Etat d’urgence

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Certains, comme Agamben, se ridiculisent en assimilant l'état d'urgence sanitaire actuel à l'état d'exception de Carl Schmitt et un déchaînement de l'arbitraire du pouvoir. Sa nécessité est niée pour une pandémie dont la dangerosité ne justifierait pas des mesures si radicales alors qu'elles s'imposent par la rapidité de la contagion et la saturation des hôpitaux qui s'ensuit. On n'est pas loin des théories du complot absurdes pour lesquelles le pouvoir étant l'incarnation du mal, il ne peut rien faire de bon. Il n'y a pas que l'extrême-droite qui délire, au lieu de relever justement la radicalité du moment et l'effraction de l'événement dans notre quotidien.

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Les écologistes ont une obligation de résultats

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Les militants politiques y compris écologistes, restent pris la plupart du temps dans l'imaginaire du XIXè, sans intégrer encore le complet renversement opéré par la question écologique, même par rapport au combat toujours nécessaire contre les injustices - sans parler de l'utopie d'un monde idéal. En effet, l'affaire du siècle n'est plus désormais celle d'un progrès historique futur, mais, qu'on le veuille ou non, l'urgence de limiter la casse devant le désastre annoncé.

Le militant pour la justice ou l'idéal peut bien échouer, sa bonne volonté plaide pour lui, confiant que l'avenir lui donnera raison. Dans ce cadre, se battre pour des causes perdues garde un côté héroïque gratifiant pour notre narcissisme. On peut penser que, même si la révolte est écrasée, le prolétaire y a gagné en dignité, sortant de sa condition d'instrument dans la fraternité exaltante des camarades de lutte.

Pour un écologiste soucieux de l'état de la planète, c'est très différent car il ne suffit pas de vaines rêveries, ni de vivre des bons moments entre nous, il faut empêcher l'irréversible et ce qui est perdu sera perdu pour toujours. Comme lorsqu'on est en guerre, cette contraction du temps, qui rend les toutes prochaines décennies décisives et bouche l'horizon, exige de suspendre nos projets à très long terme et n'a que faire des bonnes intentions, ni même d'une simple obligation de moyens, chacun faisant ce qu'il peut, quand il s'agit de responsabilité collective et qu'on a une obligation de résultats.

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Pause – en attendant les municipales

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Il fut un temps où j'étais à peu près le seul en France à défendre une écologie révolutionnaire, qui me semblait, non sans raisons, la seule façon d'éviter le pire, et ce qui me valait une certaine audience, surtout bien sûr auprès des écologistes radicaux mais pas seulement. Prenant la question très au sérieux tout mon travail depuis aura été de trouver les voies d'une alternative effective mais finira par déboucher sur le constat de l'impossibilité d'une révolution globale dans ce monde marchandisé - et donc constat de mon échec comme celui de toute une génération trop sûre d'elle, qui n'a servi à rien ou presque et n'a pu empêcher le désastre actuel. Il ne suffit pas d'avoir raison pour changer le monde, encore moins pour en faire un monde idéal.

Depuis que je suis devenu plus réaliste devant l'urgence, j'intéresse beaucoup moins, surtout ceux qui n'en veulent rien savoir, se croyant bien plus radicaux que moi, rêvant d'utopies imaginaires et proclamant vainement leur anti-capitalisme à l'époque où le capitalisme achève sa mondialisation sur les ruines du communisme (réellement existant de mon temps). On peut suivre sur mon blog tout mon cheminement critique pour sortir des illusions de l'idéologie et ne plus surestimer nos moyens mais reconnaître les causalités matérielles bien plus puissantes que nous, nous obligeant à des stratégies plus modestes. Il faudrait sans aucun doute sortir du capitalisme mais c'est hors de notre portée avant longtemps, on ne peut y compter pour nous sauver, changer de système de production exigeant beaucoup de temps et se révélant bien plus compliqué qu'on ne le prétend au niveau global.

Il n'y a que deux stratégies possibles :

- Conquérir des majorités le plus vite possible pour un Green New Deal, ce qui implique de suivre les scientifiques et un consensus sur des mesures limitées mais massives et vitales.

- Sur le plus long terme mais à une échelle réduite, s'engager dans des alternatives locales.

Tout le reste est baratin. Pour répondre au réchauffement dans l'urgence, seul la transition énergétique, la reforestation, l'agroécologie et la capture du CO2 peuvent limiter l'aggravation de la situation globale, même si on reste dans une économie capitaliste insoutenable. Pour restaurer les milieux, la biodiversité, le développement humain, sortir du capitalisme salarial (changer le travail, changer de vie), il n'y a pas d'autre voie que le local. D'une certaine façon, on peut dire qu'il n'y a pas d'alternative pour limiter les destructions écologiques de notre mode de production, il faut un agir local associé à une pensée globale. Si on pouvait faire mieux, on le ferait, mais il ne sert à rien de se raconter des histoires.

Mes conditions de vie actuelles ne me permettant plus d'alimenter le blog, j'ai donc regroupé ici les principaux textes sur les alternatives écologistes sans doute encore trop utopiques mais qui, en cette période de municipales, pourront peut-être en inspirer certains localement et en éprouver la faisabilité (certainement difficile) ou en proposer d'autres versions plus praticables (moins ambitieuses).

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Introduction à une philosophie écologique

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Il est sans doute contestable d'appeler philosophie ce qui ne promet aucune sagesse, philosophie sans consolation s'affrontant à une vérité déceptive et qu'on pourrait appeler à meilleur escient une anti-philosophie. Parler de philosophie écologique paraîtra tout autant spécieux par rapport à ce qu'on entend généralement sous ce terme puisqu'à rebours de l'unité supposée du vivant, il sera question ici de ses contradictions et d'un dualisme irréductible, d'une détermination par le milieu, par l'extériorité au lieu du développement d'une intériorité ou d'une essence humaine originaire. La question n'est donc plus celle de notre identité éternelle mais de notre situation concrète, d'une existence située qui précède bien notre essence, ce qu'on est et ce qu'on pense (conformément à l'ethnologie et la sociologie). La difficulté est de reconnaître le primat des causes matérielles en dernière instance (après-coup), opposant le matérialisme notamment économique à l'idéalisme volontariste, cela sans pour autant renier la dimension spirituelle et morale, le monde du langage et des récits, dualisme non seulement de la pensée et de l'étendue, de l'esprit et de la matière, du software et du hardware, mais de l'entropie et du vivant anti-entropique, du monde des finalités s'opposant au monde des causes, division de l'être et du devoir-être sans réconciliation finale. Ce matérialisme (ou plutôt réalisme) dualiste s'ancre à la fois dans l'évolution biologique ou technique et dans une philosophie de l'information et du langage, philosophie actuelle, qu'on peut dire post-structuraliste et reflétant les dernières avancées des sciences et des techniques (informatiques et biologiques) mais aussi la nouvelle importance prise par l'écologie en passe de devenir le nouveau paradigme du XXIème siècle.

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Déconnexion – retour à la nature

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Il y a deux mystères, celui de l'effet extraordinaire des couleurs d'automne, laissant bouche bée, et qu'il n'en reste pratiquement rien dans les photos comme celle-là.

Il est assez clair que nous devenons de plus en plus dépendants de nos outils à mesure qu'ils se perfectionnent. Plus une voiture nous emmène loin, ce qui étend notre autonomie, et plus nous en avons besoin pour revenir, ce qui nous en rend dépendants. C'était déjà le cas de nos premiers abris, du feu, de l'agriculture et de tout progrès devenu irréversible dont il ne sert à rien de dénoncer le revers de la médaille comme on l'a toujours fait. C'est notre destin d'Homo faber, d'espèce technicienne, qui a beau tisser sa toile et construire ses villes, n'affirme pas ainsi sa liberté, ne faisant que suivre l'évolution des techniques, processus cumulatif dont personne ne décide mais l'état des connaissances, et qui modifie les modes de vie selon les époques - pas toujours pour le mieux, c'est le moins qu'on puisse dire, mais pas sans avantages non plus, dont on ne peut plus se passer.

De nos jours, c'est le numérique qui bouleverse toutes nos pratiques, ce dont les beaux esprits s'alarment dans la nostalgie des temps anciens qui n'étaient pourtant pas si brillants, et prônent pompeusement les vertus de la déconnexion comme d'une révélation de la vraie vie perdue (comédie humaine chaque fois recommencée). La déconnexion, la vraie, a bien cependant la vertu de faire sentir concrètement à quel point nous sommes devenus dépendants des réseaux numériques (y compris pour les démarches administratives, factures, compte bancaire, train, etc.), à quel point nos vies ont changé en une dizaine d'année seulement, nous faisant déjà une autre humanité dont une bonne partie de la mémoire a été externalisée et qui est habituée à trouver rapidement les réponses à toutes ses questions comme à rester proches de la famille ou des amis malgré les distances. Il s'agit bien de l'humanité toute entière, équipée si vite partout de smartphones (qui datent de 2007 seulement), jusque dans les pays les plus pauvres, jusque parfois dans la jungle la plus reculée !

Ces réseaux qui nous relient et sont devenus vitaux constituent du coup une nouvelle vulnérabilité face aux tempêtes terrestres comme aux éruptions solaires pouvant nous priver soudain de toute connexion avec l'extérieur ou d'électricité. Ainsi, après un orage assez violent, résidu d'un lointain cyclone (et subissant le peu d'empressement de Free, qui ne semble pas en mesurer l'importance, pour remplacer ma box hors d'usage), j'ai été coupé du monde une dizaine de jours. Occasion rêvée, n'est-il pas, de retrouver l'ancien temps qui n'était pas virtuel, et par dessus le marché, au moment le plus beau de l'automne avec des érables éclatants...

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Il n’y a pas d’espèce humaine

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Homo sapiens, d’origine africaine, aurait quitté le continent et remplacé implacablement tous les humains archaïques qu’il a rencontrés jusqu’à rester le seul représentant du genre. Ce scénario de conquête irrépressible et « sans pitié » a longtemps prévalu : la génétique l’a rendu obsolète. En effet, depuis quelques années, on se rend compte que notre génome comporte des fragments d’ADN appartenant à d’autres espèces du genre Homo, notamment les Néandertaliens et les Dénisoviens, preuve de métissages anciens, d’hybridation entre espèces. (Pour la Science)

Cela fait quelques années à peine que le soupçon est apparu chez les paléo-anthropologues qu'il n'y avait pas d'évolution linéaire de l'humanité, ni une espèce originaire mais une évolution buissonnante. Il n'y a donc pas d'ancêtre primordial, ni d'Eve ni d'Adam, ni une seule espèce humaine qui se séparerait des autres espèces mais la divergence des populations et leur métissage local transmettant des mutations adaptatives ou immunitaires aussi bien que des innovations techniques. Même si, selon la génétique, toute l'humanité descendrait d'une même femme dont l'ADN mitochondriale aurait été conservé depuis 150 000 ans, cela ne signifie pas qu'il n'y aurait qu'une seule lignée mais que des goulots d'étranglement ont réduit la population d'origine, l'unité de l'espèce ne résultant que du "flux de gènes" relativement important entre les populations dont la sélection assurera la convergence en humains modernes, avec une certaine variation régionale.

Les conséquences sur nos représentations habituelles sont considérables puisqu'il n'y a plus une essence originaire de l'espèce humaine aspirant à développer ses potentialités spirituelles - et qui serait en train de les réaliser - pas plus que la baleine prenant le corps d'un poisson ne peut être considérée comme contenue déjà dans l'espèce de chien dont elle descend. Le genre Homo se caractérise non par l'utilisation d'outils mais par son adaptation à l'outil (d'abord la main pour tailler la pierre). On voit que dans un cas comme dans l'autre, c'est l'environnement qui sculpte les corps, et de plus en plus pour nous l'environnement humain et technique, "l'humanisation du monde" imposant donc une certaine convergence évolutive, y compris culturelle, l'agriculture ayant été "inventée" de façon similaire en différents continents.

Tout cela conforte l'hypothèse d'un déterminisme historique qui laisse place à la diversité (des langues et cultures) mais devrait être à peu près identique sur les autres planètes voire dans d'autres univers (éternel retour du même ?). C'est difficile à croire sans doute mais une bonne part de l'évolution, notamment technique et scientifique, ne dépend pas tellement de nous mais suit bien des lois universelles. Du coup, dans cette préhistoire plus que millénaire, il n'y a pas d'événement fondateur de notre humanité mais une évolution qui se continue dans le développement économique, procès sans sujet (qui nous assujettit) avec une pluralité d'innovations techniques ou de stades cognitifs, franchis ici ou là, d'une "métapopulation" assez diverse s'y adaptant ensuite petit à petit par les échanges et la compétition ou la guerre.

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L’avenir écologiste, féministe, psychédélique et libertaire

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Au moment où l'Amazonie est en flamme, et devant les prévisions climatiques catastrophiques ou d'effondrement de la biodiversité alors que, de plus, sur la ruine des idéologies, on assiste à la montée des régimes autoritaires (populistes, illibéraux), il y a vraiment de quoi voir l'avenir tout en noir. Mais on aurait bien tort. D'abord, il apparaît désormais clairement que la forêt amazonienne constitue un élément vital pour l'humanité, un bien commun qui ne peut être détruit au nom d'une prétendue souveraineté nationale, qui s'en trouve ainsi délégitimée et purement limitée à l'usufruit. Après l'accord de Paris, il se confirme que le réchauffement global arrive à réunir une communauté mondiale s'imposant au-dessus des Etats. Il y a encore du chemin (les menaces de guerre sont à la hausse) mais le fait est déjà là et c'est une rupture avec l'ère précédente (des Etats combattants).

Tout n'est pas perdu même si la chaleur devient étouffante et que, pas plus que les générations précédentes ou futures, nous n'éviterons les catastrophes - seulement plus nombreuses sans doute. Le réchauffement va rendre la vie plus difficile, l'urgence est de tout faire pour le réduire, et les risques de guerre sont élevés sur lesquels nous avons peu de prise - mais les guerres ont été constantes dans l'histoire humaine (plus encore que les catastrophes naturelles), nous en avons plutôt été épargnés comme jamais. Enfin, la faillite du marxisme et la décrédibilisation de toutes les utopies font bien actuellement le lit du populisme. La situation est incontestablement dramatique mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras, tout au contraire. Comme dans le passé, ces malheurs n'empêcheront pas de nombreux progrès, au moins technologiques (avec leurs bons et mauvais côtés) mais aussi moraux. Surtout, ces sombres perspectives ne devraient pas nous empêcher de continuer l'émancipation.

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Du souci de soi au souci du monde

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La maîtrise du réchauffement et de notre écologie est l'affaire du siècle, et plus encore des 30 années qui viennent. Vouloir en faire une question individuelle ou morale est absurde quand il est question d'organisation collective et de système de production ou de distribution, donc d'une question à la fois éminemment politique mais planétaire (et non pas nationale) dont l'individu ne décide pas. S'il y a des différences individuelles dans l'évaluation de l'urgence et plus encore dans les réponses qu'on y donne, l'urgence, elle, n'a rien d'individuel ou de subjectif, étant objet de sciences. Nous avons plutôt affaire au choc de deux extériorités matérielles, contradiction entre l'économie et l'écologie dont les réalités massives nous dépassent largement et nous confrontent même au désespérant constat que le nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Plus que jamais nous avons besoin d'une intelligence collective, trop souvent absente hélas, mais qui ne peut être que le fruit de recherches scientifiques, indépendantes des individus, là aussi.

Cependant, même si ces enjeux écologiques ne dépendent pas de l'individu, contrairement à ce qu'on nous serine, on va voir qu'ils en modifient profondément son être-au-monde. C'est un peu comme une guerre mobilisant les jeunes malgré eux le plus souvent mais modifiant soudain l'ambiance générale et forgeant ainsi l'unité d'un peuple (on ne dépasse jamais les divisions intérieures qu'au nom d'une opposition extérieure). La nouvelle figure de l'individu qui émerge paraît en tout cas aussi différente de l'individu religieux que de l'individu libéral car, sans se réclamer d'un fondement dogmatique ni d'un acte de foi, il n'est plus délaissé par l'absence de tout fondement éprouvé depuis la mort de Dieu, et ne se réduit pas non plus au seul fondement moral du rapport aux autres. En effet, la destinée de l'individu est devenue inséparable d'une communauté de destin planétaire qui donne sens à nos vies, lui donne un cadre, qu'on le veuille ou non. Au-delà de l'éthique comme rapport à l'autre, existe aussi le rapport à la totalité, au global et à l'histoire.

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Changement de monde

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   Rien ne sera plus comme avant
Il est devenu quasiment impossible de se projeter dans le monde futur tant il devrait être différent du nôtre, malgré les vaines tentatives d'arrêter le temps. On peut juste lister un certain nombre des bouleversements attendus dans les dizaines d'années qui viennent, bouleversements technologiques, climatiques, géopolitiques. Les incertitudes sont au plus haut, et pas seulement l'ampleur du réchauffement climatique, qui semble avoir été sous-estimé (notamment la fonte du pôle Nord et du permafrost), mais il apparaît que les plus grandes incertitudes sont politiques et géopolitiques aujourd'hui avec une montée des risques de guerre, y compris nucléaire (ou de cyber-guerres), que seuls les risques économiques semblent pouvoir empêcher. L'opposition des mondialistes aux souverainistes prend ici tout son sens.

Si le réchauffement n'est pas maîtrisé d'ici 2050, ce qui est une question (géo)politique plus que technique, les conséquences en seront démesurées même si ce n'est pas la disparition de la civilisation humaine. J'ai toujours combattu les exagérations absurdes mais il est un fait que les nouvelles ne sont pas bonnes et n'incitent certes pas à l'optimisme même si le pire n'est jamais sûr et qu'il y a des améliorations sur certains plans. Ce ne sera donc pas la fin du monde ni de l'humanité mais de toutes façons la fin de notre monde actuel assurément. Nous ne sommes plus dans le temps arrêté d'une fin de l'histoire, d'un dimanche de la vie où l'individu n'aurait plus qu'à s'épanouir et jouir d'un éternel présent, mais pris dans les mouvements de l'histoire qui nous dépassent et menacent de toutes parts. On n'est pas prêts de sortir d'une crise permanente si la crise est le nom d'un réel qui nous échappe et nous déstabilise.

L'inquiétude est d'autant plus justifiée que pour l'instant, nos émissions continuent à monter. Il n'empêche que tout n'est pas désespéré car la première partie du siècle aura été celle de la prise de conscience planétaire nous engageant dans la transition énergétique sinon écologique - même si cet unanimisme affiché n'a pas eu beaucoup d'effets depuis l'accord de Paris de 2015. Il faut se rappeler, en effet, que dans cette première période, des relevés semblaient indiquer un plateau des températures, ce qu'on appelait le "hiatus climatique", qui avait de quoi nourrir les soupçons sur les modèles. Cela avait pu donner un peu plus de crédit aux climato-sceptiques mais n'est plus le cas avec un progrès des mesures et les effets de plus en plus sensibles du réchauffement - sans parler des boucles de rétroaction positives sous-évaluées jusqu'ici et qui menacent d'un emballement (fonte des glaces, bombe méthane). Ce n'est qu'une conséquence du nouveau consensus mondial (qui ne peut être que celui de l'état de la science), si le climato-scepticisme est devenu dés lors un simple marqueur politique (d'extrême-droite ou de connerie), anti-système, anti-science, anti-mondialisme. Sinon, un cap a bien été franchi, dans la conscience au moins, et surtout des jeunes, même si le secrétaire général de l'ONU, avertit que "Nous continuons de perdre la bataille". Du moins, il est clair qu'il s'agit maintenant de passer aux actes.

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L’urgence écologique

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  Adresse à la jeunesse
Devant l'aggravation sensible de la situation et alors même que la nécessité de changer de système se fait de plus en plus pressante, il est devenu impossible, irresponsable, de continuer à défendre une écologie utopique, purement incantatoire, et reprendre les anciens discours écolos ayant fait preuve de leur ineffectivité. Au moment où il nous faut radicaliser les combats écologistes, on se trouve obligés pourtant d'abandonner cet espoir d'un changement de système trop improbable. C'est, sans aucun doute, aller contre la pente naturelle du mouvement et peut paraître bien paradoxal mais quand l'eau prend de toutes parts, il n'est plus temps de se disputer sur la direction à prendre, ce sont les objectifs limités mais très concrets d'un Green New Deal qu'il nous faut adopter. C'est une question vitale et ne pas l'admettre est une négation de la réalité qui ne vaut pas beaucoup mieux que le négationnisme des climatosceptiques.

Ce n'est pas qu'on devrait délaisser les alternatives locales mais il y a deux niveaux différents où la radicalité écologiste peut intervenir, de deux façons bien distinctes. Je défends depuis longtemps le triptyque revenu garanti, monnaies locales et coopérative municipale constituant bien les bases d'un système de production plus écologique et d'une relocalisation de l'économie. Ces mesures sont toujours à encourager au niveau local. C'est fondamental pour construire un nouveau système par le bas mais il ne faut pas se cacher la difficulté et les nombreux échecs passés - même si le municipalisme et la relocalisation semblent bien incontournables pour équilibrer la globalisation. Le problème, c'est qu'en partant de ce niveau local, pour qu'il y ait un effet macroéconomique notable et qu'on puisse parler d'un changement de système, il faudra beaucoup plus que quelques dizaines d'années...

Or, d'une part on assiste à tout le contraire pour l'instant avec le développement des pays les plus peuplés, mais surtout, au niveau global, ce sont bien les 20-30 prochaines années qui sont décisives, ce pourquoi il faut absolument que les jeunes générations se mobilisent. Cependant, le but étant d'arracher des mesures concrètes immédiates, il ne suffira pas de beaux discours, cela exige le plus grand réalisme, certes bien décevant par rapport à ce qu'il faudrait. L'urgence doit même nous amener à nous allier avec ceux qu'on avait combattu hier sous le nom de capitalisme vert, au lieu d'attendre longtemps encore une fin du capitalisme qui ne vient pas. L'écologie n'est pas une idéologie, c'est une obligation matérielle et qui doit se situer dans son milieu réel, pas dans une planète imaginaire. Toute action écologiste se juge au résultat, pas à ses bonnes intentions.

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Le temps de l’après-coup

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Depuis Kant et la Révolution française jusqu'à Hegel et Marx, l'histoire s'est voulue la réalisation des finalités humaines - menant directement au conflit des finalités, des idéologies, des conceptions du monde, des valeurs. L'existentialisme insistera aussi, mais au niveau individuel cette fois, sur la prévalence du futur, du projet, de nos finalités encore. Et certes, malgré le poids du passé, notre monde est bien celui des fins, des possibles, de ce que nous pouvons faire, de nos libertés donc. Nos représentations comme nos émotions sont puissances d'agir, intentionalités tendues vers un objectif, mais ce n'est pas pour autant ce qui suffit à spécifier notre humanité alors que le règne des finalités est celui du vivant et du monde de l'information, au principe de la sélection par le résultat inversant les causes.

Ce qui change tout avec l'humanité, c'est d'en faire un récit constituant un monde commun, en dehors du visible immédiat, et dont nous connaissons la fin : conscience de la mort qu'on tentera sans cesse de renier. C'est de s'inscrire dans un récit commun, dont nous épousons les finalités, que nous pouvons avoir un avenir, une "précompréhension de l'être", de la situation et de nous-mêmes, du rôle que nous y jouons. Ce n'est pas une communion mystique avec l'Être, l'ouverture directe de l'existence à sa vérité alors qu'il n'y a d'être et de vérité que dans le langage (qui peut mentir, faire exister ce qui n'existe pas). Ce qui rend trompeurs les grands récits qui nous rassemblent, c'est de toute façon leur caractère linéaire et simplificateur, où le début annonce déjà la fin qui de plus se terminerait forcément bien, règne de la finalité et des héros de l'intrigue, refoulant les causalités matérielles et l'après-coup qui réécrit sans cesse l'histoire.

La question des finalités reste bien sûr l'affaire constante de la liberté, même dans les tâches utilitaires, mais ces finalités, toujours sociales, se heurtent à un réel extérieur qui ne se plie pas à nos quatre volontés et se moque bien de nous. C'est la première leçon de l'existence, qu'il n'y a pas d'identité de l'être et du devoir-être et qu'il faut constamment s'y confronter. Il y a assurément de nombreuses réussites, des finalités concrètes qui sont atteintes quotidiennement, sans quoi nous ne serions pas là, mais impossible d'ignorer tous les ratés de la vie et la dureté du réel, toutes les illusions perdues et d'abord les illusions politiques, rêves totalitaires qui tournent mal de réalisation de l'idée. En ne se pliant pas à nos finalités, ce qui se manifeste, c'est bien l'étrangeté du monde et la transcendance de l'être, son extériorité. De quoi nous engager non pas à baisser les bras ni à foncer tête baissée à l'échec mais à régler notre action sur cet écart de l'intention et du résultat pour corriger le tir et se rapprocher de l'objectif.

Le matérialisme doit être pris au sérieux contre les utopies, l'idéalisme, le subjectivisme. L'histoire reste une histoire subie car effectivement déterminée en dernière instance, c'est à dire après-coup (post festum dit Marx) par la (re)production matérielle et, donc, d'abord par le progrès technique. Il y a un progrès incontestable, le progrès des connaissances qui ne dépend pas tellement de nous ni de nos finalités puisqu'on ne peut savoir à l'avance ce qu'on n'a pas encore découvert et qui bousculera encore nos anciennes évidences. Par contre, il est clair que nous dépendons complètement de ces avancées et de cette accumulation de savoirs, tout comme du monde extérieur et de notre écologie.

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L’écologie est politique (pas individuelle)

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Il a fallu une révolte populaire pour que les écologistes admettent enfin que les écotaxes sont absurdes appliquées à des personnes qui n'ont aucune autre alternative. L'évidence des écotaxes pour les écologistes était tel jusqu'ici que les critiquer était complètement inaudible, preuve qu'on n'était pas écologiste ! C'est qu'elles ont une véritable utilité appliquées aux entreprises qui peuvent investir dans des économies de consommation et des énergies renouvelables, ce que le système des quotas assurerait mieux cependant avec un prix du carbone plus élevé.

Le problème, c'est que, justement, on ne peut pas trop taxer les entreprises, souvent exonérées au contraire pour ne pas grever leur rentabilité et qu'elles se délocalisent ! La concurrence internationale est l'élément déterminant ici, ce pourquoi l'urgence serait d'avoir un prix du carbone mondial. Croire que la taxation des individus pourrait compenser l'absence d'un tel mécanisme ciblant les plus pollueurs relève de l'aveuglement et finalement d'une conception marchande, libérale et individuelle de la société alors que nos modes de vie sont entièrement déterminés par l'organisation sociale de la production et de la distribution, ce n'est pas une simple taxe qui peut y changer quoi que ce soit, sans aucun bénéfice écologique donc. L'écologie n'a rien d'une question personnelle comme on nous en rebat les oreilles, c'est uniquement une question politique. Certes, une fois le tri des déchets organisé, il faut s'y plier individuellement, mais c'est d'abord une organisation collective.

En fait, non seulement l'écologie ne peut pas être individuelle - ce qui n'a aucun sens, l'individu ne faisant que participer à son milieu - mais, on l'a vu, elle ne peut se réduire au local non plus, même si le local est bien un maillon indispensable dans la diversité des situations et des solutions. L'essentiel de notre avenir se joue désormais en Inde après la Chine et avant l'Afrique (ou le Brésil), c'est à dire le développement des pays les plus peuplés dont les émissions montent en flèche bien qu'étant encore loin des nôtres par habitant. Les petites économies qu'on pourra faire ici seront de peu de poids si ces pays ne se convertissent pas rapidement aux énergies renouvelables au lieu du pétrole et du charbon. Plutôt que se regarder le nombril en voulant être un écologiste irréprochable et culpabiliser les autres, c'est donc bien sur l'action politique et globale qu'il faut se concentrer si on veut avoir une chance de dépasser notre impuissance individuelle. Pour que des mesures écologiques ne soient pas insignifiantes, il faut qu'elles soient absolument massives.

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La stabilisation du climat comme objectif économique

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Il faut revenir sur l'assimilation abusive du caractère effectivement dramatique du réchauffement climatique à la "fin du monde" et la fin de l'humanité, ou même à un effondrement général mal défini. Il est clair qu'on sort ainsi des prévisions scientifiques pourtant déjà assez alarmistes, annonçant bien l'effondrement de nombreux écosystèmes mais pas de tous, et une multiplication des catastrophes, voire une "terre étuve" si on ne fait rien, ce qui est incontestablement très grave mais n'a rien à voir avec une fin de l'humanité.

On peut s'interroger sur le besoin d'en rajouter à ce point comme si seule la montée aux extrêmes pouvait nous toucher. Il n'est pas question de minimiser les risques qui peuvent aller jusqu'à l'empoisonnement de l'atmosphère à très long terme alors que des boucles de rétroaction positives sont enclenchées, notamment la fonte du permafrost. On peut difficilement imaginer pire mais ce n'est pas tout-à-fait la même chose malgré tout que l'événement grandiose d'un effondrement final.

Il faut bien dire que lorsqu'on entend les scientifiques égrener avec prudence les conséquences probables du réchauffement, cela ne nous fait ni chaud ni froid en général (que la mer monte de 7m, qu'importe ?), on n'en est pas ébranlé dans notre être, chacun imaginant comment il pourrait s'en tirer, ce qui n'est plus possible si c'est l'humanité elle-même qui est menacée d'extinction. Il y a cependant un gros problème avec cette présentation. En dehors du fait qu'elle paraît bien absurde alors qu'on n'a jamais été aussi nombreux, elle suppose qu'on pourrait se mobiliser contre cette fin du monde catastrophique pour l'éviter alors que la question est plutôt de stabiliser le climat et d'empêcher la multiplication des catastrophes même si nous ne pourrons les empêcher toutes. Ce n'est pas tout ou rien, ce n'est donc pas la fin du monde qu'on aura évité, et ce sera toujours la fin du monde pour tous ceux qui resteront victimes des catastrophes futures, même à contenir le réchauffement (ce qui n'est pas encore le cas).

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Les prix du pétrole vont flamber

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Selon l'International Energy Agency (IEA) les prix du pétrole devraient repartir nettement à la hausse à partir de 2020 au moins. Bien sûr, les prédictions là-dessus ne sont jamais complètement assurées car cela dépend de nombreux facteurs (politiques, économiques, financiers, techniques) mais c'est tout de même plus que probable pour deux raisons principales : le développement de l'Inde et l'arrêt des prospections depuis la chute des prix.

Il est important de souligner cet état de fait alors qu'une relativement faible augmentation des taxes sur les carburants à provoqué un mouvement général de protestation mais il est tout aussi important de faire le bon diagnostic sur les causes de cette raréfaction à distinguer d'une prétendue fin du pétrole. On a déjà montré comme le thème de l'effondrement était trompeur dans sa supposée instantanéité où la clef de voûte retirée, toute la biosphère s'écroulerait alors qu'on a des situations très diversifiées et des temporalités en jeu souvent considérables. En fait cette conception de l'effondrement global se réfère plutôt aux crises économiques systémiques, dont la soudaineté surprend effectivement, mais aussi à une supposée fin du pétrole qui se traduirait en effondrement économique (alors que celui-ci diminuerait la demande d'énergie). La difficulté, c'est qu'on peut s'attendre malgré tout à un nouveau choc pétrolier même si ce n'est pas la fin du pétrole - de la même façon qu'il y a un choc robotique, pas une fin du travail, et qu'il y a bien un choc climatique même si ce n'est pas la fin du monde.

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C’est la catastrophe qui nous sauvera…

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Une chose me surprend toujours lorsqu'on parle de la catastrophe écologique, c'est qu'on en parle comme d'une apocalypse totale et instantanée, plus proche en cela d'une guerre nucléaire qui d'ailleurs nous menace de plus en plus sauf qu'elle ne sera pas totale. Pour détruire la planète il faudrait vraiment mettre le paquet. Le pire qui pourrait se produire, ce serait un hiver nucléaire de quelques années. Ce serait catastrophique, faisant beaucoup de morts et favorisant les famines et les épidémies, mais pas la fin du monde (accélérant plutôt son unification sans doute?).

De leur côté, les catastrophes écologiques n'auront pas la soudaineté de l'explosion d'une bombe et ne seront pas simultanées sur toute l'étendue de la planète. Des effondrement écologiques locaux risquent bien de se multiplier mais il est délirant de prolonger les courbes à l'infini et s'affoler de la disparition de l'humanité au moment même où elle n'a jamais été aussi nombreuse. Ce qu'on peut craindre de ces catastrophes, c'est là aussi une mortalité accrue temporairement par famines, épidémies ou guerres qui pourront certes diminuer la population mais très loin d'une extinction.

D'autant qu'à mesure que la population diminuerait, son empreinte écologique diminuerait aussi (tout comme la crise a réduit pendant quelques années les émissions mondiales). Parler de fin du monde n'a aucun sens sinon, certes, la fin de notre monde actuel et de sa précieuse biodiversité qu'on ne réussit pas à préserver. Il ne s'agit pas de minimiser la gravité des effondrements écologiques qui se préparent et leur coût humain probable qu'il faudrait éviter à tout prix, mais cela n'empêche pas qu'à l'opposé de ce qu'on dit, les catastrophes ne s'ajoutent pas dans un emballement qui irait jusqu'à nous rayer de la carte. Non seulement les catastrophes attendues sont la plupart du temps progressives mais elles devraient provoquer des réactions de plus en plus fortes empêchant qu'on aille au pire. L'idée répandue que la totalité des catastrophes annoncées se produiraient toutes et en même temps ne tient pas debout, il faudra les affronter une à une.

Le malheur, c'est qu'en dépit de tous les lanceurs d'alerte et des prévisions scientifiques, il semble bien qu'il soit nécessaire qu'une catastrophe se produise pour que les solidarités en sortent renforcées et qu'on mobilise assez de moyens pour empêcher qu'elle se reproduise.

Notre situation est donc bien catastrophique, elle n'est pas complètement désespérée. Sortir de la naïveté du tout ou rien est indispensable pour mieux repérer les menaces réelles et leurs échéances afin de construire des stratégies à long terme capables de s'en prémunir. Il n'y a aucune raison d'être optimiste pour un court terme inquiétant tenté par les régressions écologiques, les pouvoirs autoritaires et les confrontations militaires mais la globalisation climatique et numérique est encore très récente et nous ne sommes pas sans ressources. Malgré les désastres qui se profilent à l'horizon, il faut se persuader que tout n'est pas perdu et que, si nous ne pouvons les empêcher encore, après les catastrophes les beaux jours reviendront, plus déterminés à préserver l'avenir.

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Aux écologistes radicaux

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La situation est grave, cela commence à se savoir. Dans ce contexte, on a sans conteste besoin qu'il y ait de plus en plus d'écologistes radicaux si cela veut dire des écologistes ayant pris la mesure des problèmes et décidés à consacrer leurs forces à essayer de les résoudre. Par contre, on n'a pas du tout besoin de querelles de chapelles sur ce qui serait la véritable écologie surtout si c'est le prétexte à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui agissent. La plupart des écolos qui traitent les autres d'écotartuffes pourraient bien en être accusés à leur tour et mis devant leurs contradictions. Reconnaître la gravité de la situation, c'est aussi reconnaître qu'il n'est plus temps de faire la fine bouche et carrément débile de s'opposer à la transition énergétique en cours (en prétendant "s’extraire de l’imaginaire transitionniste", on croit rêver !). Il faut redescendre sur terre où il ne suffit pas de vouloir sortir de la croissance, du capitalisme, de l'industrie pour que cela change quoique ce soit à ces puissances effectives qui ont conquis désormais toute la planète. C'est dramatique mais on ne change pas si facilement un système de production lié à l'état de la technique et qui se transforme profondément avec le numérique.

Il est de la plus haute importance de prendre conscience de notre impuissance pour la dépasser au lieu de croire pouvoir réussir là où les générations précédentes ont échoué et halluciner une insurrection de toute la société qui nous sauverait in extremis. On n'a plus de temps à perdre avec ces enfantillages car cela ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire mais que nos moyens sont limités et qu'il faut combiner différentes formes d'action, où les écologistes radicaux restent indispensables, que ce soit pour construire des modes de vie plus écologiques ou défendre des territoires, mais à condition de ne pas se retourner contre les autres acteurs qui sont plus décisifs au niveau mondial - même si on n'appartient pas au même monde ! La première exigence est la prise de conscience de l'urgence, faisant des enjeux écologiques une priorité absolue, mais en second, vient la nécessité de prendre la mesure de l'ampleur du problème et de ce qui résiste à nos bonnes intentions. Il ne suffira ni de sortir tous dans la rue, ni d'une décision gouvernementale, encore moins d'une conversion des esprits.

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La température n’arrête pas de monter

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Après les avertissements des scientifiques de plus en plus catastrophistes, les dernières "marches pour le climat" qui ont eu lieu un peu partout dans le monde peuvent être jugés bien trop timides mais pourraient en annoncer d'autres. On n'est pas du tout au niveau des mobilisations sociales (ou des manifestations sportives) alors qu'il faudrait une mobilisation de toute la société mais il y a une chose dont on peut être sûr, ce n'est qu'un début, le combat ne fera que prendre de l'ampleur à mesure que la température va continuer à monter et il faut encourager cet élan citoyen hors parti même s'il est pour l'instant de peu de poids. Il faut parier sur la montée en puissance de la conscience écologique et du soutien populaire qui seront absolument déterminants, même si on ne peut pas attendre une conversion de l'humanité entière à l'écologie.

Cette tendance de fond regardant vers le futur est cependant concurrencée, au moins à court terme, par le réveil des nationalisme, souverainisme, protectionnisme (anti-immigrants), tournés vers le passé et qui pourraient conduire à des catastrophes d'un autre ordre. Ces réactions autoritaires peuvent malgré tout s'appuyer d'une certaine façon sur l'écologie (qu'elles contestent souvent) du fait que l'écologie aussi introduit des limites au libéralisme et défend un certain protectionnisme (plutôt local). Il est significatif de voir dans un rapport de l'ONU que l'enjeu écologique oblige à dépasser l'économie néoclassique et le libéralisme économique, jusqu'à prendre en modèle un régime autoritaire comme la Chine ! La différence avec le populisme tient dans la prétention de rétablir une véritable démocratie et souveraineté, contre le mondialisme y compris celui de l'écologie, le leader élu incarnant une volonté populaire libre de toute contrainte alors que l'écologie et les enjeux planétaires, tout comme l'Etat de Droit, limitent réellement ce pouvoir "populaire" fantasmé qui n'aboutit finalement qu'à la xénophobie et au rejet des migrants.

On peut remarquer comme, du coup, l'idéologie démocratique se trouve en porte-à-faux quand elle critique ces régimes populistes, obligée de reconnaître la globalisation des problèmes et la constitution effective d'une gouvernance globale (objectif de l'ONU et de ses organisations) qui réduisent largement le pouvoir démocratique et contredisent le mythe d'une démocratie fondée sur elle-même, d'un pouvoir qui vient du peuple. Cette idéologie démocratique officielle qui reste fixée sur le niveau national et un imaginaire appartenant à l'histoire n'est plus assez crédible pour s'opposer aux démocratures autoritaires. Pour se mettre à jour d'une démocratie consciente de son intégration dans l'écologie planétaire, ce n'est plus cette volonté générale arbitraire qu'on doit revendiquer comme fondement d'une démocratie qui retrouve sa dimension humaine et locale, celle d'une démocratie de face à face et d'une nécessaire relocalisation qui est loin de la dimension nationale mais où la démocratie réelle, quotidienne, est celle du développement humain et de la préservation de son environnement, non de la souveraineté.

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La plus grande menace sur la vie a l’odeur d’oeufs pourris

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  Ça sent très mauvais !
Lorsque j'étudiais, en 2006 déjà, les risques climatiques majeurs, il y avait deux de ces risques qui semblaient très sous-estimés, la bombe méthane en premier lieu et à plus long terme les émanations mortelles d'hydrogène sulfuré (ou sulfure d'hydrogène, H2S) mais les études qui ont suivi sur les dégagements de méthane étaient pour la plupart rassurantes, restant ainsi dans un scénario plus graduel de réchauffement.

Ce n'est plus le cas désormais, les changements du régime des vents accélérant de façon inquiétante la fonte du pôle Nord, ce qui fait donc craindre des libérations massives de méthane venant du permafrost comme des hydrates de méthane marins. Le catastrophisme scientifique est monté d'un cran.

Bien sûr tout est une question d'échelle de temps mais, du coup, je m'étonne qu'on ne parle pas plus de ce qui représente le véritable risque d'extinction à plus long terme d'une acidification de l'océan menant à des zones mortes sans assez d'oxygène puis au dégagement de ce gaz toxique, l'hydrogène sulfuré, qui répand une odeur d'oeufs pourris sur toute la terre en exterminant plantes et animaux sur son passage.

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De l’humanisme à l’écologie

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La communauté de destin de l'humanité est devenue planétaire et son souci devient celui de son écologie. Dépassant la diversité des populations, des histoires et traditions locales, l'écologie a donc toutes les chances de devenir l'idéologie de l'avenir unifiant l'humanité toute entière, malgré la déroute des écologistes actuels. Encore faut-il savoir de quelle écologie on parle, devant se positionner par rapport à l'humanisme qu'elle remplace, en le réintégrant dans son milieu, tout comme elle remplace la transcendance divine par la transcendance du monde. Ce sont les enjeux idéologiques de notre temps, succédant à celui de l'émancipation que l'écologie prolonge, et dont nous devons débattre.

L'écologie a suscité toutes sortes d'approches contradictoires, des plus mystiques aux plus pragmatiques, avec notamment l'opposition d'une écologie sociale (humaniste) à une écologie profonde (anti-humaniste), illustrée, entre autres, par le débat entre Murray Bookchin et Dave Foreman. On peut considérer cependant les deux positions insuffisantes car, si l'humanisme doit effectivement être dépassé, il est absolument nécessaire de le conserver, de garder le caractère sacré de la vie humaine et revendiquer de ne pas être ramené à l'animal. Même si l'écologie implique évidemment un décentrement de l'humanité, c'est bien l'humanité qui est la cause de la dégradation de la planète et qui doit la prendre en charge.

En fait, on va voir qu'il est contestable de faire de l'humanité, en tant que telle, la cause d'une évolution éco-techno-scientique qui est subie plus que voulue. Plutôt que de faire l'histoire, comme on le prétend, nous sommes plutôt le jouet de puissances matérielles implacables, économiques aussi bien que militaires. Notre préhistoire, tout comme l'hypothèse de possibles civilisations extraterrestres, permet de comprendre comme les stades de notre développement sont contraints et partout à peu près les mêmes, ne dépendant pas de notre espèce qui est plutôt le produit de cette évolution cognitive toujours en cours. Dès lors, dans cette position d'apprenti, le concept d'humanité perd beaucoup de sa substance, n'étant plus l'élément moteur, pris dans le flot de l'histoire planétaire voire cosmique. De ramener l'humanité sur terre n'empêche pas de lui garder toute sa dignité.

L'anti-spécisme a certes bien raison de souligner notre proximité des animaux, notre dépendance de la vie animale et l'importance de la biodiversité. On peut voir un progrès de la civilisation sur la barbarie d'être devenus plus sensibles au sort des animaux et à leur souffrance. Il n'empêche que brouiller la différence ontologique entre l'homme et l'animal relève du paradoxe, menant à toutes sortes de contradictions alors qu'il s'agit de remettre l'homme dans son monde, à la fois un monde fictif, symbolique, culturel, celui des récits et de la parole, qui nous spécifie, en même temps qu'un monde matériel et biologique extérieur et fragile, constituant nos conditions de vie.

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Revue des sciences juillet 2018

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Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

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Ce mois-ci on part dans l'espace même si c'est pour constater qu'on y est bien seul, la position de la Terre étant très privilégiée, protégée des rayons gamma, il faudrait qu'on la protège de nous-mêmes maintenant, ce qu'on commence à faire. Sinon, ce qui m'a le plus intéressé, c'est que la latéralisation du cerveau précède le langage et va de pair avec la prédominance de la main droite dans une communication par gestes qui relève d'une mise en scène. Il faut signaler aussi l'arrivée d'une IA qui débat et peut nous convaincre de changer d'avis ainsi que la supervision d'un robot par la pensée dès qu'on détecte une erreur. Enfin, des commentaires importants reviennent sur les questions du travail, de l'automatisation et des revenus.

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