La transition écologique

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Les risques d'effondrements sont réels et peuvent avoir des allures d'apocalypse, mais ils ne sont ni aussi assurés, ni aussi proches, ni aussi définitifs que nous le présentent les catastrophistes, et surtout on peut en éviter certains une fois bien identifiés. L'exagération est une tendance très répandue, comme on prétend qu'une guerre nucléaire détruirait la planète ! Cela n'empêche pas évidemment qu'il faut absolument éviter une guerre nucléaire, qui serait absolument catastrophique même si elle reste localisée. Vraiment pas la peine d'en rajouter ! Les avertissements des catastrophistes ne doivent pas être pris à la légère, juste avec un peu plus d'exactitude et de souci de mesures efficaces, tenant compte du possible effectif et de nos moyens limités au lieu d'en rester à de vaines protestations. Rien de pire que cette délectation de la fin du monde qu'on entend trop souvent et qui procure l'illusion d'être les derniers hommes, vivant un moment exceptionnel, celui de la fin de tout !

Si l'optimisme n'est pas de mise face à des menaces réelles et des catastrophes que nous ne pourrons pas toutes éviter, l'examen des données actuelles laissent penser qu'on a les moyens de s'en sortir malgré tout, aussi incroyable cela puisse paraître aux yeux des écologistes. Ce n'est certes pas gagné d'avance mais la transition écologique est déjà engagée sur la plupart des points, et ceci sans avoir à sortir de la société de marché, ce qui ne se fera pas de toutes façons au niveau planétaire même si on est persuadé que ce serait nécessaire. Il n'y a rien à changer sur les principes de base de l'écologie et d'une vie la plus écologique possible. Tout ce qui va dans ce sens est à encourager avec l'espoir d'en faire un mouvement de masse, mais les villes ne vont pas retourner à la campagne et il n'y a pas de sortie du capitalisme ni de l'évolution technologique en vue. Après toutes ces années, continuer à y croire serait du pur déni, le capitalisme ne recule pas mais continue à s'étendre. Ce qui est étonnant, c'est que même dans ce contexte qu'on peut dire anti-écologique (productivisme, société de consommation, financiarisation), le minimum qui reste possible pourrait nous permettre malgré tout de passer le cap du pic de population. Ce n'est pas sûr, mais pas impossible non plus - sauf à se croire plus savant que les savants.

L'écologie-politique n'a plus aucune chance à ce jour de changer la société, ce qui n'invalide pas les raisons de défendre une écologie municipale qui finira peut-être par s'imposer, mais comme on en est loin, il faut se convertir en attendant à des actions réalistes et ciblés, en soutenant aussi bien les ONG que les alternatives locales ou les ZAD et leurs expérimentations, cependant, à l'évidence, ce qui reste le plus important matériellement, le plus efficace, ce sont encore les lois et mesures que peuvent prendre des gouvernements et leur ministère de l'écologie. Même insuffisantes, il faut les soutenir au lieu d'affaiblir notre ministère qui fait ce qu'il peut. Un écologiste ne peut être extrémiste, ce qui est gagné est gagné, et pourra être amélioré à l'avenir. Or, ce qu'il faut montrer, c'est que ce n'est pas rien et que ça va dans la bonne direction, même si ce n'était pas la nôtre. Quand on fait un survol des politiques menées, on voit bien que nous sommes déjà rentrés dans la transition écologique sur plusieurs plans, certes à petits pas et avec ce qu'on doit bien appeler une écologie marchande.

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Toujours étranger en terre étrangère

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La fin de l'histoire hégélo-marxiste n'aura pas lieu
L'homme n'est pas chez soi ni dans le monde ni dans l'universel et pas plus dans l'Etat de droit. Bien que notre situation historique soit celle de la conscience de soi de l'humanité nous promettant une fin de l'histoire radieuse, c'est surtout la conscience du négatif de notre industrie et sans que cette conscience de soi globale arrive à une grande effectivité. Cette ineffectivité est notre actualité, dont il faut prendre conscience pour en tenir compte, non pour rêver la supprimer. Les grandes conférences internationales et la prise de conscience climatique ne sont pas rien mais elles rendent manifeste l'insuffisance des mesures prises et les limitations d'un pouvoir politique qui ne va guère au-delà, comme en économie, d'une gouvernance à vue. On est loin d'un Homme créateur du monde à son image, de l'idée qui donne forme à la réalité et commande au réel alors qu'on court plutôt après, en se contentant de colmater les brèches la plupart du temps. Ce dont il faut prendre conscience, c'est qu'il ne saurait en être autrement. L'existence est l'expérience de cette scission de la pensée et de l'être, du vouloir et du possible (du moi et du non-moi).

L'Etat universel en formation changera certainement la donne (après un conflit majeur?) mais il n'aura pas la toute-puissance totalitaire qu'on lui prête, plus proche de la commission européenne sans doute. Comme nous, dans nos vies, comme tout pouvoir, l'Etat universel devra prendre conscience de ses limitations, d'un devoir-être qui se cogne à un réel qui lui résiste, à l'extériorité du monde où le nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Le réel ne disparaît pas dans l'Etat, même s'il n'a plus d'extérieur étatique. S'il y a une compréhension ultime du monde, la vérité de la nature et de l'existence, c'est celle de la contradiction, du conflit et de la division qui règnent sur toutes choses. En reconnaître la nécessité ne peut en annuler la douleur dans une réconciliation finale alors que c'est tout au contraire notre juste révolte contre l'ordre établi qu'il faut affirmer, et aucun amor fati célébrant ce monde inégalitaire, aucune appartenance mystique à l'Être ou béatitude d'une connaissance du troisième genre qui nous ferait prendre le point de vue de Dieu pour justifier l'injustifiable.

Ce n'est pas parce que nous sommes un produit du monde que ce serait pour autant notre monde, ce n'est pas parce que ce serait le meilleur des mondes possibles - car le seul réel - que nous pourrions nous en satisfaire et nous y sentir chez nous. En fait, la contradiction entre ce réel et nos idéaux rend plutôt difficile à comprendre qu'on puisse y être heureux. Certes, la nature est généreuse, nous procurant de quoi nous réjouir de très peu parfois, des bonheurs petits ou grands, en proportion de nos malheurs ordinairement. On peut goûter aussi des jouissances transgressives mais pourtant, dans son fond, l'être parlant, l'homme de culture vit la contradiction de sa nature avec l'universel, c'est une conscience malheureuse et inquiète même si elle connaît des moments intenses de satisfaction et de victoire. Qu'on cherche à dépasser cette contradiction est la prétention de toutes les sagesses, philosophies, mystiques, jusqu'à la promesse de fin de l'histoire de Hegel et Marx, mais la seule sagesse serait au contraire de reconnaître cette contradiction comme irréductible, affirmation d'un matérialisme dialectique et du dualisme matière/esprit ne s'unifiant que dans la pratique.

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L’effondrement à venir

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Objectivement, ce qui devrait le plus nous préoccuper, c'est bien le risque d'effondrement écologique, de préserver nos conditions de vie et les richesses naturelles. Encore faut-il ne pas se tromper d'effondrement, ce qui ne fait qu'encourager la confusion. Il ne suffit pas de faire un concours d'exagérations au prétexte qu'un effondrement doit inévitablement se produire ! Les prophéties de fin du monde pour l'année prochaine à midi sont une vieille histoire.

On doit bien avouer qu'il n'est pas si facile d'évaluer les risques réels et de les hiérarchiser. La méthode scientifique peut seule nous y aider même si elle ne garantit aucune vérité, se contredisant sans cesse. Ce n'est pas en tout cas une question de convictions personnelles. On a besoin de travaux sérieux et de débats scientifiques, sur le modèle du GIEC pour les risques climatiques. Le rapport de Rome sur les limites de la croissance était un pas dans ce sens mais notre situation a beaucoup changé depuis 1972, les risques principaux n'étant plus tant un épuisement des ressources que le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité. Cet effondrement était trop négligé jusqu'ici mais "L'Appel des scientifiques pour le climat" alertant sur l'état catastrophique de la planète, lancé par des écologues et signé par plus de 15.000 scientifiques, met cette fois en avant la perte de la biodiversité et la déforestation en plus de la pollution et du réchauffement.

La prise de conscience de ces risques imminents est d'autant plus importante que nous sommes dans une des phases les plus dangereuses de l'humanité qui continue à croître de façon accélérée (en Afrique surtout maintenant) avant d'atteindre, dans quelques dizaines d'années sans doute, le pic de tout (population, consommation). La démographie pèse effectivement de tout son poids comme ils y insistent, mais bien plus encore le développement des pays les plus peuplés.

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Les causes matérielles : écologie, économie, technique

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Depuis l'enthousiasme suscité par la Révolution Française, la conviction que c'est "l'Homme" qui fait l'histoire est profondément ancrée en nous, il est même très mal vu de prétendre le contraire. Notre destin est du coup l'enjeu de luttes sanglantes entre différentes visions de la société, différentes valeurs, différentes croyances. Si le sort du monde est entre nos mains et que ce ne serait qu'une question de volonté, il n'y a pas à lésiner sur les moyens, en effet. L'expérience est pourtant que ce volontarisme non seulement n'atteint pas son but mais qu'il mène au pire notamment dans la répression de ses oppositions et l'acharnement dans la négation d'un réel qui lui résiste.

La politique constitue une grande part de nos problèmes plus que des solutions qu'elle pourrait apporter. Ce règne du discours et des grandes généralités favorise les surenchères et les promesses intenables. La première chose serait de faire descendre la politique de son piédestal et ne plus idéaliser une démocratie toujours gangrenée par les ambitions, la corruption, la manipulation, l'ignorance ou les passions. La critique de la politique est le préalable pour ne pas trop en attendre et reconnaître que les déterminations ne sont pas idéologiques mais largement matérielles, la part de l'idéologie étant de nous rendre aveugles à ces contraintes, de nous enferrer dans l'erreur en surestimant notre pouvoir et nos moyens de créer un monde à notre image. Car, bien sûr, à l'évidence ce monde est inacceptable, ce n'est pas notre monde, il y a disjonction entre la pensée et l'être, mais si changer le monde serait bien nécessaire, cela ne signifie pas que ce soit possible.

Cette critique de la politique par les écologistes est d'autant plus urgente que nous avons absolument besoin de politiques publiques, mais des politiques réalistes, ayant assez d'humilité pour coller au réel et se remettre en cause. Il faudrait surtout revaloriser l'action locale trop délaissée par rapport aux grandes mesures étatiques et rêves de grands chambardements. L'idéalisme des intellectuels ne nous sera d'aucun secours, leurs appels tonitruants, leurs subtilités argumentatives, leurs déconstructions voulant nous persuader après tant de prophètes que l'impossible devient enfin possible, que ce n'est qu'une question de représentation, d'une vérité alternative. Au lieu de croire à la conversion de l'humanité entière à une autre vie et des valeurs plus hautes (toujours espérée, toujours déçue), ce sont les contraintes matérielles effectives qu'il nous faut prendre en compte ainsi que le peu de moyens que nous avons d'y intervenir. Plutôt qu'une bataille des idées, ce sont nos actions locales qui peuvent convaincre et se multiplier. Tous les extrémistes ne font qu'ajouter à notre impuissance quand on a besoin de militants résolus, pas de donneurs de leçons. Pour l'écologie, ne pas se préoccuper de l'efficacité de nos actions ou la surévaluer, c'est être irresponsable et participer au désastre.

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Le nazi Heidegger, de l’existence à l’Être comme patrie

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La lettre sur l'humanisme (1946)
Revenir sur Heidegger peut paraître excessif à certains - son nazisme le disqualifiant définitivement. Ainsi, pour Emmanuel Faye, il n'y aurait rien à sauver de son oeuvre qui ne relèverait que de l'esbroufe, voire du camouflage, et pas de la philosophie. C'est une double erreur car si son nazisme avait effectivement des fondements philosophiques, ils continuent à travailler notre époque et n'ont pas été assez pris au sérieux. L'influence de Heidegger se fait sentir notamment dans la critique de la technique et une certaine écologie qu'on peut dire religion de la nature. Il y a une véritable nécessité à en déconstruire les présupposés.

Cette entreprise de dénazification met surtout en lumière tous les dangers de se réclamer d'une essence humaine survalorisée dont on pourrait priver les autres, pauvres aliénés. Xénophobie, racisme et sexisme sont l'envers de tous les discours identitaires sous leurs airs les plus avenants. Cela ne les empêche pas de prospérer car ils répondent à une incontestable demande. Ces dangers sont plus globalement ceux de tout idéalisme voulant se persuader d'une détermination du monde par l'idée (métaphysique ou religion), au lieu de nécessités extérieures impérieuses. Du coup, ils ne craignent rien tant qu'un effondrement subjectif et la perte de notre si précieuse essence attachée à l'idéal. Cette construction d'une identité humaine, toujours menacée, a besoin de se fonder sur un récit mythique avec une origine unique, continue et créatrice. A ces mythes primitifs de fondation, célébrant nos ancêtres, il faut opposer notre réalité historique d'une détermination par le milieu qui nous forme et nous change, ballotés par l'histoire, plus que ses acteurs, et dont nous devons encore apprendre de dures leçons.

Cependant, en dépit de cette attaque frontale qui ne se dérobe pas contre des tendances agissant dans la société actuelle, l'autre erreur serait de feindre d'ignorer l'événement qu'a été Être et Temps, ce qu'on a pu y reconnaître de nous-mêmes, devenu inoubliable - tout en refusant l'incroyable glissement qui s'opère à la fin (§74), et plus encore après, de la découverte de l'existence à l'Être comme patrie et plus précisément comme Être allemand - qu'il exaltera jusqu'au bout, où la découverte de notre singularité et notre étrangeté au monde débouche sur l'appartenance à un peuple comme à sa terre et l'adhésion aveugle au parti, nouvel exemple d'une philosophie faite pour refouler la séparation sous une prétendue réconciliation finale qui la suture.

J'ai donc trouvé utile de citer l'extrait de la lettre sur l'humanisme où Heidegger argumente justement ce passage d'une ontologie existentielle - description de notre ouverture au monde qui nous met en cause dans notre être - se tournant ensuite vers l'extériorité de l'Être - comme origine et devenir historique - pour aboutir de façon si décevante à l'identifier à la patrie - qu'il tente certes de dénationaliser mais où se retrouve quand même l'expérience de la guerre à l'origine de sa philosophie de l'existence, et ce qui avait justifié très concrètement son engagement nazi.

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L’écologie dans la globalisation

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Nous ne sommes plus du tout dans la situation des premiers théoriciens écologistes car depuis la situation n'a fait que s'aggraver en même temps que l'écologie politique a perdu tout crédit. Toute la pensée écologiste doit se mettre à jour car nous n'avons plus de temps devant nous et il n'est plus possible de compter sur un changement de système global - qui aurait été si nécessaire pourtant. En rajouter dans le catastrophisme ne change rien, aussi incompréhensible cela puisse nous paraître ! Le pire n'est d'ailleurs pas toujours aussi certain qu'on peut le craindre (il faut se fier pour cela aux études scientifiques). Ce qui est sûr, c'est qu'il y a des enjeux vitaux et qu'ils nous obligent à un constat lucide sur la situation planétaire et, donc aussi, à ne plus surestimer nos moyens d'y apporter des solutions. La naïveté est sur ce point désarmante alors que la politique, hélas, ne fait pas toujours preuve d'intelligence collective, c'est le moins qu'on puisse dire, et constitue plutôt une grande part du problème. Il ne faudrait pas que les écologistes ne fassent qu'en rajouter, et aggraver encore notre impuissance en continuant à rêver vainement d'utopies globales réglant magiquement tous les problèmes, au lieu de prendre la réalité locale à bras le corps.

Il n'est plus un secret pour personne (sauf pour les militants souvent!) que les anciennes idéologies sont bien mortes malgré tous les efforts pour les réanimer. Elles ont fait l'expérience de l'échec du volontarisme à imposer sa conception du monde comme à sortir d'une histoire subie. Beaucoup se refusent encore à accepter que nous ne soyons pas maîtres de notre avenir mais le comprendre nous engage à faire de la prospective plutôt que de construire de nouvelles utopies. L'évolution technologique a balayé le vieux monde et, à l'ère de l'information ou du numérique ou de l'intelligence artificielle, ce qu'il faut penser, c'est une nouvelle écologie politique, mais, on le sait, le frein principal à tout changement de paradigme, c'est une considérable inertie idéologique et sociale dont il faut bien tenir compte et qui affecte tout autant un écologisme qui reste ancré dans la période post-soixantehuitarde, pourtant si différente d'aujourd'hui.

Une des différences principales, c'est ce qu'on appelle la globalisation marchande et qui résulte de la faillite de l'économie collectiviste étatique. La fin des économies fermées ouvre un Nouvel Ordre Mondial de concurrence généralisée et de multinationales, où (comme le disait déjà Marx) "le bon marché des marchandises est la grosse artillerie qui abat toutes les murailles de Chine" - Chine dont la croissance s'emballe depuis qu'elle s'est convertie à une économie capitaliste bien plus productiviste, et qui s'étend aussi aux autres pays les plus peuplés de la planète - à l'exact opposé de ce que préconisaient les écologistes.

Ce n'est pas cependant la seule globalisation, qu'on ne peut réduire au capitalisme qui n'en est qu'un élément. Avec les réseaux numériques et l'intensification, qu'on peut déplorer, des transports intercontinentaux, il faut admettre que l'unification du monde est bien matérielle et que rien ne semble pouvoir l'arrêter, du terrorisme aux épidémies et migrations. Pendant ce temps la température n'arrête pas de monter mais cette globalisation marchande étant aussi la globalisation des risques écologiques et climatiques, elle suscite la constitution d'une conscience globale qui définit l'écologie politique comme responsabilité collective du négatif de notre industrie. Il s'agit bien d'avertir des catastrophes à venir, ce qui est favorisé par les réseaux numériques. Ceux-ci sont un facteur technique déterminant de l'unification planétaire et de la disparition des frontières, empêchant tout retour en arrière. Il ne faut pas prêter pour autant à cette conscience globale émergente le pouvoir de reconfigurer le monde. Cette conscience de soi collective doit aussi être conscience des limites du politique, sinon elle ne sert à rien. Elle peut du moins pousser à prendre les mesures les plus urgentes. A ce niveau les ONG sont précieuses à condition de ne pas trop en attendre. Ce n'est pas de là que viendra une alternative.

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Ce qui donne sens à l’existence

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J'ai déjà essayé de montrer quel était le sens de la vie et de l'évolution, qui est celui d'une diminution croissante de l'entropie, un peu plus que la persistance dans l'être ou une complexification. Il me paraît très utile de le savoir pour comprendre l'histoire et nos sociétés, en premier lieu l'évolution technique comme processus autonome, mais on ne peut dire que ce soit un sens qui nous touche, point de vue qui reste extérieur dans lequel on peut certes s'inscrire, qu'on peut s'approprier, mais qui reste quand même assez abstrait.

Pour l'existentialisme, le sens de la vie nous concerne plus intimement et se confond avec notre projection dans le futur, ce qu'on a à être, ce qu'on veut devenir. C'est ce qui sera, par exemple, le fondement de la critique du travail d'André Gorz pour qui la nécessité de donner sens à son travail passerait par le fait de "voir le bout de ses actes". Cela me semble contestable et surtout trop centré sur l'individu, tout comme l'idéal aristotélicien d'une action qui soit à elle-même sa propre finalité (comme la musique), gommant notamment la dimension de participation à une entreprise collective. Il ne suffit pas de voir le bout de ses actes pour donner sens à son travail de même qu'il ne suffit pas d'augmenter le temps libre pour ne pas s'ennuyer. C'est aller un peu vite en besogne.

Il y a bien dans l'existentialisme une vérité intime, d'être mis en question dans notre être, mais qui nous enferme trop dans notre petite personne et peut mener, comme tout un pan de la philosophie, vers un "développement personnel" si vain. Même les utopies politiques n'ont pas peur de promettre l'épanouissement de l'individu et de ses capacités, dans une conception spinoziste qui correspond sans doute à ce qu'on peut considérer comme la véritable réussite personnelle et va très bien à certains mais ne trouve pas d'écho en moi, ne suffit pas en tout cas à faire sens. Dans une société parfaite, pour quelle raison écrire des poèmes ou philosopher ? La création artistique censée exprimer notre précieuse intériorité ne serait-elle plus qu'un passe-temps sans conséquence ? Ne perd-elle pas tout sens justement ? Le sens ne vient que des actions collectives, de l'histoire et de l'inachevé, d'un enjeu vital pour l'avenir.

Contre un socialisme de caserne effaçant toute individualité, il était salutaire de défendre l'autonomie de l'individu mais ce serait folie inverse de le dépouiller de sa dimension sociale. Comme je le répète souvent, et contrairement à l'idéologie naïve de la liberté, l'autonomie sert à faire le nécessaire, pas à faire n'importe quoi. Le vieil idéal d'être de plus en plus libre est un idéal vide, sans contenu et donc dépourvu de sens. Il faut répondre à la question : que voulez-vous faire de cette liberté ? Que chacun fasse ce qui lui plait ne suffit pas. Le sens ne se décide pas, il n'est sens qu'à s'imposer à nous de l'extérieur, de la société elle-même, sens qu'on n'a pas choisi mais dans lequel on est engagé. Ce qui nous manque pour donner sens à notre vie, notre journée, notre travail, ce n'est aucune condition matérielle mais seulement le sentiment de travailler à une oeuvre commune, d'y avoir une action positive, d'y être reconnu. Dans les pires situations, un résistant pouvait vivre intensément le sens de son combat alors que le confort bourgeois nous laisse dans un ennui profond. On connaît l'histoire du casseur de cailloux qui est heureux parce qu'il construit une cathédrale mais, non, on ne trouvera pas le sens en soi-même. Il n'y a de sens que nécessaire et inscrit dans une finalité collective, un parti-pris manifestant nos appartenances et motivant nos actions.

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Pour une écologie plurielle

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A mesure que les effets négatifs de notre industrie se font plus sentir, les préoccupations écologiques sont devenues incontestablement de plus en plus présentes dans nos sociétés, sans beaucoup de conséquences pourtant en dehors d'une transition énergétique bien engagée - qu'on doit surtout à la baisse des coûts du solaire. Cela a déjà permis une stagnation des émissions de CO2, c'est un début mais, ce qu'il faudrait, c'est les réduire drastiquement !

On est donc bien loin de compte. Les traités internationaux comme les accords de Paris ne doivent pas être sous-estimés ni dénigrés, ce sont des étapes essentielles, même si leur portée est très réduite à court terme. En face, les écologistes qui dénoncent ses insuffisances et alertent sur les dangers courus, ne sont pas pris au sérieux et loin de profiter de la popularisation de leurs thèmes, sont devenus à peu près inexistants, sauf exceptions (il n'est pas si facile d'avoir un rapport de force favorable). Les partis Verts ne sont pas dans un meilleur état que les partis sociaux-démocrates dans le contexte actuel, même si on peut penser qu'ils ont plus d'avenir, mais il faudrait pour cela qu'ils dépassent le carriérisme d'un côté et, de l'autre, le démon de la division groupusculaire qui donne priorité à la lutte entre écologistes sur les menaces vitales. Or, tant qu'on n'a pas prouvé qu'on pouvait faire mieux, ce n'est pas le capitalisme vert qui doit être notre cible, même si on ne peut absolument pas s'en contenter.

Ce n'est pas le moment en tout cas d'abandonner le combat politique et militant mais il faudrait s'entendre au moins sur ce que l'état des lieux a de dramatique, et d'abord sur l'échec collectif, aussi bien des politiques gestionnaires que des courants radicaux à changer la donne. Il n'y a pas lieu d'opposer les uns aux autres quand aucun n'a de résultat probant et que le temps presse. C'est un fait que ce qui est nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Alors que les pays les plus peuplés accèdent au développement capitaliste et que s'accélère la numérisation du monde, il faut bien admettre qu'on ne convertira pas du jour au lendemain la terre entière à une vie plus écologique. On peut tout au plus en donner l'exemple, ici et maintenant, avec des alternatives locales.

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Le réel au-delà de la technique

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On se croit facilement le centre du monde. Ainsi, il est tout aussi naturel de croire que le Soleil tourne autour de la Terre que de croire que ce sont les hommes qui font leur histoire ou que l'économie est déterminée par nos désirs alors que la réalité, c'est que nous sommes les produits de l'évolution (biologique et technique) aussi bien que de notre milieu social, ballotés par les événements et soumis à des puissances matérielles (militaires ou économiques). Nos désirs eux-mêmes sont déterminés socialement comme nos besoins le sont par l'organisation matérielle.

Croire que l'histoire serait voulue la rend incohérente sauf à imaginer un esprit mauvais qui se repaît de nos malheurs. Quand on est jeune on accuse facilement la génération de ses parents d'être responsable de ce monde sans âme et de toutes ses inadmissibles turpitudes. Quand on est plus grand, le bouc émissaire pourra être l'étranger, l'élite ou quelques complots puisqu'il faut un coupable au désastre. Beaucoup vont s'en prendre à des entités plus abstraites comme la technique, le capitalisme ou le néolibéralisme, mais personnalisées, comme si elles avaient des intentions, et conçues comme étant l'émanation d'une volonté perverse, d'une avidité sans limite, dont la domination serait plus totale que dans les régimes autoritaires, arrivant à coloniser les esprits par la publicité ou la propagande des médias. Ces concepts abstraits cherchent encore à désigner des coupables. Il y en a, incontestablement, mais en se focalisant sur les personnes, on ne fait pas que se tromper de cause, c'est le réel lui-même qui disparaît derrière ces accusations ad hominem.

Après s'être laissé aller dans sa jeunesse à ces indignations morales, Marx a voulu ensuite, avec le concept de système de production et d'infrastructure, revenir aux véritables causes matérielles du capitalisme qui s'imposait par sa productivité et "le bon marché des marchandises" (Manifeste). Il ne fait aucun doute que ce n'est plus pour lui le résultat d'un dérèglement individuel ou moral mais un stade nécessaire de notre développement, malgré toutes ses horreurs - qui devait seulement être dépassé par un communisme supposé encore plus efficient et rationnel. Pour Marx, il y avait bien un déterminisme de l'histoire et du système de production par le progrès des techniques, ne laissant guère de place aux acteurs, sinon celle d'accélérer le pas (ou le ralentir) vers un avenir tout tracé, supposé être miraculeusement ce dont on a toujours rêvé puisque la technique nous délivrant de la nécessité ouvrait enfin sur le règne de la liberté ! Comme c'est la lutte des classes qui devait assurer le passage au communisme, aboutissement de la grande industrie, le déterminisme technologique passait cependant au second plan dans l'action politique (mais on n'attendait pas la révolution de pays arriérés comme la Russie ou la Chine).

Jacques Ellul remettra (comme Kostas Axelos) la technique au centre du marxisme, mais cette fois comme système technicien devenu autonome et se retournant contre nous (déshumanisant et limitant notre liberté) - tout en maintenant l'illusion, au nom des sociétés du passé mais en contradiction avec son analyse systémique, que ce ne serait qu'un effet de l'idéologie progressiste, d'un bluff technologique, d'une perte de nos valeurs humaines. Il voudrait donc conjurer le déterminisme technologique par l'idéalisme (écolo ou religieux) ! Pourtant, s'il est vraiment autonome, le système technicien ne dépend plus de nous puisque c'est de son propre mouvement qu'il arraisonne le monde - et c'est bien ce qu'on constate - causalité extérieure à l'homme qui ne fait que courir après, ayant souvent du mal à suivre. Encore faut-il éclairer les raisons matérielles de cette course en avant (guerre, concurrence, profit, rareté) au lieu d'y opposer vainement des valeurs spirituelles et la nostalgie d'une nature perdue.

La dernière façon de réintroduire le désir humain dans l'évolution technique, c'est de considérer toute technique comme ambivalente, ce que Bernard Stiegler appelle des pharmaka, au nom du fait que les instruments techniques ne sont pas biologiquement régulés, étant hors du corps (exosomatiques), pouvant donc servir au bien autant qu'au mal, de remède (néguentropique) comme de poison (entropique). Nous resterions ainsi les acteurs de l'histoire par ses bons côtés (nos rêves) en le payant de ses effets pervers (cauchemardesques) mais en fait, Ellul montre que souvent on ne peut séparer les deux faces de la même pièce et, surtout, on rate ainsi la dynamique propre de l'évolution et sa détermination par le milieu.

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Le moment Gorz

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Le temps passe qui ne laisse aucune pensée indemne. On prétend qu'il n'y a pas de progrès en philosophie car on peut toujours épouser les philosophies les plus anciennes, sauf qu'on ne peut plus adhérer à tout un pan de ces philosophies, simplement ignoré, et l'on peut dire précisément de ceux qui s'en tiennent là qu'ils ne sont pas de leur temps, ratant les enjeux philosophiques du moment - ce qui n'empêche pas qu'on peut trouver dans le passé de précieux enseignements pour l'avenir.

On a du mal à imaginer le monde d'après-guerre où André Gorz à commencé à construire son oeuvre, si éloigné du nôtre puisque c'était le temps du communisme triomphant jusqu'à la révolution culturelle et Mai68. Pour s'y replonger on peut lire l'excellent livre de Willy Gianinazzi, "André Gorz, une vie" qui est bien plus qu'une biographie, retraçant minutieusement les débats politiques des différentes périodes qu'il a traversées, du moins ceux auxquels il a participé - il avait ignoré superbement les situationnistes par exemple (alors que le livre comporte une citation de Vaneigem pour chaque partie!). L'idéologie marxiste avait alors une position hégémonique impensable aujourd'hui. C'est assez sensible dans "Questions de méthode" où Sartre en faisait "l'horizon philosophique indépassable de notre temps", bien que tirant le marxisme du côté de l'humanisme et de la critique de l'aliénation, essayant de réintroduire le rôle de l'individu dans ce que Althusser désignait au contraire comme un processus sans sujet. Cette soumission à l'idéologie dominante a tout de même mené Sartre à faire son autocritique d'écrivain bourgeois quand il écrit sur Flaubert, ou à croire encore dans sa dernière interview qu'après la révolution les rapports humains pourront être transparents enfin !! C'était vraiment une autre époque où tout était idéologisé (art, technique, science, vie quotidienne) et pleine d'utopies dont on peut avoir la nostalgie mais qui étaient très infantiles (religieuses).

Bien qu'étant comme Sartre passé à côté des apports incontournables du structuralisme (succédant à l'existentialisme et minorant effectivement le rôle du sujet), André Gorz a malgré tout su coller aux évolutions en cours aussi bien économiques qu'intellectuelles, jusqu'à la fin de sa vie où, grâce notamment à Jacques Robin, il a reconnu assez vite qu'on avait changé de monde avec notre entrée dans l'ère de l'information et de l'économie immatérielle (objet de son dernier grand livre). Il n'hésitait pas à remanier à chaque fois ses analyses et propositions, ce qui en fait une pensée vivante mais divisée en périodes. La cohérence de son parcours peut être résumée par la tentative d'élaborer un marxisme existentialiste et post-communiste, d'en reformuler les objectifs à partir de l'autonomie de l'individu et de son monde vécu. C'est ainsi par la critique de l'aliénation (de Marcuse à Illich) qu'il abordera l'écologie aussi bien que les transformations du travail, critique qui a été qualifiée "d'artiste" en opposition à la critique sociale et qui est bien peu matérialiste en tout cas au regard du déterminisme économique, mais, en dépit de sa modernité et de son hétérodoxie, il s'est voulu marxiste jusqu'au bout, se passionnant encore, dans les tout derniers mois, pour une "critique de la valeur" si vaine pourtant.

Dix ans après sa mort, la situation économique, politique, technologique a beaucoup évolué encore, la crise attendue n'ayant eu que des effets régressifs, et c'est à la lumière de ces évolutions que je peux faire le bilan de ce qui a été pour moi et quelques autres le moment Gorz, à la fois sa nécessité historique pour nous et son caractère daté. C'est un fait qu'il nous a permis de passer du marxisme à l'écologie, nous servant à défendre une écologie politique radicale. C'est un fait aussi que nous avons échoué, ce dont il faut bien rendre compte. Reste la voie des alternatives locales qu'il a commencé à élaborer et qui pourrait avoir plus d'avenir ?

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L’imposture populiste

Temps de lecture : 21 minutes

Ce qui devrait être le coeur de la philosophie, c'est bien la question politique, de son irrationalité et de son impuissance. La seule question philosophique sérieuse est celle de notre suicide collectif, la philosophie pratique ne pouvant se réduire à l'individuel qui n'est rien sans l'action collective. Ce que les anciens Grecs appelaient sagesse, celle des 7 sages, était une sagesse politique, bien si précieux car si rare au milieu des folies collectives. Platon lui-même n'aura pas brillé par ses tentatives d'occuper le rôle du roi-philosophe. Rien de plus difficile en effet que de faire régner la concorde et la justice quand tout s'y oppose, passions publiques et intérêts privés, mais surtout notre ignorance qui nous fait adhérer aux solutions simplistes de démagogues.

De nos jours, dans le monde des réseaux globalisés et des échanges marchands, c'est-à-dire d'un Etat de droit qui s'impose à nous et qu'on ne peut plus remettre en cause à cette échelle, on peut trouver cela encore plus désespérant car, au-delà du local, la portée de l'action politique s'en trouve extrêmement réduite par rapport aux cités antiques. Un peu comme dans les empires, et contrairement aux discours d'estrade, désormais les institutions démocratiques ne sont plus du tout dans nos pays l'émanation d'un peuple souverain mais s'adressent à la diversité des citoyens dans un ordre mondial établi (défendu par la puissance américaine au nom des droits de l'homme et de la marchandise).

C'est là qu'on aurait bien besoin d'une critique de la raison pratique qui en montre toutes les limites, comme la raison pure a dû admettre les siennes, au lieu de prétendre à un universel sans effectivité. Il s'agit de renverser l'idéalisme du sujet, actif et libre, en matérialisme d'une action dictée par l'extérieur. Alors qu'on s'enorgueillit de toutes parts de cultiver l'idéalisme des valeurs qui nous élèvent et les vertus du volontarisme, qui nous ferait triompher de tous les obstacles sur lesquels nos prédécesseurs s'étaient cassé le nez, il nous faudrait nous résoudre au contraire à un peu plus de modestie et une rationalité limitée confrontée à des forces sociales qui nous sont hostiles et des puissances matérielles qui nous contraignent. Ce n'est pas la radicalité du devoir-être, des bonnes intentions initiales, qu'il nous faudrait renier mais les fantasmes de toute-puissance qui font disparaître la dureté du réel, sa multiplicité et la part du négatif dans une surestimation délirante de nos moyens. Ce délire de présomption si enthousiasmant promet des lendemains qui déchantent et cherchent des boucs émissaires à la trahison d'un si beau projet (on a déjà connu). Au lieu de faire assaut de radicalité, s'enivrer de mots et faire violence à un réel qui nous résiste, il n'y a pas d'autre voie que d'essayer d'identifier les leviers qui nous restent et de guider son action sur ses résultats, on peut même dire sur son peu de résultat, question qui devrait nous préoccuper plus que tout car on ne peut en rester là.

Il ne fait aucun doute que ce monde est insupportable et qu'il faudrait le changer, il n'y a absolument pas coïncidence entre la pensée et l'être mais bien plutôt disjonction entre l'être et le devoir-être. Nous sommes loin de vivre dans le meilleur des mondes qu'on puisse célébrer. Comment ne pas avoir la rage, depuis toujours, contre les conditions qui nous sont faites et l'injustice universelle ? S'y ajoute désormais l'impératif des urgences écologiques qui rendent plus incontournable encore la nécessité de changer de vie. Il faut partir de ce dualisme initial, rencontre d'une pensée immatérielle menacée matériellement par le non-être qu'elle doit surmonter. Il ne suffit pas pour autant de vouloir pour pouvoir. C'est difficile à comprendre, encore plus à admettre, tant les solutions peuvent sembler relever de l'évidence, mais la réalité première que nous devons reconnaître est bien celle de notre échec, de l'impossible sur lequel on se cogne et du peu de portée d'années de militantisme comme des débats théoriques de l'époque. C'est le préalable pour essayer au moins de trouver les voies d'une action plus efficace, que ce ne soit pas un devoir-être pour rire.

La révolte se tourne naturellement vers les théories subversives disponibles qui prétendent offrir un débouché à sa volonté de changer le monde mais elle ne fait le plus souvent ainsi que se nourrir d'illusions. Depuis la fin du communisme, car notre problème est bien l'échec du communisme partout, les aspirations révolutionnaires à l'égalité et la justice, ne trouvant plus d'autres issues, ont dérivé de plus en plus vers l'extrême-droite, de l'islamisme au nationalisme. Au niveau théorique, on a assisté aussi à l'impensable retour d'une sorte de fascisme, sous la forme adoucie du "populisme", auquel Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ont voulu donner une dangereuse caution intellectuelle, organisant la confusion entre gauche et droite, alors que, malgré leurs dénégations, le populisme reste l'appel à un pouvoir autoritaire, volontariste, souverainiste, nationaliste et identitaire.

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Brève histoire de l’homme, produit de la technique

Temps de lecture : 34 minutes

Il ne m'a pas semblé inutile de tenter une brève récapitulation à grands traits de l'histoire humaine d'un point de vue matérialiste, c'est-à-dire non pas tant de l'émergence de l'homme que de ce qui l'a modelé par la pression extérieure et nous a mené jusqu'ici où le règne de l'esprit reste celui de l'information et donc de l'extériorité. S'en tenir aux grandes lignes est certes trop simplificateur mais vaut toujours mieux que les récits mythiques encore plus simplistes qu'on s'en fait. De plus, cela permet de montrer comme on peut s'appuyer sur tout ce qu'on ignore pour réfuter les convictions idéalistes aussi bien que les constructions idéologiques genre "L'origine de la famille, de la propriété et de l'Etat" de Engels, sans aucun rapport avec la réalité.

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Du dualisme à l’écologie

Temps de lecture : 17 minutes

Les questions métaphysiques les plus abstraites peuvent avoir des enjeux politiques décisifs. Une métaphysique critique mettant en cause non pas la réalité du monde mais nos représentations et croyances théologico-politiques, n'est pas un obscur jeu de l'esprit, elle a bien plutôt une visée pratique immédiate dans l'opposition entre idéalisme (de la volonté) et matérialisme (des possibles) qui remet en cause le rôle central supposé de l'Homme dans l'histoire et fait toute la difficulté du passage à la prise en charge de notre écologie.

Pour la plupart des philosophes, la philosophie commence avec Parménide et l'affirmation de l'unité de la pensée et de l'Être, beaucoup prétendent même que toute philosophie est forcément idéaliste - ce que le marxisme avait voulu démentir sans y avoir vraiment réussi (le matérialisme en échec mettant paradoxalement tous ses espoirs dans une hégémonie idéologique voire une révolution culturelle!). On peut malgré tout soutenir aussi bien que toute philosophie est dualiste et part de la discordance de la pensée et de l'Être comme de l'opinion et de la vérité, même si elle prétend la dépasser. Le dualisme peut prendre d'ailleurs de nombreuses formes différentes, que ce soit celui de l'éternité et du devenir chez Platon, du signifiant et du signifié pour le stoïcisme, de la pensée et de l'étendue chez Descartes, de la représentation et de la chose en soi chez Kant ou, encore, de l'infrastructure matérielle et de la superstructure idéologique chez Marx.

Ce qui est vrai, c'est que le dualisme n'est constaté en général que pour le renier et retrouver l'unité perdue (abolition de la lutte des classes dans le commun). Contre toute la tradition idéaliste, voire mystique, il y a nécessité pourtant de comprendre et maintenir le dualisme de l'esprit et du corps, de l'idée et du réel comme du software et du hardware. On peut appeler matérialisme ce qui n'est rien d'autre que la distinction radicale de la pensée et de la matière, extériorité sur laquelle la pensée se cogne, transcendance du monde livré à notre exploration et qui n'est pas négation de la pensée mais son Autre, sans espoir de réconciliation finale.

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La réciprocité contre la République

Temps de lecture : 5 minutes

Refusant la société telle qu'elle est, depuis toujours les utopistes prétendent la reconstruire entièrement sur des principes supposés anthropologiques, nous racontant des robinsonades qui non seulement n'ont aucune chance de se réaliser mais ne font souvent qu'empirer les choses - illustrant encore une fois comme l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Si plus personne ne se réfère à Platon, la constitution d'une nouvelle société croit faussement pouvoir s'appuyer sur Aristote et Rousseau (qui parlent d'une toute autre situation) pour fonder la citoyenneté sur la philia ou le contrat. Y ajouter une idéologie de la réciprocité et du don (se réclamant de Mauss) est incontestablement bien intentionné mais ne fait qu'ajouter à la confusion. En effet, ces fictions volontaristes d'une société qu'on aurait choisi pouvaient avoir un sens dans la fondation de villes ou de colonies grecques mais n'en ont plus dans l'Empire du Droit comme elles n'en avaient déjà plus sous l'Empire d'Alexandre ou des Romains. La citoyenneté est désormais un droit.

La chose est d'importance car ces représentations ne peuvent que renforcer les prétentions à choisir qui est citoyen et rejeter ceux qu'on n'aime pas pour des raisons de race ou de religion, considérés non-réciproques. C'est au moins la justification du repli sur son cercle d'égaux au contraire d'une approche plus impersonnelle (juridique) qui ne choisit pas ses voisins mais prend la population telle qu'elle est (tout comme les dèmes regroupaient les populations par leur localisation et non par familles). Ainsi, les écologistes qui se lancent dans des alternatives sont incontestablement utiles mais se limitent en général à des convaincus, raison pour laquelle sont préférables des alternatives municipales, de la commune, à partir de tous ceux qui l'habitent (hors de la réciprocité).

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La politique et le vivant

Temps de lecture : 20 minutes

Le principal problème politique est la surestimation de nos moyens, surestimation du pouvoir politique dans l'illusion que nous pouvons, car nous le devons, décider du monde, que ce ne serait qu'une question de volonté voire de morale (ou de religion). Il y a des raisons pour cela mais c'est au point que beaucoup de militants se satisfont de leur propre protestation, et qu'on s'imagine que se regrouper à 3 ou 4 pour crier notre indignation pourrait avoir une quelconque portée. On se console que cela ne serve à rien, voire rajoute à notre impuissance, en se disant que nous avons fait notre part, affirmé notre dignité, au lieu de se soucier de (basse) stratégie, de la majorité silencieuse et des puissances matérielles.

Laissons ces belles âmes à leur autosatisfaction n'ayant aucune prise sur la réalité et leur monde éthéré de l'idéologie, même si on peut s'étonner qu'on puisse encore donner crédit à ces conceptions théologico-politiques qui ont montré toute leur inhumanité quand elles ont tenté de se réaliser, confirmation sanglante du siècle passé que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Bien sûr, on ne veut rien savoir de cette vieille maxime, pas plus que des horreurs précédentes qui nous empêchent de continuer à rêver, cherchant quelques arguments pour prouver que tous les échecs passés ne valent pas pour nous et que tant que nous serons vivants, l'utopie ne sera pas morte - nous sommes tellement supérieurs aux générations précédentes !

Ces égarements, que j'ai partagé, sont trop systématiques cependant pour ne pas reposer sur de profondes raisons qu'il faut élucider et qu'on peut attribuer au dualisme du discours (politique) et du réel (économique), du nécessaire et du possible, mais tout autant du local et du global. L'injustice du monde nous est insupportable, l'écart entre ce qui est et ce qui devrait être. Il n'y a pas à renier cette légitime indignation mais il ne faudrait pas se tromper de cause.

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L’Anthropocène nous rend responsables du monde

Temps de lecture : 12 minutes

L'écologie à l'époque de l'Anthropocène
Sur l'échelle des temps géologiques, nous sommes dans la période du quaternaire qui se caractérise dans sa première phase, l'époque du Pléistocène, par le retour des glaciations et l'émergence du genre Homo, il y a 2,5 millions d'années. L'Holocène qui succède au Pléistocène, il y a presque 12 000 ans, est par contre une période interglaciaire et coïncide à peu près avec les tout débuts de l'agriculture.

On voit que les durées ne sont pas du même ordre. Pour déclarer qu'on entre déjà dans une nouvelle époque, celle de l'Anthropocène, il faut que se soit produit depuis un événement majeur. Ce n'est pas seulement l'influence de l'Homme sur le climat, la faune et la flore qui peut être prise en compte, car elle est au moins aussi ancienne que l'Holocène (ce qu'on appelle l'Extinction de l'Holocène) et même bien avant. En effet, même si c'est difficile à croire, partout où l'homme est arrivé en sortant d'Afrique, et malgré des effectifs si restreints, les grands animaux ont tous disparu quelques milliers d'années après, ce qui a notamment modifié les forêts devenues plus impénétrables. On peut même remonter jusqu'à 1 million d'années, au moment où l'homme est devenu carnivore, occupant le sommet de la pyramide alimentaire, ce qui a eu un impact écologique non négligeable. Plus récemment, les feux de brousse ainsi que la culture des sols, en particulier les rizières par leurs émanations de méthane, ont également modifié sensiblement l'écologie et le climat. En accélérant les échanges et l'essaimage des plantes cultivées comme des virus, la domestication du cheval a constitué la première mondialisation que les bateaux hauturiers comme la caravelle vont achever en y incluant les Amériques. C'est de là que daterait pour certains le véritable début de l'Anthropocène (se manifestant aussi bien par la mondialisation des espèces domestiques ou cultivées que par les populations américaines décimées par la grippe laissant les forêts se densifier, ce qui serait une des causes du petit âge glaciaire).

Il ne manque pas d'arguments pour dater plutôt l'Anthropocène des débuts de l'industrialisation vers 1830, au moment où l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère devient mesurable. Paul Crutzen en 2000, premier à défendre avec Eugene Stoermer cette nouvelle époque géologique, la datait alors de 1784 (de l'invention de la machine à vapeur) avant de se rallier à 1945, constituant au moins une deuxième phase de l'Anthropocène, appelée d'ailleurs "la Grande accélération" où les courbes deviennent exponentielles. C'est finalement 1950 qui a été retenu par la commission officielle, moment où l'on trouve la marque de l'industrie humaine partout dans les sédiments (aluminium, béton, plastiques, suie, pesticides, engrais).

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Penser l’émancipation avec et contre Gorz

Temps de lecture : 33 minutes

Amicus Plato, sed magis amica veritas
On voudrait que les intellectuels s'entendent pour nous dire ce qu'il faut penser et faire, ainsi que ce qu'on peut espérer. C'est pourtant bien là-dessus qu'on ne peut s'accorder. Au lieu de le déplorer, il faut en faire le constat fondamental de notre existence, qui lui donne sa dimension de pari et nous fait éprouver la solitude de la pensée dans son errance, alors même qu'il n'y a de pensée que du commun dès lors qu'on est éveillé, comme dit Héraclite, et que toute parole vise l'universel. On se constitue en groupes, en partis, en église pour affirmer une communauté de convictions mais toujours minés par les divisions. Il est naturel de se persuader qu'il suffirait de se mettre autour d'une table pour s'entendre mais on en a assez l'expérience pour savoir que ce n'est pas le cas et que ce n'est pas une question de mauvais caractère ni d'ingratitude ou même de traîtrise si Aristote se sépare de Platon. On organise de grands débats où tous les intervenants disent à peu près la même chose et défendent parfois sans contestation aucune les idées les plus extravagantes tant ce petit monde ne fait qu'essayer de se renforcer dans ses convictions en restant dans l'entre-soi tout en se croyant les sauveurs du monde. La vérité est plus prosaïque de notre rationalité décidément très limitée et de nos différentes conceptions du monde. Gorz s'amusait d'ailleurs de voir comme Alain Caillé arrivait à rassembler pour soutenir un revenu inconditionnel des gens dont aucun ne pensait comme les autres. Il avait aussi particulièrement apprécié dans mon résumé de la phénoménologie (misère de la morale), la partie sur "la république des lettres" (la tromperie mutuelle) où chacun prend les autres pour des imbéciles derrière une reconnaissance de façade. Ce qui nous a réuni est justement de ne pas être seulement des intellectuels mais de se soucier du réel et défendre les mêmes dispositifs. Sinon, malgré une filiation hégélienne et marxienne, nos divergences théoriques, qu'il prenait d'ailleurs assez mal, n'étaient pas négligeables. Cela ne m'empêchait pas de dialoguer avec lui et de rester assez liés pour être convié à ses obsèques confidentielles "dans un de ces lieux perdus au milieu de nulle part, situé en pleine zone industrielle de Rosières-près-Troyes".

Une certaine actualité éditoriale (une rediffusion de 2011 améliorée de là-bas si j'y suis et la traduction d'une interview allemande : "Le fil rouge de l'écologie", sans parler du dernier EcoRev') m'a rappelé tout cela et donné l'envie de revenir sur un certain nombre de nos désaccords de fond, philosophiques plus que politiques.

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Créer un mouvement des alternatifs ?

Temps de lecture : 7 minutes

Le parti écologiste est perdu dans la politique politicienne. Il peut être utile, notamment au niveau européen, en soutenant quelques mesures importantes, mais il donne un spectacle lamentable et il n'y a rien à en attendre, déconsidérant plutôt l'écologie aux yeux de tous - tout autant d'ailleurs que les écologistes extrémistes et moralisateurs dont se moque tout le monde. C'est absolument dramatique alors même que l'urgence écologique se fait plus pressante et que les populations y sont de plus en plus sensibles.

Ce n'est pas le Parti de Gauche qui peut combler ce déficit de l'écologie politique ni représenter une quelconque alternative avec sa planification écologique qui sort d'un autre âge, enfermée dans un étatisme tourné vers le passé et qui n'a de toutes façons aucune chance de prendre le pouvoir - sinon par une alliance contre-nature avec le Front National telle que prônée désormais par Jacques Sapir qui prétend refaire ainsi le Conseil National de la Résistance ! Le souverainisme de gauche comme nouvelle forme de dictature du prolétariat est aussi illusoire que dangereux en ouvrant ainsi la voie au nationalisme et à l'extrême-droite, faisant plutôt obstacle au renouveau d'une gauche radicale tournée vers l'avenir, prenant en compte la révolution numérique et la nécessaire relocalisation aussi bien politique qu'écologique.

L'avenir est du côté des alternatives locales qui émergent un peu partout, même si c'est de façon désordonnée et en faisant preuve souvent de trop d'angélisme. C'est sur cette résistance en acte qu'il faudrait pouvoir s'appuyer pour contrer la droitisation des esprits et l'incroyable retour au mythe d'une identité nationale qui nous rassemblerait tous, riches ou pauvres, jusqu'à prétendre identifier la Nation à la Révolution qui lui a donné naissance, caution de gauche au nationalisme impensable il y a de cela quelques années à peine.

La forme que pourrait prendre un regroupement partant de la base reste problématique. L'exemple de Podemos est caricatural par le pouvoir personnel qui y tient lieu de démocratie radicale. Pour autant, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de constituer à partir des initiatives concrètes une sorte de parti des alternatifs ? Il y a de fortes objections car on ne peut plus ignorer que le champ politique a ses contraintes et fonctionnements propres qu'on ne peut pas si facilement subvertir. Il vaut mieux en être conscient pour en tenir compte au lieu de s'assurer de ses bonnes intentions et qu'on ne s'y laissera pas prendre. Il y a donc bien des inconvénients à s'occuper de politique ("si tu fais de la politique la politique te fait") mais peut-on s'en passer ? peut-on déserter la place quand la menace se fait plus pressante ?

On peut émettre des doutes légitimes sur le fait que ce soit faisable, tant chaque expérience locale est unique, avec des niveaux de radicalité très variables, mais l'intérêt d'un tel regroupement ne serait pas mince, permettant de donner une portée globale aux alternatives locales, donner visibilité et cohérence à ces expérimentations méprisées par la politique nationale (y compris des Verts) alors que c'est là, en se frottant à la réalité, que se construit le nouveau monde, notamment avec des monnaies locales et les institutions locales du développement humain, du travail autonome et des échanges de proximité (sous forme, par exemple, de coopératives municipales ou coopératives intégrales).

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L’impossible responsabilité du climat

Temps de lecture : 10 minutes

climatComme on le soutenait à l'époque (ce n'est pas l'énergie qui manque) contre ceux qui annonçaient une fin du pétrole imminente (et continuent à y croire!!), la question n’est certes pas du pic pétrolier sans cesse repoussé puisque, tout au contraire, il faudrait garder dans le sol un tiers des réserves pétrolières, la moitié du gaz naturel et 80% du charbon qui s’y trouvent ! Ce serait absolument vital mais paraît pourtant complètement irréaliste. On ne peut pas compter, en tout cas, sur un manque de carburant qui nous ferait entrer dans un monde à la Mad Max, ni se reposer sur cette "apocalypse pétrole" pour des "villes en transition" - car pendant ce temps là les émissions de gaz à effet de serre n'arrêtent pas de monter. Dans l'état actuel du monde, la seule façon de limiter l'extraction des énergies fossiles et nos émissions, semble bien d'accélérer le développement des énergies renouvelables qui atteignent leur maturité et deviennent enfin compétitives (notamment le solaire) aussi bien par rapport au pétrole qu'avec le nucléaire, donnant accès à une énergie gratuite et décentralisée. Il faut s'engager également dans la capture du CO2, l'isolation des bâtiments ainsi que la sauvegarde ou l'extension des forêts voire la réduction de l'élevage et de la consommation de viande, mais se concentrer sur cet objectif à notre portée de reconversion énergétique devrait être notre priorité, avec la plus grande capacité de rassemblement (suffisante?).

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Ecologie, intermittents et travail immatériel

Temps de lecture : 7 minutes

Interview par Ingrid Merckx pour Politis
politis

Quels rapports voyez-vous entre les revendications des intermittents et l'écologie politique ?

La connexion avec les "intermittents" se situe à plusieurs niveaux : 1) La sortie du productivisme capitaliste, c'est-à-dire du salariat, au profit du travail autonome, d'un travail choisi plus épanouissant mais moins productif - ce qui nécessite revenu garanti et coopératives municipales, institutions locales du travail autonome et du développement humain qui sont la base d'un nouveau système de production non productiviste et plus adapté aux nouvelles forces productives. 2) En effet, le passage de l'ère de l'énergie (industrielle) à l'ère de l'information (post-industrielle) fait passer de la force de travail, dont la production est proportion du temps passé (ou temps machine), au travail immatériel dont la productivité est non linéaire, non mesurable par le temps comme Marx le pressentait dans ses Grundisse, se rapprochant du travail artistique et créatif, travail par objectif beaucoup plus précaire et aléatoire que le salariat industriel.

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