Les trous noirs de la gauche

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trou_noirL'état de la gauche est on ne peut plus désastreux. C'est de notoriété publique désormais. On s'attend même à son effondrement complet au moment où l'on aurait tant besoin pourtant de politiques de réduction des inégalités et de protections nouvelles contre une précarité qui se généralise à grande vitesse. C'est bien sûr la faute de la gauche elle-même, dans toutes ses composantes, gouvernementales ou non, même à ne pas vouloir se l'avouer ni pouvoir sortir de ses archaïsmes qui la plombent, ni de ses illusions qui profitent surtout aux démagogues de l'autre bord.

Il ne s'agit en aucun cas de je ne sais quels "tabous" de la gauche qu'il faudrait lever sous prétexte que cela aurait fait le succès de l'extrême-droite, que ce soit la nostalgie de la Loi, de la morale et des anciens interdits (sinon du patriarcat), ou le retour au national avec la sortie de l'Euro et de l'Europe d'un côté (dont les avantages sont très largement surévalués), le protectionnisme et le rejet des immigrés de l'autre (impossible de sortir de cette logique binaire). Sous prétexte de se donner un cadre de souveraineté censé nous sortir de notre impuissance actuelle, le peuple ne désigne plus dorénavant les dominés mais les nationaux, électeurs supposés assez avisés (dans leur prétendue common decency) pour nous donner leurs voix et auxquels on cherchera inévitablement à donner une identité culturelle plus ou moins foireuse qui nous rendrait tous identiques et solidaires malgré nos différences et oppositions de classe, de cultures ou de religions. De quoi justifier forcément la collaboration de classes entre bons français tout comme en quatorze on a pu mener des paysans au massacre pour défendre leurs si patriotiques capitalistes et marchands de canon !

L'argument nationaliste est absolument imparable dès lors qu'on prétend à une alternative radicale qui nous isole du reste du monde et se réduit tout bêtement à l'étatisation de l'économie, comme si cette merveilleuse solution n'avait pas déjà échoué partout et comme si on était en état de le refaire ! On croyait qu'ils avaient disparus avec l'URSS mais pour ces nouveaux staliniens, étatistes autoritaires (démocratiques et populaires bien sûr) qui rêvent de s'emparer du pouvoir pour nationaliser nos multinationales et imposer leur propre modèle (à rebours du monde des réseaux), il n'y a aucun doute dans leurs rêves sur la valorisation du niveau national qu'ils s'imaginent, un peu légèrement, pouvoir être à leur portée alors qu'ils travaillent plutôt pour l'extrême-droite montante. Jusqu'à finir, pour certains, par rejoindre les ennemis d'hier. C'est, du moins, ce que le fascisme a illustré à une autre époque, certes bien différente de la nôtre mais selon une même logique.

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Solutions imaginaires

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shadokPrendre aux riches, supprimer l'argent ou la propriété, arrêter le progrès ou la croissance, augmenter les salaires, réduire le temps de travail, ne pas rembourser ses dettes, supprimer l'armée, se réapproprier les médias, une démocratie radicale, sortir de l'Europe et de l'Euro, etc.

Comme une bonne partie de ma génération, j'ai voulu passionnément changer le monde après Mai68 mais, contrairement à la plupart et lorsque le chômage m'a permis d'y consacrer tout mon temps, je m'y suis attelé très sérieusement. En témoigne la quantité de textes que j'y ai consacré. Je ne peux pas dire, hélas, que cela m'ait rendu très optimiste sur les chances d'y arriver...

En fait, à comprendre la théorie de l'évolution par la théorie de l'information, c'est-à-dire par la détermination du milieu, et devenir de plus en plus matérialiste, j'y ai perdu toute illusion de pouvoir décider de l'avenir face à l'accélération technologique et l'étendue de nos limites cognitives, ce qui ne veut pas dire que notre action ne serait pas décisive dans ces temps de mutation mais en partant plutôt du local et de la nécessité de relocaliser une économie globalisée à l'ère du numérique. Il n'y a rien là cependant qui puisse provoquer l'enthousiasme des foules, ni satisfaire un quelconque besoin métaphysique ni même notre indignation devant les injustices du monde qu'on peut seulement réduire à notre mesure.

Impossible de s'y résoudre, sans doute. Pour Ernst Bloch, il serait impossible de vivre sans utopie, sans rêves, encore plus de transformer la société sans une bonne dose d'idéalisation. Le principe espérance serait indispensable à la vie comme à la politique, carotte devant notre nez pour nous faire avancer ! Le mythe de la boîte de Pandore nous assure pourtant que l'espérance y serait restée enfermée... Le désir qui nous porte paraît indissociable d'un esprit qui regarde le monde et veut le refaire (Bloch nous assure même que "le bâton tordu veut être redressé" !), dénonçant ses injustices et voulant le soumettre à notre jugement, le passer au cordeau, ne pouvant accepter enfin une réalité qui nous blesse et nous choque tant. D'avoir une pensée et de se projeter dans l'avenir nous oblige au moins à dire ce que nous voudrions - sans s'embarrasser hélas de sa faisabilité le plus souvent !

A de nombreuses reprises, en politique, on a bien expérimenté pourtant à quel point il n'était pas sans dangers de nourrir des fantasmes et ne pas tenir compte des rapports de force ou de la situation économique. Cela mène généralement à la confusion de ce qui est juste pensable et pur imaginaire, avec le possible effectif, le réalisable à notre portée. Rien ne sert de chauffer les foules en faisant appel à Jaurès, à Robespierre, si ce n'est à Dieu lui-même, pour nous éviter la confrontation avec les réalités matérielles. C'est, en effet, la première illusion, illusion religieuse d'une conversion universelle des coeurs qui nous ferait entrer soudain dans le royaume de la justice. La Révolution Culturelle chinoise a pu y ressembler, mais avec quel résultat ! Il nous faut revenir à des objectifs plus modestes, malgré qu'on en ait...

Selon certains, il ne faudrait pas tenir compte de l'échec du communisme qui resterait une hypothèse crédible comme s'il n'avait pas rassemblé déjà la majorité de la population mondiale ! Il ne faudrait pas non plus tenir compte des échecs des derniers mouvements sociaux et de la montée de l'extrême-droite, pas plus qu'il ne faudrait tenir compte du reste du monde, de l'écologie, du numérique, etc. C'est tout juste si la faute n'en reviendrait pas à ceux qui osent émettre des critiques là-dessus et ne feraient que désespérer Billancourt, empêchant qu'un grand mouvement progressiste ne balaye tout sur son passage ! On peut laisser ces militants autistes continuer à se taper la tête contre les murs, cela n'avancera à rien qu'à retarder les adaptations nécessaires et le retour des luttes d'émancipation.

L'autre attitude serait, au contraire, de coller aux évolutions, les orienter autant que faire se peut à notre profit, la seule solution serait de s'engager dans la grande transformation de l'ère du numérique et dans des solutions locales au désordre global, seule façon d'être fidèle en acte à ce refus de l'injustice mais c'est une fidélité trop dérisoire pour les utopistes refusant de faire le deuil de l'impossible en passant de l'éthique au politique.

Après avoir critiqué les propositions d'ATTAC ou du PNUD, on va donc essayer de passer en revue, de façon un peu trop sommaire j'en conviens, quelques fausses bonnes idées ne constituant que des solutions imaginaires : prendre aux riches, supprimer l'argent ou la propriété, arrêter le progrès ou la croissance, augmenter les salaires, réduire le temps de travail, ne pas rembourser ses dettes, supprimer l'armée, se réapproprier les médias, une démocratie radicale, sortir de l'Europe et de l'Euro, etc. Il ne s'agit pas de prétendre que la plupart de ces revendications ne seraient pas souhaitables, même si ce n'est pas toujours le cas, mais qu'elles ne sont pas faisables en l'état et surtout qu'elles nous détournent de solutions plus effectives.

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Du national-populisme au nazisme

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Hannah Arendt et Martin Heidegger, histoire d'un amour, Antonia Grunenberg
Heidegger-ArendtLorsqu'on se replonge dans l'Allemagne pré-nazi et les débats philosophico-politiques de l'époque sur l'aliénation et les utopies communautaires ou communistes, on ne peut qu'être frappé de l'immense écart avec ce qui a suivi. Pour certains, ces massacres de masse n'auraient été qu'une parenthèse dans cette quête de l'absolu qu'il faudrait reprendre à notre compte comme si de rien n'était, comme si le réel n'en avait révélé le caractère non seulement illusoire mais criminel. Il est assez effarant de voir à quel point on se fait encore des idées aujourd'hui sur la politique et l'issue de la crise, comme s'il n'y avait jamais eu d'histoire avant nous et que notre situation était entièrement inédite.

Il est exact que notre entrée dans l'ère de l'information "change tout" mais il ne faut pas exagérer comme la "nouvelle économie" qui pouvait prétendre que les règles de la logique même avaient changé avant l'éclatement de la bulle internet qui a ramené ces spéculations hasardeuses à la dure réalité (de même que les gigantesques sommes injectées finiront bien par faire s'écrouler le château de cartes). Ce qui est vrai, c'est que le numérique apporte de nouvelles possibilités d'information et de mobilisation mais il rend aussi à peu près impossible le repli nationaliste.

Si l'histoire ne se répète jamais à l'identique, le contexte en étant toujours assez différent, il n'en reste pas moins qu'on peut y déceler des cycles qui reviennent comme les modes et qu'il est toujours instructif d'y retrouver des conjonctions étonnement semblables, notamment entre la crise de 1929 et la nôtre, caractéristiques de la fin d'un cycle de Kondratieff (fin de la déflation, krach de la dette et début d'un nouveau cycle d'inflation). Rien ne permet d'en prédire la suite, le pire n'est jamais sûr, les leçons du passé pouvant toujours servir, comme on l'a vu avec les réactions des banques centrales à l'opposée des années 1930, et c'est bien ce à quoi on peut participer en rappelant quelques faits.

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La blogosphère en panne

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C'est moi ou il y a un trou d'air dans la blogosphère depuis la rentrée ? Le thème de la fin des blogs est un marronnier et c'est peut-être juste rezo.net qui s'épuise mais, c'est un fait qu'il y a pas mal de blogueurs qui arrêtent ou lèvent le pied, et, surtout, qu'en dehors des sciences et techniques toujours aussi dynamiques, on n'a pas grand chose d'intéressant à se mettre sous la dent en ce moment.

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La place de la commune dans l’économie post-industrielle

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placeDerrière les soubresauts d'une crise financière qui menace les protections sociales et provoque un chômage de masse dans l'Europe du sud, nous vivons une mutation d'une toute autre ampleur dont on ne semble toujours pas bien prendre la mesure. En effet, ce n'est pas seulement le développement des pays les plus peuplés qui remet en cause notre ancienne base industrielle mais bien plus l'entrée du monde entier dans l'ère du numérique à une rapidité sans précédent, comparable à celle d'une véritable pandémie. S'il est compréhensible de vouloir récupérer des emplois perdus, on ne peut se cacher que la diminution des emplois industriels est plus liée à l'automatisation et la robotisation qu'aux délocalisations, même si celles-ci existent aussi.

Dès lors, il n'y a pas grand chose à espérer d'une relocalisation industrielle même s'il faut toujours encourager la production au plus près de la demande (ce que les imprimantes 3D et autres Fab Labs faciliteront de plus en plus). Toutes les nostalgies n'y feront rien à vouloir revenir aux 30 glorieuses si ce n'est au XIXème, nous n'avons pas le choix sinon d'entrer résolument dans l'ère du numérique qui sape petit à petit et en profondeur l'organisation sociale précédente. C'est notamment le cas du niveau national qui perd pas mal de son importance alors que le local s'en trouve d'autant plus revalorisé. Dès lors, il ne s'agit plus tant d'une relocalisation qui nous ramènerait à un état antérieur ou limiterait simplement la globalisation marchande, il s'agit bien plutôt de recentrer toute l'économie sur le local.

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La Turquie peut-elle ébranler l’Europe ?

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turquieLoin d'être finie, la crise ne fait que s'aggraver et préparer un krach pire que les précédents. Le temps des révolutions ne fait lui-même que commencer sans doute dans cette période de grands bouleversements. Ce n'est qu'un début ! Il est impossible de savoir à l'heure actuelle quel sera le destin d'un mouvement encore informel mais si les manifestations en Turquie sont très émouvantes, c'est dans un tout autre sens que les révolutions arabes car "ceci n'est pas une révolution". C'est plutôt un souffle de liberté qui a été comparé spontanément à Mai68 plus qu'à un renversement de dictature. Il n'est pas insignifiant, en effet, que se revendique ouvertement pour la première fois une sorte de droit à l'alcool, ceci après le Mali où les djihadistes avaient fait de l'interdiction du tabac et de l'alcool un marqueur de leur pouvoir régressif.

On peut dire que cette revendication d'occidentalisation rapproche la jeunesse turque de l'Europe. Bien qu'il y ait un nationalisme assez fort, il semble bien, en effet, que ce soit aussi un mouvement pour l'Europe, dont ils se sentent exclus, et non pas contre, alors que ceux qui sont dedans en font l'origine de tous les maux...

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La montée du national-capitalisme

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imgscan-contrepoints-660-Capitalisme-de-connivence-300x169Ce serait une insulte de confondre militants ou économistes "de gauche" et l'extrême-droite malgré le développement assez récent d'une mouvance rouge-brun mais comment ne pas voir que le national-capitalisme qu'ils défendent les uns comme les autres se combine bien mieux avec le nationalisme et le rejet des immigrés qu'avec un antiracisme universaliste ?

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Plaidoyer pour l’altermonde

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un-autre-monde-est-possibleA mesure de notre impuissance face à la crise, on voudrait nous persuader, contre toute évidence, que les hommes auraient toujours choisi la société dans laquelle ils voudraient vivre et que ce ne serait qu'une question de volonté. On ne voit pas sur quels exemples historiques pourraient s'appuyer de telles prétentions, la révolution de 1789 n'ayant pas été préméditée, échappant en permanence à ses acteurs, et celle de 1917 ayant produit le contraire de ce qui était voulu ! Ce sont des forces historiques qui sont à l'oeuvre et nous dépassent, ce sont elles qu'il faut tenter de comprendre avec les opportunités qu'elles peuvent ouvrir et qui dépendent assez peu de nos préférences subjectives. Il n'y a aucune raison de surestimer nos moyens ni de croire qu'on pourrait construire une quelconque utopie (en plus celle de notre choix !) dans une rage normalisatrice. Au contraire, la situation semble plutôt désespérée sur tous les fronts, accumulant défaites sur défaites. Sur le plan social, le sud de l'Europe dévasté nous entraîne sur la même pente alors que la lutte contre le réchauffement climatique semble perdue, du non renouvellement du protocole de Kyoto à l'exploitation de toutes les sources d'hydrocarbure (gaz de schiste, méthanes marins, pétroles non conventionnels, charbon). On ne sait comment on va faire face, non pas tant au pic de population qui n'est plus tellement éloigné qu'à un nouveau doublement de la classe moyenne mondiale qui est déjà passée de 1 à 2 milliards depuis l'an 2000 et devrait plus que doubler encore dans les années qui viennent. Le refus de prendre en compte ces évolutions géopolitiques tout comme le bouleversement total que le numérique apporte dans nos vies depuis une dizaine d'années ne peut que renforcer notre impuissance collective et notre soumission aux événements qui décident de nous plus que nous n'en décidons dans l'urgence, le nez dans le guidon.

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Pour une société duale

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alterLa crise commence à nous atteindre, confirmant que nous sommes le suivant sur la liste du club Med. Même si les chiffres ont été révisés à la baisse, jusqu'ici les protections sociales avaient servi d'amortisseur et les salaires avaient continué à augmenter globalement, même très peu, mais c'est fini, le pouvoir d'achat est sur la pente descendante risquant d'aggraver la récession et malgré tous ceux qui prétendent pouvoir nous sortir d'affaire, nous allons nous heurter comme les autres à l'impuissance des peuples (qui est celle de leurs gouvernements). Face à cet appauvrissement programmé, il vaudrait mieux essayer de s'y adapter que de compter sur un nationalisme exacerbé qui n'est plus de saison même s'il a fait le succès économique des totalitarismes des années 1930.

Une Europe unie et forte pourrait nous faire retrouver une certaine prospérité mais plusieurs processus matériels menacent le modèle européen salarial (numérique, déclin de l'industrie et de l'Occident, développement des pays les plus peuplés, contraintes écologiques), cette crise pouvant n'être qu'un avant-goût de ce qui nous attend par la suite. Du point de vue écologique, on pourrait même considérer la crise comme une chance - à condition de s'organiser pour cela et ne pas faire porter le plus gros du poids sur les plus pauvres comme maintenant.

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Le refus du réel

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deni_realiteIl ne suffit pas d'avoir des idées claires et distinctes pour que ce soient des idées justes. Il ne suffit pas non plus de trouver une situation intolérable pour trouver comment s'en sortir, ni surtout pour se mettre d'accord sur les solutions. Il n'y a pas que les divisions entre droite et gauche mais au sein même de la gauche, il y a profonde division sur les politiques à suivre. Cette division est notre réalité première qu'il faudrait reconnaître, nous condamnant sinon à l'impuissance ou à l'échec, mais cela devrait nous faire renoncer à toute vision totalitaire d'une société unie, ce que chacun désire sans aucun doute mais qui ne se peut pour de très bonnes raisons et d'abord parce que personne ne détient la vérité qui n'est pas donnée mais fait l'objet de luttes acharnées et ne se détermine qu'après-coup dans l'expérience du réel.

On ne s'unit que dans le combat contre l'ennemi, extérieur aussi bien qu'intérieur (prenant ainsi immanquablement le parti pour le tout). On devrait le savoir désormais, l'idée que "le" peuple prenne le pouvoir n'a pas de sens dans nos démocraties pluralistes, du moins en dehors du niveau local et d'une démocratie de face à face. Plus le pouvoir s'étend sur de vastes contrées et plus il doit composer avec des forces et des masses en jeu qui ne dépendent pas de notre bon vouloir (pas plus que les sciences ne peuvent dépendre de la démocratie). A ce niveau, ce qui compte, c'est moins le volontarisme que la justesse et la réactivité des politiques suivies, largement aux mains de technocrates. Le "déficit démocratique" n'est pas très différent entre les USA, la Chine et l'Europe même si ce n'est pas pour les mêmes raisons (l'argent, le parti, le jeu des nations), la pertinence des politiques suivies se jugeant au résultat. L'enjeu est donc bien d'abord cognitif, non pas qu'un hypothétique peuple accède au pouvoir on ne sait comment mais de savoir quoi faire. L'important serait d'avoir une analyse juste de la situation, ce qui n'est pas du tout le cas de la gauche actuelle dont les discours se caractérisent plutôt par un refus du réel obstiné et sans issue où l'imputation à la crise de causes imaginaires amène à des solutions tout aussi imaginaires (on va en examiner quelques unes), essuyant avec constance défaite sur défaite.

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Stopping creative destructions

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destructionAt a time of financial bubbles, there is a surrealist aspect to watching an entire scaffolding, incapable of standing upright but nonetheless failing to collapse, as if suspended in the air. It can only hold for a certain time, until the bubble bursts, but one shouldn't underestimate the essential inertia that is a function of the masses at stake and that perturbs judgment. One can interpret the current euphoric phase as if the crisis is already behind us, although nothing has been resolved yet. The most likely outcome is that we will relapse like the Arabic revolutions that turned sour. Worst case scenarios are still possible but we should still consider the very unlikely hypothesis that we will manage to avoid complete collapse (at least to repel it indefinitely). It isn't completely impossible, as we have the means to do so in any case in an era of information and ecology, global regulations and the establishment of a universal state. Especially this time, there isn't just natural inertia but active coordination between states, even at minimum, even reluctantly, which already sets us in a very different regime.

Avoiding systematic crisis, the principal worry since the bankruptcy of Lehman Brothers, could reveal itself as the already main effective vector of the achievement of a world unification. This new situation couldn't be without consequences. In the first place, to get rid of what Schumpeter called the "creative destructions" which according to him is caused by innovation ("the novelty doesn't come from the old but appears beside the old, competes with it and ruins it"). Some have even said that there is crisis only if there is innovation, which is very exaggerated. For René Passet, the necessity of these creative destructions would be rather a characteristic of complex systems obliged to pass through collapse in order to get rebuilt on a different basis. In any case wanting to prevent systemic crisis would decidedly be a way of stopping the economic evolution or at least to slow it down. Indeed, it has been clearly demonstrated, firstly by a state warranty of the banks that suppresses the risk ‘the moral hazard’ yet composing their first matter as much as their private character. Many take offense, demanding that the banks are allowed to become bankrupt in a very good liberal logic but, like the nuclear bomb, it is a bomb that has been revealed far too devastating to be released again.

However one doesn't see how we could avoid this protection being extended to other big companies including those who have a strong local impact, in what would look more like an administered economy rather than market laws. Big part of the economy could be irresistibly contaminated in the long run. So behind the posted liberalism, what is being set is a global governance that we can call cybernetic as it evolves at sight under the pressure of events and not at all according to a preconceived plan like the old planned economies. One has to see it as a major event that can be analysed like the transformation of the planetary ecosystem in an organism, thanks not only to the digital networks but also to the systemic crisis that could have made us enter in the end of liberalism. Like an organism is defined by its resistance to death, the prevention of systemic crisis (including ecological ones) contains the requirements of global regulations and change the deal regarding the international competition, a sign that we are to quit the wild economy and market jungle to form a kind of planetary organism with regulated exchanges.

We are not there yet, but wanting to prevent the closure of companies, the collapse is also preventing the recovery, to be deprived of outbursts by positive feedbacks (snowball effect) and elimination of the less performing that makes the dynamism of capitalism. We will enter in a entirely new environment and if not at an end of cycles at least to their neutralisation, an end of their seriousness and of their revolutionary character. There are no reasons to be alarmed by a slow-down of innovation and growth in developed countries (except if it is to be paid by unemployment), but we have to wonder how that can be viable.

An ecosystem isn't an organism even if it shares some similar systematic characteristics. What distinguishes an organism is that it behaves as a whole, there are internal regulations (homeostasis) and it is organised towards purposes, which are
missing from an ecosystem or a market. An organism, as a result of evolution doesn't evolve so much by it self, it is rather through learning that it evolves and not by creative destructions like an ecosystem does. An organism preserves itself and if we are to change planetary systems, (it might one day be destroyed under the weight of its own complexity, its stiffness, its inequalities, its unsustainability) the living world shows us that we can come to pass of creative destructions providing that we form a learning organisation.

As we are at the start of this process, we cannot for now expect the overturn of a global power, though still not alive, but rather its strengthening in the long run (even if we go through a phase of breakouts and conflicts in the short term). It is still fragile, quite new, but it has nothing to do with an empire whose leaders we could change, and the perspective of an economic collapse is strong enough to dictate its law with much urgency. It would undoubtedly need a last collapse to convince us, like feeling closely the blast of a bullet. This has nothing to do with a determined will, or an obscure plot, just systematic constraints. Indeed, a system is compelling, as it determines the behavior of its individuals more than the individuals impact its functioning because it is composed of circulating flux, like streams that can carry away everything. There is no alternative to the plain arithmetic. States are well informed of it and although they can call for a mythic sovereignty, they have no choices. They can't allow their economy collapse (neither the biggest companies) making us enter in this new era of stability that sets positions.

Therefore to be part of the same ecosystem and above all to know that it constitutes us as an organism; it means that politics from the right or the left can't be that different and remain inevitably at the equilibrium. Even if each presidential election promises to change everything, it never goes very far, thankfully by the way. Despite constant denials from the experience, it is very difficult to get rid of the illusion that it would be easy to change things and that it would only be a question of good will or of high aspirations, as it appears that we are thoughtful beings. Yet we are forced to consider the reality in all its complexity and seek to understand why we are where we are and how to get out of it, materially more than spiritually. Unlike what we think, the more a system is complex, the more it is robust and opposes a resistance to change and to individual deeds. We don't need revolutionary heros, it doesn't help to assume being a god that can decide world destiny, which is the natural position of the author or of the narrative language that makes us human but has little to do by its simplicity with the interacting effective processes. All what we can do, it is to displace the flux, to get networked and act locally.

Not overestimating our means and measuring the obstacles is primordial if we don't want just to talk and be satisfied with good intentions. On the contrary we shouldn't fear going backward as if social progress had just been a whim without reasons. The "social model of Europe" risks knowing new regressions but that can't challenge everything. Here as well we should be able to count on the inertia of societies. Whatever the political movement, vital emergencies, material constraints and global environment have to be taken in account, and sorted at best. So despite the ideologues of neo-liberalism, who are giving evidence of a too logical madness, inequalities when they are too glaring aren't a good thing, neither for society nor for the economy and the care for the social welfare isn't going to disappear because brainless guys from deep USA think they are alone in the jungle. As far as that goes ecological problems can't be swept under the carpet by going back to every man for himself, it is simply no more possible.

Basically, the global economical governance joins the ecological governance that imposes itself since mankind has become a geophysical force and characterises the anthropocene era. We are far away from the cool ecologists or the coming back to earth movement (farming) but one has to say that there is a huge misunderstanding about political ecology. Many think that it is just a matter of letting nature go, to act as if we weren't here and returning to a more primitive way of life, when in fact it is the opposite, a civilizing entreprise that preserves our life conditions and therefore fixes the evolution. The "natural" attitude would be to let (laisser faire) the human species do what they want, who are integrated in nature, until its destruction, leaving an empty place; its excesses being punished by its annihilation. The political ecology is opposed to this extreme liberalism, and sides rather with the fight against entropy, which sets us on the active side of the living and not one of an inert passivity or a simple ecosystem wrongly supposed to be self-regulated. We can see it with the climate who we have become responsible for not only because we are disrupting it but also because we now have the means to control it. It isn't only that we must limit the warming but that we may have to reheat the atmosphere when the ice-age comes back. Here we may have a global action, which limits itself to fix the climate as it is, to prevent it from changing and maintain a certain homeostasis. Out of this global stabilising action we can agree on, we can't imagine to change the totality just by speech. However, as long as we are alive it shouldn't stop us being concrete in detail, in our range of actions and in our daily life to make retreat death and injustice.

Are we to know the end of revolutions like the one of the creative destructions? It is a bit paradoxical to pretend at a time when there are revolutions, countries collapsing and that the worst is still expected but to make the hypothesis isn't as stupid as it looks; as despite appearances it would undoubtedly be a mistake to focus on endangered liberalism when it is a completely different system that is being established and should deeply affect the running of economies. Not to place oneself in the framework of a revolutionary rupture shouldn't mean that one can't do anything but one has to take a more experimental and progressive position, building from the bottom up, a new system of relocated production in the era of information, ecology and human development. It would nevertheless be a complete paradigm's change from the old still fashionable ideologies.

Traduction par Loïc Barbarin de l'article En finir avec les destructions créatrices.

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En finir avec les destructions créatrices

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De l'écosystème à l'organisme
destruction_creatriceComme au moment des bulles financières, il y a un côté surréaliste à voir tout un échafaudage qui ne devrait pas tenir debout et qui pourtant ne s'écroule pas, comme suspendu dans les airs. Cela ne dure qu'un temps, le krach finissant toujours par se produire, mais il ne faut pas sous-estimer cette force d'inertie importante qui est fonction des masses en jeu et qui brouille le jugement. On peut expliquer ainsi la période actuelle d'euphorie comme si la crise était derrière nous alors que rien n'a été réglé pourtant. C'est peu de dire que le plus probable serait qu'on replonge, comme les révolutions arabes qui tournent mal. Le pire est toujours possible mais cela ne doit pas empêcher d'envisager l'hypothèse beaucoup plus improbable qu'on arrive à éviter l'effondrement (à le repousser indéfiniment au moins). Ce n'est pas, en effet complètement impossible, on en aurait en tout cas les moyens à l'ère de l'information et de l'écologie, de régulations globales et de la constitution d'un Etat universel. Surtout, cette fois, on voit qu'il n'y a pas seulement l'inertie naturelle mais bien une coordination active des Etats, même minimale, même à contre-coeur, ce qui nous installe déjà dans un tout autre régime.

Arriver à éviter les crises systémiques, principal souci depuis la faillite de Lehman Brothers, pourrait se révéler le principal vecteur de l'achèvement d'une unification du monde déjà effective mais cette situation inédite ne serait pas sans conséquences, en premier lieu de se priver de ce que Schumpeter appelait des "destructions créatrices", provoquées pour lui par l'innovation ("le nouveau ne sort pas de l'ancien mais apparaît à côté de l'ancien et lui fait concurrence jusqu'à le ruiner"). Certains ont pu même dire qu'il n’y a crise que s’il y a innovation, ce qui est très exagéré. Pour René Passet, la nécessité de ces destructions créatrices serait plutôt une caractéristique des systèmes complexes obligeant à passer par l'effondrement pour se reconstruire sur d'autres bases. Dans un cas comme dans l'autre, vouloir empêcher les crises systémiques, ce serait incontestablement une façon d'arrêter l'évolution économique, au moins de la freiner. En effet, cela se traduit très concrètement d'abord par une garantie étatique des banques qui en supprime le risque ("l'aléa moral"), constituant pourtant sa matière première, tout autant que son caractère privé. Beaucoup s'en offusquent exigeant qu'on laisse les banques faire faillite en toute bonne logique libérale mais, comme la bombe nucléaire, c'est une arme qui s'est révélée bien trop dévastatrice pour répéter l'opération.

On ne voit pas bien cependant comment on éviterait dès lors d'étendre cette protection aux autres grandes entreprises jusqu'à celles qui ont un impact local fort, dans ce qui s'apparenterait de plus en plus à une économie administrée plus qu'aux lois du marché. La contamination à une grande partie de l'économie pourrait être irrésistible à la longue. Derrière le libéralisme affiché, ce qui se met en place, ce serait ainsi une gouvernance mondiale qu'on peut qualifier de cybernétique de naviguer à vue sous la pression des événements et pas du tout selon un plan préconçu comme les anciennes économies planifiées. Il faut y voir un événement majeur qu'on peut analyser comme la transformation de l'écosystème planétaire en organisme, en grande partie grâce aux réseaux numériques mais pas seulement puisque c'est la crise systémique qui nous a fait rentrer dans la fin d'un certain libéralisme. Tout comme un organisme se définit par sa résistance à la mort, la prévention des crises systémiques (y compris écologiques) contient l'exigence de régulations globales et change la donne par rapport à la concurrence internationale, signe qu'on quitterait l'économie sauvage et la jungle du marché pour constituer une sorte d'organisme planétaire avec des échanges régulés.

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Le coup le plus dur

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2828Pendant qu'on se lamente sur les nouvelles défaites des syndicats, trahis comme d'habitude par la CFDT (c'est FO qui jouait ce rôle avant), le coup le plus dur vient d'être donné par le gouvernement socialiste avec la perspective de désindexer les retraites de l'inflation. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est la voie ouverte à une diminution drastique des retraites comme de tout autre droit qui serait désindexé en douce.

La chose semble facile et ne pas mériter de désapprobation car l'inflation recule encore pour l'instant et nous sortons d'une longue période d'inflation minimale. Il est habituel qu'on s'imagine à chaque fois que cela va durer toujours alors qu'on entre au contraire dans une nouvelle période d'inflation. C'est très explicite avec le nouveau premier ministre japonais, mais les USA et la Grande-Bretagne sont sur la même pente, inévitable même si l'Euro s'y refuse par principe, la hausse des matières premières à cause du développement des pays les plus peuplés devant y participer de plus en plus.

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TINA

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TINAPar cette affirmation péremptoire : There Is No Alternative, la détestable Margaret Thatcher inaugurait l'ère de la pensée unique, celle des vainqueurs du communisme et du mépris des pauvres. En réaction, une gauche en déroute s'est crue obligée de prétendre qu'il y avait bien sûr des alternatives, dans une sorte de croisade au nom de nos libertés, mais dont on n'a rien vu encore malgré toutes les déclarations enflammées. Il y a d'ailleurs une petite chose qu'on oublie dans l'affaire, c'est que les politiques de Reagan et Thatcher ont eu un effet positif sur des économies malades, ce pourquoi elles ont obtenu le soutien renouvelé des populations sur une assez longue période.

En fait, depuis la crise où ces politiques néolibérales ont fini par nous mener, ce n'est plus la pensée unique mais plutôt la désorientation générale où règne une pluralité des théories dont aucune n'est assez convaincante. Chacun y va de sa petite solution à une situation multidimensionnelle alors qu'on est confronté à notre réelle impuissance et que ce sont les événements qui dictent à nos gouvernements les mesures à prendre - parfois de façon complètement contre-productive comme des mesures de rigueur conduisant à une récession creusant le déficit et exigeant de plus en plus de rigueur ! Il y a à l'évidence besoin d'une alternative mais qui reste introuvable alors même qu'on prétend qu'il y en aurait plusieurs !

Quand ça ne marche pas, il faut trouver incontestablement une alternative mais il n'y a en général qu'une façon de s'en sortir, compte tenu d'un ensemble de contraintes qui peuvent changer au cours du temps (il y a notamment des cycles d'inflation et de désinflation). Le problème, c'est notre difficulté aussi bien à faire le bon diagnostic que de savoir quoi faire dans cette phase de la crise. C'est un problème cognitif, cela n'empêche pas qu'il n'y a sans doute qu'une stratégie qui est la bonne, et qui sera imposée par les faits, même s'il faut éprouver une à une toutes les erreurs possibles avant de les rejeter (ce qu'on appelle procéder par essais-erreurs, un peu à l'aveugle).

Il me semble que, plutôt que de faire preuve de complaisance envers toutes les naïvetés et protestations généreuses sans conséquences, il vaudrait bien mieux faire le tour de toutes les contraintes auxquelles il nous faut faire face, de ce qui est nécessaire et des possibles effectifs qui ne coïncident malheureusement pas. En premier lieu, il y a bien sûr les contraintes écologiques, la nécessité de la reconversion énergétique et de la relocalisation. Il faut s'en persuader, on n'a pas le choix, ce pourquoi j'avais titré un article : "il n'y a pas d'alternative". C'est bien ce mot d'ordre qu'il faut reprendre à notre compte au lieu de glorifier une liberté illusoire. Nous devons absolument changer et cela ne dépend pas de notre bon vouloir, de nos valeurs ou de notre excellence mais de notre simple survie. L'alternative est inévitable et il n'y a pas d'autre alternative, c'est continuer comme avant qui est impossible !

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Un revenu de base compétitif

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L'augmentation du chômage n'est pas dû à notre soudain décrochage du niveau d'excellence qui était le nôtre mais plus prosaïquement aux restrictions budgétaires imposées par une crise financière qui touche tous les pays développés et devrait s'achever (mais quand ?) dans un retour de l'inflation qui rendra plus facile les ajustements des salaires comme la résorption de la dette.

En attendant, on ne peut nier que les Allemands nous soient passés devant ces dernières années, depuis les lois Hartz du chancelier Schröder de triste mémoire. Il faut voir ce que c'est, par un prétendu socialiste pressé de s'en mettre plein les poches ! Le principe dit de responsabilisation, consiste à condamner les plus faibles à une pauvreté effectivement en hausse sensible dans ce pays qui s'enrichit sur leur dos. Cette dénégation des sciences sociales, qui prétend rendre les individus responsables de leur sort et de la situation macroéconomique, a du moins l'avantage de faire des économies sur les droits sociaux et soulager les riches écrasés par les impôts ! En plus de culpabiliser les pauvres, ils n'ont vraiment pas honte de les condamner par dessus le marché aux travaux forcés, au travail gratuit pour mériter leurs maigres allocations, et tout cela, pour leur bien évidemment. Le travail rend libre, on vous le dit, c'est ancré dans les gènes sans doute ! Il y a, en tout cas, de vrais salauds. Comme ce ministre britannique menaçant de couper les vivres aux chômeurs qui ne cherchent pas assez de travail alors que le chômage augmente à cause de sa politique budgétaire et s'il n'y a pas de travail, où voulez vous en chercher ? Quand il s'agit de taper sur les pauvres, ont trouve toujours des arguments moraux (ici aussi, bien sûr, on a des raclures comme le ridicule Wauquiez qui pense qu'on n'a plus les moyens d'assurer une vie décente aux plus pauvres tellement la France s'est appauvrie!).

Ce débat se focalise actuellement sur le gain de compétitivité procuré par la diminution des prestations sociales et des salaires. Si la France, qui a déjà une des meilleures compétitivités, doit encore l'améliorer, c'est surtout par rapport à son principal concurrent de la zone Euro (pas seulement par rapport aux pays à bas salaire), par rapport à son dumping social, et cela, sans pouvoir utiliser la dévaluation, donc. Evidemment, une solution idéale serait de faire preuve de tant de dynamisme et d'innovation qu'on n'ait pas besoin de réduire les coûts mais il ne faut pas trop rêver. On n'est pas les seuls dans la course et, en attendant, la précarité gagne de plus en plus, ça c'est sûr. Que font les pays du sud pour s'aligner ? Ils baissent les salaires, solution intolérable mais qui nous pend au nez. Plutôt que dénier le problème vainement, il vaudrait sans doute mieux en prendre acte et en tirer les conséquences. Or, la seule façon de rendre acceptable ces baisses de salaire, ce serait de les compenser par une allocation universelle. Solution que les syndicalistes ont en horreur mais qui pourrait s'avérer très efficace et jouer un bon tour à nos concurrents principaux s'acharnant sur leurs pauvres.

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Jamais période ne fut aussi révolutionnaire…

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Peut-être devrait-on parler d'évolution plutôt que de révolution tant ce mot est chargé d'illusions mais nous sommes indubitablement, malgré une impression d'immobilisme et de régression, dans une période révolutionnaire de bouleversements accélérés comme il n'y en a peut-être jamais eu dans l'histoire humaine à cette rapidité, avec des risques mais aussi des potentialités inouïes. Pas celles que la plupart de ceux qui se disent révolutionnaires espèrent encore, surévaluant notre pouvoir sur les événements et notamment sur une crise qui n'en finit pas de s'aggraver.

La crise de 1929 n'a pas été aussi fulgurante qu'on l'imagine, les choses n'arrêtaient pas de s'arranger, on voyait le bout du tunnel tout le temps bien que le chômage n'en finissait pas de monter... On a vraiment l'impression de refaire exactement les mêmes erreurs que dans les années 1930, un véritable décalque mené tambour battant. Il semble qu'on n'ait pas le choix et que les événements décident de nous plus que nous ne décidons d'eux. Il faut en prendre la mesure. Par rapport à cette sombre époque, nous avons à faire face en plus au déclin industriel résultant du développement des anciens pays du tiers monde, des nouveaux enjeux écologiques et du déferlement numérique tout aussi planétaire. Tout cela conspire à l'affaiblissement de la politique et du niveau national mais aussi à la mise en concurrence des systèmes sociaux.

Dans ces moments de complète transformation, les tentations de retour en arrière sont aussi compréhensibles que vaines, ne faisant que retarder la prise en compte de ces nouvelles réalités. Ainsi, on peut être sidéré aussi bien de la minimisation de la crise que de l'ignorance par les gauches des nouvelles conditions de production et des nouveaux rapports de force géopolitiques ! Quand on voit l'inadéquation à la fois des politiques suivies par les gouvernements et de ce qu'y opposent ceux qui les contestent, il est clair que la question est d'abord cognitive, témoignant de notre impuissance et d'une désorientation générale. C'est sur ce point qu'il faudrait un progrès décisif, exigé par l'unification du monde déjà effective. On n'y est pas du tout.

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La politique est un théâtre

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Certains ont de la démocratie et de la politique une vision on ne peut plus naïve, comme s'il suffisait de changer de général pour gagner la guerre, de donner un mandat ou un ordre pour qu'il soit exécuté, comme si ce n'était qu'une question de choix rationnel dans un contexte d'information parfaite ou même de simple bonne volonté. Evidemment, les choses doivent leur paraître fort étranges, au point d'imaginer quelque complot ou forces obscures pour expliquer que les gouvernants ne fassent pas ce qu'ils voulaient faire et parlent tous la même langue de bois. Il y a pourtant de bonnes raisons à cette impuissance du pouvoir, qu'il faudrait mieux comprendre et dont l'épisode que nous vivons peut servir de parfaite illustration.

Ce n'est pas seulement que les gouvernements ne font pas ce qu'ils veulent mais ils prennent des décisions absurdes au su et au vu de tout le monde. Ce n'est pourtant pas qu'ils sont complètement idiots. On fait comme si c'était une question de morale ou simplement d'intérêt voire de rapport de force mais c'est plutôt que le champ politique a ses contraintes spécifiques. La notion de discours élaborée par Foucault ou Lacan, implique que, loin de ce qu'on s'imagine, l'on ne peut ni dire ni faire n'importe quoi, il y a des formes et des codes à respecter, un jargon spécial à utiliser, des procédures à suivre, des instances de validation, avant de subir dans l'après-coup l'épreuve du réel, la pression des faits sur lesquels on se cogne.

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De quelques aspects de la situation

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Ce qui caractérise les grandes crises, c'est leur capacité de propagation, leur caractère multifactoriel et générationnel provoquant une complète restructuration en fonction de changements précédents des rapports de force, ce qu'on peut comparer à un tremblement de terre qui enregistre le déplacement des plaques tectoniques ou bien aux vibrations qui vont permettre à des aimants de "s'auto-organiser" entre eux à égale distance. Il faut toujours distinguer l'incident souvent mineur qui peut déclencher un conflit de ses causes profondes, de même qu'il ne faut pas réduire un krach à sa cause factuelle alors que la véritable cause n'est autre que la bulle précédente.

On a malgré tout tendance à se fixer sur l'une ou l'autre cause plus ou moins contingente, quand on n'y voit pas un simple complot, de même qu'on a toujours eu tendance à vouloir minimiser une crise qu'on a cru d'abord de courte durée, puis uniquement bancaire ou financière avant de faire porter le chapeau à l'Euro voire aux politiques d'austérité, pendant que les pays s'enfoncent un à un dans la dépression. Chacun y va de sa petite mesurette sensée nous sortir de cet accident historique et permettre de revenir à l'état antérieur, au business as usual. Sauf que, dès qu'on ne se focalise plus sur l'un ou l'autre aspect de la crise mais qu'on en prend une vue d'ensemble, c'est une série de phénomènes massifs, dont j'ai essayé de faire la liste, qui s'imposent à nous et dessinent un monde futur bien différent de l'ancien.

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La cliodynamique, nouvelle science des cycles

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Un article de Nature sur la cliodynamique qui devait faire partie de la revue des sciences m'a semblé mériter un traitement à part tant la compréhension des cycles dans l'histoire me semble primordiale et ce n'est pas tous les jours qu'on trouve dans Nature l'affirmation que la Révolution, c'est ce qu'il y a de mieux pour obliger les élites à redonner le pouvoir à la majorité, “That's why we are where we are”.

Les cycles donnent lieu à tous les malentendus et suscitent une suspicion généralisée mais cela fait longtemps que j'appelle à une science des cycles on ne peut plus matérialiste, or voilà qu'on commence à y appliquer des méthodes scientifiques. Même si elles sont critiquables, elles vont incontestablement dans la bonne direction et bien qu'on ne puisse prétendre en tirer aucune véritable prédiction, ce n'est pas un détail dans notre situation de prendre conscience de possibles retournements de cycle et il n'est pas indifférent non plus que ces modèles laissent prévoir une montée de la violence jusqu'en 2020, ce que confirment des constatations plus empiriques et spécifiques à notre temps de crise.

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Ne pas surestimer nos moyens

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Passée la période des élections et des espérances révolutionnaires les plus folles, nous voilà revenus au sol et la situation est encore plus catastrophique qu'on ne veut bien le dire. Tout semble perdu sur tous les fronts avec des marges de manoeuvres réduites à la portion congrue. Dream is over. Le plus grave, on ne le répétera jamais assez, ce sont les problèmes écologiques qui s'annoncent de plus en plus insolubles avec le développement des pays les plus peuplés (après Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, qu'on désigne sous le nom de BRICS, voici venir les « Next eleven » dont l'économie décolle : Bangladesh, Égypte, Indonésie, Iran, Corée, Mexique, Nigeria, Pakistan, Philippines, Turquie, Vietnam...) alors qu'on se dirige vers un pic de population où la pression sur les ressources sera à son maximum. Dans l'immédiat, ce sont les problèmes économiques qui sont destinés à s'aggraver durablement en attendant le krach de la dette et le retour de l'inflation. La pression budgétaire se combine à la pression du développement des autres continents pour démanteler les protections sociales et mettre à mal notre "modèle européen".

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