L’émergence de la génération internet

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Alors que la génération internet émerge à peine de son enfance et s'apprête à conquérir le monde pour le changer bien au-delà de ce qu'on imagine, la confusion est à son comble avec certaines critiques de la société voulant faire des nouvelles technologies l'origine de tous nos maux.

Les raisons de la colère certes ne manquent pas : arrogance de l'argent, inégalités qui se creusent, mépris des pauvres, perte des solidarités, précarisation du travail, conformisme réactionnaire, réflexes identitaires, libertés bafouées, flicage généralisé. On conviendra pourtant qu'il n'y a rien là-dedans qui permette d'accuser internet et les nouvelles technologies des malheurs du temps comme d'aucuns voudraient nous le faire croire. A l'évidence, ce ne sont pas du tout des processus obscurs ni le perfectionnement des techniques de contrôle et de surveillance qui sont en cause mais, tout au contraire, des politiques très précises et assez récentes même si elles nous sont devenues tellement banales et familières qu'on les dirait presque naturelles...

Ainsi, en dehors du contrôle social inquisitoire des rmistes, il n'y a pas que la lutte contre le terrorisme pour laquelle il semble que tout soit permis, plus ordinairement la répression des drogues (hors alcool!) se targue tout autant d'une bonne conscience impitoyable pour déclarer une guerre à la population aussi inutile et arbitraire que la prohibition américaine mais qui étend les pouvoirs de police, remplit nos prisons et touche surtout les jeunes issus de l'immigration et les milieux les plus défavorisés. Pire encore, il y a l'insupportable brutalité des rafles de sans-papiers, le rejet de l'étranger, sans compter le pillage de nos ressources, la destruction de nos conditions de vie, et j'en passe...

Si l'on n'a pas perdu le goût de la liberté et le sens de l'honneur, on a bien des raisons de se révolter contre ce qu'on peut considérer comme un retour en arrière barbare, contre ce que nos aînés avaient déjà combattu comme inacceptable, contre l'abandon des conquêtes des luttes ouvrières et de libertés durement acquises. Encore faudrait-il ne pas se tromper de combat. Il est crucial de comprendre à quel point il est absurde et dangereux de vouloir attribuer tous ces problèmes éminemment politiques à la technique elle-même, devenue force autonome conspirant à la fin de l'humanité et contre laquelle nous ne pourrions rien faire, un peu comme à d'autres époques on pouvait invoquer une dégénération de la race ou la colère des dieux ! C'est non seulement une grossière incompréhension d'une nécessaire critique de la technique et d'une alternative au système mais on ne peut être plus à côté de la plaque, erreur aussi bien tactique que stratégique dès lors que, loin de ces idéologies rétrogrades et apocalyptiques, c'est sur la génération internet, et nulle autre, qu'il faudra s'appuyer pour se sortir de là.

Il est certes toujours facile de dénigrer une culture émergente et de la juger à ses excès comme à ses plus mauvais représentants. On se souvient comme le rock ou le jazz, si ce n'est la BD ou le cinéma ont pu être méprisés à leurs débuts au nom d'une culture classique menacée et d'une panique ridicule (on nous promet depuis si longtemps une décadence irrémédiable et l'obsolescence de l'homme!). L'écologie aussi n'a pas manqué de détracteurs, identifiée aux écolos les plus folkloriques avant de s'imposer à tous. Ce sont les mêmes critiques éculées et vraiment consternantes que doit subir une génération internet accusée de toutes les régressions mais qui pourrait pourtant accéder bientôt au pouvoir de par toute la Terre, ouvrant une ère nouvelle pleine de promesses, quoiqu'on en dise et même si rien bien sûr n'est gagné d'avance puisque tout dépend de nous !

Il faut se garder évidemment de tout optimisme imbécile qui nous promettrait une intelligence collective introuvable - qu'il faudra construire pas à pas - ou je ne sais quel paradis dépourvu de contradictions, cela ne retire rien à la nécessité de changer le monde, avec les générations montantes et les moyens à notre disposition. C'est entendu, il serait tout-à-fait obscène d'accepter l'ordre du monde, toutes ses horreurs et ses injustices. Il serait irresponsable de ne pas admettre les risques de la techno-science et le négatif de notre industrie. Il serait stupide de ne pas adapter les rapports sociaux et notre système de production aux nouvelles forces productives et aux bouleversements considérables apportées par l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain. Il ne fait aucun doute qu'il faut que nous changions, et rapidement, pas seulement en corrigeant quelques excès, mais c'est bien la totalité qu'il faut transformer, changer de système !

Est-ce que pour autant cela voudrait dire que tout serait à rejeter de notre monde ? qu'il n'y a rien de bon, rien à sauver ? C'est en tout cas ce dont voudraient nous persuader de vieux grincheux dépassés ou quelques jeunes exaltés pour qui nous allons irrémédiablement à notre perte, de plus en plus séparés, aliénés, contrôlés, désinformés, dans un mouvement inexorable de l'histoire, devenue simple histoire de la technique et de notre dénaturation... La politique complètement disqualifiée, il ne resterait plus qu'à revenir en arrière, on ne sait comment, revenir aux anciennes traditions, avant le mobile, avant l'informatique, avant l'industrie, avant la science, avant la technique et, à l'extrême, pour éviter l'abêtissement retourner à l'animalité...

Il me faut l'avouer pourtant malgré tous les nostalgiques de temps passés un peu trop idéalisés, je suis bien de mon temps et ne pourrais en être d'un autre. Si j'ai maudit à en crever ce qui était sans doute une des époques les plus sombres de l'esprit, avec l'abandon des espoirs révolutionnaires et le retour affligeant d'une compétition où tous les coups sont permis, il n'est plus temps de geindre maintenant que se dessinent de nouvelles perspectives avec l'émergence de la génération internet, et bien qu'elle ait pu paraître si décevante jusque là. Il faut réaliser à quel point en effet ce n'est pas un phénomène local mais qui concerne le monde entier, en premier lieu les pays émergents qui semblent rattraper d'un coup leur retard technologique sur les économies développées beaucoup moins dynamiques... C'est le point le plus étonnant, encore trop méconnu et qui pourrait nous valoir quelques surprises. Ce ne sont pas nos vieux pays qui seront décisifs sur ce plan. En tout cas, un nouveau cycle de luttes et d'innovations s'annonce. Malgré la perte définitive d'un monde ancien qu'on voudrait vainement conserver, il y a bien là de quoi susciter un certain enthousiasme pour l'avenir et pour l'aventure qui s'ouvre devant nous, certes pleine de mille dangers mais qui, à cause de cela même, devra mobiliser tous nos talents et porter un peu plus haut notre humanité.

Non seulement on se trompe de colère en accusant, au lieu des politiques menées, des monstres abstraits tels que La Science, La Technique, Le Marché, Le Pouvoir, etc, mais, surtout, on se trompe d'échelle en imputant à l'histoire de l'humanité ce qui est tout au plus l'histoire des 30 dernières années, alors même que commence un nouveau cycle générationnel en même temps que nouveau cycle d'innovation. On avait cru être dans le temps de la fin (fin de l'histoire, fin de l'homme, fin du monde), nous voilà de nouveau dans celui des commencements et d'une nouvelle Renaissance qui attend son heure.

Il faut y insister, dans la confusion des esprits : si certaines technologies ne sont pas si mauvaises (homéotechniques, informationnelles, ouvertes), ce n'est pas que la technique serait bonne en soi, comme si le choix se limitait à être technophile ou technophobe, comme entre Dieu et Diable. La critique politique de la technique est absolument indispensable, mais en tant que spécifique et informée, débouchant sur des mesures concrètes. Par contre la critique globalisante de la technique ne sert à rien, nouvelle forme de diabolisation tout au plus. Le rôle de la pensée et du langage, c'est bien de faire la différence et trier le bon grain de l'ivraie, principe néguentropique du vivant. On peut certes écrire notre histoire comme celle de la chute d'un dieu qui sombre dans la matière, d'une perte du sens, d'un oubli de l'Etre, d'une déshumanisation, d'une perte de notre identité et de toutes nos libertés, en premier lieu notre liberté de penser qui ne brillait pourtant pas tant que cela dans les années 1930 (entre autres) ! Ce qui est sûr, c'est qu'on a peur de perdre notre humanité, si fragile et toujours à reconquérir comme si on pouvait vraiment changer notre condition humaine que ce soit pour un homme nouveau fantasmé ou la chute dans une bestialité dépourvue de toute pensée. La nostalgie de l'origine nous ramène sans aucun doute au paradis perdu de l'enfance mais peut-on en dire autant de l'humanité primitive ?

Peut-être. C'est assez indécidable. On dit que les peuples heureux n'ont pas d'histoire mais s'il y a eu histoire, c'est peut-être justement qu'on n'était pas si heureux que ça, pas tellement satisfaits de notre sort, déjà la tête dans les étoiles, dans le virtuel chamanique mais aussi dans les vendettas sans fin. C'est peut-être que le désir et le manque qui nous constituent ne datent pas d'hier ("D'abord se développa le désir, qui fut le premier germe de la pensée" affirment les Védas). Car on peut écrire l'histoire tout autrement, en faire un long apprentissage, leçons durement apprises de nos limites, libération des anciennes terreurs, luttes d'émancipation, progrès des sciences et des savoir-faire, autonomisation de l'individu, complexification des sociétés. Ce n'est pas pure illusion comme une critique post-moderne trop pressée voudrait nous en persuader. Nous devons certes affronter le négatif du progrès mais sans oublier le positif. De toutes façons, il n'y a pas de retour en arrière possible et notre espoir se tourne inévitablement vers l'avenir, non vers un passé révolu.

En tout cas, et quitte à faire scandale auprès des belles âmes, s'il y a un parti à prendre, je ne prends certes pas celui des tribus primitives mais bien celui de mon temps. On peut dire : parce qu'il n'y en a pas d'autre ! mais c'est surtout parce que je suis reconnaissant d'avoir connu tout ce que l'informatique et les réseaux nous ont permis de faire et ne pourrais plus m'en passer. Avec le virtuel, "tout s'est éloigné dans une représentation" pourrait-on répéter après Debord, mais s'il avait raison de dénoncer ainsi la publicité et le monde de la marchandise fait pour nous séduire et nous tromper, cela ne peut tenir lieu de proposition métaphysique car le monde de la représentation, de l'imagination, du virtuel (qui n'est pas "la société du spectacle") est bien ce qui nous caractérise comme être parlant. Ce qu'on nous décrit comme la déshumanisation du monde n'est rien que son devenir langage. Ainsi, la sorte d'abrutissement dont on accuse la fascination de l'écran ne se distingue guère, pour le chat qui me regarde d'un oeil inquiet, de l'absorption dans la lecture qu'on pouvait considérer déjà comme une forme d'autisme. L'écran comme le livre ne compte pas mais seulement son contenu. C'est un sophisme de prétendre qu'on serait plus ignorants que les illettrés ou que, sous prétexte qu'internet permet d'étaler toute la bêtise humaine, cela voudrait dire que les nouvelles technologies nous rendraient plus bêtes qu'avant. Simple erreur de perspective.

Mais venons en au fait, qui me semble massif : l'émergence d'une nouvelle humanité effectivement avec la génération internet, en tout cas d'une nouvelle façon d'être au monde où certains ne verront qu'une façon de perdre toute substance ou identité. Sans doute aurais-je pu m'en effrayer moi-même a priori, rien de plus "naturel" que la peur de l'inconnu. Pourtant, il ne fait désormais aucun doute pour moi, qui fait partie des mutants depuis bien longtemps déjà, qu'on ne pourra plus se passer d'internet, ni de l'informatique, ni de tout ce qui va avec. Cette mutation, en effet, consiste à franchir un nouveau stade cognitif dans le devenir langage de l'humanité, après le stade de l'écriture, puis du livre imprimé. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faudrait pas savoir débrancher de temps en temps, fermer le livre et se ressourcer dans une nature apaisée mais s'il faut laisser la part des corps c'est toujours au service de l'esprit, de nos désirs, de nos rêves, de mots surinvestis. Quoiqu'on puisse dire, je me sens plus à l'aise dans ce monde des mots que dans la rudesse de la nature qui a ses vertus (c'est là que je vis) mais dont je me protège plutôt, pour me réfugier dans le monde de l'esprit qui est vraiment le mien et que je partage avec tous, où qu'ils soient, en n'importe quel temps.

Selon une logique d'un simplisme désespérant, on voudrait nous faire croire qu'accepter le numérique nous ferait complices du système et nous condamnerait à devoir accepter le monde tel qu'il est, avec le capitalisme et l'exploitation, l'industrie et ses pollutions. A l'opposé, on peut raisonnablement penser, avec André Gorz, que l'économie cognitive et immatérielle, privilégiant la gratuité et la coopération des savoirs, se révèle assez peu compatible avec le capitalisme et sa loi de la valeur, poussant inévitablement à l'exode de la société salariale au profit du travail autonome et du développement humain. C'est un fait encore trop inaperçu bien qu'il se manifeste dans le travail quotidien mais les valeurs ont déjà été renversées, le monde a déjà changé du tout au tout !

Les vieux radoteurs, accrochés à des idéologies caduques et qui se verraient bien en modèles pour les générations futures, ne se rendent pas compte à quel point ils sont ringardisés par le monde qui vient. Ils s'imaginent avec terreur que ce serait le règne de l'ignorance, de la perte de notre culture et de tout ce qui a fait l'humanité jusqu'ici, c'est-à-dire jusqu'à eux ! C'est bien sûr l'impression superficielle que peut donner la massification de l'accès à l'écriture mais si la génération internet ne pourra pas se passer plus que les générations précédentes de tout le savoir accumulé par les siècles, elle en facilite l'accès au contraire ainsi qu'à une nouvelle dimension de l'esprit, celle d'une information globalisée. Ce n'est pas parce qu'on a pu en surestimer l'effet immédiat que cela ne produira pas des bouleversements profonds et durables.

On peut comprendre que certains préfèrent la vie au grand air des paysans, ou le contact artisanal de la matière, ou les grandes communautés industrielles, mais la plupart préféreront à coup sûr travailler sur ordinateur plutôt que de peiner à quelque travail de force (les ouvriers qu'on équipait d'ordinateurs m'en témoignaient leur reconnaissance). Il y a là très certainement une fracture entre générations d'un autre ordre que celle de la génération 68 qui pouvait s'imaginer qu'elle n'avait rien de commun avec la génération précédente, celle des nazis et des collaborateurs, faisant porter à leurs parents le poids de tous les péchés du monde. La fracture numérique est plus objective, liée effectivement cette fois à l'accélération des évolutions technologiques, mais elle a un pouvoir encore plus unifiant des pratiques pour les nouvelles générations mondialisées, comme si les différences entre pays étaient remplacées par des différences entre classes d'âge.

Il ne s'agit en aucun cas de nier les difficultés d'adaptation que cela peut poser. Je peux témoigner du véritable déchirement que j'ai ressenti à devoir abandonner l'écriture manuelle et le contact du papier, délaissant l'authenticité de l'expérience au profit de la vérité du contenu grâce au travail infini de corrections permis par les traitements de textes. Plus paradoxal encore, de nombreux pionniers de la programmation n'ont pu accepter la déqualification de leurs compétences avec la généralisation des "menus déroulants" et de la "programmation objet" devenue un véritable "cliquodrôme". Ce qu'on perdait dans cette démocratisation de l'informatique, c'est la maîtrise totale des programmes, du langage machine à l'interface utilisateur, ainsi qu'une bonne partie des performances, cela ne veut pas dire qu'on aurait eu raison d'en rester au stade artisanal, cela n'aurait eu aucun sens ! En fait c'est un peu comme lorsqu'on découvre la nouvelle version d'un logiciel qui nous était familier : dans un premier temps on ne s'y retrouve plus, on voit ce qu'on perd sans voir encore bien ce qu'on y gagne. Il est incontestable que, du fait même de la culture et de ses artifices, la nature perdue nous manque, mais on a tendance à l'idéaliser autant qu'un amour inaccessible. Rien de plus compréhensible que la nostalgie de la jeunesse et des temps passés, de l'odeur de la terre et des premiers printemps mais ce ne sont que des images embellies par la mémoire, ce ne sont que des mots...

Il faut être bien clair : ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'harmonie naturelle, pas de paradis originaire (ni futur) qui vaille que ce serait une raison pour accepter n'importe quoi et dénier la légitimité des forces de résistance à la dégradation de nos conditions de vie. La religion du progrès ou de l'adaptation à tout prix est aussi imbécile que le conservatisme le plus éculé. Rien de plus naturel que de vouloir préserver notre monde vécu dans ce qu'il a de familier, de goûter les produits authentiques, de vouloir donner chair à notre existence, de vouloir jouir de la vie enfin, si cela a un sens, à condition de ne pas s'enfermer dans une répétition aveugle aux nouvelles opportunités qui se découvrent tout au long de la vie. Si nous pouvons peser sur l'évolution, en dévier les trajectoires, nous ne pouvons arrêter le temps. Les générations passent et se succèdent comme feuilles d'automne, chacune s'appuyant sur les générations passées et bientôt recouverte par les suivantes.

La génération internet n'aura pas la tâche facile, c'est peu de le dire. Il n'y a rien de magique qui nous sauverait on ne sait comment dans les nouvelles technologies. Jamais l'humanité n'a été ainsi mise en question dans son être même, on est loin de pouvoir promettre un chemin pavé de roses mais, du moins, on pourra s'appuyer sur le fait que c'est la première génération véritablement mondialisée, interconnectée et disposant de la totalité du savoir accumulé par les siècles. Sinon, comme toujours, l'histoire, c'est faire des erreurs et en revenir. Les obstacles ne manqueront pas, les épreuves innombrables, bien loin des aimables sornettes sur l'auto-organisation dont on a vu vite fait toutes les limites. Notre destin, c'est de nous confronter à l'objet de notre désir, à notre liberté et à notre savoir, ce qui veut dire éprouver leurs contradictions, leurs limites, leurs illusions. Notre existence historique n'est que l'expérience de l'errance et de la déception (errare humanum est) qui permet d'avancer pas à pas (pas essais-erreurs). C'est le dur combat contre nous-mêmes et notre entêtement dans l'erreur que nous devons surmonter à chaque fois en corrigeant le tir in extremis (persevare diabolicum).

Tout n'est pas perdu, non. Des possibilités insoupçonnées nous attendent. Comme toute autre génération, avec nos propres moyens et face aux urgences du moment, il nous faudra reconnaître tous nos échecs pour les dépasser, sans rien lâcher pour autant ni renoncer à porter la flamme un peu plus haut. Toute vie est un combat perdu d'avance (l'amour maternel est une promesse que la vie ne peut pas tenir) mais rien n'est perdu de nos rêves. La mort gagne toujours à la fin mais la vie continue, et l'aventure humaine qui devra continuer à donner sens à notre humanité.

Il faut être absolument moderne.

Point de cantiques: tenir le pas gagné.[1]

Notes

[1] Rimbaud, Une saison en enfer.

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69 réflexions au sujet de “L’émergence de la génération internet”

  1. Heh oui, vous finirez comme Vaneigem ... quoi d'étonnant.

    Entre nous, vous appelez ça une "pensée" ? Moi j'appelle ça un patchwork, un bricolage de bonnes intentions, de projections, de goûts et de fantasmes. Je n'ai pas vu dans ce texte - beaucoup trop long pour ce qu'il contient - un seul argument, une seule démonstration, une seule affirmation s'appuyant sur une quelconque réalité, je n'ai pas vu l'ombre d'une dialectique qui prendrait en compte la contradiction d'un processus, quel qu'il soit on s'en tape, positif ou négatif selon vous. Bref à part des affirmations péremptoires et unanimistes ( "noooon nouuuus ne sooommmes ppaaaass perdduuuus", "iiinnnttteerrnnneett vaaaa noouuuus aiidder", etc.), qu'est-ce que vous en pensez ?

    Au fait, vous avez lu que l'industrie informatique pollue autant ( et même plus qualitativement si on prend en compte la nature et la toxicité des substances chimiques utilisées ) que toute l'industrie aérienne réunie ? Elle est mal barrée pour sauver la planète votre "génération internet". On a les rêves qu'on peut.

  2. Ce n'est pas tant un rêve qu'une réalité avec laquelle il faudra bien composer que ça plaise ou non, mais je n'espère absolument pas en convaincre les vieux schnocks. Comme disait Planck pour les théories scientifiques : "Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas en convaincant les opposants et en leur faisant entrevoir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants mourront un jour et qu’une nouvelle génération, familiarisée avec elle, paraîtra".

  3. "En présentant la proposition Medvedev pour une nouvelle architecture paneuropéenne et transatlantique à l’OTAN le 28 juillet, l’ambassadeur russe Dimitri Rogozine a employé le néologisme de “technologisme” pour qualifier certaines actions occidentales en Europe que les Russes critiquent, – que ce soit l’élargissement de l’OTAN ou le système BMDE. Il faisait allusion à une sorte de “déterminisme technologique” qui serait le moteur caractéristique de la “politique” occidentale, qui serait en fait la simple description d’une situation où le système, assemblage de “système de systèmes” plus ou moins humains ou bureaucratiques, dont les références sont essentiellement technologiques, a bel et bien pris le pouvoir. (Confirmation.) La soi disant politique est alors l’entraînement de la simple dynamique de son poids, investissant sans buts politiques les domaines qui l’intéressent. La définition est absolument acceptable; elle montre que les Russes, instruits par l'expérience, comprennent bien des choses. "

    Pour ceux qu'une analyse sérieuse intéresse.

    Source: dedefensa.org/article.php...

  4. internet fait depuis peu sont apparition même dans les lutte étudiantes , comme outil de coordination et de contre info . c'est manifeste pour le cpe , avant ce ne me semble pas être franchement le cas . mais les choses tournent vites très court et on ne peut avoir aucune discussion sérieuse . c'est sans doute pas pire que dans la vrai vie , mais malgré des moyens hallucinant il n'y a toujours pas prise des conscience des enjeux , notamment sur la création d'une si difficile et au combien nécessaire intelligence collective ou du moins de sa démocratisation . l"action intellectuelle me semble encore plus difficile que jamais non que l'on nous cloue le bec , mais tout acte est dillué dans un océan d'information où tu possibilité de hiérachie de choix et de stratégie sont réduites à presque rien ? étonnant qu'il n'y est pas plus d'impacts et d'échos sur ce site pourtant très bien informé et qui semble apparament fréquenté par des gens venant des 4 coins du monde . .. esperons que ce sera pour plus tard

  5. Je le souligne bien, internet n'a rien de magique et a plutôt montré ses échecs jusqu'à maintenant mais il semble que le coeur du texte ne soit pas assez lisible. Ce ne sont pas les petites utilisations que les mouvements ont pu en faire en France qui ont une quelconque importance, c'est le fait que les nouvelles technologies explosent surtout dans les pays émergents, c'est leur caractère mondial qui est décisif au moins à moyen terme.

    Si la motivation de ce petit article était principalement de se débarrasser des technophobes qui encombrent inutilement les commentaires et de montrer que les problèmes à affronter sont d'abord politiques, son point de départ c'est l'étude, dont le lien est donné dans le texte, qui montre que les pays où l'adoption des nouvelles technologies est le plus rapide sont les pays émergents, ce qui permet de décentrer le regard de nos vieux pays qui ne sont plus vraiment dans la course. Tout reste à faire pour donner à cela une réelle portée politique, il y a tout un apprentissage à faire, mais, ce que j'ai voulu montrer, c'est qu'on ne pourra pas faire sans à l'avenir au niveau mondial et que le niveau national n'est pas du tout pertinent sur ce plan.

  6. Une technologie qui révolutionne les rapports humains, modifie profondément les mentalités... évidemment que c'est décisif pour la suite des opérations.
    Le seul truc qui me chagrine, c'est l'extrême fragilité de cet édifice technologique : il est terriblement facile de restreindre les accès, de couper les ponts (voir Chine ou Birmanie). Sans compter le ticket d'entrée qui reste fabuleusement prohibitif pour la majorité de l'humanité et qui ne concerne que ceux qui savent déjà lire et écrire. Sans parler de la nécessité de toute une société technique, logisitique et énergétique derrière pour que ça fonctionne... Très très fragile...

  7. Vous mélangez tout : critique de la technique et enthousiasme face à la technique. Votre pensée est extrêmement confuse. C'est ce que j'appelle le "syndrome Hegel", à force de vouloir faire des démonstrations logiques froides, comme dans certains de vos articles, lorsque vous voulez dire des choses simples en votre propre nom, c'est l'impuissance, le vide...

  8. Pour ma part, j'aime beaucoup cet article et le trouve nécessaire. Parce qu'investir la technique d'un poids radicalement inhumain est aussi une pensée radicalement défaitiste, ouvrant tout grand l'esprit à la peur, la panique, la fascination. Jean, d'où tenez-vous cette idée du devenir-langage? C'est très beau.

  9. oui comme avec cette nouvelle carte des connexions sur votre site , j'aurai tendance à partager votre enthousiasme , en admettant qu'internet soit un bon véhicule pour quitter ce monde pour un monde nouveau . un monde de l'esprit . que le phénomène soit mondial je ne le constesterai pas , qu'il signe la fracture entre les jeunes et les anciennes générations , non plus . mais dieu que la route est semée d'embuches , il faut être un pirate pour s'en tirer sans trop de frais . ce n'est donné qu'à un tout petit nombre . pour le reste qui vous dit qu'il n'y aura pas neutralisation que ce ne sont pas les salauds qui vont l'emporter ? comme par exemple juste faire d'internet un moyen de faire du buisness où d'autres usages encore mille plus utilitaires et bétifiants

    mon exemple laisse croire que je suis contre le marché ce qui n'est pas le cas forcément , mais je reste sceptiques quant aux usages révolutionnaires d'internet pour avoir sans doute assisté aux échecs , comme vous dites , du réseau dans nos si belles démocraties . mais plus qu'internet je crois que ce qui fédère les jeunes générations du monde entier , c'est d'avoir connu les ravages de l'ultralibéralisme et de l'avoir connu que cela ou encore , pour introduire un peu d'humour ,de pouvoir dans ce monde enfin réunit boire la même boison gazeuse de la laponnie au groenland en passant par la papoisie . internet définit peut être un trait cognitif générationel et mondiale , mais je me demande si c'est si décisif que cela . ce devenir langage . surtout quand dans le même temps une part non négligeable reste analphabète .

  10. Superbe, votre texte, j'aurais aimé l'écrire.

    Internet va nous servir aussi à ça :

    http://www.conseilnationaldelare...

    Internet nous a permis de sortir de la réalité unidimensionnelle de la société marchande.
    Il nous a permis de reprendre pied dans une "multidimensionnalité" dont nous avions été privés.
    Seuls certains "vieux" peuvent concevoir cela.

    Maintenant, nous retournons dans ce que certains appellent encore plaisamment la "vraie vie" pour ... corriger quelques dérives extrêmes.

    http://www.conseilnationaldelare...

  11. "A l'évidence, ce n'est pas un texte consensuel mais de clarification, c'est-à-dire de rupture"

    Je ne vois pas en quoi un texte de clarification serait un texte de rupture - c'est bien exactement l'inverse : un texte de clarification est obligatoirement le contraire d'un texte de rupture. Un étudiant de 1ère année en logique se ferait recaler sur cette simple phrase.

    M. Zin, où avez-vous appris à penser ? Et vous vous posez comme un philosophe ? Et dans votre précédent article "L'humanisme en question", vous vous faisiez le défenseur de la philosophie outragée ? Un raisonnement du plus haut comique qu'il vaudrait la peine de relire :

    jeanzin.fr/2008...

    Ce que vous ignorez, c'est que la philosophie avance masquée. Tenez je vous pose une devinette, connaissez-vous l'auteur de cette phrase : "Si je me suis résolu à poser quelques questions que j'aurais mieux aimé laisser à la philosophie, c'est qu'il m'est apparu que, pourtant si questionneuse, elle ne les posait pas".

    Ah ça y est ? Vous avez déjà trouvé la réponse à ma devinette ? Mais le problème, c'est justement que vous l'avez trouvée grâce à.... Google ! la voilà, l'émergence de la génération internet dans toute sa "splendeur".

  12. Très mauvais article, encombré d'erreurs factuelles graves.

    Par exemple :

    "C'est la première génération véritablement mondialisée, interconnectée et disposant de la totalité du savoir accumulé par les siècles"

    Mais ou avez vous vu ça ???? Quelle naïveté...

    99 % de "La totalité du savoir accumulé par les siècles" n'est PAS sur internet, et n'est pas près d'y être.

    L'information pertinente n'est PAS sur Internet. Les connaissances utiles, celles qui font de vous un homme libre ou non, se transmettent autrement que par un réseau gratuit et ouvert à tous...

  13. Un petit détour de votre pensée par des gens comme Bricmont ou Bouveresse ne vous ferait pas de mal, il y a une autre façon de réfléchir, il y a d'autres voies que la dialectique creuse derrière laquelle vous vous dissimulez lorsque vous êtes à court d'idéees (avec son jargon essouflé : le "négatif", le "positif").

    Et lorsque vous avez une idée et que vous ne vous cachez pas derrière ces penseurs, ça donne un article comme celui-ci, sans rigueur, sans imagination et sans argument (mais bien entendu en sélection du jour sur Rezo...).

    Tenez, je vous offre une piste philosophique qui vous permettra de découvrir de nouveaux horizons, et de cesser de mariner dans votre petit panthéon philosophique où "le négatif n'est que le positif du négatif inversé", parce que cette cuisine commence par avoir ici un drôle de goût :

    http://www.college-de-france.fr/...

    Bon vent !

  14. A l'évidence, ce n'est pas un texte consensuel mais de clarification, c'est-à-dire de rupture, et je ne prétends pas convaincre quiconque, espérant plutôt que cela détourne les technophobes de venir ici répéter inutilement leur credo (raté pour l'instant!). Le point décisif bien difficile à comprendre apparemment pour certains, c'est que toute négation est partielle même à porter sur la totalité.

    Il faut bien dire aussi que je suis plutôt du côté des vieux maintenant, même si cela fait un bail que je suis dans l'informatique mais je n'y ai pas été élevé au biberon comme mon fils, ce qui change tout. Je ne suis donc pas vraiment de la nouvelle génération mais je ne supporte pas les anciens révolutionnaires devenus réactionnaires que ce soient l'encyclopédie des nuisances, Finkielkraut ou l'inénarrable Philippe Val. Les "vieux" que je fréquente ne sont pas aussi largués. Même André Gorz qui n'avait jamais touché un ordinateur de sa vie avait su en reconnaître toutes les potentialités.

    Je trouve très sympathique l'initiative du "conseil national de la résistance" mais il ne faut pas surestimer pour autant l'influence que peut avoir un site. Il ne faut pas se faire d'illusions. C'est comme les pétitions internet que je ne signe jamais et qui ne sont que des substituts à l'action. Les mobilisations se font bien dans la "vraie vie".

    Il semble que j'ai du mal à me faire comprendre et quand je dis que les nouvelles technologies vont changer le monde je précise bien que cela ne se fera pas tout seul, pas sans errements, pas toujours dans le bon sens. Simplement il faut prendre en compte que c'est un phénomène planétaire et qui ne fait que commencer. On n'a rien vu encore malgré toutes les déceptions qui peuvent légitimement nous décourager. Mon enthousiasme ne va pas tellement à la technique qu'à l'émergence d'une nouvelle génération.

    Je ne suis pas sûr que les réseaux soient si fragiles que ça (c'est le cas de toute superstructure) mais, encore une fois, il ne s'agit pas de prétendre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ni de se mettre en réseau pour l'assaut final que les puissances dominantes pourraient couper pour faire échouer un soulèvement mondial ! Non, c'est plus en profondeur, dans la production, l'organisation sociale et sur le moyen terme que les changements devraient s'imposer durablement, par une nouvelle façon d'être au monde. Je tiens pour décisif que les pays émergents s'emparent de ces technologies mais il est certain que cela aggrave considérablement la fracture sociale dans ces pays, au moins dans un premier temps. L'infrastructure nécessaire est cependant beaucoup plus légère que pour un développement industriel par exemple (une borne wifi solaire suffit pour se connecter et, s'il y a des projets de pc à 12$, il y a déjà des pc de récupération qui ne valent presque rien). Il ne faut pas exagérer l'énergie nécessaire au fonctionnement et, de toutes façons, on ne manque pas d'énergie, on produit trop de gaz à effet de serre, on consomme trop d'énergie fossile ce qui n'est pas la même chose.

    Enfin, pour quelqu'un qui s'est formé dans le structuralisme, il n'y a rien d'original à parler d'un devenir langage de l'humanité, même si c'est décisif en effet...

  15. Je ne sais pas ce qui me vaut tant de sollicitudes de votre part, vous n'avez rien d'autre à faire qu'à vous faire mal à lire mes élucubrations sans aucun intérêt ni aucune idée ? En tout cas vos éructations n'ont aucun intérêt, ça c'est sûr. Nous n'avons certes pas les même références philosophiques (Bricmont ! seigneur !), moi je suis un incorrigible hégélien (hégélo-marxien plutôt) ce qui est apparemment hors de votre portée même si cela fait l'objet d'un mépris universel par tous ceux qui n'y comprennent rien. Il ne fait aucun doute qu'on ne pense pas pareil. Cet article vise bien la rupture avec des gens tels que vous et leur élitisme de pacotille (Bourdieu là serait plus pertinent que dans ses pauvres méditations pascaliennes). Si vous pouviez nous lâcher un peu...

  16. "hors de votre portée" ... "élitisme de pacotille" : Vous êtes devin ? Il n'y a pas la moindre trace d'élitisme dans aucun de mes commentaires. Je prends la peine de vous lire, et votre seule réponse c'est "allez voir ailleurs" ? Eh bien non.

    Il est hors de question que "nous" "vous" lâchions.

    La raison, je vous la donne en citant Paul Valéry :

    "Rappelez-vous tout simplement qu'entre les hommes il n'existe que deux relations : la logique ou la guerre. Demandez toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu'on se doit. Si l'on refuse, souvenez-vous que vous êtes attaqués, et qu'on va vous faire obéir par tous les moyens. Vous serez pris par la douceur ou par le charme de n'importe quoi, vous serez passionnés par la passion d'un autre"

    Vous ne ferez pas l'économie de devoir démontrer ce que vous affirmez puisque vous ne vous privez pas d'attaquer sur ce terrain ceux qui ont d'autres positions (et surtout d'autres combats, autrement plus urgents, comme le combat contre le post-colonialisme) que les votres. Un exemple ? bougnoulosophe.blogspot.c...

  17. Bien sûr que le débat intellectuel n'est pas tendre. La question de la vérité apporte la division dans les familles. Je ne contredis pas les autres par plaisir, je donne mes arguments, ils peuvent être trouvés mauvais mais les bonnes intentions post-coloniales ne suffisent pas à justifier n'importe quelle simplification et je ne vais pas insulter les gens chez eux. Dans cet article, je souligne l'importance de se situer dans le cadre d'une nouvelle génération planétaire rompue aux nouvelles technologies et pas dans des fantasmes de retour en arrière. C'est une nécessité pratique, d'autant plus justifiée que ce réalisme minimum est violemment contesté. Je peux répondre à des arguments, mais quel argument il y a ici, en dehors d'une condamnation hautaine ? Lorsque les désaccords sont trop grands sur les principes mêmes la discussion est de fort peu d'intérêt, on ne change pas d'avis comme ça, on ne convainc jamais ses adversaires politiques, que je sache...

  18. "on ne convainc jamais ses adversaires politiques, que je sache..."

    Vous en avez des préjugés ! Il y a des gens qui aiment être détrompés. Qui ouvrent un livre ou commencent un article en se disant : "pourvu que ce livre me démontre en quoi j'ai tort sur certains points". Il y a des gens qui aiment se convertir, avancer, devenir eux-mêmes en devenant autre.

    Ces gens-là sont des lecteurs.

    Les autres sont des militants. Les militants ne m'intéressent pas. Même s'ils écrivent des articles, comme vous le faites. Je me souviens de cette belle phrase de Jean Sur : "Qui milite limite".

    J'ai essayé d'être votre lecteur. Vous ne m'avez pas détrompé, c'est tout.

  19. Bricmont n'est tout simplement pas un philosophe (pas plus que Bourdieu) et il me rangerait à n'en pas douter dans les impostures intellectuelles mais je ne m'y trouverais pas en si mauvaise compagnie. Ceci dit ses interventions politiques ne sont pas toujours mauvaises.

  20. Vous n'avez évidemment pas répondu au seul point sur lequel vous ne pouvez pas passer : les dégâts dans le monde réel qu'implique l'existence de l'industrie informatique. Vos constructions sont purement théoriques, vous nagez dans une noosphère au-dessus de la réalité comme le baron de Münchhausen qui tirait sur la tige de ses bottes pour marcher sur la mer(de).

    Quand certains reprochaient au présent de liquider la tradition, d'autres l'accusent au contraire de ne pas en avoir fini avec elle. ( La situation est susceptible de se compliquer quand, les maux des sociétés contemporaines finissant par rendre l'opinion rétive à l'égard du progrès permanent, des modernisateurs en viennent à regretter le bon vieux temps où, précisément, on n'hésitait pas à en finir avec l'ancien.) Est-il vraiment impossible de se soustraire à l'opposition lassante entre modernistes et passéistes, forces de progrès et réaction, combat qui monopolise le débat et transforme l'espace public en bourbier ? Les enjeux de fond échappent à ce duel aussi codifié qu'un match de catch, où les rôles et les prises sont connus et distribués d'avance. La sagesse, si elle existe, ne réside pas davantage dans une position médiane - le progrès, mais dans certaines limites. Vouloir borner le progrès est absurde. Ce qui n'est pas absurde en revanche, c'est d'essayer de déterminer cequi constitue véritablement un progrès.

    Je conçois que pour un intellectuel isolé et provincialisé, internet apparaisse comme une illusion de décentralisation : l'illusion de pouvoir partout participer sans provincialisme à l'aventure intellectuelle de l'humanité, d'accéder au savoir. En réalité, il n'en est rien. Outre qu'il ne faut pas confondre documentation et connaissance, l'esprit se développera toujours davantage là où s'entrechoquent les esprits dans la fluidité du langage et la confrontationdans le débat oral. Reste ces tristes otakus, vivants par procuration, l'air pâle et cauteleux, nerveux, qui incarnent effectivement la génération qui n'aura plus aucune vie sinon sur internet.

    Parlons-en de cette modernité que vous ne voyez qu'à travers votre ordinateurs : vous vivez à la campagne, faites votre jardin, vous chauffez peut-être au bois. Pourquoi ne pas venir vivre à Paris dans la modernité en route ? Simone Weil avait au moins le courage de ses engagements lorsqu'elle alla travailler en usine, se confronter à la réalité : pour vous la modernité n'est qu'un mot, un agencement d'idées que l'on voit de loin ou en passant quelques jours. Venez prendre le RER chaque matin, le métro, puis la marche dans les rues où l'esprit obnubilé par tous les événements violents autour de lui, voyons ce qu'il restera de votre enthousiasme moderniste quand vous aurez vécu DANS la modernité.

    Non il ne faut pas être moderne, il faut être intelligent et savoir juger du présent et du passé à sa juste valeur.

  21. Pour les dégâts de l'informatique, je pense qu'ils sont surévalués et de toutes façons l'industrie ne va pas disparaître, c'est être en dehors de la réalité de croire le contraire, mais la question n'est pas technique, les réseaux ne sont pas un arraisonnement de la nature, c'est une mise en relation, une façon d'être au monde. Sinon, je viens de la région parisienne et j'ai vécu un bon moment à Paris mais j'ai été très déçu par les rencontres entre intellectuels qui me semblent beaucoup moins intéressantes que leurs textes et la vie dans la nature fait partie effectivement de ce qu'internet permet. On n'est plus condamnés à s'agglutiner dans les villes, même si j'y reviens régulièrement, pour des réunions justement, et tous ceux qui adorent tellement la nature devraient y retourner aussi. Il ne s'agit pas effectivement de tout prendre dans la modernité, qui mérite amplement la critique, mais bien de choisir le meilleur !

  22. Ceux que Jean Zin appelle bêtement technophobes ne sont pas tous stupides au point de subordonner tout raisonnement et toute philosophie ou toute politique à la question de la technique. C'est souvent le contraire, et c'est justement pour ça qu'il disent des choses très pertinentes. Riesel déclare dans son dernier bouquin à propos de l'histoire récente (post 68): "il faut donc penser que c'est la révolte, le goût de la liberté, qui est un facteur de connaissance, plutôt que le contraire."
    Les faits lui donnent raison, sinon pourquoi en serions-nous là, dans une situation bien pire qu'il y a quarante ans sur tous les plans, à l'ère de l'encyclopédie mondiale numérique libre et gratuite et accessible de partout et tout le temps?

  23. La ville-animal ou pour un urbanimalisme...

    La définition de l'homme d'Aristote comme animal politique (zoon politikon) est connue. Celle de Platon, qui faisait de l'homme « un bipède sans plumes », parait plus surprenante. Mais a-t-on assez exploré la première partie de la définition aristotélicienne ? Nous ne le pensons pas. Il convient de considérer l'homme comme animal, et tout particulièrement comme animal urbain. De se demander comment s'articule, s'agence l'animal humain et la ville. De rendre compte de l'homme comme producteur et comme produit d'une biosphère et d'une noosphère urbaines. L'homme vit de la ville ce qui signifie que la ville est son corps et qu'il doit maintenir des rapports constants avec elle pour ne pas mourir. Dire que la vie physique et intellectuelle de l'homme est liée à la ville ne signifie rien d'autre que la ville est liée à elle-même, car l'homme est une partie de la ville. L'homme fait partie d'une « toile des vies » [1], un écosystème urbain fait d'un biotope et d'une biocénose dont la ville est le matériau et la toile de fond. Cette nouvelle perspective crée un nouvel objet-ville : la biopolis, la zoopolis [2]. Ce paradigme nouveau, le paradigme « biotique »[3], fait de l'homme dans la ville, un corps doté d'une activité vitale, un régime d'existence parmi d'autres, qui se donne tous les moyens de persévérer dans son être. Nous faisons l'hypothèse qu'il n'est pas de propre de l'homme (que se soit l'outil, le feu, la politique, la morale, le langage ou la culture…). Que l'homme n'est au centre de rien, qu'aucun état d'exception, d'insularité de l'homme n'existe, pas plus en nature qu'en degré [4]. Contre l'anthropocentrisme ambiant, héritage judéo-chrétien, nous proposons un zoomorphisme heuristique. Nous préférons le chemin de l'âne [5] à celui de l'homme. Nous préférons le sens de la hutte[6] à la machine à habiter. Nous croyons que l'homme et la ville sont « à la frontière entre l'ordre et le chaos ». Est-il anodin de constater que les plus vielle manifestation de culture renvoie au monde animal (Grotte de Lascaux). Mais bien plus qu'une animalerie policée, le problème de l'homme en ville relève d'une logique du vivant ; dans la ville et sur la ville se joue une question de vie ou de mort . Un vitalisme traverse de part en part l'espace et la société, se cristallisant en l'homme et la ville[7] . C'est à l'univers de la pulsion, de l'instinct et de l'errance, et qui va bien au-delà du « cerveau reptilien » ; tout un monde d'animalité auquel nous appartenons en tant qu'urbain. L'odorat est un regard qui va au-delà du regard et qui le disqualifie du même coup. L'odorat renvoie également à notre part inaliénable de biologique, d'organique. L'entassement renvoie à la proxémique et au dialecte du corps [8]: « Attiré là irrésistiblement comme par une laisse invisible. Il rôdait par les rues. Fouillait des yeux les ruelles sombres, les porches aux relents d'urine, comme pour sonder du regard la brique patinée de crasse des immeubles presque centenaires et depuis longtemps déchus. Comme pour voir ce qui se cachait derrière les gens entassés sur le perron, et au-delà, dans les couloirs sombres et puants, où rodaient ses silhouettes louches, et plus loin encore, dans les réduits minuscules et ignobles peuplés d'une humanité prisonnière et misérable entassée dans les recoins obscurs et fétides » [9] Car la ville, pour autant qu'elle ne soit pas elle-même le corps humain, est le corps non organique de l'homme. Ainsi des quartiers, des lieux, des rues de la ville, avec ou sans aura, sont devenus nos territoires ; notre être au monde s'inscrit dans le bitume et les façades. Nous promenons nos vouloir-vivre sur le macadam des rues comme une araignée tisse sa toile. Nous projetons, investissons notre humanité sur un ensemble d'objet au caractère urbain. La ville c'est nous, nous, individuellement, collectivement, sommes la ville. La ville comme forme et matière, comme réceptacle et reflet. Toutefois rien ne serait plus faux que de confondre animalité et barbarie. L'animalité n'est pas la barbarie. Si la barbarie est épuisement, « une énergie inemployée »[10] , qui est toujours seconde, l'animalité, elle, est toujours première, elle préexiste à l'humain et lui coexiste. « La lumière, l'air etc. la propreté animale la plus élémentaire cessent d'être un besoin pour l'homme. La saleté, cette stagnation, cette putréfaction de l'homme, ce cloaque (au sens littéral) de la civilisation devient son élément de vie. L'incurie complète et contre nature, la nature putride devient l'élément de sa vie. Aucun de ses sens n'existe plus, non seulement sous son aspect humain, mais aussi sous son aspect inhumain, c'est-à-dire pire qu'animal. » [11] Les éléments naturels cessent de l'être, la saleté, comme nature putride, façonnée d'une façon très humaine, trop humaine, devient son élément de vie. Les sens, comme organe et comme faculté, héritage naturel par excellence, l'odorat en particulier, s'émoussent et se pervertissent, faisant de l'homme un être altéré, en deçà de l'animalité, et donc en deçà de toute humanité. Et cette inhumanité est un fait de civilisation, voyez ce Los Angeles, capitale du XXIème siècle, en ses émois sadiques : «Espace sans toilettes, la zone à l'est de Hill Street est aussi un espace où les points d'eau pour boire ou se laver ont été supprimés. On a alors le spectacle ahurissant de ces hommes à la rue -dont beaucoup sont de jeunes réfugiés salvadoriens- qui se lavent et parfois boivent à même la canalisation d'égout, qui se déverse dans le canal souterrain de la Los Angeles River » [12]. Dans le rapport homme-animal-ville, un quatrième membre apparaît en creux, c'est la machine. La ville et l'animal ont pu être définis comme machine (la mégamachine [13] de Mumford et « l'animal-machine » de Descartes). Si la machine peut être vue comme un prolongement du corps de l'homme, y compris « les technologies du fantasme » [14], ce technocosme apparaît de plus en plus comme une menace. De l'inorganique plaqué sur du vivant. « La machine s'adapte à la faiblesse de l'homme pour transformer l'homme faible en machine » [15]. La ou naît ce danger naît aussi la retrouvaille de son animalité. L'humain n'est rien sans la texture de l'animalité dans laquelle il s'est progressivement construit. Mais la ville-animal, ce n'est pas qu'une « gueule concupiscente qui renifle alentour et sans trêve » [16] (Kafka) c'est d'abord un devenir-animal. C'est-à-dire un processus qui permet le débordement. C'est poursuivre l'altérité, c'est résister aux entrelacs identitaires, c'est échapper aux filets des appareils institutionnels, c'est redevenir vivant, homme, femme, enfant, animal, végétal : « Il avance maintenant comme dans un rêve, porté par une marée grouillante - chiens perdus, mioches braillards, immenses puanteurs suffocante des poissonneries, en plein vent, des bodegas , des marchands de quatre saisons. Un rideau grisâtre et graisseux se boursoufle devant la fenêtre d'un rez-de-chaussée d'où s'échappe une odeur de poisson frit et de tapisseries moisies. » [17] C'est être pleinement soi, c'est-à-dire élémentaire, être soi et un autre (tous les autres), c'est échapper au principium individuationis. C'est être une ligne de fuite créatrice qui ne veut rien dire d'autre qu'elle-même. C'est finir de savoir ce que peut un corps. L'homme comme devenir-animal dans la ville comporte une série d'implications. L'entrée dans un nouvel espace-temps, un nouveau rapport au monde. D'une part, l'animal se trouve dans l'immanence, il est immédiatement plongé dans le monde, il est dans l'ici et maintenant perpétuel, dans une « intense présence » ; d'autre part, il est et il a son propre monde, l'Umwelt , un univers vivant qui lui est spécifique. En même temps c'est un être mobile, traversé de flux et d'intensité, qui est toujours dans le bougé, le devenir permanent, un processus incessant de déterritorialisation. Enfin le devenir animal supprime le problème du sujet au bénéfice d'un agencement, « une multiplicité qui comporte beaucoup de termes hétérogènes, et qui établit des liaisons, des relations entre eux » [18], continuum qui va du sol, l'eau, l'air, la vie végétale et animale, mais aussi les rues, immeubles, éclairage électrique, tramways, téléphones…, cet ensemble « coulant » sur le corps sans organe qu'est la ville. A la suprématie de la vue, à l'hégémonie de la lisibilité[19] et de l'«offrande aux yeux »[20], le « paradigme » biotique répondrait par l'expérience vécue et sensible, au caractère pluri-sensoriel ( olfactif, auditif, tactile, kinesthésique) de vouloir-vivre urbain, où concept, percept, affect ne feraient qu'un et où aucun n'aurait plus la préséance sur les autres. Il y a tout lieu de croire que le bestiaire cynique, et son nominalisme proverbial, nous serait d'une plus grande utilité que le lion et le renard chers à Machiavel, d'un point de vue méthodologique s'entend : « Outre le sélacien onaniste, on rencontre chez Diogène et associés une souris hystérique, un cochon de lait gavé, un hareng enchaîné, un cheval couronné, un mille patte lymphatique, un bouc à traire, quelques veaux, bœufs, tortues, belette et divers accessoires. Sans oublier le chien, roi des animaux cyniques bien sur. » [21] Et tout cela dans la ville d'Athènes, cela ne s'invente pas…

    1] R. Park, The Collected papers of Robert Ezra Park (Vol.2), Glencoe , Illinois, 1952, p. 145

    [2] J. Wolch, «Zoöpolis», in Animal Geographies: Place, Politics, and Identity in the Nature-Culture Borderlands , Jennifer Wolch and Jody Emel (eds)., 1998

    [3] B. Zitouni, « L'Ecologie urbaine : mode d'existence ? mode de revendication ? », in Aimons la ville ! , Cosmopolitiques, Edition de l'Aube, 2004, pp.137-148

    [4] E. Morin, Le paradigme perdu, Edition du Seuil, 1973, p.22

    [5] Le Corbusier, Urbanisme, Flammarion, 1994

    [6] G. Bachelard, La poétique de l'espace, PUF, 1957

    [7] H. Laborit, L'homme et la ville, Flammarion, 1971

    [8] E. Goffman , « Engagement » in La nouvelle communication, Y. Winkin, Edition du Seuil, 1981, p. 267

    [9] H. Lieberman, Nécropolis , Edition du Seuil, 1977, p.61

    [10] M. Henry, La barbarie, Editions Grasset, 1987.

    [11] K. Marx, Manuscrits de 1844 , Flammarion, 1996.

    [12] M. Davis, City of Quartz , La découverte, 2000, p.214.

    [13] L. Mumford, La Cité à travers l'Histoire, Éditions du Seuil, 1964.

    [14] R. Koolhaas, Delirious New York , Edition Parenthèse, 2002, p.125

    [15] K. Marx, Manuscrits de 1844 , Flammarion, 1996.

    [16] F. Kafka, « Le terrier » in La colonie pénitentiaire , Gallimard, 1975

    [17] H. Lieberman , Nécropolis, Edition du Seuil, 1977, p.62.

    [18] G. Deleuze, Dialogues (avec Claire Parnet), 1977, Flammarion, p. 84

    [19] K. Lynch , L'image de la cité , Dunod, Paris, 1960.

    [20] Le Corbusier, Urbanisme, Flammarion, 1994, p.60

    [21] M. Onfray, Cynismes, Grasset 1990, p.44

  24. Je trouve ces questionnements intéressants, et m'amuse de tous les arguments qui peuvent s'opposer ici. Mais je m'amuse encore plus des commentaires, avec le concours du philosophe qui à la plus grosse... quantité de mot dans ses messages peut-être ? Mais tous sont des hommes bien entendu, et je parie qu'il s'agit de tout autre chose. Finalement, en fait de débat sur la modernité, on assiste à rien d'autre qu'à une bonne vieille joute où les montures sont des paires de couilles et les lances des arguments plus ou moins solides, comme ce formidable thème qui revient sans cesse "en dehors des réalités", arme ultime contre l'outrecuidance d'un interlocuteur qui ne partage pas le même avis.

    Quelqu'un a dit pathétique ? Je dirais même pathétiques, ça tombe plutôt bien, c'est l'adresse de mon blog : pathetiques.over-blog.net !
    Mais je digresse (et réclame).

    Pourquoi faudrait-il qu'un camp ait raison et l'autre tort ? L'humanité offre tellement de diversité que de chaque côté on pourra trouver mille exemples à s'envoyer pour prouver ce qu'on avance. La nouvelle génération, j'en suis, j'ai grandi sur internet, et je me réjouis qu'on puisse se demander si c'est une bonne chose que j'existe ou pas. Mais de toutes façons, je crois que c'est inéluctable, je suis là. Maintenant est-ce un bien ou un mal... les deux mon capitaine. La technologie offre de nouvelles opportunités qui viennent en remplacer de plus classiques qui disparaissent (je me rappelle douloureusement la photographie argentique), tandis qu'elle peine encore à trouver des alternatives à certains supports difficilement remplaçable sur un écran (essayez de lire un livre sur un écran... ouch).

    La science court vite, et la technologie tente de suivre le rythme. La société, a bien du mal à évoluer pour se mettre à niveau, et l'humanité se contente de faire semblant, tout en restant exactement la même qu'avant. L'essentiel, c'est de se plaindre, et tant que tout ne sera pas statique, dans une bulle figée à une époque précise, nous seront tous là pour nous plaindre par flemme de s'intéresser aux nouveautés.

    Désolé si je ne vous offre aucune citation digne de valoir une bibliographie en fin de commentaire, mais je n'ai aucun mal à avouer mon manque cruel de culture. C'est sans doute pour cette raison que je n'ai pas saisi la subtilité des avis qui s'affrontent ici et que mon commentaire n'a aucune utilité. Quoi que, j'ai quand même placé l'adresse de mon blog, je suis content.
    Amusez-vous bien.

  25. Jean Zin a parfaitement raison de soulever la problématique, qui est probablement bien plus vaste qu'on ne le soupçonne. En ce sens qu'elle est déjà incrustée dans nos vécus et ce sans que nous en prenions conscience autrement que dans l'utilisation, la disponibilité. Et nul besoin d'être intello ou culturellement remarquable pour user de ces moyens ; vitesse de tout un chacun à absorber l'outil... enfant, 3éme âge, ados, multiformes et variétés des significations réelles.
    Mais le plus essentiel est sans doute ceci ; que l'écrit est à nouveau l'essentiel. Il est trés difficile d'apprendre à lire et écrire ... sur le papier, et il est absolument motivant d'être pour, via, et vers les autres. D'autant que cette visualisation, extension du corps, s'impose sur une seule interface multifonctionnelle. C'est toute l'expression (de tous les problèmes ) qui entre en jeu ; et qui est l'enjeu ...
    Parce que malgré les appropriations diverses que peut subir le Web, (et en partie sinon légitimes du moins compréhensibles), elle surnage l'interface ... et c'est non pas la réduction au marchandage qui en augmente l'intérêt, (et donc les manipulations variées), mais à l'inverse la gratuité et l'expression pure et simple qui nous intéressent.
    Alors il serait très bien que les "connaissances" y fassent leur entrée , en quantité et qualité (que les universités et universitaires se bougent ...!) , mais il est évident aussi que l'internet tend à constituer son propre savoir, son propre développement, sa propre culture. Et on ne sait pas encore identifier ce qu'il transmet ; mais n'importe quelle technique est déjà en soi une multiplication, que dire donc d'une technique qui exige un maximum de participants ? Qui en un mot, se démocratise effectivement, ne constitue -t-elle pas comme l'essence même de la démocratie ... ?

  26. Intéressant de tous vous lire 😉

    Ce que je retiens, c'est que par le biais d'internet (des nouvelles technologies de communications, les ordinateurs, etc.), nous avons réduit les distances, le temps.

    Nous sommes capable à notre échelle, même si le système (internet) peut être plus ou moins contrôlé, de communiquer de s'informer avec tout un réseau mondial (qui se développera encore). On agrandit le champ d'action.

    Cela dit, ce n'est qu'un outil de plus, comme le furent en leur temps la radio, ou les appareils électro-ménager, le téléphone, etc.
    Et donc comme tout outil c'est encore l'utilisation que l'on en fait qui sera "bonne" ou "mauvaise".

    Néanmoins, ce que l'on peut dire de ce monde virtuel, c'est qu'il touche notre monde intérieur à tous, notre pensée, là où séjourne notre conscience.

    Et, si l'on veut changer le monde et laisser la possibilité du devenir, différent de ce que notre société propose :
    - autant par la main mise d'un système impérialiste qui tend à nous diriger et faire de nous des consommateurs aveugles et stupides,
    - autant à cause de l'inactivité de toutes les personnes inconscientes et endormies par une propagande sournoise et bien huilée
    - etc.
    Alors internet est un formidable outil vecteur d'idées nouvelles, bien qu'il faille aussi faire le tri et que l'on trouve des "chefs d'oeuvres" de la connerie, et reste un des seul moyen de communication libre et du militantisme (on ne peut plus vraiment parler de presse libre (papier ou non), il me semble 🙂 ).

    C'est aussi un formidable mélange de gens, d'idées, et qui par leurs simples mots vous (nous) feront prendre conscience de choses du monde qui sont, à moment donné, révélatrice de votre (notre) propre potentialité, de notre mise à disposition au changement. Le petit déclic qui nous manque parfois.

    Cela dit, il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas seulement par le biais de cet outil que l'on peut faire avancer le monde, si on cherche à faire avancer le monde, encore faut-il que nous soyons d'accord pour décider dans quel sens nous irons ! :p

    Avec cet outil, nous accédons à de nouvelles possibilités mais le monde celui en vrai (lol), souffre de l'abandon du contact humain, vrai, celui qui se sent, qui se touche, qui se respire et avec qui le verbe se crée, l'instant.

    Le zen nous dirait de nous centrer, suivons son conseil et trouvons l'équilibre entre un monde virtuel et un monde réel, entre le corps et l'esprit

    Ceci n'est qu'un outil 😉

  27. Je reprends ce que j'ai deja precise sur le site du Monolecte....la moitie de l'humanite n'a meme pas acces de facon episodique a un telephone et effectivement le systeme est tres fragile car il depend de technos qui ne sont pas supportables (ecologie) sur le moyen ou long terme. La production d'un laptop genere autant de pollution que la production d'une voiture de petite cylindree....C'est vrai temporairement les pays emergents peuvent esperer combler quelque ecart mais ils ne sont que consommateurs de ces solutions en aucun cas decideurs...et ne me cassez pas les pieds avec les logiciels libres....Le controle et la mise en place du systeme reste totalement domine par des oligarchies transnationales ou tout simplement etatiques (Chine...)

    Pas d'accents car j'utilise un clavier us actuellement

  28. Il est difficile lorsqu'on est écologiste de trouver la bonne mesure. Certains céderaient à la panique jusqu'à tirer dans le tas faisant de la population le problème. D'autres s'imaginent qu'on n'aurait plus du tout d'énergie alors que le soleil nous procure une énergie quasiment inépuisable. D'autres voudraient arrêter toute pollution, toute industrie mais cela n'a, heureusement, aucune chance de se produire. Il y a de nombreuses urgences à prendre au sérieux, en premier lieu le passage à l'énergie solaire justement mais il n'est pas raisonnable de prétendre qu'un portable génère autant de pollution qu'une voiture ! De toutes façons il y aura toujours des voitures et des portables, qu'il faudra rendre les moins polluants possibles. Il faudra surtout changer les circuits de distribution et l'organisation de la production mais il n'y a aucune chance que l'informatique disparaisse dans l'affaire. C'est justement ce que je souligne dans l'article, et ce sont justement les pays émergents qui n'avaient pas accès au téléphone jusqu'ici où se développe le plus rapidement les mobiles et l'utilisation d'internet. Quand a dire qu'ils ne sont que consommateurs c'est aussi inexact, il y a au Brésil ou en Afrique une production locale importante d'ordinateurs à partir de pièces de récupération et ils ne sont pas plus idiots que d'autres. Le contrôle du système est complètement surévalué par rapport à la réalité et surtout par rapport au passé. Je m'interroge sur le fait qu'on puisse ainsi se monter la tête de façon complètement contre-productive et se persuader qu'il n'y a pas d'issues alors qu'il n'y a pas d'autre choix que de tirer parti des opportunités effectives. Bien sûr, il n'y aura jamais d'autonomie totale dans un monde pacifié et dépourvu de toute pollution... De toutes façons, le défi c'est un réchauffement climatique qui risque de dépasser les 6° et ce n'est pas en retournant dans les grottes qu'on s'en sortira !

    Sinon il est évident qu'on a besoin de contacts humains, mais ce sont aussi les relations sociales qui nous font souffrir. Il n'est pas forcément plus mal de prendre ses distances... Il est vrai que je suis devenu un peu misanthrope, renforcé en cela par certains commentateurs teigneux mais je crois qu'on peut y gagner à choisir ses relations, de même que je suis persuadé, à rebours de ce qu'on croit, que l'automatisation valorise de plus en plus ce qu'on a de plus humain en nous et que les machines ne peuvent faire.

    Voilà ce que j'écrivais à ce sujet dans ma revue des sciences du mois de Mai :

    "Quand à la prépondérance des relations de face à face on peut y voir un besoin de l'espèce mais il me semble qu'une raison essentielle qui distingue un e-mail d'un coup de téléphone et encore plus d'une réunion physique c'est qu'il est trop facile d'éviter la relation électronique alors qu'on est obligé de répondre au téléphone et que dans une réunion il faut être présent aux autres. C'est le caractère "inévitable" de la présence physique, plus que les phéromones, qui en fait une présence pleine que ne remplaceront jamais les relations virtuelles dont les vertus sont inversées par rapport à la proximité des corps car les relations lointaines sont par contre toujours accessibles, en ligne, et souvent d'autant plus complaisantes qu'elles ne connaissent de nous que ce que nous voulons bien en laisser paraître..."

    jeanzin.fr/2008...

  29. Devant la naïveté confondante de monsieur Zin, une citation de Ballard pour remettre les pendules à l'heure !

    "Le mariage de la raison et du cauchemar qui a dominé tout le XXe siècle a enfanté un monde toujours plus ambigu. Les spectres de technologies sinistres errent dans le paysage des communications et peuplent les rêvent qu'on achète. l'armement thermonucléaire et les réclames e bossons gazeuses coexistent dans un royaume aux lueurs criardes gouverné par la publicité, les pseudo-événements, la science et la pornographie. Nos existences sont réglées sur les leitmotive jumeaux de ce siècle : le sexe et la paranoïa. "

  30. Et puis pour rebondir sur la remarque de Helios sur la nécessité d'une approche postcoloniale aujourd'hui, vous qui aimez tant Sartre, monsieur Zin :"Rien de plus conséquent, chez nous, qu'un humanisme raciste puisque l'Européen n'a pu se faire homme qu'en fabriquant des esclaves et des monstres." (Préface au "Damnés de la terre")

  31. Je n'ai absolument pas mis en cause la nécessité d'une approche postcoloniale, le colonialisme a été une horreur, cela ne permet pas de dire n'importe quoi.

    Pour le reste je comprends qu'on noircisse le tableau j'ai moi-même été longtemps dépressif et suicidaire mais avec un bon traitement ça passe et je ne bois pas de boisson gazeuse, la science me passionne, quant à la pornographie, elle m'amuserait plutôt...

  32. "quant à la pornographie, elle m'amuserait plutôt... "

    Vous n'êtes pas tout seul , monsieur Zin... !

    1. 12% des sites webs sont à caractère pornographique.
    2. 25% des requêtes dans les moteurs de recherches sont liés à la pornographie.
    3. 35% des telechargement sont de nature pornographique.
    4. Toutes les secondes, 28,258 internautes consultent de la pornographie et 89$ y sont dépensés.
    5. Tous les jours, 266 nouveaux sites porno apparaissent
    6. Sex est le mot le plus recherché sur le net.
    7. 2.84 milliards de dollars, c’est le revenu du porno sur internet aux USA en 2006.
    8. 28% des internautes consultant du porno sont des femmes - 72% des hommes
    9. 70% du trafic des sites porno est générée entre 9h et 17h…
    10. On estime a 372 millions le nombre de pages porno (3% Angleterre - 4% Allemagne - 89% USA)

  33. Oui tout cela est tout-à-fait "naturel" et vaut beaucoup mieux que la répression sexuelle (même s'il y a bien sûr du porno horrible). Quant à moi, je ne suis qu'un homme bien ordinaire et ne prétend pas à autre chose, ni à juger l'humanité de haut, rien de pire que le moralisme...

    La génération internet c'est effectivement aussi la génération du porno.

  34. Moralisme que nenni ! Tout est là entre vos guillemets...
    Y -a-t-il une "nature humaine" ? En quoi consiste-t-elle ?
    Auquel cas, a quel moment entre-t-elle en contradiction avec la technique et quel est son rapport avec l'animalité... ? Qu'est-ce que la barbarie? Un surcroit de technique ou un retour à l'animalité? Y a-t-il un rapport entre nihilisme et technique ?

  35. Et encore, Nobo est bienveillant de vous aider en citant Sartre. La préface à Fanon est bien sympathique, mais moi je préfère encore, à propos du "Grand Sartre", lire ce texte d'Edward G. Saïd :

    Ma rencontre avec Jean-Paul Sartre :
    http://www.monde-diplomatique.fr...

    Il faut en finir avec vos idoles, M. Zin.

    Merci Nobo pour vos contributions éclairantes. Avez-vous lu les articles de Bougnoulosophe et de Gilles d'Elia sur la "pensée souchienne", que M. Zin décriait ici même dans son précédent article avec sa rhétorique rouillée ?

    1 :

    bougnoulosophe.blogspot.c...

    2 :

    http://www.relectures.org/spip.p...

    ça nous change d'air, et il est temps.

  36. Bonjour,

    Je crois que beaucoup vont avoir un réveil dur quand ils et elles comprendront ce qu'il se passe réellement. Dès qu'on soulève un tantinet le voile, la première chose avouée est ce sentiment d'être emprisonné dans quelque chose d'incompréhensible. Et au lieu de faire face à ce fait beaucoup choisissent la fuite ou la colère. Quant à ceux qui commencent à comprendre ce qu'il se passe vraiment et osent regarder le voile, à faire face, ce qu'ils voient ou perçoivent ne les réjouit guère car ils savent déjà ce que nous sommes en train de perdre. Et pas un seul nom, pas une seule référence ne pourra venir combler le vide qui se prépare ni les aider à mieux comprendre le pourquoi de ce qu'il se passe. Il n'y aura rien pour les soutenir.

    Les vieilles idoles de la pensée retourneront dans la poussière des bibliothèques et on s'en souviendra comme d'un temps heureux, béni (?) où l'on croyait pouvoir maitriser le monde en étudiant quelques idées ou concepts pour les plus farouches. Tout cela n'aura été que la plus belle des illusions. Des siècles de pensée qui tomberont d'un seul coup comme un mur trop vieux s'écroule à cause de ses trop nombreuses fissures.

    M. Zin, personne n'aime s'entendre dire que le monde dans lequel il vit n'est pas celui auquel il croit et, encore moins, que ce monde-là, celui qui lui permet de se forger ses propres croyances, est en train de disparaitre.

  37. Non, je ne crois pas que les penseurs du passé deviendront tous obsolètes, seulement les plus récents (Baudrillard et quelques autres à n'en pas douter). Platon et Aristote seront toujours d'actualité, sans parler d'Hegel et de Marx (ou Confucius et Lao-Tseu). L'humanité ne change pas autant qu'on croit même s'il y a effectivement de grands bouleversements. Ce sont les religions et les croyances qui passent, pas les penseurs et les philosophes.

    Le sentiment d'impuissance devant des événements qui nous dépassent est tout simplement politique et avait déjà été analysé par Marx : c'est le phénomène du fétichisme mais aussi de l'individualisme. Ce dont je suis persuadé, mais je ne suis pas devin et peux me tromper, c'est qu'il y a là un processus cyclique et qu'on devrait retrouver bientôt les mobilisations sociales, le néolibéralisme est en perte de vitesse. Le seul problème, mais il est de taille, c'est qu'il n'y a rien en face et que rien ne garantit que tout cela débouchera sur quelque chose de positif.

  38. Ca réchauffe le coeur:

    "Vous n'êtes pas tout seul , monsieur Zin... !

    1. 12% des sites webs sont à caractère pornographique.
    2. 25% des requêtes dans les moteurs de recherches sont liés à la pornographie.
    3. 35% des telechargement sont de nature pornographique.
    4. Toutes les secondes, 28,258 internautes consultent de la pornographie et 89$ y sont dépensés.
    5. Tous les jours, 266 nouveaux sites porno apparaissent
    6. Sex est le mot le plus recherché sur le net.
    7. 2.84 milliards de dollars, c’est le revenu du porno sur internet aux USA en 2006.
    8. 28% des internautes consultant du porno sont des femmes - 72% des hommes"

    une bonne branlette, intellectuelle ou non, y a que ça de vrai! 😉

  39. "Le seul problème, mais il est de taille, c'est qu'il n'y a rien en face et que rien ne garantit que tout cela débouchera sur quelque chose de positif."

    C'est pour cette même raison que notre monde patine un peu à mon humble avis. Il redoute plus le négatif que le positif parce qu'il est toujours difficile de perdre ce qui nous attache à un monde. Et cette perte est considérée comme quelque chose de négatif.

    Certes nous ne nous en tirerons pas toujours de la meilleure façon mais comme vous l'avez déjà dit, me semble-t-il, c'est comme cela que le monde avance : par bonds, par sauts pas toujours très bien sentis et souvent chaotiques.

  40. CM 23: "Pour les dégâts de l'informatique, je pense qu'ils sont surévalués"

    Vous comptez vous en tirer à si bon compte ? "je pense que" : mais on s'en fout de ce que vous pensez. Il y a des données bien concrètes, des chiffres, des réalités photographiables, audibles mêmes, palpables comme ces montagnes de déchets electroniques que l'occident envoie en Chine, en Inde et ailleurs.

    Fabriquer un ordinateur pesant 24 kg (écran compris) nécessite 240 kg de combustible fossile, 22 kg de produits chimiques divers et… 1,5 tonne d’eau ! Etude de l'Université des Nations Unies à Tokyo. Ils contiennent entre autre :
    - du plomb - 1.725 kg
    - mercure, arsenic, chrome, cobalt, béryllium, cadmium, ... - 50 g par élément
    - du plastique - 6.35 kg
    - or, argent, platine, ... 40 g par élément.

    Et on ne s'étonne plus de compter trois fois plus de maladies professioinelles dans l'industrie informatique qu'ailleurs. Sans parler des émissions de CO² de l'industrie informatique, qui sont équivalentes à celles de toute l'industrie aérienne.

    Mais vous êtes un idéologue, qui plus un "gestionnaire des nuisances" comme Riesel les a dépeint avec brio dans son dernier livre, aucune réalité ne peut plus vous attendre.

    "Gérons, gérons,
    enfant de la maladie..."

  41. Dire que les dégâts sont surévalués ne veut pas dire que les produits électroniques ne produiraient aucune pollution, qu'il faut effectivement réduire mais ce n'est pas une raison pour en faire trop et comparer par exemple avec une voiture même si, bien évidemment, la dépense d'énergie au kilo n'a rien à voir entre les deux et il est ridicule de préciser "énergie fossile" alors que l'énergie utilisée est principalement l'électricité! Il y a un véritable problème mais pas aussi insurmontable qu'on le prétend.

    Je relève la contradiction qu'il y a à se faire ainsi une grosse frayeur tout en continuant à utiliser des ordinateurs (et tout le reste) tout en se croyant un super révolutionnaire parce qu'en paroles on voudrait supprimer toute électronique et toute industrie ce qui est effectivement risible. l'idéologie ça y va, oui, mais pour le concret on peut attendre.

    Moi je veux bien être traité de gestionnaire des nuisances, si les nuisances c'est l'informatique. On n'a tout simplement pas la même définition des nuisances qui sont innombrables. Je ne prétend certes pas supprimer magiquement toute l'industrie, je propose une alternative pour sortir du productivisme mais c'est moins exaltant que des discours enflammés qui trouvent déjà qu'il fait un peu plus chaud.

    Quand au dernier livre de Semprun je l'ai trouvé lamentable et sans aucune perspective. La partie de Riesel est moins critiquable dès lors qu'il revient sur le passé, mais il n'y a pas l'ombre d'une issue à la détestation du monde. Continuez donc à vous croire de grands révolutionnaires qui ne dérangent personne. D'autres trouveront par force des solutions moins satisfaisantes pour l'esprit peut-être mais plus effectives et qui ne se limiteront pas à gérer le système en place mais constitueront une véritable alternative même si cela ne réglera pas tous les problèmes ni ne supprimera toute pollution !

  42. JZ a aussi de l'humour...

    "c'est moins exaltant que des discours enflammés qui trouvent déjà qu'il fait un peu plus chaud."

    🙂

    de toute façon je m'en tamponne, j'ai la clim, et ça donnera du boulot à quelques crève-la-faim basanés!

    respectueusement vôtre

  43. Laissez tomber. C'est bien en amont, au niveau théorique, que se situe l'impossibilité de Jean Zin de recevoir vos critiques. Il y a une certitude irrésistible dans les études de Marx, qui a affecté tous ses fidèles, des marxistes aux marxiens, c'est qu'un changement social doit demeurer une pure illusion s'il n'est pas accompagné d'une transformation de la technique, transformation cristallisée dans des machines nouvelles. Bien sûr, nous pouvons rire de ces âneries marxistes, comme si aucun changement social réel n'était advenu avant l'arrivée du machinisme - conception qui rend impensables les transformations, révolutions, chambardements sociaux et politiques, par exemple, de la Grèce antique -, mais ceci expliquant cela, Jean Zin ne peut pas renoncer au dépassement du capitalisme par une transformation machiniste. Raison pour laquelle il préférera sacrifier le climat et la diversité naturelle plutôt que de renoncer au support matériel des constructions théoriques ( des foutaises hyperconceptuelles en gros ) comme la noosphère, la société de l'information, la démocratie cognitive & consors. Ce texte de glorification de la "génération internet" découle directement de cette problématique. Certes pour qui connaît un peu mieux l'état subjectif de la jeunesse aujourd'hui (dont je fais partie, 23 ans ; donc collez-vous dans le cul vos accusations de vieux schnock ), et l'état subjectif que vient créer l'informatique, qu'avaient très bien intuitioné les philosophes post-cybernéticiens comme "lieu de la dissolution du moi", rien de valable n'est à attendre d'une jeunesse élevée par la camelote et la subjectivité marchande. Je les côtoie trop pour ne pas le savoir. D'ailleurs l'aspect "lieu de la dissolution du moi" n'est pas une simple dénigration commode, c'est aussi la raison pour laquelle l'activité informatique est recommandé pour les grands brûlés, les malades, les dépressifs, etc., dans l'exacte mesure où elle les retire d'eux-mêmes et de leurs souffrances. Le temps réel, qui n'a de réel que le nom, désigne simplement cet état où l'interaction se resserre au point de "saisir" l'individu. Ce n'est pas non plus un hasard si l'on parle par métaphore d'"activité prenante".
    Renoncer à la vielle chimère marxiste impliquerait de rechercher d'autres moyens pour dépasser le capitalisme, outre qu'une telle démarche requière un réexamen complet de toute sa construction théorique, il se retrouverait dans les mêmes difficultés que les groupes qu'ils dénigrent parce qu'ils refusent la voie machiniste pour transformer le monde. Pourquoi la transformation induite par l'apparition de nouvelles machines apporterait-elle une situation sociale, voire une société, moins mortifère ? Mystère, tous les diagnostics de ce genre ont été démentis depuis un siècle : ce qui n'empêche pas les progressistes de croire et les technoprophétes de chanter leurs hymnes.
    On voit très bien la contradiction en revanche qui se présente à eux, contradiction entre les besoins en ressources que requière la production de leurs moyens pour transformer le monde et la destruction du monde qu'implique l'exploitation de ces mêmes ressources. Quoi qu'il en dise, Jean Zin se trouve lui-même confronté à une contradiction explosive ; explosive dans la mesure où elle engage des seuils d'irréversibilité et de contre-productivité qui sont, dans bien des domaines, déjà atteints.

    Pour finir sur une note d'humour, j'aurai tout de même aimé demander à Marx si la révolution de Macédoine au IVe siècle avant J.C. était due au remplacement des manches de marteau en frêne ou à l'introduction de la scie à deux hampes - mystère.

  44. Effectivement, internet n'a certes pas que des bons côtés et les commentaires sont la plupart du temps affligeants. Si internet donne accès à tout le savoir du monde, il donne aussi accès à toute la connerie humaine...

    Je suis par principe moins sévère envers les "jeunes exaltés" qu'envers les "vieux schnocks" irrécupérables, ne serait-ce que par égard à ce qu'on a pu être nous-mêmes et il faut bien que la jeunesse se fasse les dents mais on ne peut demander qu'ils aient une compréhension plus que sommaire d'auteurs qu'ils n'ont à l'évidence pas lus. N'importe quel médiocre étudiant sait pourtant bien quelle innovation technique dans l'art de la guerre a permis aux macédoniens de s'imposer à une Grèce divisée même si l'enseignement d'Aristote n'est pas pour rien dans l'universalisme d'Alexandre. Il faut dire que le miracle Grec doit beaucoup à l'invention des voyelles, qui a démocratisé l'écriture (décadence dénoncée déjà à l'époque, même par Platon) un peu comme l'informatique aujourd'hui, ainsi qu'au reportage d'Hérodote sur le monde méditerranéen, préfigurant si l'on veut notre télévision par satellite !

    Certes l'expérience qu'on a de ses condisciples est surtout celle de la connerie, et cette fascination du moi comme s'il n'était pas une construction sociale, mais ce n'est ni une question d'âge, ni de technique, c'est la "nature humaine" qu'il faut se coltiner ainsi toute la vie, hélas. C'est avec ça qu'il faut faire. Avec tous ces petits ou grands cons.

    Car, le pire, c'est qu'on n'est pas si éloignés que ce ton théâtral le ferait croire. On veut malgré tout à peu près la même chose, au moins en partie. Car, évidemment, je ne veux rien sacrifier et n'en ai d'ailleurs pas du tout le pouvoir ! Je cherche la façon de s'en sortir et l'informatique en est un élément central, de même que la science et la technique qu'il est idiot de prendre comme un bloc. Penser par grands principes abstraits c'est bon pour les "nouveaux philosophes". C'est sûr que s'il y a "La technique", et qui est responsable de tout, il faut se débarrasser de "La technique" comme Le Mal, c'est une question de vie ou de mort ! S'il y avait l'ombre d'une issue du côté de ces révoltés métaphysiques, je voudrais bien l'examiner mais la seule chose qu'il y a, c'est une écologie libérale et de gouvernement, une "gestion du désastre" en effet. Il faudrait avoir autre chose à y opposer, une alternative au productivisme si ce n'est à toute la technique ou à notre aliénation même !

    Il ne s'agit pas d'être pour ou contre mais de savoir quoi faire. Dans cette voie de l'alternative, je n'ai rien vu de mieux que les propositions d'André Gorz, de Bookchin et du Grit malgré ce qui peut paraître une certaine modestie qui n'est pas réformisme pourtant mais simple réalisme (quoique déjà assez irréaliste pour le présent). Croire qu'il suffirait d'arrêter tout, c'est une bonne blague. On aura besoin d'un nouveau système de production et il faut dire lequel mais il semble qu'à mesure qu'on grossit les problèmes jusqu'à les rendre insolubles on ne se sent plus obligés d'avoir des propositions crédibles, il suffirait d'insulter ceux qui ne suppriment pas d'un seul coup capitalisme, industrie, technique, aliénation. C'est pur délire et ces gens qui se croient plus écologistes que tout le monde sont en fait des obstacles importants à la construction d'une véritable alternative, mais ils sont fiers d'eux-mêmes, c'est ce qui importe...

    Ces oppositions, bien qu'elles soient infinitésimales et ne représentent rien, témoignent cependant de l'air du temps où se rejoignent, je l'ai dit l'encyclopédie des nuisances, Finkielkraut et Philippe Val ! C'est ce qui justifie mon article d'autant plus, ne faisant jamais que dire le contraire de ce qu'on devrait dire. Pour la même raison, j'étais très critique envers internet au moment où l'on nourrissait des illusions délirantes à son sujet (avant le krach de la "nouvelle économie") comme "l'intelligence collective" introuvable promise par Pierre Lévy ! Lorsque c'est le discours réactionnaire qui l'emporte, il me paraît indispensable de souligner tout le parti qu'on tire d'internet malgré tout et la nécessité de raisonner dans ce cadre et non dans un cadre imaginaire où l'on cesserait de polluer on ne sait comment. La polémique dans sa virulence et sa bêtise fait sans doute partie du problème et donc du texte qu'elle justifie d'une certaine façon. Cela n'empêche pas que j'en ai ma claque et je ne m'interdis pas de clore les commentaires, je l'ai déjà prouvé.

  45. pourquoi tous ces jugements péremptoires, sur un ton agressif parfois, alors qu'on peut mener un débat plus raisonnable ?

    s'agit-il d'avoir raison contre les autres (encore eux!)

    ou d'entre-réfléchir aimablement avec eux, toujours eux...

    plusieurs textes sont_ selon moi_ trop longs; n'oubliez pas que la lecture sur un écran est vite pénible...

    internet est un nouveau moyen de communication, porteur de liberté et d'aliénation;

    pour son avenir et celui de notre espèce, je ne peux malheureusement que m'en remettre à Mme SOLEIL (la fausse)!

  46. Mr Zin, s'il vous plait, ne fermez pas les commentaires! Personnellement je trouve, malgré la bêtise ou le narcissisme de certains ("regardez toutes les références que je peux vous aligner!"...) qu'ils permettent une confrontation des idées et vous amène à éclaircir votre propos. Peut-être que la solution serait pour vous de ne répondre qu'aux commentaires pertinents ou humbles, même si c'est difficile de prendre des coups sans répondre. Mais je crois avoir décelé ici ou là une petite jouissance chez certains à obtenir ne serait-ce qu'un minuscule intérêt de votre part à leur suffisance...
    A part çà, je n'ai pas grand chose à ajouter à ce qui a été dit. Je suis internaute depuis peu car assez technophobe et essayant d'être écologiste et puis bon je m'y suis mis et aujourd'hui j'admet volontier y trouver un intéret. Et malgré le négatif c'est vrai qu'il y a un potentiel très interessant pour faire bouger les choses. pour ce qui est de l'écologie, c'est vrai que les ordinateur sont un problème, mais peut-être est-ce le gaspillage le vrai problème, donc du coup le système capitaliste et sa publicité que le réseau peut permettre de combattre?

  47. Cher Jean Zin.
    Je suis sans doute un de tes plus fidèles lecteurs j’ai lu presque tout ce que tu as publié sur internet depuis plus de 10 ans. À une certaine époque, je te considérais comme ma principale influence intellectuelle. Tu m’as beaucoup appris en écologie politique. Mais aujourd’hui après toutes ces années je prends le clavier pour la première fois pour dire que je ne suis plus d’accord avec toi. Tu t’égares dans la croyance au salut par la technique. Je ne reconnais plus ton esprit critique. Cette fois-ci j’interviens, car je ne suis pas d’accord du tout avec tes arguments et étant donné ton immense influence sur internet que je respecte je me dois de partager mon savoir qui est celui d’un ami. En espérant que tu ailles lire mes références. Voilà je pense que tu as complètement tord d’écrire que

    « le monde de la représentation, de l'imagination, du virtuel (qui n'est pas "la société du spectacle") est bien ce qui nous caractérise comme être parlant. Ce qu'on nous décrit comme la déshumanisation du monde n'est rien que son devenir langage. »

    C’est bien ici que le bât blesse. Au contraire ce qui nous caractérise comme être parlant c’est notre rapport d’objectivation symbolique au monde, et les nouvelles techniques de communication menacent le mode de reproduction de la société basé sur le langage et les institutions politiques justement. Je vais tâcher d’expliquer plus en détail mon profond désaccord théorique a propos de ce que tu écris.
    Tu ne sembles pas situer la liberté essentielle du « rapport d’objectivation symbolique au monde », c’est à dire la liberté du sujet dans le langage comme essentiel à la reproduction d’ensemble de la société. Tu négliges au profil des machines la spécificité justement de la réalité symbolique remplacée de plus en plus par des procès techniques anonyme sans sujet ni fin, sans véritable décision personnelle ou collective sans télos ni raisons. Le règne des organisations qui prennent des décisions avec de l’information.
    Tu ne devrais pas négliger que nous en sommes arrivés à une situation sociale d’inutilité de la société elle-même au profit des systèmes et de l’information en ce qui a trait à sa propre reproduction. La sociologie Freitagienne explique que ce qui caractérise en profondeur la tendance du mode actuel de régulation de la pratique sociale : « c’est la dislocation des actes signifiants appartenant aux individus d’un ordre commun synthétique (qui dans la modernité leur conférait un sens) ».On peut penser ici au rôle qu’a eu l’idée de raison dans la sauvegarde du contenu normatif de la religion et d’une légitimité institutionnelle de la domination orientée vers l’avenir. Mais ces significations sociales synthétiques se trouve désormais remplacés par des « systèmes de régulations purement autoréférentiels et automatiques (le marché, les technologies, les médias informatiques) dont le mode d'opération n'est plus mesuré par rien d'autre que par leur propre taux de croissance exponentiel ».(Freitag) Grace au développement des nouvelles technologies en particulier les technologies numériques de la communication et de l'information ce sont des processus anonymes qui en raison de leur opérationnalité informatique directe peuvent comme nous l’explique Freitag se substitué aux régulations normatives politiques et culturelles de la vie sociale. « Leur inscription dans la réalité et leurs effets contribue à l’expansion des régulations systémique au détriment des formes politiques juridiques éthiques et esthétiques de régulation de la pratique sociale. Ces technologies sont de fait des modalités de régulation et de contrôle dont l'emprise s'étend sur la totalité du champ de l'action humaine, tant au niveau individuel que collectif et échappe à l'expérience existentielle de la signification. »
    Mégamachine monopole radical ou dispositif ce sont la que les mots contemporain pour exprimer l’emprise de nos productions sur nous-mêmes. Les « productions de l’activité sociale se sont autonomisées au point de contrôler – en partie ou en totalité - la diversité des formes supérieures de cette activité sociale à une échelle et une profondeur inégalée » dans l’histoire.
    Il faut comprendre aussi avec Anders que nous sommes les héritiers de l’abîme creusé par le développement de la puissance capitaliste et technoscientifique entre nos capacités limitées de représentation et les puissances illimitées et démesurées d’une pratique autonomisés et cummululative.

    De manière globale la pratique sociale effective semble échapper à la discussion et à la délibération politique c’est un fait que tu ne peux nier. Le trait commun entre notre époque globalisée financiarisée et définalisée et le totalitarisme historique c’est que ces « formes d’organisation sociale participent d’une même aliénation effective des capacités d’actions et de représentation politique. »

    Qu’il s’agisse de fait « de la prolifération des dispositifs de contrôle technologiques ou des transformations de l’État et du Droit en instance de gestion ou encore de l’appropriation privé des biens communs sans compter la libération des opérations technos scientifiques sur la vie ces exemples permettent de constater que malgré tous les discours en faveur de la démocratie libérale il semblerait que les procès sociaux les plus déterminants pour la vie humaine se caractérisent par leur capacité de s’affranchir d’idéaux et de pratiques « politiquement réfléchies. »
    Le décrochage entre la théorie et la pratique et le décalage des facultés humaines conduit les « finalités politiquement réfléchies a se heurter a la robustesse et a l’indifférence des procès techniques et opérationnels. »

    Par ses effets de puissance le contrôle opéré par la technologie ne s’inscrit plus dans un ordre significatif duquel participerais et sur lequel pourrait effectivement agir ceux qui y sont assujettit. L’univers informatique cybernétique produit des effets qui échappent à notre volonté, à notre engagement et à notre responsabilité. Mais le fait que la puissance puise se passer de légitimité ou que la surpuissance technologique puisse mobiliser l’espace symbolique aux profils de la reproduction des conditions culturelle nécessaire au développement du capitalisme ne doit pas être interprété comme une sorte de destin auxquelles on ne peut rien. Car évidemment si la technique était effectivement un destin une fatalité elle n’aurait pas besoin d’entretenir son propre mythe avec autant d’asuidité. Nous n’aurions plus besoin de tous ces discours sur les nécessités de rattraper les retards de sa nation sur les compétiteurs dans course au développent technique si le développement technique était inéluctable pourquoi donc faudrait-il l’imposé avec autant de force?

    C’est toi plutôt qui te trompes de guerre sur la question de la technique bien que tu aies raison de dire que le problème ce n’est pas en effet entre technophile ou technophobe . Mais le problème par contre c’est que dans les milieux progressistes on en reste a une conception marxiste ou gelennieene de la technique au lieu de considérer le fait suivant « Alors que jusqu’ici dans l’histoire de l’humanité ,la symbolisation a toujours précédé la codification, celle –ci tend désormais a devenir règle d’équilibre et a l’emporter sur les ressources symboliques du langage” (Janicaud)

    Une certaine conception anthropologique de la technique (largement présente chez les décideurs) et qui a été développée par A. Gelhen présente la technique comme une extension du corps de l’homme. Le marteau prolonge le bras et le moteur lui permet de se croiser les bras. Dans cette conception il n’y a pas véritablement de tension entre l’homme et la technique. On biffe l’abîme qu’introduit la modernité technos-cientifique dans les relations de l’homme avec lui-même et son milieu on fait comme si la nature de la technique avait été fixée une fois pour toutes et était immuable et intemporel. Voir a ce sujet Janicaud dans « La puissance du rationnel »Le problème donc de cette conception de la technique c’est qu’elle ne porte pas du tout attention au fait que la technique moderne n’est la technique moderne que par sa relation avec la science et l’industrie. C’est en effet la connexion fonctionnelle entre l’industrie la technique et la science qui est a l’origine de cette dynamique de l’accroissement de la puissance pour la puissance que décris L Mumford dans la culture de l’homme posthistorique. En somme, cette conception ne peut comprendre que la technique n’est plus pure elle ne plus être considéré comme une simple dimension objectivée de l’action orientée vers une fin dans le monde empirique .

    Une autre conception problématique que l’on peut retrouver face à la technique et qui est très répandue dans les milieux de gauche et progressiste provient de la tradition marxiste. Marx en bon progressiste en moderne occidental croit « que la domination rationnelle de la nature est bonne dans son principe et qu’il suffirait d’inverser le signe social de cette maitrise pour faire cesser l’exploitation.» On peut néanmoins douter des effets d’une révolution politique sur la nature de la techno science Comme le résume si bien Janicaud « si’il suffisait de décréter que l’on s’approprie la puissance pour en conjurer les effets massifs et nocifs. La puissance technicienne est plus révolutionnaire que n'importe quelle révolution. La techno science socialiste n’est pas moins polluante que la bourgeoise. »
    D’une manière générale l’on doit avec Mandosio déplorer que « la majeure partie de la critique sociale radicale de Kropotkine jusqu’a Debord a toujours considéré que les avancées scientifiques et techniques étaient des alliées absolues du processus émancipateur, ».

    Mais au lieu de défendre les machines, je te conseille plutôt d’identifier et combattre les idées qui militent pour notre remplacement en favorisant uniquement les solutions techniques à nos problèmes humains.

    En somme ce qui jusqu’ici s’appelait conscience liberté risque de fait d’être balayé par la technique devenir des mots vides comme c’est déjà le cas avec la sociologie cybernétisante de N.Luhmann.

    Le développement d’une réalité systémique se fait au détriment de la réalité symbolique seul capable de donner signification au monde. C’est pourtant dans le langage relation ouverte et imprévisible au monde que tout se joue pour l’être humain en ce qui a trait à son humanisation et au libre accès vers ses possibilités d’autodétermination et d’appropriation du monde.

    Que peut-il donc arriver a homme lorsque le langage est dévalué et désymbolisé et même instrumentalisé comme agent de la technicisation général ?

    Non décidément les concours d’ombre dans la caverne platonicienne n’ont encore rien perdu de leur actualité malheureuse, car plus la technique invite les gens à regarder les images du monde plus elle les prive du même coup de la possibilité de prendre les décisions importantes concernant celui-ci. Ironiquement chaque nouvel outil de l’aliénation technologique est présenté, lors de son lancement par la publicité ,comme un nouveau pas en avant vers l’autonomie individuelle. Grâce à Internet vos communications privées pourront résister à une attaque atomique. Grâce à Internet vous n’aurez plus besoin d’Amour puisque vous pourrez faire l’amour à une machine.

    Décidément je suis plus d’accord avec Michéa qu’avec Plank lorsqu’il transforme la formule
    "Un nouveau mensonge ne triomphe pas en convaincant les opposants et en leur faisant entrevoir la lumière, mais plutôt parce que ceux qui croit en la vérité finirons bien par mourir »

    Louis

    PS Si vraiment tu t’intéresses au rapport entre l’informatique et le langage il faudrait absolument que tu lises le texte suivant.

    http://www.er.uqam.ca/nobel/gric...

  48. c'est une guerre la bataille n'est pas encore gagnée , ni perdue ? mais la technique n'est pas indépendante du marché , il n'y a pas d'autonomisation de la technique . pourtant je vois bien le technicisme à l'oeuvre dans tous les recoins du socius , jusqu'aux techniciens de surface à la gestion politique et l'amour même . mais c'est du baratin pour les gogo , car ça n'a rien d'inévitable si on arraite de foutre la trouille aux gens pour de mauvaises raisons , ou si une plus grande peur vienne faire palir toutes ces petites trouilles misérables qui nous font nous en remettre à la "technique " qui donne cette apparence de sécurité

    il y a bien de quoi cultiver une certaine sérénité sur le site web de dogmazic ( c'est des bordelais !!!!) toute la section dub est un vortex hallucinant accompagné d'une ou deux bières et d'un ou deux splifs voilà un merveilleux remède à consommer avec modération . sinon on peut toujours esclalader des grues bourré , ou provoquer des émeutes , très euphorisant . ou graphiter les murs de la ville avec quelques morceaux choisis des oeuvres de jean . il y a toujours moyen d'échapper au contrôle et à la programmation . et de s'amuser pour pas cher !!!!

  49. Merci à Louis de ces critiques détaillées mais il est difficile d'y répondre en détail justement (il faudrait un nouveau texte, une FAQ ?), même si je crois y avoir déjà répondu au moins en partie soit dans ce texte, soit dans des textes précédents.

    D'abord, je ne me considère pas comme une autorité et ne me soucie pas de mon influence, encore moins d'avoir des "disciples". Tout au contraire, je considère que ma fonction est critique et donc de dire la vérité en tant qu'elle contredit la vulgate du moment, de déranger, voire choquer, ceux qui me sont le plus proche au risque de l'incompréhension (évidemment à ce régime j'agace tout le monde et me retrouve tout seul mais peu importe). Ce n'est pas que je prétendrais détenir la vérité (j'ai toujours tellement peur de dire des bêtises) mais en tant que je crois apercevoir des contradictions dans ce qui semble admis par tous. En tout cas, je trouve utile de donner mes arguments quand ils vont à contre-courant plutôt qu'à répéter ce qui se dit partout ou céder à la "pensée de groupe" ou toutes sortes de dogmatismes. Bien sûr, je ne crois pas du tout à un "salut par la technique" qui n'a aucun sens mais qu'il faut utiliser les moyens à notre disposition, et il est bien évident que je viens du même camp, celui de la critique de l'aliénation mais j'ai appris à en voir tous les défauts, illusions et limites qu'il faut reconnaître pour les dépasser (voir "La fin de l'aliénation").

    Dans une première approximation, je dirais qu'il faut éviter cette confusion entre politique, économie, capitalisme, libéralisme (autorégulation sans finalité), technique, système, écologie tout comme entre internet et cybernétique par exemple. Ce n'est pas la même chose du tout et ces confusions sont trompeuses. Ce qu'on dénonce comme la perte de sens est à la fois la sortie de la religion et la perte des solidarités sociales ou des anciennes idéologies politiques, phénomènes très différents dont les temporalités ne sont pas comparables. La plupart du temps il me semble qu'il suffit de regarder la réalité tout simplement pour dégonfler les frayeurs qu'on se fait à partir de raisonnements qui semblent effectivement rationnels mais qui loupent l'essentiel (notre vie n'est pas si horrible qu'on le dit surtout comparée à la dureté des temps anciens et notre liberté est bien plus grande qu'elle n'était malgré des contrôles qui sont largement inefficients. On ne sait pas assez que la cybernétique est basée sur les limites de la programmation et du contrôle justement !). S'il y a bien un totalitarisme, ce serait plutôt celui du marché dont nous sommes peut-être en train de sortir. On peut bien dire que l'autonomie de la BCE est "technique" mais cela n'a rien à voir avec la technologie !

    Ainsi, comme je l'ai déjà dit, contrairement à ce qu'on croit, l'automatisation valorise ce que nous avons de plus humain et que ne peuvent pas faire les machines. Les machines ne nous remplacent pas, elles remplacent la force de travail et nos automatismes, au contraire d'une "obsolescence de l'homme". Ce qui n'est d'ailleurs pas que positif puisque cela peut redoubler l'aliénation d'investir un peu trop notre personnalité dans la production. S'il y a effectivement autonomisation de différents secteurs de la société comme l'économie, le droit, la technique on peut dire "Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu’à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance". Je ne crois pas du tout qu'on impose la technique avec force. Tout au plus peut-on dire que la concurrence ou la puissance militaire l'imposent dans leur domaine propre. Pour moi, la technique c'est surtout un savoir-faire mais je ne prétends absolument pas qu'elle n'entrerait pas souvent en contradiction avec notre monde vécu. Le problème principal est surtout la puissance démesurée qu'elle donne dans les mains de capitalistes irresponsables ne visant que le profit immédiat (OGM). Il y a de véritables risques mais comment supprimer un savoir-faire ?

    Par contre, internet et les réseaux ne sont pas des machines, ce n'est pas "La technique" en tant qu'elle arraisonnerait la nature. C'est une mise en relation, c'est un phénomène humain, relationnel (avec tous les problèmes que cela pose), langagier enfin. La plupart des critiques qu'on fait à internet ont été faites à l'écriture elle-même dans son opposition à la parole pleine (voir Derrida même si je ne suis pas du tout derridien). Je ne crois pas du tout qu'on s'éloigne d'une vérité ni d'une liberté originaire mais qu'on s'en rapproche plutôt dans un processus dialectique (pas en ligne droite donc) où certes autonomie et dépendances sont indissolubles. Contrairement à Michéa que je trouve ridicule, je crois que la vérité est une question pratique, qu'on ne risque pas de la perdre, même si le faux est un moment du vrai, et, qu'au contraire, elle finit toujours pas s'imposer, ce pourquoi seule la vérité est révolutionnaire. J'espère, je n'en suis pas sûr, que le pire est derrière nous, cette société industrielle massifiante qui a produit tous les totalitarismes du XXème siècle. L'individu est une notion récente, l'autonomie une construction sociale (en progrès) et non pas un état de nature. Quant à l'amour, que je n'idéalise pas plus que ça, on n'en a pas fini avec même s'il y a déjà des sextoys qui ne remplaceront jamais la confrontation au désir de l'autre.

    Pour m'arrêter là pour l'instant, je dirais qu'il faut surtout penser à partir d'une alternative possible car il ne sert à rien de rêver à un monde débarrassé de la technique (ou d'internet). Ces discussions n'ont pas beaucoup d'intérêt si on n'a pas vraiment le choix. Il faut donc poser les questions sous forme politique (pour ma part le triptyque revenu garanti, monnaies locales, coopératives municipales) ce qui permet d'en avoir un abord concret. Je ne pense pas pouvoir convaincre quiconque mais on pourrait discuter du moins de ce qu'on propose comme alternatives "politiquement réfléchies". Je suis absolument persuadé qu'on ne pourra pas revenir en arrière et se passer d'internet (entre autres), mieux qu'on peut s'appuyer sur le devenir immatériel de l'économie pour sortir du capitalisme et de son productivisme (cf Gorz), mais je vais essayer de mieux répondre, notamment au texte de Freitag (je ne promets rien, il faut que je trouve le temps)...

  50. Le langage comme critère ontologique détérminant d'un devenir... Je ne sais plus si prévaut le rire ou la pitié. Pourquoi le langage prédestinerait-il l'homme à un devenir en lui-même ? Des langages plus complexes, d'une symbolique plus riche, existèrent, accédant à des réalités désormais ignorées de notre structure psychique d'appréhension du monde : entre mille une langue du caucase constituée d'un système de déclinaison à 24 cas dont 14 indiquaient une particularité spatiale. La tendance à l'abstraction, à la dématérialisation, n'est pas inhérente au lagange ou à l'"être parlant" (sic), contrairement à cette anthropologie progressiste naïve, mais aux seules démocraties occidentales. Tocqueville le remarquait précocement : "les peuples démocratiques aiment passionément les termes génériques et les mots abstraits"[...]" ces écrivains font sans cesse des mots abstraits de cette espèce [des néologismes], ou ils prennent dans un sens de plus en plus abstrait les mots abstraits de la langue." Affirmer ontologiquement une structure linguistique est stupide ! La variabilité de la matrice psychique du langage, comme le savent les linguistes, interdit toute formalisation d'une structure universalisable : c'est l'absence, l'inexistence, de "méta-langue logique". Nous ne savons même pas ce qu'est le langage ! Ce qui différencie par ailleurs fondamentalement le langage machine du langage humain, la méta-langue logique de celui-là, la structure de tous ses discours possibles, étant la théorie mathématique de la communication toujours employée dans la physique des semi-conducteurs et l'algorythmique électronique. Mais je ne vais pas énumérer les innombrables exemples qui démentent vos affirmations.

    Je reviens en revanche sur votre folle histoire du monde, ce techno-militarisme avec lequel vous avez voulu me vendre la domination de la Macédoine. Contrairement à votre remarque, mes connaissances historiques sont loin d'être médiocre. En poussant le poids des déterminations sur la technologie dans les révolutions sociales, vous vous comportez en bon petit-fils de Marx.
    A l'accession au trône de Philippe II (-356), la Grèce est déjà dans un état de décomposition politique avancée, Sparte, soumise à Thèbes, vaincue à Leuctres et Mantinée, perd son influence sur l'Epire et la Thessalie ; Athènes a rasé les Longs Murs en -404 et maintient des contingents limités depuis cette date. Philippe profite des divisions grecques (dioecisme de Mantinée, dissolution de l'Union arcadienne, révolte de Thèbes, etc.) pour réorganiser les finances et l'armée, se créer un vaste arrière-plan en Thrace. Il s'empare d'Olynthe, Dodone, Ambracie, Pharsale et Delphes. Ce n'est qu'à cette dernière conquête qu'Athéniens et Thébains attaquent Philippe à Chéronée et sont défaits. La phalange macédonienne, sur laquelle vous faites porter la révolution macédonienne, est symétrique chez les athéniens et les macédonniens ! 4 rangées sur une ligne de 16 equipées de boucliers et de sarisses en masse compacte par bataillon de fantassins ! En vérité des motifs d'ordre culturels et politiques, sociaux et psychologiques, jouèrent un rôle bien plus déterminant dans la défaite grecque que la phalange macédonienne.

    En histoire, quand on veut faire le malin, il ne faut pas se rater, car l'erreur ne pardonne pas. La phalange macédonienne et leurs techniques militaires ne furent pas plus déterminantes que la bombe atomique dans l'issue de la seconde guerre mondiale.

    Mais manifestement on ne peut rien vous faire entendre, vous allez réfuter tout le monde, puisque vous avez trouvé la vérité. Je suis tout de même rassuré de voir que certains de vos lecteurs (Louis) ne sont pas aussi naïfs que la moyenne des commentaires approbateurs que vous recevez.

  51. Je ne vais pas contester ce qu'il y a de vrai dans la situation macédonienne, j'avais signalé la division des cités et d'autres choses encore mais ce n'est pas le lieu d'en discuter.

    Par contre pour le langage, on en sait quelque chose depuis le structuralisme même si il a fallu en rabattre sur ses prétentions. Je ne vais pas refaire "fonction et champ de la parole et du langage" mais ce qui oppose le langage au code c'est de procéder par divisions dans un jeu de différences, d'oppositions signifiantes, principe de l'abstraction. Le sujet du langage est l'effet en retour de sa parole, identification de l'énonciation en retour de l'énoncé, signification du désir, désir de reconnaissance, désir de désir, etc. Le langage et la culture sont négation de la nature, séparation du signifié et du signifiant. Sans parler de la grammaire, il y a certes beaucoup à apprendre du langage et de ce qui fait un être parlant. Le devenir langage de l'humanité c'est la signification de l'énonciation, son passage dans l'énoncé (en ce sens, oui, le message est la communication elle-même). D'ailleurs l'histoire est liée au langage et à l'écriture comme la vie à l'information.

    Maintenant, chacun peut bien en penser ce qu'il veut et je ne vais pas faire le savant, on est effectivement très ignorants. Ce sont des pistes à connaître, qui sont productives, ce n'est pas le dernier mot mais cela suffit à faire d'un extraterrestre qui parle notre semblable par exemple.

  52. "Le sujet du langage est l'effet en retour de sa parole, identification de l'énonciation en retour de l'énoncé, signification du désir, désir de reconnaissance, désir de désir, etc."

    Là, ça devient chaud ! Comme disait Lacan (autre clown) : "L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mour..."

    Faudrait penser à un "décentrement cognitif" d'urgence, Jean... (euphémisme pour dire : Atterrissage en catastrophe" !)

  53. Cher Jean

    (Ca y est je me fais prendre au piège d’internet et je te relance )

    J’aimerais avoir ton optimiste, mais hélas la technique n’est plus ce qu’elle était. Je ne crois pas que l’on puisse ni qu’il faille revenir en arrière, mais il est temps de réfléchir à « l’ambivalence de la technique » pour parler comme Ellul.
    Je fais bien la distinction entre « politique, économie, capitalisme, libéralisme (autorégulation sans finalité), technique, système, écologie tout comme entre internet et cybernétique. »
    Je fais aussi des distinctions entre appareils instrument machine outils etc . Notre désaccord ne porte pas sur des distinctions, mais sur notre ontologie de la technique. Je pense

    Pour éviter certain malentendu je dois dire premièrement que la « perte de sens » auquel je fais référence ne concerne pas tellement « la sortie de la religion et la perte des solidarités sociales ou des anciennes idéologies politiques, » mais plutôt la perte du langage en tant que structure nécessaire a la reproduction sociale.

    Il s’agit de comprendre comment la technique remplace le rapport d’objectivation symbolique au niveau du mode de reproduction des pratiques sociales. Comment la société se transforme en système.

    Ensuite : « Les machines ne nous remplacent pas, elles remplacent la force de travail »

    Ici je dois préciser que ce n’est pas du tout de ça que je parle. Les machines au sens d’Anders remplacent l’acte libre c'est-à-dire que nous avons besoin de la production industrielle de téléphone pour qu’un individu puisse téléphoner à un autre individu. Nos actes privés individuels sont donc subordonnés à notre production collective problématique. La machine justement c’est la tendance a former réseaux a s’unifier pour Anders être remplacé par la machine veut dire au fond que le monde devient machine que nous devenons nous même des rouages.

    Quand les moyens ne sont plus des moyens, il se produit une inversion dialectique du rapport à l’instrumentalité. Tout se passe comme si le travailleur, au lieu de se servir de son marteau, servait son marteau et devenait une pièce aveugle au service de la transformation du monde en machine. Si donc « notre monde actuel, dans son ensemble, se transforme en machine, qu’il est en passe de devenir machine », (Anders) c’est tout simplement qu’il n’est plus le lieu de notre action, le lieu du sujet politique responsable.

    Anders explique que les « machines ont une tendance immanente à l’expansion. Leur bon fonctionnement nécessite un entretien, un approvisionnement, une vitesse et une précision d’approvisionnement qui ne peuvent être réalisés de manière satisfaisante que par d’autres machines. Ainsi, le bon fonctionnement d’une machine requiert irrévocablement le devenir machine de son contexte de production. » C’est à dire la société.

    « Comme la raison d’être des machines réside dans la performance, et même dans la performance maximale, elles ont besoin, toutes autant qu’elles sont, d’environnement[s] qui garantissent ce maximum. Et ce dont elles ont besoin, elles le conquièrent. Toute machine est expansionniste, pour ne pas dire “impérialiste”, chacune se crée son propre empire colonial de services (composé de transporteurs, d’équipes de fonctionnement, de consommateur, etc. » (Anders) Nous Fils D’Eichman p. 92.

    Ce qui est grave c’est que l’acte médiatisé par la machine est irresponsable Pour Anders nous ne savons plus ce que nous faisons quand nous agissons sous leur contrainte ou usons du confort qu’elle mette a notre disposition.

    Que vaut dès lors notre capacité technique de transformer le monde, si nous ne savons même plus ce que nous faisons, si nous nous déresponsabilisons sans savoir identifier les conséquences de nos actes opérationnellement médiatisées par des machines devenues entre temps partie intégrante et inconsciente de notre vie de tous les jours.

    Je dirais aussi que la situation présente est sans doute un peu pire que « le faux est un moment du vrai, » Ici on peut interpréter Debord d’un point de vue sociologique et défendre l’idée que grâce aux médiations techniques désormais l’idéologie n’est même plus nécessaire à la domination de l’homme, car grâce à la retransmission il devient « inutile d’arranger après coup de fausses visions du monde, des visions qui diffèrent du monde, des idéologies, puisque le cours du monde lui-même est déjà un spectacle arrangé. Mentir devient superflu quand le mensonge est devenu vrai ».« Comment la réalité elle-même pourrait-elle ne pas être réaliste ? se demande, hébété le consommateur ; comment pourrait-elle témoigner contre elle-même ? Le mensonge n’avait encore jamais possédé de meilleurs instruments : il ne ment plus contre la réalité à l’aide de fausses images, mais à l’aide de la réalité elle-même . »(Anders 1956)

    L’expérience perd de sa valeur quand le monde réel est remplacé par sa représentation aménagée par la technique. L’image télévisuelle n’est ni une présence d’événements, ni une simple image d’événements ; il ne parvient pas à notre conscience sous forme de distanciation esthétique, mais sous une forme familiarisée qui brouille la possibilité même de distinguer les expériences médiatisées des expériences immédiates par exemple.

    Il ne s’agit pas pour moi de vouloir « suprimer un savoir faire. » Il s’agit plutôt de révéler le mode de reproduction social qui rend possible la nature actuelle de la technique.

    Pour éviter certains malentendus à propos du sens de la technique, il importe de distinguer entre la technique entendu comme phénomène naturel ou social(Je n’oppose pas ici nature et culture. L’homme est un animal politique nous dit Aristote. La vie en société lui est donc naturel en outre l’idée que l’on se fait de la nature se situe toujours a l’intérieur de représentation symbolique et culturelle) et la technique entendu comme phénomène s’objectivant depuis l’époque industrielle.

    La technique, c’est avant tout une dimension de l’action des êtres vivants, en tant qu’adapté aux contraintes empiriques de la réalité.

    « Dans toute action intentionnelle, la technicité représente l’adéquation des opérations autonomes du sujet aux déterminations empiriques (résistances) du monde extérieur dans lequel elle vise non seulement a exprimer son intention (à la montrer) ,mais à la réaliser effectivement sous la forme d’une transformation et d’une appropriation objectives. » Voir M. FREITAG La nature de la technique dans L’oubli de la société, PUL, p 329

    Pour attraper des mouches, l’araignée fabrique sa toile. Elle possède une bonne technique de tissage, mais elle ne possède pas de machine de tissage électrique et elle n’est pas non plus dépendante des autres araignées pour la livraison des matériaux. La technique pour l’araignée comme pour l’homme de la révolution néolithique ce n’est pas un problème.

    En fait, la technique ne devient un problème à penser pour l’humanité qu’à partir de l’ère industrielle et du moteur thermique ; qu’a partir du moment ou au nom du progrès et de la raison les machines ont remplacé les outils et la chaîne de montage a remplacé l’artisan.

    Le monde préindustriel était lui aussi un milieu technique pour l’homme, mais qui ne tendait pas à se substituer à la nature. Ce n’est qu’avec le machinisme que le milieu technique tend à prendre toute la place. Désormais, comme le résume Freitag, « [l]e monde n’est plus seulement réuni devant notre conscience, il est rassemblé dans nos mains » . Auparavant, «[l]e système des artefacts ne s’était pas encore imposé comme une seconde nature. »(Mandosio) L’humanité avait d’autres projets que celui de remplacer la nature par un monde totalement artificiel. Mais aujourd’hui, « bien rares sont les activités [quotidienne] qui n’ont pas besoin d’une machine »(A.GRAS) quelque part pour exister concrètement. Ce n’est donc pas dans la technique mais dans le machinisme que nous trouvons la forme de cette domination qui tend à enfermer l’humanité dans sa prison technologique (Reisel)

    Il ne s’agit pas de devenir technophobe, il s’agit plutôt de comprendre pourquoi la technique est devenue une nouvelle épée de Damoclès au dessus de l’humanité en retraçant les menaces invisibles et refoulées qu’implique son autonomisation actuelle.

    Il faut avant tout reconnaître que « les techniques ne sont pas neutres elles façonnent la société. » Acheter une voiture, c’est acheter une civilisation expliquais Bernard Charbonneau. Avec la bagnole, on achète aussi la route, le parking, les bétonneuses et les règlements de la circulation. Notre automobile s’impose avec tout un kit pas mal pesant en fin de compte En outre c’est la clandestinité ici qui caractérise la puissance technique car « ni les ogm, ni la radiation, ni le co2, ni les milliers de molécules nouvelles que nous envoyons chaque année dans la nature n’ont des effets immédiatement visibles ». (A.GRAS)

    . Les solutions techniques produisent en général d’autres problèmes (ailleurs sur la planète ou plus tard dans le temps) qui conditionne encore davantage d’interventions techniques. Nous installant ainsi de force toujours un peu plus sur les rails d’une trajectoire technologique au destin catastrophique.(C’est ça la mauvaise autonomie de la technique)

    L’illusion d’un contrôle du monde par la technique crée toujours plus de nécessité de contrôle véritable sur le monde. En tentant de résoudre les dégâts technologiques par d’autres innovations technologiques, on s’enfonce davantage dans la domination. La technique « ne peut plus être un moyen au service des objectifs et des valeurs d’une collectivité, mais devient l’horizon indépassable du système ». (S. Latouche)

    Il est donc aussi important (pour la critique en acte de la domination) de penser la technique et son cadre historique (incarner essentiellement par l’idéologie du progrès) que de penser les méfaits du capitalisme car la dépendance croissante de tous les aspects de la vie à l’égard de la mégamachine s’accroît en proportion directe des développements technologiques, peu importe ici les intentions qui président à leur mise en œuvre (profit, idéologie progressiste, ou contrôle étatique.) Les progressiste croient-ils réellement qu’une soudaine libération vis-à-vis des contraintes économiques du capitalisme, pourrait signifier du même coup l’émancipation de notre dépendance collective actuelle vis-a vis de nos prothèses techniques. Il y a fort à parier au contraire que le confort qu’elle nous procure si généreusement ait déjà produit certains ravages dans notre conscience. Tous ces gadgets dont nous sommes devenus les esclaves n’ont-il pas une influence qui va bien au-delà des risques de cancer du cerveau que leur utilisation pourrait peut être provoquer. [L]e « monde » et l’expérience du monde ont perdu toute valeur »(Anders) nous n’avons d’égard que pour nos aises et nos facilités. La forme productive technologique actuelle dissout tendanciellement notre lien avec la nature et remplace la société comprise comme unité significative par un environnement infiniment manipulable.

    Une conclusion s’impose: La technique de l’ère industrielle augmente plus notre puissance que notre conscience.

    Que vaut dès lors notre capacité technique de transformer le monde, si nous ne savons même plus ce que nous faisons, si nous nous déresponsabilisons sans savoir identifier les conséquences de nos actes opérationnellement médiatisées par des machines devenues entre temps partie intégrante et inconsciente de notre vie de tous les jours.

    Que vaut aussi ce pouvoir de la connaissance techno-scientifique s’il nous conduit à construire bien malgré nous un monde au pas duquel nous ne pourrons marcher sans l’aide de prothèse artificielle, un monde dont nous aurons du mal a suivre le rythme effréné du moins en tant qu’être vivant non encore cyborgdisé.

    Il faut sans doute prendre acte désormais que la science d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la sagesse d’Épicure. Elle n’est plus liée à la promesse rapportée par Lucrèce de « libérer les hommes de la superstition et de la peur » (Adorno)au contraire; la science fait peur depuis qu’elle se trouve « étroitement dépendante du capitalisme industriel dont elle irrigue les innovations, renouvelle les systèmes d’armes, inspire, conditionne et modèle la gestion de toutes les entreprises – privées, publiques, internationales. » Jean-Jacques SALOMON, Survivre a la science,

    Je ne rêve pas d’un monde débarrassé de la technique et je suis d’accords avec toi qu’il faut poser les questions sous forme politique, mais la je m’arrête pour ce soir je suis déjà pris dans une discussion infini.

    Louis

  54. Hélas, je suis en désaccord à peu près avec toutes ces tentatives bien connues de "comprendre la technique" et qui non seulement sont trop partielles et donc fausses mais, encore une fois, ne débouchent sur rien. On croit être supérieur à la technique en croyant l'avoir (mal) comprise mais cela ne change rien à rien. Discutons des alternatives pas de systèmes théoriques. Je dois dire que pour moi Anders n'a fait que dogmatiser Heidegger (où l'outil renvoie à l'outil) en croyant le critiquer, Heidegger lui-même ayant montré toutes ses contradictions. C'est le type même de la dépolitisation que j'ai déjà dénoncée (Lukàcs contre Heidegger). Même Ellul que je considère comme le fondateur de l'écologie ne peut aller au-delà de l'ambivalence qu'il dénonce. Illich est plus intéressant à opposer techniques conviviales et contreproductives, ou Gorz à opposer techniques ouvertes ou hétéronomes avec l'exigence de voir le bout de nos actes, ou Sloterdijk en opposant homéotechniques et hétérotechniques. Je crois cependant que ces oppositions sont encore un peu trop idéalisées et globalisantes, les enjeux étant plus précis et différenciés.

    Je n'arrive pas à comprendre pour ma part qu'on puisse penser qu'internet ou les mobiles ne sont pas des supports du langage et pas du tout des automatismes. Je ne comprends pas non plus comment on peut penser qu'on était moins contraints avant et qu'il y avait plus d'actes libres. Les machines, certes, ont quelque chose d'effrayant et d'impersonnel mais c'est tout autre chose. Le travail à la chaîne a été une terrible aliénation, un nouvel esclavage. Le travail en tant qu'activité subordonnée à une fin qui ne nous appartient pas restera toujours aliénant mais il peut l'être beaucoup moins quand même. En tout cas, il y a des techniques aliénantes et des techniques libératrices. Ce n'est pas une question d'ontologie de la technique. S'imaginer qu'on se transforme en machine est de l'ordre du cauchemar plus que de la réalité, même s'il y a effectivement des hommes transformés en machine ou en bétail (bêtes à 2 pieds disait-on pour les esclaves) par un travail abrutissant.

    La société fait système depuis toujours (voir les structures élémentaires de la parenté ou le circuit du don). Toute civilisation est un système (de production et d'échanges). Dès qu'il y a division du travail on est intégré à un système et des réseaux serrés d'interdépendance. Les premières civilisations basées sur une irrigation intensive, comme les premières grandes villes qui en résultent, sont des milieux entièrement artificiels et façonnés par l'homme comme l'est notre maison. Aucune ville n'est naturelle, appuyée sur une périphérie agricole.

    Enfin la domination de l'homme ne date pas d'hier et si les différentes techniques augmentent notre puissance plus que notre conscience sans doute, cela ne veut pas dire qu'on avait plus de conscience avant, aveuglés par des religions, des idéologies, des traditions, des préjugés. La transformation des moyens en fins et des fins en moyens n'est pas non plus chose nouvelle. Il n'y a pas que la technique qui crée des problèmes, tous nos actes ont des conséquences indésirables. La télévision ment, sans aucun doute, mais on est toujours rattrapé par la réalité qui ne disparaît pas sous le tapis, du moins pas longtemps (les bulles finissent toujours par éclater). L'irresponsabilité n'est pas tellement à imputer aux machines mais aux capitalistes et à la loi du profit, question politique et non pas ontologique.

    Au lieu de vouloir couvrir de son regard l'étendue des millénaires, il vaudrait mieux parler des potentialités de l'avenir, plutôt que de tout globaliser immédiatement (sans médiations) il faut cultiver nos propres techniques, voir le parti qu'on peut en tirer (pas se passer de nos indispensables prothèses) et comment se protéger de ses mauvais côté (puisqu'il y a effectivement ambivalence et qu'il n'y a pas de positif sans négatif). Ce n'est pas une question individuelle. On ne choisit pas tellement ses techniques individuellement. C'est, j'y insiste, une question politique (collective).

    Il ne s'agit pas d'être optimiste. Je ne suis optimiste qu'à penser qu'on entre dans un nouveau cycle et l'émergence d'une nouvelle génération qui prend la suite d'une ancienne génération 68 dominante aujourd'hui épuisée et vieillissante. Pour le reste cela dépend de nous et plutôt qu'être béatement optimiste ou stupidement pessimiste, il s'agit comme toujours d'éviter le pire et de profiter du meilleur, ce qui n'est jamais gagné d'avance mais s'incarne dans des questions concrètes et non dans le ciel des idées.

  55. Je regrette que les commentaires très sérieux signés Louis, arrivés en fin de course et presque hors délais, n’aient pas reçu toute la réponse détaillée qu’ils méritent.

    Je souhaite que vous ayez l’occasion de nous proposer un nouvel article qui soit une présentation critique des positions de Michel Freitag. Cet auteur n’a-t-il pas en grande partie raison de préciser le risque de « la dimension virtuellement totalitaire qui est impliquée dans le déclin contemporain du politique et des institutions universalistes, au profit d’une emprise directe des régulations organisationnelles et systémiques qui tendent à s’imposer dans la globalisation ».

    Il n’est pas tout à fait faux non plus de constater une posture assez généralement partagée d’apostasie à l’égard des valeurs éthiques héritées de la tradition humaniste (champs politique,mais aussi culturel, esthétique), par aliénation de la Raison à des systèmes décrétés auto- référentiels . C'est-à-dire « faire marcher les choses comme elles vont » (absence de tout esprit critique, l’économie réduite aux calculs statistiques, comme appris dans et selon l’institution universitaire , par exemple…).

    Je serais très intéressé de lire votre point de vue sur cet auteur qui redoute que « la crainte d’un enfermement de la liberté » au XXeme siècle ne débouche dans une phase postmoderne sur une résolution toute artificielle « par la dissipation dans un vide virtuel ».

    Thème que je trouve d’autant plus intéressant que j’ attends de votre part une critique sévère et solide du point aveugle de cette lucidité de Freitag : il n’entrevoit pas du tout comment et en quoi les techniques d’information (votre article sur la génération Internet entre autres, ou l’ouvrage de Joël de Rosnay « La révolte du pronetariat », ou « Ecologica » de Gorz) comportent en tant que moyens révolutionnaires de production et de communication, des éléments de réponses concrètes à la crise qu’il décrit ? Ceci dit, je connais très peu cet auteur.

    (Reçu par mail le 27.08)

  56. Je dois dire que si j'ai limité les commentaires à 5 jours, c'est en grande partie parce que cela me prend trop de temps de faire des réponses argumentées. De plus il me semble sain de limiter le nombre de commentaires qui était déjà exorbitant. J'ai préféré clore la discussion sur des échanges plus intéressants effectivement. Le fait que des questions restent en suspend n'est pas forcément une mauvaise chose. Plutôt que mes réponses, je préférerais qu'on retienne une façon de penser qui s'attache au concret plus qu'aux grands mots. Je crois avoir suffisamment indiqué les pistes pour sortir de raisonnements un peu trop convaincants au regard des réalités.

    Il me semble que répondre à Freitag me demanderait trop de temps par rapport à l'intérêt que j'y trouve. Il y a d'autres urgences et je ne peux tout faire (là je suis très pris par ma revue des sciences). Freitag est amusant parce qu'il se nourrit des penseurs contemporains comme Foucault mais en les aplatissant. Ce n'est pas sans intérêt mais cela donne un drôle de jargon où il essaie de donner cohérence à sa pensée alors qu'il ferait mieux d'en souligner les failles. En tout cas le travail d'analyse à faire me décourage. Plutôt que de vouloir réfuter les autres il vaut souvent mieux voir ce qu'ils produisent avec leurs belles démonstrations trop logiques car trop unilatérales.

    Je n'ai pas un point de vue catastrophiste ni décliniste car je me situe dans des cycles. Il y a là, c'est certain, une sorte d'acte de foi même s'il est raisonnable au vu du passé. Je ne crois donc pas que le déclin du politique soit immuable mais que la politique revient au contraire. A ne pas confondre avec les régulations systémiques qui sont tout-à-fait indispensables et n'ont rien à voir avec le totalitarisme qu'il suffit d'étudier pour voir qu'il repose sur de tout autres ressorts bien plus terribles, en grande partie "dogmatiques". C'est d'ailleurs aussi comme dogmatisme sans réplique que se présentent la plupart des critiques de "La Technique" complètement fétichisée. C'est encore ce dogmatisme, cette fois néolibéral qui a imposé la stupide indépendance de la BCE qui n'est pas inéluctable et sur laquelle on peut revenir. On ne reviendra pas sur une gestion plus efficace des systèmes qui profite à tout le monde, principe du code de la route et de la circulation, bien loin de la machine à influencer paranoïaque et même de la publicité.

    L'absence d'esprit critique et la soumission à l'ordre établi était bien pire il y a de ça quelques dizaines d'années seulement. Les valeurs éthiques ne peuvent se perdre. C'est l'erreur des religions de vouloir sauver la vérité qui se sauve toute seule. Debord disait avec raison que la vérité se signalait par le fait qu'on a besoin de très peu de forces pour la faire triompher ! Pas la peine d'en faire trop. Les valeurs humaines sont toujours les mêmes, ce sont celles de l'interlocuteur qui doit se faire reconnaître des autres et appartenir à leur communauté sans perdre la face ni trahir sa parole.

    Il n'y a pas de parti du système mais il y a des partis libéraux, capitalistes, autoritaires. La question est bien politique et nos prochaines conquêtes porteront plus haut la liberté, plus que nous n'avons jamais eu, nous qui en avons déjà gagné tant. Je ne crois pas au vide, je ne crois pas à la régression mais qu'il faut toujours se battre et que rien n'est gagné d'avance. On ne prouve sa liberté qu'en acte, ce pourquoi les libertés sont toujours à reconquérir. On se fait peur avec des mots mais il y a de réels dangers qu'on peut éviter.

    L'informatisation du monde n'est certes pas une calamité mais une chance inouïe, ce qui ne veut pas dire que c'est sans risques ni mauvais côtés. Il y a là un parti à prendre qui ne souffre pas d'ambiguïtés entretenues par certains. Il y a les technophiles imbéciles qui croient que la technique règle tout toute seule, en dehors de toute politique, il y a les technophobes bornés qui croient que la technique est la cause de tous nos malheurs, sans que la politique n'y puisse rien, et il y a enfin les critiques politiques de la technique qui tirent parti des "nouvelles technologies" numériques et informationnelles en réseau, ce qui donne un cadre à l'intérieur duquel le débat démocratique est essentiel ainsi que l'autonomie et la formation, bien loin de tous les fantasmes de contrôle totalitaire qui nous réduiraient à l'état de zombies.

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