intéressant pour son approche très pragmatique.

    • Je crois tout à fait en l'intelligence collective , concept qui correspond entièrement à une réalité complexe qu'un seul n'est pas en capacité d'aborder: notre réalité ; néanmoins je constate l'absolue carence de cette intelligence collective appliquée à la politique : comprendre et agir ensemble pour organiser une société humaine durable.Et ça c'est déprimant !

      L'espoir n'est pas mort mais qu'est ce qui pourrait bien faire émerger cette intelligence là ? Quand je vois que même Jean semble ne pas y croire ....?

    • Je ne dis pas du tout qu'il n'y a aucune intelligence collective mais qu'elle est rare, surtout en politique et ne protège pas de la folie. L'exemple le plus manifeste d'intelligence collective, c'est la science, qui n'est pas exempt de théories folles mais qui avance de façon impressionnante, tout comme les techniques qui s'améliorent par le nombre.

      Un autre exemple plus contestable, c'est la Bourse. C'est plus contestable car sujette, on ne le sait que trop, aux emportements collectifs, aux bulles spéculatives se finissant en panique et en krach. Cela n'empêche, qu'au jour le jour, ce qui se discute dans les salles de marché, ce sont des indicateurs sur lesquels se construit à chaque fois un consensus globalement rationnel - qui garde une partie d'exagération dans un sens ou dans l'autre, et même s'il y a des mécanismes financiers qui faussent l'évaluation. C'est une intelligence collective distincte des sciences mais confrontée là aussi au fait que personne ne détient la vérité.

      L'endroit où la question de l'intelligence collective se pose concrètement, ce sont les organisations, en particulier les entreprises pour qui c'est vital, certaines ne s'en sortant pas si mal sans arriver à éviter les faux pas et les emballements mais assez pour réussir. Il ne semble pas que ce soit applicable à la politique où toutes sortes d'idéologies, de valeurs, de convictions s'opposent et ne sont pas soumises à une obligation de résultat. A l'avenir peut-être, en tout cas au niveau local, mais dans notre immédiat, c'est la bêtise triomphante et les mauvaises nouvelles s'accumulent tous les jours...

      Je ne peux faire semblant de voir une issue mais je ne crois pas que reconnaître ce désespoir serait inutile alors que c'est au contraire nécessaire pour le dépasser, pour reprendre ses esprits une fois qu'on a perdu ses illusions en même temps que les élections. Il faudrait d'abord prendre la mesure du désastre et de nos moyens limités pour contrattaquer. Ce qui est sûr, c'est que c'est inaudible alors que chaque candidat se présente comme le sauveur que la nation attendait et ne faisant qu'ajouter à la division. L'intelligence est à zéro (et la vérité l'objet de luttes féroces).

      • C'est quand l'aspect vital du changement s'imposera que peut être , et c'est là qu'on peu encore un peu espérer, l'intelligence collective émergera autour des questions essentielles . C'est vrai qu'en attendant ...On est gâtés ! avec ces élections qui viennent.
        Je voulais juste vous "titiller" un peu sur le sujet ....Néanmoins , je m'aperçois que je n'ai pas- me semble t'il - la même vision que vous du local ; j'en fais aussi une vision politique , un programme retournant la mondialisation libérale , en conservant la liberté mais en la restreignant en amont par la relocalisation qui est aussi une déspécialisation . Ainsi dans cette vision , les territoires doivent être réaménagés, les métropoles dégraissées , les métiers évoluer en profondeur en se consacrant essentiellement à la valorisation des ressources diverses et variées de nouveaux territoires locaux.
        En fait la relocalisation change du tout au tout les règles du jeu économique et se présente comme la seule issue raisonnable aux enjeux écologiques et sociaux . C'est entièrement inaudible ; mais c'est peut être en le disant avec les bons mots , les bonnes analyses , qu'on aidera à ce que ça le soit .

        • Faire partie d'un groupe, aussi modeste soit-il, et contribuer à le structurer pour qu'il favorise l'intelligence collective, qu'il soit capable de métaboliser les contributions de tous ses membres. C'est de ça que je parlais. A un moment, il se passe comme un basculement culturel dans un tel groupe si on s'y est bien pris et à ce moment, chacun des membre perçoit l'autre comme un contributeur, une ressource, et c'est ça qui fait du bien, sans pour autant que ce soit magique. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de conflits, mais ils sont gérés différemment.
          Je fais le parallèle avec le rôle politique de l'alphabétisation. A partir d'un certain taux d'alphabétisation, une société change, est révolutionnée. A partir d'un certain taux de personnes pratiquant l'intelligence collective, je crois que la société sera très fortement transformée. Ce n'est, une fois de plus, pas en haut qu'il faut regarder, mais en bas, dans les divers groupes où nous intervenons. Si les entreprises y viennent (management dit agile), ce n'est pas par goût immodéré du partage de gouvernance. C'est souvent assez cosmétique tant que la question des décisions concernant le capital, les moyens de productions, ne rentrent pas dans les périmètres de décision collective. Mais je crois le processus assez engagé et irréversible.

        • Je ne sais pas si on a une définition différente du local qui pour moi aussi constitue la base d'une alternative, sauf que du local on ne peut parler de manière trop générale puisque tout dépend du local, des habitants, des spécificités du lieu.

          Comme là encore, je ne crois pas au volontarisme mais qu'il s'agit de s'adapter au réel, j'espère bien que les meilleures expériences essaimeront mais il faut intégrer la diversité des territoires et des choix démocratiques locaux qui peuvent nous paraître très déplaisants .

          • Pour moi , le local est effectivement la base d'une alternative au système actuel tel qu'il s'organise autour d'objectifs faisant émerger des enjeux insolubles; il n'y a pas selon moi de choix possible : l'organisation relocalisée du monde n'est pas une idéologie, pas une option , mais ce par où nous devrons passer pour durer (obligation matérielle).
            De ce fait , le local ne peut pas seulement être laissé au local , mais s'imposer comme une obligation et par conséquent s'inscrire dans le schéma politique , qu'il soit national , européen ou mondial.
            Il ne s'agit pas de choisir entre droite et gauche mais par rapport aux enjeux vitaux qui viennent , de réfléchir , formaliser et mettre en œuvre une politique de relocalisation . Il s'agit bien de s'adapter au réel , au sans issue écologique et humain que déploie activement notre système.
            Les choix démocratiques locaux très déplaisants , même s'ils sont locaux , ne rentrent pas dans le cadre d'une politique global-local qui est le contraire d'une fermeture égoïste et raciste sur soi , mais au contraire une réponse globale et donc locale aux enjeux du siècle. Il ne s'agit pas d'un local , géographique , culturel , mais d'un projet politique global concret et matériel aux enjeux générés par le système actuel.
            Cette obligation politique d'une nouvelle organisation du monde , a besoin de penseurs et de politiciens pour se formaliser , s'énoncer et être proposée ; c'est l'étape clé pour rendre ce type de proposition audible , ce qui est loin d'être le cas pour l'instant.
            Quand on construit au beau milieu d'une pinède très sèche ou dans un creux inondable , il ne faut pas s'étonner des morts par le feu ou l'eau ; sous peu , ne serait ce que sur le plan alimentaire , le climat va nous faire repenser les fondations ; on aura plus de besoin de savoir gérer les ressources locales que de banquiers et d'assureurs .

          • Je suis d'accord sur le fait que la relocalisation est un projet global mais je crois utopique et même contradictoire de vouloir uniformiser cette relocalisation. Reste qu'il y a des lois à respecter et qu'une dialectique entre bottom-up et top-down est incontournable.

          • C'est un projet global de "désuniformisation " (chaque territoire local ayant ses spécificités) mais ce ne sont pas des territoires indépendants et autonomes ; ils ont besoin , et pas seulement pour les lois , des échelons plus larges ; ce qui rend le projet utopique c'est qu'il est hors du champ culturel et politique , à proprement parler ,inimaginable, et entièrement révolutionnaire . C'est aussi parce que les détenteurs du savoir ,du pouvoir et du fric sont si imbus d'eux mêmes qu'ils construisent un monde imaginaire béton , et qu'ils sont fiers de blablater sur des solutions ...aussi parce que les populations sont soumises , bercées et confortées par les choix éditoriaux des grands médias ......On est mal barré . Et l'urgence est qu'un projet de relocalisation bien ficelé devienne audible et donne envie.

    • Dans la notion d'intelligence collective, ce qui me pose problème c'est qu'il faudrait déjà de l'intelligence individuelle pour accéder à une éventuelle intelligence collective.

      Je constate souvent qu'au nom d'une intelligence collective, ce sont les intelligences individuelles qui sont réprimées ou niées, quand elles ont pu produire leurs effets incontestables, en sciences ou en art par exemple où le nombre de talents ont été réprimés en leur temps au nom d'une organisation sociale synonyme d'intelligence collective.

      C'est une vue critique libérale de ma part, mais qui se plie aux observations des collectifs plus panurgiques qu'intelligents.

      Quand un talent individuel est isolé parmi une bande d'abrutis irrécupérables, qui peut y faire quoique ce soit ?

      • Olaf, ce que tu dis est la négation même de ce qu'est l'intelligence collective. Il n'est pas nécessaire d'être exceptionnellement intelligent individuellement pour favoriser l'intelligence collective. Si les intelligences individuelles sont réprimées ou niées, c'est que le fonctionnement du groupe en question fabrique plutôt de l'idiotie collective que de l'intelligence collective. Une des bases d'un fonctionnement favorisant l'intelligence collective, c'est de ne laisser aucun point de vue, aucune objection de côté, mais au contraire de les travailler, de les métaboliser pour élaborer les projets et les décisions, ce n'est qu'à ce prix qu'il est possible d'établir des prises de décision par consentement et non par abnégation. C'est là qu'est tout le savoir-faire à acquérir, ce qui n'a rien d'évident, pour prétendre développer de l'intelligence collective, sans quoi on reste dans le faux-semblant.

        • L'intelligence collective réconcilie la religion (amour , ouverture , dépassement de soi ) et la science ( rationalité approfondissement ,méthode, prise en compte de tous les éléments.....)
          La connerie , individuelle et collective sans relation directe avec le QI , c'est la fermeture sur soi ou son groupe.
          Olaf a raison sur ce point qu'on ne peut pas être très optimiste quant à l'intelligence collective dans une société qui produit de la division et du chacun pour soi . On en revient directement au sujet de la difficulté du politique et de la grande déprime.
          Néanmoins à certains niveaux , je pense comme Michel : on peut vivre cette intelligence au sein d'un groupe restreint.

        • Bien entendu, je ne nie nullement qu'il soit envisageable la possibilité d'une "méthodologie" amenant un accroissement d'intelligence collective, mais aussi dans le même temps individuelle, l'une ne va pas sans l'autre...

          Il me semble que le principal obstacle réside dans les rapports d'autorité, de hiérarchie, de conflits d'intérêts officieux et officiels( systèmes d'actions concrets de la sociologie des organisations ), rapports politiciens au sein même des entreprises en fait.

          Quand un crétin borné et autoritaire a le pouvoir du chefaillon, alors je pense que c'est mort et que soit il faut dégommer le mec, au sens organisationnel, soit prendre ses jambes à son cou pour déguerpir.

          Mais, j'imagine plus ou moins que tu es et as été confronté à ces aspects de la problématique groupale( groupiste ?) et en as retiré quelques enseignements probablement plus optimistes que moi.

          Il me parait aussi que ces approches sont amenées, contraintes du réel obligent, à se développer et à s'expérimenter, compte tenu du changement des modes de production passant du mouvement quantitatif industriel-linéaire-énergie-matière-asservissement humain à mouvement-alinéaire-numérique-information-progrès existentiel humain.

          D'un Bewegung et Aufhebung à l'autre... science du mouvement.

          • Zara est sympa, mais le problème c'est que ça ne correspond que très peu à mon expérience dans mon domaine techno, certes limité.

            Concrètement, dans mon domaine, je recevais diverses infos, mais à la fin personne ne faisait la synthèse ni creusait, deep investigation, et c'est moi qui taillait à la pioche dans les infos et expérimentations que je faisais pour extirper la réalité des phénomènes.

            Sinon, ça serait resté au stade du baratin gentillet de salon totalement stérile.

            En physique, Copernic, Galillée ou Boltzman ont largement expérimenté la crétinerie institutionnalisée humaine.

            Dans mon cas, c'était beaucoup plus simple que l'astrophysique, ça relevait juste de U=RI, générateur de Norton ou Thévenin avec un poil de Nyquist et les mecs ne comprenaient rien à rien malgré tous mes protocoles, rapports de mesures, équations et méthodes avec diagrammes et power point d'explications.

            Ces abrutis plus ou moins diplômés ne comprenaient quasiment rien malgré mes efforts d'explications, et quand il se révélait que j'avais matériellement raison, ils m'en voulaient à mort d'avoir eu raison, alors que je leur faisais gagner un putain de pognon à se mettre dans leurs poches à eux. Sale race humaine...

            L'intelligence collective, pour moi, c'est une forme proche de l'intelligence collectiviste dans nombre de contextes archaïques, et c'est odieux, à vomir.

          • Pour compléter, je pense qu'aucune intelligence collective n'est à l'origine émergencielle des œuvres de Bach, Picasso, Beethoven ou Sati...

            Il y avait un substrat collectif de base, mais seuls ces individus, j'ose le terme, ont fait des œuvres de ces substrats conjoncturels.

            Dans une moindre mesure, seuls des petits collectifs artistiques ou scientifiques ont pu atteindre le niveau de telles réalisations, jamais un collectif de milliers ou millions de personnes.

          • Aristote illustrait l'intelligence collective par de belles chansons populaires (comme à la claire fontaine) qui n'auraient pas mérité les éloges des sages mais témoignaient d'une reconnaissance méritée mais c'est une forme d'intelligence collective trop simple et rare pour s'y appuyer alors qu'on a besoin d'une intelligence collective politique. Ce qui échoue la plupart du temps pour se corriger dans l'après-coup.

            Bien sûr Picasso n'a fait que parler le langage de son temps et continuer la déconstruction de l'art moderne depuis Cézanne et les impressionnistes, et bien sûr il était en avance sur les autres et incompris, l'intelligence collective se manifestant comme souvent sur le tard à reconnaître dans l'oeuvre notre propre histoire (il n'y a pas que l'intelligence de l'oeuvre, il y a l'intelligence qu'on lui prête).

            Ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut avoir de l'intelligence collective une conception naïve et reconnaître tout ce qui s'y oppose mais, en même temps, on ne peut dire qu'il n'y ait aucun progrès de l'esprit, et donc d'une intelligence collective même si elle ne nous protège pas des folies collectives qui nous sont coutumières, le rite républicain des élections présidentielles qui nous transforment en propagandistes avant de retomber des nues !

          • Rien à faire Olaf, tu continues à parler de tes expériences désespérantes comme s'il s'agissait d'intelligence collective:
            "L'intelligence collective, pour moi, c'est une forme proche de l'intelligence collectiviste dans nombre de contextes archaïques, et c'est odieux, à vomir." alors que manifestement tes expériences n'ont rien à voir et sont même à l'opposé de ce que peut être un fonctionnement bien compris favorisant l'intelligence collective. Je crois que tu n'écoutes rien de ce que peut dire Zara, par exemple, et que tu en restes à tes idées reçues ou préconçues.

  9. Ce serait presque comique mais que Pierre Larrouturou se fasse exclure de Nouvelle Donne n'est qu'une preuve de plus de l'échec de toutes ces utopies et de la folie de tous les groupes plus ou moins écologistes et radicaux comme de tous ceux qui veulent se présenter à l'élection présidentielle et ne font que renforcer l'extrême-droite. La défaite hélas est bien nécessaire pour faire revenir tout ces crétins narcissiques à la raison.

    https://blogs.mediapart.fr/yannick-chevalier/blog/280816/propos-de-lexclusion-de-pierre-larrouturou-de-nouvelle-donne

      • La présidentielle est ce qu'elle est parce qu'on a mélangé les fonctions du président et du gouvernement .
        Le gouvernement est là pour gouverner ; alors que la fonction présidentielle , au dessus des partis et des idéologies est garante des grands intérêts et grandes orientations du pays .
        Le rôle du président est donc celui d'un animateur de la réflexion nationale : il veille à ce que le débat public autour des grandes problématiques ait lieu et que les français puissent y accéder et puissent quand cela est utile décider ( référendums).
        Mais si comme c'est le cas , la confusion est faite et que le président gouverne et que la messe est déjà dite concernant les orientations et le long terme , la fonction présidentielle devient ce qu'elle est ; un spectacle de plus en plus affligeant dans un monde qui va à vau l'eau d'un gestionnaire communiquant et narcissique , sans aucun pouvoir réel puisque n'ayant pas su s'intéresser et faire s'intéresser ses compatriotes aux problèmes de fond , notamment celui de la durabilité des sociétés.
        A moins d'accident ou coup de fatigue , Juppé sera élu , parce que c'est le plus à même de faire durer cette situation qui à moyen et long terme n'a pourtant rien de réjouissant.

        • Tout cela ( notre organisation politique) a des bases matérielles:
          Ce type d’organisation politique où c’est la gestion teintée d’idéologies qui prédomine correspond rigoureusement à l’organisation de la production : libre entreprise, libre échange, croissance , compétitivité ,salariat ; régulations avales pour maintenir le système.
          Il n’y a aucune place de faite pour la réflexion globale long terme: le quoi et comment produire pour quelle société.
          A partir du moment où cette matérialité économique est intégrée culturellement par 99 % de la population, il n’y a pas place pour la remise en question du système politique et sociétal ; seul l’effondrement du système peut faire évoluer les choses ; mais son éternel différé alimente le poids des effets négatifs et du sinistre à venir.

          Penser local c'est penser territoire et par conséquent gestion durable à long terme , projet.

  10. "Malgré le matraquage publicitaire, la leçon de notre époque pourrait être qu'on n'est pas fait pour le bonheur individuel, pas autant qu'on le prétend en tout cas. En dépit de toutes nos dénégations, nous avons, semble-t-il, bien plus besoin de nous battre ou nous engager dans une grande cause pour justifier notre existence. C'est du moins ce que je ressens, comme d'autres, ne comprenant pas trop les jouisseurs hédonistes contents d'eux-mêmes et de leur petite vie au milieu du désastre."
    100% d'accord avec cet énoncé. Pascal Bruckner (dont je ne suis pas fan du tout) a écrit un livre intéressant dont le titre est "La tyrannie du bonheur" où il reprend toutes les injonctions au bonheur (individuel), publicitaires et autres, dont nous sommes l'objet. "La fatigue d'être soi" a été justement soulignée par Alain Ehrenberg aussi. Notre culture de liberté individuelle ne conçoit pas l'autre, ou seulement comme une limite, mais pas vraiment comme un autre en interaction, malgré notre devise qui proclame aussi la fraternité. Je suis aussi convaincu que nous avons besoin, profondément besoin, d'une place dans un groupe fraternel et transcendant. Ma question du moment (enfin ça fait quand même déjà un bon bout de temps): est-ce que notre culture, notre pratique de la liberté évolue vers la prise en compte de l'autre et de notre milieu? Progressons nous dans l'apprentissage de l'art de combiner nos libertés? Je crois que oui si j'en crois ce qui se passe dans les entreprises qui n'ont sans doute pas le choix (développement du management dit agile). Je crois que oui si je regarde du côté des connaissances pratiques en intelligence collective appliquée aux groupes humains (Olivier Zara, JF Noubel ...). Le domaine politique est le plus déphasé et si Nuits Debout ne suffit pas à créer une dynamique, il indique quand même une amorce de changement. Le domaine politique est aussi le plus exposé aux médias qui ne cessent de rechercher le leader charismatique, de jeter de l'huile sur le feu de la moindre querelle de personne, d'exacerber les phénomènes de lutte des places. Peut-être faut-il regarder à une échelle politique un peu moins exposée, dans des communes qui ne font pas la une. Je connais au moins un maire rompu aux pratiques de la CNV et des processus d'intelligence collective et qui les applique avec bonheur dans sa petite commune.
    La dépression, ça se produit aussi quand on réalise (c'est une perception, pas nécessairement la réalité) que notre écosystème philosophique ne tient pas la route, que nos attentes sont décalées, soit pour expliquer le monde, soit pour satisfaire nos besoins psychologiques élémentaires. L'effort d'adaptation à un nouveau système plus satisfaisant consomme beaucoup d'énergie et nous plonge dans une dépression inévitable.

    • C'est plus grave que cela car sans véritable solution si nous avons besoin de conflictualité pour une fraternité de combat et pour avoir un rapport à la totalité (dans la division) puisque la contradiction, c'est qu'on n'est jamais aussi unis que dans l'opposition à d'autres.

      Il ne s'agit pas seulement de reconnaissance ni d'intelligence collective. Cependant, il suffirait peut-être de s'engager dans une ONG écologiste pour satisfaire notre idéalisme, le problème étant qu'il ne suffit pas de s'engager, il y a une obligation de résultat et, pour l'instant, c'est plutôt le constat d'échec.

      • L'absence de perspective d'action efficace, ne serait-ce qu'un peu est sans doute une des situations les plus pénibles. Pour le moment, je perçois deux options: soit la pente populiste ou la pente de recherche de bouc-émissaire qui conduira à une guerre (Angela Merkel semble préparer la population à l'éventualité d'une guerre thermonucléaire) et je ne suis qu'impuissance vis à vis d'une telle option. Soit nous nous engageons dans une modification des rapports de domination et des choix collectifs qui pourrait aboutir à une révolution diffuse qui me semble aussi puissante que celle de l'alphabétisation (c'est epsilon fois un grand nombre). Et sur ce terrain, je peux trouver à m'employer avec la domestication de l'intelligence collective. Je crois que ma contribution peut être utile à quelque chose, aussi ridiculement faible soit-elle.
        Sur un plan pratique, ce travail m'a permis de complètement changer le quotidien de l'atelier/labo où je travaille, c'est déjà un résultat.
        J'ai essayé de contribuer à appliquer/transposer quelques éléments de cette expérience à Nouvelle Donne: gros fiasco, mais c'est quand même une très bonne expérience qui m'a fait mieux saisir les conditions de l'action politique, on essaiera de faire mieux la prochaine fois!

      • Ah oui, j'oubliais aussi les perspectives considérables que l'agroécologie a à peine entammées et qui demandent des efforts très importants d'expérimentation/théorisation. Je crois qu'on peut s'engager sans retenue sur ce chemin très enthousiasmant qui donne très rapidement des résultats probants. Vous êtes à la campagne et vous pouvez déjà expérimenter dans votre jardin. Il y a de nombreux sites d'échange et de diffusion des connaissances sur ce sujet. J'aime particulièrement celui de Gilles Doménech "Jardinons sol vivant" qui est très pragmatique.

      • "on n'est jamais aussi unis que dans l'opposition à d'autres."
        C'est la raison pour laquelle les partis ont de beaux jours devant eux et correspondent à un vrai besoin de rassemblement .
        Nous sommes des terriens et par tous les bouts , respiration, alimentation , sensation ..Nous avons besoin d'une vraie immersion -communion(par le travail) avec la terre ;c'est ce bain universel qui fait l'unité de l'humain ; c'est parce que le système économique, social , culturel que nous avons , par les techniques,développé, détruit cette relation que nous ne sommes plus en capacité de nous unir qu'en nous opposant. La planète est soit un objet de production , soit un objet touristique ou sportif ou ludique , soit un objet d'étude ; soit un objet de profit et d'accumulation .....mais la relation vivante avec elle qui nous situe comme êtres vivant en son sein est détruite ; nous avons perdu le sens vivant de terriens sur leur planète ; de ce fait l'unité perdue se recherche autrement , dans les grands rassemblements , dans les corporations, les partis etc

        Le développements local , ancré sur des territoires, peut en déspécialisant ,en désindustrialisant , redonner une unité positive et active autrement que celles qui se trouvent en s'opposant.
        L'agro écologie fait partie des activités positives et passionnantes qui peuvent donner à espérer ; mais à condition de les intégrer dans une vision globale et politique des choses. L'agro écologie rime avec local et pas avec entreprises multinationales.

        • C'est vrai que les tenants de l'agroécologie sont très localistes et plutôt organisés de façon artisanale.Mais l'agroécologie peut très bien rimer avec entreprises de grande taille. Ce serait même un avantage possible, pour les conditions de travail, pour développer une expérimentation plus large... Ce qui est purement local avec l'agroécologie c'est le climat et la terre dont il faut tenir compte. Sinon, l'agroécologie peut se décliner du jardin à l'entreprise agricole.

          • Nous ne sommes pas dans un système socio économique organisé localement ; un apiculteur spécialisé transhume ses ruches , aux lavandes, aux tilleuls, aux châtaigniers, aux tournesols etc , il rayonne sur plusieurs territoires, parfois plusieurs régions à la recherche de ressources massives et spécialisées ; il vend en gros et son miel voyage aussi .
            S'il reste sur place , localement , et qu'autour de lui , il y a des fruitiers et cultures traitées et des ensilages dégarnissant précocement les prairies, il aura beaucoup de mal à produire . Il faudrait que ses abeilles trouvent un milieu local riche de diversité .
            Les acteurs économiques sont tous organisés sur ce schéma d'une économie ouverte et spécialisée ; même les circuits courts sont des niches ouvertes par ce schéma délocalisé et permettent à un certain nombre (limité) d'acteurs de profiter de ce marché .Quand on parle de bio , d'agro écologie, d'énergie renouvelable sans poser le problème du système socio économique global ,on reste à la marge ;pire, on laisse croire que ces pratiques vont apporter une solution politique. Mais on ne fait que créer de nouvelles chapelles.
            C'est une toute autre démarche que celle consistant à utiliser le bio , l'agro écologie, les énergies renouvelables .... Pour organiser un schéma socio économique local ; pour que l'apiculteur , sans transhumer d'avantage , trouve sur place un milieu favorable qu'il participe aussi à faire émerger.

            La binette plutôt que des études de commerce international ?

          • Les pratiques agroécologiques vont poursuivre leur développement parce qu'elles apportent un avantage économique, sanitaire et écologique. Je vois trois freins à son développement: les résistances de l'ancien modèle, le manque de connaissance et le temps d'adaptation du sol quand on passe d'un modèle à l'autre (globalement, il faut un peu de temps, sans doute quelques années, que le sol reprenne vie).

          • Oui c'est certain : déjà beaucoup de pays qui ont atteint les limites du tout chimique + labour ont changés leur fusil d'épaule ; c'est vrai aussi qu'il faut du temps et les résultats dépendent aussi de facteurs extérieurs notamment climatiques.
            Un autre élément est à prendre en compte : les rotations de cultures, impératives dans ce système, sont contraignantes : il faut soit revenir à des productions diversifiées , soit avoir beaucoup plus de surface pour une même culture spécialisée.
            J'en fais l'expérience avec mon fils qui produit du blé dur bio ; nous sommes dans la démarche du non labour , apport de matières organiques (pailles) en surface et rotations avec luzerne et trèfle.
            L'idéal serait une association avec un éleveur afin de valoriser les luzernes et les trèflles. Mais c'est compliqué : les fermes restent spécialisées autour de chez nous et le foncier est denrée rare .
            On le voit avec "la crise" du lait et surtout l'envers du décor : une lourde surproduction . Et bien il y a dans ce système la place pour des fermes bio et même en agro écologie . Sauf que si une organisation économique au local s'organisait , on serait sur un tout autre schéma bien plus fin , et bien plus à même de répondre aux enjeux globaux ;

            Même si je suis d'accord pour dire qu'agro écologie et autres bonnes pratiques vont se développer , je crois que c'est très insuffisant et qu'on sera rattrapé assez vite par des sans issus. Je ne suis pas d'accord pour l'optimisme en ces matières et comme je l'avais dit récemment , si je me fais plaisir dans ce travail agro écologique qui m'amène un certain réconfort , je reste déprimé ( sujet de l'article) ; les choses ont leurs logiques et le système actuel a la sienne qui certes permet des alternatives mais tant qu'elles restent sectorielles ; tant qu'elles ne font pas de politique .

  11. Il n'y a pas beaucoup d'intellectuels que je respecte mais Mireille Delmas-Marty en fait partie qui vient de sortir un livre "Aux quatre vents du monde" où elle montre qu'on n'a pas d'autre choix que la coopération internationale (souveraineté solidaire) face à des problèmes qui ne sont plus à la dimension des Etats.

    Il y a aussi un livre qui vient de sortir : "André Gorz, une vie" par Willy Gianinazzi

  12. je sais pas si j'ai bien entendu mais il semble qu'il ait un accord entre l’Iran , la Russie et la Turquie pour anéantir l'état autonome kurde avec son municipalisme libertaire et sa démocratie de face à face; dans le cadre d'une fraternité de combat contre daesh... tragique à chialer !!

  13. Ce Georges Dubuis est un tel crétin et la vidéo du Dr Dommergue tellement débile (expliquant le judaïsme et toutes ses perversions par les problèmes hormonaux dues à la circoncision!!) que je pourrais laisser ce commentaire pour en rire mais les antisémites ne rigolent pas, donc poubelle (mais la connerie humaine est bien considérable).

  14. Le local en Afrique (entre autres l'agriculture vivrière), a du plomb dans l'aile lorsqu'on se penche sur le dossier en cours concernant les traités de "libre" échange entre l'UE et l'Afrique, accordant une ouverture totale des marchés africains aux produits européens. Au mépris de l'Histoire coloniale et la dette historique de l'Europe envers l'Afrique, et qui plus est risquant d'accentuer la prédation sur ce continent (prédation patente s'agissant d'une "aide" au développement transformée en contrôle des richesses par les multinationales). qui plus est, accordant à l'Europe l'exclusivité des marchés contre les concurrents potentiels (Chine, Inde, Brésil). Où l'on voit bien qu'une politique localiste ne peut se passer d'une réflexion et d'une lutte contre les accords transnationaux imposés le plus souvent par les multinationales du Nord. et d'autre par, d'une lutte contre les paradis fiscaux puisque ces accords recouvrent bien évidemment et comme toujours, des circuits de corruption en faveur des dirigeants africains. Et par où, tiens donc, transite l'argent: les paradis fiscaux et judiciaires. Toute cette histoire, depuis l'héritage colonial jusqu'aux paradis fiscaux en passant par la spoliation des terres est bien explqiuée dans un ouvrage récent "Dette et extractivisme" ed. Utopia).

    • Intéressant, mais son équation de K est contradictoire avec ses exemples de personnes emblématiques qu'il met antérieurement en exemple, Jobs, le gars du CERN concevant le web dans un placard...

      Le fait est que le milieu fertile intervient, mais que c'est tout de même des gus qui individuellement ont fait l'analyse et la synthèse de l'état des lieux pour pondre du très nouveau, se sont retroussé les manches pour creuser les problèmes et solutions quand le reste surfait en ronflant sur son statut social et professionnel.

      Cet accent "collectiviste" me gêne parce qu'il ne correspond pas à ce qui se passe, à savoir un magma d'informations qui est trop souvent décrypté par un individu pour que ce phénomène soit passé aussi facilement sous silence.

      Connaissance n'est pas information, c'est traitement innovant de l'information. Couleur n'est pas peinture, peinture est combinaison de couleurs.

    • Olaf et Pierre C,
      Je vois bien que l'article de Jean Zin aurait tendance à nous plonger dans une profonde nuit noire et désespérante qui me semble être le fruit autant de son état d'esprit qu'il projette que des réalités actuelles, sombre perspective dans laquelle vous semblez vous complaire.
      Moi, ce que j'y vois surtout, dans la vision d'Idriss Aberkane, c'est une piste de résolution des contradictions dans lesquelles nous nous débattons. C'est ce qui me semble essentiel et de très loin.

        • La piste de renaissance qu'Idriss Aberkane explore, c'est celle du développement de l'économie de la connaissance, comme il le dit. L'économie matérielle se heurte à notre monde matériellement fini, alors que l'économie de la connaissance n'a pas ce pb. Cette économie de la connaissance, dans un monde complexe, ne peut se passer de collégialité, ou d'intelligence collective. Ce qui sous-tend cette renaissance, ce sont les techno (NTIC/numérique), pas le volontarisme.
          L'agroécologie va s'imposer, le biomimétisme inspire de plus en plus les techno... mais je crois que le droit attaché à la propriété va évoluer pour se mettre en phase avec ce mouvement de fond.
          Il se peut que cette transition ne se fasse pas sans heurt et c'est même très probable, mais l'orientation me semble prise.

          • "L'économie matérielle se heurte à notre monde matériellement fini, alors que l'économie de la connaissance n'a pas ce pb."

            Il n'y a qu'un monde et qu'une économie (même si elle peut concerner divers domaines et prendre plusieurs formes ) ; et cela on ne peut y échapper ; on ne peut échapper non plus au fait que même si on subit le monde notre capacité à organiser la société humaine et les choix qu'on fait ou non restent essentiels.
            Je ne crois pas du tout mais pas du tout que les nouvelles technologies ou l'activité de la connaissance puissent mécaniquement produire un monde humain meilleur ; l'aspect humain reste essentiel et cela d'autant plus que la connaissance et les techniques nous donnent aujourd'hui quasi tout pouvoir .

          • Oui, il n'y a qu'une économie, mais je t'invite à un peu plus de discernement. Ce n'est pas parce que nous développerions une économie de la connaissance que l'économie matérielle disparaîtrait, mais après avoir été prédominante et prédatrice, elle pourrait voir son empreinte diminuer. Est-ce que nous avons le choix?
            Les caractéristiques spécifiques d'une économie de la connaissance qui serait dominante offre une piste de résolution des contradictions que l'économie matérielle dominante ne sait pas résoudre.
            Je te laisse méditer sur l'illusion du quasi tout pouvoir dont nous disposerions aujourd'hui, par exemple à la "lumière" d'un tsunami.

      • Aberkane est séduisant, mais comme tout chercheur de labo, il est à mon avis très en dehors du monde économico-normatif, lois, structures sociales, administrations, politicarderies...

        Je suis plutôt créatif et inventif, j'ai évolué dans l'industrie et m'en suis pris plein la gueule malgré mes idées rentables, les technostructures politico-sociales normatives sont une puissance vampirisante pour les créatifs.

        Il manque à mon avis à Aberkane de s'être pris de méchants râteaux dans la bouille, dans la vraie vie économique, pas le monde relativement protégé de la recherche publique qui reste encore un cocon protecteur.

          • La mondialisation , même si le problème nous dépasse et nous mène plus que nous le menons , est la seule question politique importante. Et c'est aussi la seule qui n'est pas clairement posée.Comment organiser la société de demain ? En sachant qu'il est ridicule de contester cette mondialisation ( nationalismes et autres phénomènes de fermeture) et suicidaire de la prolonger telle qu'elle se présente .
            L'approche croissance verte / décroissance pose mal le problème. Il faut passer par une réflexion sur l'organisation matérielle du monde .Cette organisation d'une mondialisation qui s'organise en "lieux" conserve la croissance verte mais lui donne un cadre local beaucoup plus exigeant , et produit de la décroissance en fixant des limites locales à la production.
            C'est un changement de paradigme qui se matérialise .

        • J'ai visionné une grande partie de la conférence. Quelques éléments intéressants, mais pour tout dire, ces conférenciers "consensuels" avec leurs allures de "premier de la classe" cherchant à plaire à tout le monde me laissent assez froid: il donne l'impression de "se la jouer" jeune chercheur qui révolutionne la pensée, faisant en réalité du neuf avec du vieux, employant un vocabulaire branché. Son "économie de la connaissance", lisse, fait largement l'impasse sur les rapports sociaux de production (auxquels il substitue un déplacement du "matériel" vers "l'immatériel", voire même une vision psychologisante de l'économie), la violence des rapports de force, l'histoire. Certaines affirmations ne sont pas nouvelles ("Lorsque l'on partage un bien immatériel, on le multiplie") et la notion de "tierce connaissance" a déjà été développée par M. Serres dans son ouvrage "le Tiers instruit". Et ne voila t-il pas qu'au détour de certaines formulations, un nouveau doute s’immisce: "la mauvaise nouvelle c'est que l'on perd du temps", "le pouvoir d'achat" destiné à être maximisé etc.: l'homo-economicus en somme, soit une vision normative de l'individu et de l'économie, revenant par la petite porte. Pas étonnant dans ces conditions qu'il semble fasciner par le capitalisme US et le "modèle" Apple.

    • Idriss Aberkane est un assez bon conférencier et ce qu'il dit est juste mais cela n'a rien d'original, c'est ce qu'on disait déjà il y a plus de 15 ans. On a appris depuis que ce n'est pas si simple, que la direction prise n'est pas toujours la bonne, pas du premier coup en tout cas. Il est utile d'avoir une vision optimiste des choses mais il vaut mieux y joindre la vision pessimiste pour être un peu plus réaliste.

      Pour ma part, je continue à croire à ces potentialités et qu'à long terme on devrait vivre mieux mais je sais qu'il y a des diables (dans les détails) qui peuvent continuer le cauchemar - car les choses ne se passent jamais comme on le croit de loin.

      • Oui, mais il alimente et renouvelle ce qui a déjà été dit, ce qui est quand même encourageant, même si pour le moment, l'agitation occupe le terrain et qu'elle peut dégénérer en violence et mettre entre parenthèses ce mouvement de fond, comme si la disparition de l'étoile rouge autoritaire cédait la place à une nouvelle étoile brune.

  15. Dans cette vidéo I.Aberkane est plus positif: Je résume :"Vous trouverez parce que vous aimez là où vous savez faire et ça ne vous arrête pas d'en prendre plein la gueule. Facile à dire pour un intellectuel, mais pas motivant pour le passionné lui-même dans son travail. enter link description here Surtout si la finalité du système est une réussite dont la marque extérieure est l'enrichissement sur le marché!

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