Qu'est-ce pour nous, Mon Cœur, que les nappes de sang...
Il se trouve que la première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est que les guerres font de moins en moins de morts. C'est un fait trop peu connu cette diminution considérable du nombre de guerres et surtout du nombre de morts qu'elles provoquent, ce qui est bien difficile à admettre quand on est en guerre soi-même et qu'on compte ses morts, mais phénomène considérable à l'échelle de l'humanité et qu'on peut mettre sur le compte d'une unification du monde plus avancée qu'on ne croit. Dans ce contexte, ce qui frappe, c'est le caractère spectaculaire des morts du terrorisme malgré leur relatif petit nombre par rapport aux anciens conflits. Certes, nous ne sommes pas à l'abri d'une montée en puissance, mais il y a encore de la marge (le risque nucléaire est cependant toujours présent, sans parler du nouveau risque biologique).
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Non, les robots ne sont pas la cause du chômage !
Une étrange rumeur se répand : nous serions menacés du grand remplacement par les robots qui nous voleraient nos emplois, alors même que nous connaissons actuellement un chômage de masse sans que les robots n’y soient pour rien, ou si peu ! Décidément, cette peur du remplacement prend toutes les formes. On a peur d'être remplacés par d'autres cultures, d'autres religions, comme on a peur d'être remplacés par des robots ou des transhumains. Cette peur d’un monde dont nous serions expulsés est on ne peut plus originaire, témoignant de la fragilité de notre ex-sistence et du caractère éphémère de la vie - car nous serons remplacés, cela ne fait pas de doute, pas plus que notre condition de mortels dont nous ne serons pas délivrés de sitôt !
L'idée que les progrès techniques feraient disparaître le travail est un classique qu’on retrouve à chaque grande crise où l’effondrement économique détruit les emplois en masse et crée soudain une « surpopulation » d’inemployables. Ce n'est pas du tout la première fois mais, à ne pas vouloir croire aux cycles économiques, on s’imagine à chaque fois que ce serait définitif cette fois, comme Dubouin dans les années 1930 qui parlait alors de « la grande relève par la machine » s’appuyant sur une déjà prétendue fin du travail pour justifier un revenu d’existence (qui se justifie tout autrement, par la non-linéarité du travail immatériel et non sa fin). Ce n'était pourtant un mystère pour personne que les causes de la crise de 1929 étaient bien financières !
Il faudrait quand même prendre conscience de toute la distance entre ces prophéties réitérées et les faits qui ont suivi. On peut rapprocher ces fausses évidences de ceux, pour qui ce sont les immigrés qui nous volent nos emplois mais, au fond, vouloir faire de la réduction du temps de travail un remède à la raréfaction des emplois procède de la même erreur d’analyse sur le fonctionnement économique et la nature du travail dans une société développée, qui n’a plus rien de la couverture de besoins basiques ni d'un ensemble de tâches fixes à partager mais évolue avec la technique et dépend largement de facteurs monétaires.
Les 1% contre-attaquent
Même si elle est critiquable sur de nombreux points, une étude d'Oxfam prétend qu'en 2016 les 1% les plus riches du monde possèderaient autant que les 99% autres. En fait, ce serait surtout les 0,1% qui en détiendraient la plus grande part, grâce aux bénéfices mirobolants de la pharmacie ou de la finance. On a donc confirmation d'un monde dominé par une toute petite oligarchie, conformément aux thèses de Piketty et du mouvement d'occupation des places. Un peu comme devant les désastres de la saignée grecque, on se dit que la simple connaissance de ces faits devrait suffire à mettre fin à ces aberrations. Ce n'est pas du tout ce qui semble se passer. Non seulement il n'a pas suffi de révéler le complot pour que les conjurés tout honteux soient mis hors d'état de nuire mais l'oligarchie organise la contre-attaque, justifiant d'un côté ces inégalités par des lois de la nature (loi de puissance) ou de l'économie (compétitivité) et achetant des politiciens de l'autre. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils baissent la garde et se laissent dépouiller par souci de justice !
Contre le retour de l’ordre moral
Nous sommes facilement le jouet de nos émotions. Il y a incontestablement une exaltation de la foule, une puissance des masses qui renforce notre idéal du moi et nourrit pour un temps l’illusion de l’unanimité - si dangereuse à rejeter les récalcitrants hors de la communauté nationale (émotionnelle). On a beaucoup trop parlé de cette communauté retrouvée dont on savait pourtant bien qu’elle serait presque aussitôt perdue - mais dont la nostalgie pourrait nourrir, hélas, les régressions nationalistes et xénophobes. Ceux qui en espèrent plus de solidarité seront sûrement bien déçus alors que, paradoxalement, on récolte plutôt un renforcement du moralisme et de la répression, y compris de la liberté d'expression !
Cependant, au-delà de cette mobilisation générale devant l’ennemi, ce qui distingue cette fois son objet si singulier n’est pas tant la liberté d’expression, erreur vite corrigée par l’emprisonnement de gamins, ni même le droit à la caricature, mais bien plutôt le droit aux transgressions morales si ce n'est aux « gauloiseries » les plus grossières. La façon la plus favorable d’interpréter cette levée en masse en réponse au massacre, avec le slogan identitaire "Je suis Charlie", c’est de constater en effet qu'on ne peut en évacuer ce que cela contient d'opposition résolue au retour de l’ordre moral - auquel on assiste pourtant effarés ! Il ne faut pas se leurrer. En temps ordinaire, cette opposition est loin d'être majoritaire, tant de gens semblent rêver d’un Nouvel Ordre Moral supposé merveilleux et régler tous nos problèmes, sauf que les rêves des uns sont le cauchemar des autres... Le tournant moraliste de la politique est déjà ancien mais c'est une impasse dont il faudrait sortir. On ne peut oublier non plus que les grandes manifestations précédentes étaient dirigées contre le mariage homosexuel au nom des valeurs chrétiennes. Il paraît donc opportun de s’appuyer sur ce qui restait d'immoraliste, de provocateur et de raillerie des autorités dans Charlie Hebdo pour résister aux dérives actuelles et revenir à une conception véritablement laïque de la politique, y compris vis à vis de la morale et des idéologies, fussent-elles déclarées républicaines : droit de ne pas respecter les bonnes moeurs et l'opinion dominante, droit à la liberté individuelle, principe même de la laïcité, dans une stricte séparation du public et du privé !
Le piège de l’islamophobie
Evidemment, malgré les appels à ne pas faire d’amalgame entre terrorisme et musulmans, cela ne fait pas un pli, on sait à qui va profiter le crime dans une Europe où l’islamophobie est à son comble, notamment en France avec le succès des Finkielkraut, Zemmour, Houellebecq et la montée du Front National. On le voit avec les crétins qui accusent immédiatement le Coran, rien que ça, d’être le véritable coupable de la tuerie ! Ce ne sont plus des caricatures cette fois mais un livre qui serait maléfique. Au moins, il n’y a pas à s’embêter avec des causes plus concrètes et complexes, le simplisme est bien plus satisfaisant pour l’esprit et pour protéger les si gentils chrétiens que nous sommes, pleins d’amour et d’ouverture à l’autre, contrairement à ces chiens de musulmans. Il serait bien justifié de massacrer ces barbares, au moins de les renvoyer « chez eux » sinon les parquer dans des camps…
Il faut que ça pète !
La situation est étrange avec à la fois l'impression que tout s'écroule de partout et que rien ne bouge, comme englués dans un passé immobile en même temps que passent devant nous des trains à grand vitesse. Il semble bien inutile de continuer à écrire sur le sujet tant on pourrait ressortir d'anciens billets sur la crise pour décrire notre présent où rien n'a été résolu, seul a été évité - ou reporté - l'effondrement général mais avec pour résultat de l'éterniser. Chacun peut constater le prix exorbitant payé par les populations les plus fragiles, à cause d'obstinations dogmatiques surannées, condamnées même par le FMI et les USA, ainsi que le caractère irréel des discours tenus, sans qu'il semble qu'on ne puisse rien y faire...
C'est peut-être pour cela qu'on n'entend pas plus parler de ce qui se présente pourtant comme le plus grand défi à l'Europe et à l'Allemagne depuis les pétards mouillés de Matteo Renzi et Hollande. On ne semble pas croire qu'il sera impossible d'acheter à coups de millions une vingtaine de députés pour éviter des élections ! Et si le 29 décembre le compte n'y est toujours pas, que des élections sont inévitables, une victoire de Syriza reste inimaginable. Et pourtant c'est, à l'heure actuelle le plus probable et ce qui pourrait changer complètement les perspectives de l'année à venir, mais dans quel sens ? Tout est là. Dislocation de l'Europe ou son renforcement ? L'hypothèse que cela se passe bien n'est certes pas la plus plausible mais comme toujours qu'il ne se passe rien alors qu'à l'évidence, au point où certains pays sont étranglés, il faudra bien que ça pète un jour ou l'autre !
Les salauds au pouvoir
C'est une tendance bien connue dans les moments de crise de rechercher des boucs émissaires et de rendre les pauvres et précaires responsables de leur propre sort. La montée du chômage qui en fait un phénomène social, macro-économique, le rend aussi forcément trop lourd à financer, charge qu'on va imputer aux chômeurs eux-mêmes, devenus une surpopulation indésirable dont on aimerait bien se débarrasser. Il y a toute une tradition anglo-saxonne complètement décomplexée qui va dans ce sens, de Malthus et Spencer à Thatcher et ses successeurs qui en rajoutent sur la culpabilisation des pauvres même si on ne va plus jusqu'à prôner ouvertement leur élimination au nom de la science lugubre que serait l'économie ! Chez nous, cette brutalité était moins bien admise par notre égalitarisme républicain, restant l'apanage de l'extrême-droite ou de petits salauds ambitieux genre Wauquiez. C'est pourquoi il faut s'alarmer de voir ces discours repris par un gouvernement, censé de plus être de gauche !
Certes, il n'y a là rien de neuf, dira-t-on. Les pauvres ont constamment été soumis à l'état d'exception, l'oppression et le mépris : ce sont les perdants, les losers, une race inférieure que les winners, très contents d'eux-mêmes et de leur réussite sociale, contemplent de haut. Il faudrait bien faire changer la honte de camp, rendre plus honteux ces véritables salauds qui nous accablent de leur morgue et de leurs petits esprits mais, par définition, on ne pourra jamais mettre les perdants (prolétariat) au pouvoir. La seule force des pauvres est le nombre - ce qui ne veut pas dire hélas qu'il suffirait de faire nombre pour ne pas se croire du côté des dominants, mettre encore plus salauds au pouvoir et chercher d'autres boucs émissaires : juifs, musulmans, immigrés, étrangers. Le ressentiment peut être ravageur, mieux vaudrait ne pas l'attiser par la haine des chômeurs.
Les trous noirs de la gauche
L'état de la gauche est on ne peut plus désastreux. C'est de notoriété publique désormais. On s'attend même à son effondrement complet au moment où l'on aurait tant besoin pourtant de politiques de réduction des inégalités et de protections nouvelles contre une précarité qui se généralise à grande vitesse. C'est bien sûr la faute de la gauche elle-même, dans toutes ses composantes, gouvernementales ou non, même à ne pas vouloir se l'avouer ni pouvoir sortir de ses archaïsmes qui la plombent, ni de ses illusions qui profitent surtout aux démagogues de l'autre bord.
Il ne s'agit en aucun cas de je ne sais quels "tabous" de la gauche qu'il faudrait lever sous prétexte que cela aurait fait le succès de l'extrême-droite, que ce soit la nostalgie de la Loi, de la morale et des anciens interdits (sinon du patriarcat), ou le retour au national avec la sortie de l'Euro et de l'Europe d'un côté (dont les avantages sont très largement surévalués), le protectionnisme et le rejet des immigrés de l'autre (impossible de sortir de cette logique binaire). Sous prétexte de se donner un cadre de souveraineté censé nous sortir de notre impuissance actuelle, le peuple ne désigne plus dorénavant les dominés mais les nationaux, électeurs supposés assez avisés (dans leur prétendue common decency) pour nous donner leurs voix et auxquels on cherchera inévitablement à donner une identité culturelle plus ou moins foireuse qui nous rendrait tous identiques et solidaires malgré nos différences et oppositions de classe, de cultures ou de religions. De quoi justifier forcément la collaboration de classes entre bons français tout comme en quatorze on a pu mener des paysans au massacre pour défendre leurs si patriotiques capitalistes et marchands de canon !
L'argument nationaliste est absolument imparable dès lors qu'on prétend à une alternative radicale qui nous isole du reste du monde et se réduit tout bêtement à l'étatisation de l'économie, comme si cette merveilleuse solution n'avait pas déjà échoué partout et comme si on était en état de le refaire ! On croyait qu'ils avaient disparus avec l'URSS mais pour ces nouveaux staliniens, étatistes autoritaires (démocratiques et populaires bien sûr) qui rêvent de s'emparer du pouvoir pour nationaliser nos multinationales et imposer leur propre modèle (à rebours du monde des réseaux), il n'y a aucun doute dans leurs rêves sur la valorisation du niveau national qu'ils s'imaginent, un peu légèrement, pouvoir être à leur portée alors qu'ils travaillent plutôt pour l'extrême-droite montante. Jusqu'à finir, pour certains, par rejoindre les ennemis d'hier. C'est, du moins, ce que le fascisme a illustré à une autre époque, certes bien différente de la nôtre mais selon une même logique.
Ukraine : l’engrenage fatal ?
A l'heure qu'il est, l'hypothèse du déclenchement d'une guerre meurtrière en Europe ne semble pas la plus probable tant ce serait une folie. Toutes sortes d'organismes et d'intérêts plaident pour calmer le jeu mais, voilà, cela ne tient qu'à un fil, on marche sur des oeufs et le moindre coup de feu pourrait rendre la situation irréversible.
C'est l'occasion de comprendre comme l'histoire échappe à ses acteurs malgré tout ce qu'on nous serine à longueur de temps. Certes des trésors de diplomatie pourraient désamorcer la montée des tensions, mais il n'y a là rien d'assuré. La première chose à souligner, c'est à quel point nous dépendons entièrement de ce qui se passe loin de chez nous, d'enjeux historiques qui nous dépassent et d'un excité quelconque pouvant servir d'étincelle à cette poudrière. Ce qui nous rend si dépendants, ce sont les traités qui nous engagent, tout comme en 1914 ou 1939. Ici, nous serions impliqués par ricochet de notre appartenance à l'OTAN mais les USA et la Grande-Bretagne se sont engagés plus directement à défendre l'intégrité de l'Ukraine en contrepartie de leur abandon de sa puissance nucléaire héritée de l'URSS.
La blogosphère en panne
C'est moi ou il y a un trou d'air dans la blogosphère depuis la rentrée ? Le thème de la fin des blogs est un marronnier et c'est peut-être juste rezo.net qui s'épuise mais, c'est un fait qu'il y a pas mal de blogueurs qui arrêtent ou lèvent le pied, et, surtout, qu'en dehors des sciences et techniques toujours aussi dynamiques, on n'a pas grand chose d'intéressant à se mettre sous la dent en ce moment.
L’illusion démocratique
Les révolutions arabes sont confrontées à la perte des illusions sur la démocratie et plus généralement aux limitations du politique. Il faut dire que les illusions ne manquent pas, ici comme là-bas, sur une démocratie qu'on s'imagine toute puissante et pouvant décider de la société dans laquelle on veut vivre, ce qui veut dire forcément imposer son mode de vie aux autres. C'est assez clair avec les tentatives d'islamisation des pays arabes comme de la Turquie (sans parler de l'Iran), mais ce n'est guère différent de nos démocrates révolutionnaires, de droite comme de gauche, qui s'imaginent remodeler la société française s'ils arrivaient à gagner une majorité aux élections. Cette conception d'une démocratie majoritaire est celle des totalitarismes et doit être abandonnée pour une démocratie des minorités qui n'est pas l'incarnation dans le vote d'une supposée volonté générale mais l'instrument de la démocratisation de la société. C'est ce qu'on pourrait sans doute appeler une démocratie libérale sauf que pour mériter son nom de démocratie, elle ne peut oublier sa dimension sociale.
A quoi sert de faire la révolution alors se diront tous ceux qui veulent tout changer sinon rien ? A changer le personnel dirigeant, au moins, ce qui est souvent plus que nécessaire comme on le voit mais ne va pas beaucoup plus loin effectivement car les réalités ne changent pas qui s'imposent aux beaux discours et il ne suffit pas de faire étalage de sa bonne volonté ou de sa bonne foi pour savoir gérer un pays. Quand ça ne marche pas, le pouvoir est renversé fût-il démocratiquement élu. Il faut s'en persuader malgré la mythologie révolutionnaire, la démocratie n'est que le pire des régimes à l'exception de tous les autres, juste une façon de pacifier les conflits. Non seulement ce ne sont pas les meilleurs qui sont élus (ce sont les plus ambitieux, les plus habiles, les plus démagogues), mais on ne peut décider de tout, et même de pas grand chose en fait (moins qu'avant en tout cas). Pour le comprendre, il faudrait comprendre que le fonctionnement d'un système dépend assez peu de nous et qu'il y a des phénomènes sociaux qui nous dépassent comme il y a une évolution du monde irréversible (notamment technologique). Il n'est pas possible d'imposer la charia dans les pays musulmans, pas plus qu'on ne pourrait décider ici d'un monde sans musulmans. Il n'est pas vrai qu'on puisse mettre tous les étrangers dehors, ni fermer nos frontières, ni changer toute l'économie. Tout cela est pur fantasme et verbiage prétentieux. Ce n'est pas que certains autocrates ne tentent de forcer le destin, mais cela ne peut qu'empirer les choses. Ce qui est curieux, c'est comme ces prétentions de dicter sa loi ne posent pas question, malgré l'expérience séculaire de la démocratie, pas plus que l'idée que le monde devrait être conforme à nos souhaits, ce qu'il n'a jamais été, comme s'il n'avait pas d'existence propre et ne dépendait que de nous par devoir moral dirait-on. On fait comme si sa dérive était toute récente par rapport à un état antérieur idéalisé, témoignant simplement ainsi d'avoir un peu trop cru à la propagande officielle quand on était petit.
La Turquie peut-elle ébranler l’Europe ?
Loin d'être finie, la crise ne fait que s'aggraver et préparer un krach pire que les précédents. Le temps des révolutions ne fait lui-même que commencer sans doute dans cette période de grands bouleversements. Ce n'est qu'un début ! Il est impossible de savoir à l'heure actuelle quel sera le destin d'un mouvement encore informel mais si les manifestations en Turquie sont très émouvantes, c'est dans un tout autre sens que les révolutions arabes car "ceci n'est pas une révolution". C'est plutôt un souffle de liberté qui a été comparé spontanément à Mai68 plus qu'à un renversement de dictature. Il n'est pas insignifiant, en effet, que se revendique ouvertement pour la première fois une sorte de droit à l'alcool, ceci après le Mali où les djihadistes avaient fait de l'interdiction du tabac et de l'alcool un marqueur de leur pouvoir régressif.
On peut dire que cette revendication d'occidentalisation rapproche la jeunesse turque de l'Europe. Bien qu'il y ait un nationalisme assez fort, il semble bien, en effet, que ce soit aussi un mouvement pour l'Europe, dont ils se sentent exclus, et non pas contre, alors que ceux qui sont dedans en font l'origine de tous les maux...
La montée du national-capitalisme
Ce serait une insulte de confondre militants ou économistes "de gauche" et l'extrême-droite malgré le développement assez récent d'une mouvance rouge-brun mais comment ne pas voir que le national-capitalisme qu'ils défendent les uns comme les autres se combine bien mieux avec le nationalisme et le rejet des immigrés qu'avec un antiracisme universaliste ?
Le refus du réel
Il ne suffit pas d'avoir des idées claires et distinctes pour que ce soient des idées justes. Il ne suffit pas non plus de trouver une situation intolérable pour trouver comment s'en sortir, ni surtout pour se mettre d'accord sur les solutions. Il n'y a pas que les divisions entre droite et gauche mais au sein même de la gauche, il y a profonde division sur les politiques à suivre. Cette division est notre réalité première qu'il faudrait reconnaître, nous condamnant sinon à l'impuissance ou à l'échec, mais cela devrait nous faire renoncer à toute vision totalitaire d'une société unie, ce que chacun désire sans aucun doute mais qui ne se peut pour de très bonnes raisons et d'abord parce que personne ne détient la vérité qui n'est pas donnée mais fait l'objet de luttes acharnées et ne se détermine qu'après-coup dans l'expérience du réel.
On ne s'unit que dans le combat contre l'ennemi, extérieur aussi bien qu'intérieur (prenant ainsi immanquablement le parti pour le tout). On devrait le savoir désormais, l'idée que "le" peuple prenne le pouvoir n'a pas de sens dans nos démocraties pluralistes, du moins en dehors du niveau local et d'une démocratie de face à face. Plus le pouvoir s'étend sur de vastes contrées et plus il doit composer avec des forces et des masses en jeu qui ne dépendent pas de notre bon vouloir (pas plus que les sciences ne peuvent dépendre de la démocratie). A ce niveau, ce qui compte, c'est moins le volontarisme que la justesse et la réactivité des politiques suivies, largement aux mains de technocrates. Le "déficit démocratique" n'est pas très différent entre les USA, la Chine et l'Europe même si ce n'est pas pour les mêmes raisons (l'argent, le parti, le jeu des nations), la pertinence des politiques suivies se jugeant au résultat. L'enjeu est donc bien d'abord cognitif, non pas qu'un hypothétique peuple accède au pouvoir on ne sait comment mais de savoir quoi faire. L'important serait d'avoir une analyse juste de la situation, ce qui n'est pas du tout le cas de la gauche actuelle dont les discours se caractérisent plutôt par un refus du réel obstiné et sans issue où l'imputation à la crise de causes imaginaires amène à des solutions tout aussi imaginaires (on va en examiner quelques unes), essuyant avec constance défaite sur défaite.
Le coup le plus dur
Pendant qu'on se lamente sur les nouvelles défaites des syndicats, trahis comme d'habitude par la CFDT (c'est FO qui jouait ce rôle avant), le coup le plus dur vient d'être donné par le gouvernement socialiste avec la perspective de désindexer les retraites de l'inflation. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est la voie ouverte à une diminution drastique des retraites comme de tout autre droit qui serait désindexé en douce.
La chose semble facile et ne pas mériter de désapprobation car l'inflation recule encore pour l'instant et nous sortons d'une longue période d'inflation minimale. Il est habituel qu'on s'imagine à chaque fois que cela va durer toujours alors qu'on entre au contraire dans une nouvelle période d'inflation. C'est très explicite avec le nouveau premier ministre japonais, mais les USA et la Grande-Bretagne sont sur la même pente, inévitable même si l'Euro s'y refuse par principe, la hausse des matières premières à cause du développement des pays les plus peuplés devant y participer de plus en plus.
TINA
Par cette affirmation péremptoire : There Is No Alternative, la détestable Margaret Thatcher inaugurait l'ère de la pensée unique, celle des vainqueurs du communisme et du mépris des pauvres. En réaction, une gauche en déroute s'est crue obligée de prétendre qu'il y avait bien sûr des alternatives, dans une sorte de croisade au nom de nos libertés, mais dont on n'a rien vu encore malgré toutes les déclarations enflammées. Il y a d'ailleurs une petite chose qu'on oublie dans l'affaire, c'est que les politiques de Reagan et Thatcher ont eu un effet positif sur des économies malades, ce pourquoi elles ont obtenu le soutien renouvelé des populations sur une assez longue période.
En fait, depuis la crise où ces politiques néolibérales ont fini par nous mener, ce n'est plus la pensée unique mais plutôt la désorientation générale où règne une pluralité des théories dont aucune n'est assez convaincante. Chacun y va de sa petite solution à une situation multidimensionnelle alors qu'on est confronté à notre réelle impuissance et que ce sont les événements qui dictent à nos gouvernements les mesures à prendre - parfois de façon complètement contre-productive comme des mesures de rigueur conduisant à une récession creusant le déficit et exigeant de plus en plus de rigueur ! Il y a à l'évidence besoin d'une alternative mais qui reste introuvable alors même qu'on prétend qu'il y en aurait plusieurs !
Quand ça ne marche pas, il faut trouver incontestablement une alternative mais il n'y a en général qu'une façon de s'en sortir, compte tenu d'un ensemble de contraintes qui peuvent changer au cours du temps (il y a notamment des cycles d'inflation et de désinflation). Le problème, c'est notre difficulté aussi bien à faire le bon diagnostic que de savoir quoi faire dans cette phase de la crise. C'est un problème cognitif, cela n'empêche pas qu'il n'y a sans doute qu'une stratégie qui est la bonne, et qui sera imposée par les faits, même s'il faut éprouver une à une toutes les erreurs possibles avant de les rejeter (ce qu'on appelle procéder par essais-erreurs, un peu à l'aveugle).
Il me semble que, plutôt que de faire preuve de complaisance envers toutes les naïvetés et protestations généreuses sans conséquences, il vaudrait bien mieux faire le tour de toutes les contraintes auxquelles il nous faut faire face, de ce qui est nécessaire et des possibles effectifs qui ne coïncident malheureusement pas. En premier lieu, il y a bien sûr les contraintes écologiques, la nécessité de la reconversion énergétique et de la relocalisation. Il faut s'en persuader, on n'a pas le choix, ce pourquoi j'avais titré un article : "il n'y a pas d'alternative". C'est bien ce mot d'ordre qu'il faut reprendre à notre compte au lieu de glorifier une liberté illusoire. Nous devons absolument changer et cela ne dépend pas de notre bon vouloir, de nos valeurs ou de notre excellence mais de notre simple survie. L'alternative est inévitable et il n'y a pas d'autre alternative, c'est continuer comme avant qui est impossible !
La pauvreté recule
Profitant d'une panne de mon accès internet, j'ai vu sur Arte hier des rediffusions de films sur la pauvreté bien intéressants.
Le premier (Why Poverty - Donnez votre argent !) était consacré à l'aide au développement et au rôle des vedettes médiatiques (Bob Geldof et Bono) dans la mobilisation de l'opinion publique.
Le deuxième film (Pauvres de nous, voir la vidéo) était encore plus intéressant dans sa démonstration du fait que la pauvreté d'un pays était loin d'être naturelle mais bien résultat du pillage par l'occident à l'opposé de la propagande colonialiste. Les sociétés traditionnelles d'Amérique comme d'Afrique ou d'Asie étaient riches et ne connaissaient pas la misère avant l'arrivée des Portugais puis des Espagnols (c'est à relativiser car il y avait de l'esclavage et parfois pour dettes). En tout cas, on ne connaît pas assez la richesse des empires africains qu'on a colonisés, parmi les plus riches parfois comme l'empire du Mali, Kankou Moussa inondant l'Egypte de son or au XIVè siècle alors que l'Europe faisait figure d'arriérée par rapport à la civilisation musulmane. Si ces pays sont devenus pauvres, c'est qu'on les a saignés et détruits de toutes sortes de façon (par exemple en supprimant leur monnaie de coquillages comme par la dette ensuite) en profitant d'une supériorité technique et surtout militaire. Il faudrait sans doute ajouter la médecine provoquant des surpopulations mais, en tout cas, ces populations n'étaient pas dans l'état de sous-développement où notre propre développement les a mis (on pourrait parler aussi du déclin de la Chine après la guerre de l'opium).
On a vu avec Alain Testart que la pauvreté a commencé avec la propriété de la terre, privant les sans terre de ressources, mais il semble bien, qu'à partir du Moyen-Âge et l'expulsion des mendiants des cités (au contraire des pays musulmans), l'Occident chrétien se soit caractérisé par son manque d'humanité et la misère qu'il produit partout, notamment dans ses colonies. Tout cela avant même le capitalisme industriel qui créera en même temps richesses et misère à un niveau jamais atteint.
Malgré son excès de richesse, la société civile n’est pas assez riche [...] pour remédier à l’excès de pauvreté qu'elle engendre dans la population.
Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 243-245, p. 322-324 (1821).
Ce lien entre capitalisme et pauvreté était tellement évident au temps de Marx qu'il lui avait fait croire à une paupérisation croissante du prolétariat, ce que la suite a démenti jusqu'ici, avec ce qu'on appelle le compromis fordiste et la société de consommation, où ce sont les salariés qui sont les clients des produits qu'ils produisent. C'est ce qui est menacé par la concurrence des pays les plus pauvres, mais il y a là aussi malgré tout un sens de l'histoire sur lequel on peut s'appuyer même si l'époque est plutôt à essuyer défaite sur défaite.
Il y avait un lien tout aussi clair entre impérialisme ou colonialisme et pauvreté. Il semble que celui là aussi pourrait être brisé avec la nouvelle donne mondiale, la réduction des guerres comme jamais, la planète numérique et le développement des pays les plus peuplés (avec les problèmes écologiques globaux que cela pose).
Les tendances lourdes des dernières décennies justifiraient d'être assez optimiste sur le recul de la pauvreté dans le monde, jusqu'à l'affirmation catégorique d'Esther Duflo de sa prochaine disparition ! C'est bien contestable au regard de ces dernières années de crise mais sans doute pas sur le plus long terme. Les stratégies mises en valeur sont ici le micro-crédit, la scolarisation des enfants contre indemnités au Brésil et, enfin, le capitalisme débridé des Chinois qui malgré son caractère esclavagiste a effectivement diminué le nombre de pauvres même s'il en a précipité aussi beaucoup dans la misère. On peut s'interroger d'ailleurs sur les critères de la pauvreté, monétisée en dollars, manifestant simplement l'intégration du marché mais il semble bien, malgré tout, qu'on s'oriente depuis peu vers un relatif enrichissement des pauvres avec le développement des pays les plus peuplés. Les facteurs principaux de la pauvreté restent d'ailleurs clairement aujourd'hui la politique, la corruption et la guerre.
Il n'est pas du tout sûr que ce mouvement de rattrapage des pays pauvres soit favorable aux pauvres d'ici. Il devrait être possible cependant de s'appuyer sur ces mouvements de fond, ce "sens de l'histoire", pour continuer le progrès social au lieu de revenir en arrière. La communication a une grande importance dans ces affaires pour entraîner les foules et leurs gouvernements. Le numérique pourrait être décisif ici. Il ne peut absolument pas être supportable dans ce contexte de voir se développer une nouvelle pauvreté au coeur de nos sociétés riches.
Or, supprimer la misère, c'est au moins assurer un revenu minimum à tous comme droit à l'existence, si on peut y joindre les moyens d'un travail autonome, c'est encore mieux (et ça coûterait moins cher). Evidemment, la question du financement des protections sociales est au coeur de la question de la compétitivité comme de la pression fiscale, exigeant un nouveau compromis difficile à trouver...
Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles, il faut s'en souvenir justement quand elles ne sont pas bonnes pour ne pas perdre tout espoir, mais bien sûr, la réalité actuelle pour le sud de l'Europe (comme pour l'Allemagne d'ailleurs), c'est que la misère remonte, les indemnités diminuent, le chômage augmente et, pendant ce temps là, Kyoto c'est fini et les énergies fossiles sont consommées jusqu'à la dernière goutte...
Un revenu de base compétitif
L'augmentation du chômage n'est pas dû à notre soudain décrochage du niveau d'excellence qui était le nôtre mais plus prosaïquement aux restrictions budgétaires imposées par une crise financière qui touche tous les pays développés et devrait s'achever (mais quand ?) dans un retour de l'inflation qui rendra plus facile les ajustements des salaires comme la résorption de la dette.
En attendant, on ne peut nier que les Allemands nous soient passés devant ces dernières années, depuis les lois Hartz du chancelier Schröder de triste mémoire. Il faut voir ce que c'est, par un prétendu socialiste pressé de s'en mettre plein les poches ! Le principe dit de responsabilisation, consiste à condamner les plus faibles à une pauvreté effectivement en hausse sensible dans ce pays qui s'enrichit sur leur dos. Cette dénégation des sciences sociales, qui prétend rendre les individus responsables de leur sort et de la situation macroéconomique, a du moins l'avantage de faire des économies sur les droits sociaux et soulager les riches écrasés par les impôts ! En plus de culpabiliser les pauvres, ils n'ont vraiment pas honte de les condamner par dessus le marché aux travaux forcés, au travail gratuit pour mériter leurs maigres allocations, et tout cela, pour leur bien évidemment. Le travail rend libre, on vous le dit, c'est ancré dans les gènes sans doute ! Il y a, en tout cas, de vrais salauds. Comme ce ministre britannique menaçant de couper les vivres aux chômeurs qui ne cherchent pas assez de travail alors que le chômage augmente à cause de sa politique budgétaire et s'il n'y a pas de travail, où voulez vous en chercher ? Quand il s'agit de taper sur les pauvres, ont trouve toujours des arguments moraux (ici aussi, bien sûr, on a des raclures comme le ridicule Wauquiez qui pense qu'on n'a plus les moyens d'assurer une vie décente aux plus pauvres tellement la France s'est appauvrie!).
Ce débat se focalise actuellement sur le gain de compétitivité procuré par la diminution des prestations sociales et des salaires. Si la France, qui a déjà une des meilleures compétitivités, doit encore l'améliorer, c'est surtout par rapport à son principal concurrent de la zone Euro (pas seulement par rapport aux pays à bas salaire), par rapport à son dumping social, et cela, sans pouvoir utiliser la dévaluation, donc. Evidemment, une solution idéale serait de faire preuve de tant de dynamisme et d'innovation qu'on n'ait pas besoin de réduire les coûts mais il ne faut pas trop rêver. On n'est pas les seuls dans la course et, en attendant, la précarité gagne de plus en plus, ça c'est sûr. Que font les pays du sud pour s'aligner ? Ils baissent les salaires, solution intolérable mais qui nous pend au nez. Plutôt que dénier le problème vainement, il vaudrait sans doute mieux en prendre acte et en tirer les conséquences. Or, la seule façon de rendre acceptable ces baisses de salaire, ce serait de les compenser par une allocation universelle. Solution que les syndicalistes ont en horreur mais qui pourrait s'avérer très efficace et jouer un bon tour à nos concurrents principaux s'acharnant sur leurs pauvres.
Jamais période ne fut aussi révolutionnaire…
Peut-être devrait-on parler d'évolution plutôt que de révolution tant ce mot est chargé d'illusions mais nous sommes indubitablement, malgré une impression d'immobilisme et de régression, dans une période révolutionnaire de bouleversements accélérés comme il n'y en a peut-être jamais eu dans l'histoire humaine à cette rapidité, avec des risques mais aussi des potentialités inouïes. Pas celles que la plupart de ceux qui se disent révolutionnaires espèrent encore, surévaluant notre pouvoir sur les événements et notamment sur une crise qui n'en finit pas de s'aggraver.
La crise de 1929 n'a pas été aussi fulgurante qu'on l'imagine, les choses n'arrêtaient pas de s'arranger, on voyait le bout du tunnel tout le temps bien que le chômage n'en finissait pas de monter... On a vraiment l'impression de refaire exactement les mêmes erreurs que dans les années 1930, un véritable décalque mené tambour battant. Il semble qu'on n'ait pas le choix et que les événements décident de nous plus que nous ne décidons d'eux. Il faut en prendre la mesure. Par rapport à cette sombre époque, nous avons à faire face en plus au déclin industriel résultant du développement des anciens pays du tiers monde, des nouveaux enjeux écologiques et du déferlement numérique tout aussi planétaire. Tout cela conspire à l'affaiblissement de la politique et du niveau national mais aussi à la mise en concurrence des systèmes sociaux.
Dans ces moments de complète transformation, les tentations de retour en arrière sont aussi compréhensibles que vaines, ne faisant que retarder la prise en compte de ces nouvelles réalités. Ainsi, on peut être sidéré aussi bien de la minimisation de la crise que de l'ignorance par les gauches des nouvelles conditions de production et des nouveaux rapports de force géopolitiques ! Quand on voit l'inadéquation à la fois des politiques suivies par les gouvernements et de ce qu'y opposent ceux qui les contestent, il est clair que la question est d'abord cognitive, témoignant de notre impuissance et d'une désorientation générale. C'est sur ce point qu'il faudrait un progrès décisif, exigé par l'unification du monde déjà effective. On n'y est pas du tout.
Le management collaboratif
Il y a de bonnes raisons de critiquer un management inhumain obsédé par le profit et qui fait peser des contraintes cruelles ou simplement stupides sur les salariés, jusqu'aux pratiques sadiques d'un management par le stress qui a des morts sur la conscience. C'est un domaine qui voit surgir toute une palanquée de petits gourous qui vendent aux entreprises des recettes miracles qui ne sont pas toujours sans intérêt mais qui sont appliquées, en général, avec un dogmatisme destructeur. Le véritable intérêt du management, c'est de poser les problèmes, d'adopter une méthodologie cartésienne pour diviser les tâches et répartir les moyens en fonction des objectifs. Sinon, les résultats étant le plus souvent très décevants, on assiste à une succession de modes un peu comme pour les régimes amaigrissants, le développement personnel ou les théories économiques. Cela mène à de véritables folies parfois ou flirt avec les sectes (la scientologie et l'analyse transactionnelle étant pas mal implantées dans ce secteur). Surtout dans le domaine commercial, il semble qu'on tente d'extirper tout scrupule moral, avec la prétention de former un homme nouveau dépourvu d'humanité sur le modèle d'un homo economicus uniquement préoccupé de ses gains immédiats. Il ne manque certes pas de raisons de se battre contre cette nouvelle sorte de totalitarisme décervelant.
Cependant, l'avantage de l'entreprise par rapport au politique, c'est que les effets pervers et la contre-productivité des excès du management se font sentir plus rapidement et finissent par susciter des réactions salutaires, surtout dans un contexte où la nature du travail a changé. De même que la montée de la précarité provoque une destruction de compétences et manifeste l'inadaptation des protections sociales à l'économie post-industrielle, on s'aperçoit aussi qu'il y a contradiction entre le formatage des salariés et ce qu'on peut exiger d'eux en terme de coopération et d'autonomie. Impossible de transformer une entreprise en marché. Il a été montré depuis longtemps que les entreprises sont des sociétés hiérarchiques, ce qui permet notamment de minimiser les "coûts de transaction" mais aussi de se coordonner et de planifier les opérations. Contre l'idéologie libérale, il faut bien admettre que l'économie est une composition de dirigisme d'entreprise (voire de bureaucratie) et de concurrence de marché.