L'idée d'un revenu de base ou universel est incontestablement à la mode, pas seulement dans les milieux branchés de la silicon valley. En dehors des Verts et autres groupuscules, ici, c'est d'abord la droite qui s'en est emparée, notamment avec Dominique Villepin et son revenu citoyen de 850€. Désormais ce sont des socialistes qui en font un enjeu central de leur campagne, façon sans doute de se prétendre radical à bon compte car il faut voir ce que cela recouvre au-delà de la communication politique.
On peut remarquer comme, à chaque fois, la mesure semble improvisée, comme si on n'y avait pas pensé avant. Ainsi, Pour Manuel Valls, on est déjà passé du "revenu universel garanti" à un "minimum décent" pour ce qui n'est pourtant guère plus qu'une fusion de différents minima sociaux. On ne sait quel crédit on peut donner à l'affirmation que "ce minimum décent peut aller jusqu'à 800-850 euros (...) pour une personne seule en fonction des ressources, avec toujours le lien sur l'insertion, sur la formation". Le montant fait simplement référence sans doute au maximum de l'allocation aux adultes handicapés, ne signifiant pas que tous en profiteraient également car on n'est plus dans un revenu universel et inconditionnel, s'éloignant du revenu de base qui avait servi simplement d'amorce. Si cela ne va pas beaucoup plus loin qu'un rhabillement du système actuel et une simplification des procédures, un lien est gardé avec le travail bien que sous une forme dont on n'a pas de raison de penser que ce sera plus efficace que depuis la mise en place du RMI. J'insiste sur le fait que ce lien reste indispensable à un système viable et soutenable même s'il faut, en même temps, refuser tout travail forcé et permettre d'accéder au travail choisi.
Benoît Hamon est plus fidèle à la logique d'un "revenu universel d’existence" sauf que, du coup, son montant mensuel devra "dans un premier temps" être équivalent à celui du RSA (524€), avant de passer à 750€, une fois le processus lancé et expérimenté... On voit qu'il ne faut pas en attendre grand chose, "dans un premier temps" au moins. Personne ne prétendra qu'on peut vivre avec un RSA, que ce serait un revenu de liberté s'il n'est pas complété par un revenu d'activité. Le montant de 750€ correspond au montant que nous avions évalué comme minimal pour survivre, à la commission des Verts sur le revenu. L'objectif n'est donc pas critiquable mais sa réalisation douteuse ainsi que son financement si on ne se préoccupe pas de donner les moyens à chacun de valoriser ses compétences mais qu'on en fait une dépense nette. La question du revenu ne peut être détachée de la question du travail et de ses transformations actuelles, de l'environnement productif. Qu'une garantie de revenu soit un découplage du revenu et de la production immédiate n'empêche pas son lien global à la production, qu'il faut organiser.
Depuis Mai68, l'idéal d'une démocratie radicale (celle des assemblées générales) paraissait de l'ordre de l'évidence bien que sans arrêt confrontés à son échec et à toutes les perversions d'un démocratisme dont les Verts m'ont semblé un exemple caricatural (il y en a bien d'autres évidemment). Les réseaux sociaux ont redonné force à cette utopie vite déçue. Malgré ces échecs répétés, impossible d'abandonner l'exigence démocratique, mais il serait idiot, vu le résultat, d'en surestimer la réalité et les vertus, obligés de prendre conscience de la difficulté au moins.
À en croire certains, la crise d'identité serait le nouveau mal du siècle. Quand des habitudes séculaires s'effondrent, quand des genre de vie disparaissent, quand de vieilles solidarités s'effritent, il est, certes, fréquent qu'une crise d'identité se produise. Malheureusement, les personnages qu'inventent les médias pour convaincre du phénomène et souligner son aspect dramatique ont plutôt, de façon congénitale, la cervelle vide; leur identité souffrante apparaît comme un alibi commode pour nous masquer, et masquer à leur créateur, une nullité pure et simple. La vérité est que, réduite à ses aspects subjectifs, une crise d'identité n'offre pas d'intérêt intrinsèque. Mieux vaudrait regarder en face les conditions objectives dont elle est le symptôme et qu'elle reflète. On l'évite en évoquant des fantômes sortis tout droit d'une psychologie à bon marché.p9
Comme pour ajouter aux malheurs du temps, il n'a rien été trouvé de mieux que d'appeler radicalisation ce qui n'est que fanatisme suicidaire et basculement dans la violence la plus stupide. Il n'y a pourtant aucune radicalisation dans ce pétage de plomb. Ainsi, les crétins d'Action Directe qui se prenaient pour les héros du prolétariat n'étaient rien d'autre que des petits cons qui jouaient à la guerre subversive. Ils n'ont servi à rien qu'à renforcer l'ordre policier et nuire aux luttes sociales complètement étrangères à leur délire. Les nouveaux théoriciens d'une violence libératrice (d'une violence voyez-vous qui serait anti-autoritaire!) peuvent bien parler d'un
Sur
Marx est incontestablement l'un des philosophes les plus importants, ayant eu des effets considérables dans le réel jusqu'en Chine qu'il contribuera à occidentaliser. Il y a eu un nombre incalculable de travaux intellectuels se réclamant de lui et qui ont été un peu vite rejetés aux poubelles de l'histoire. On a là encore une fois une philosophie qui se veut scientifique, rationalisme triomphant qui se heurtera là aussi aux limites de notre rationalité comme aux démentis du réels. L'échec historique du marxisme oblige à revenir sur son erreur de fond mais ne signifie pas pour autant qu'on pourrait se passer de Marx désormais, en particulier de l'analyse magistrale qu'il a faite du capitalisme industriel et plus encore du matérialisme historique dont il a posé les bases, théorie scientifique de l'histoire qui est à reprendre.

Il y a des gens qui sont contents de faire de la philosophie et contents d'eux. Ce n'est pas mon cas. Ils prétendent arriver ainsi à la vérité et au Bien suprême. Il ne faut douter de rien ! Ma propre expérience est plutôt celle de la déception permanente et de la désillusion, si ce n'est de la rage. On sait pourtant bien qu'il n'y a que la vérité qui blesse, comment pourrions nous trouver une
La politique est décidément bien décevante, chose acquise à peu près pour tout le monde aujourd'hui - surtout depuis la crise financière et les révolutions arabes - sauf qu'on s'obstine à mettre encore notre impuissance collective entièrement sur le compte de notre défaitisme et notre passivité, alors que notre activisme pourrait y participer tout autant à se tromper de cible et se croire obligé de répéter comme un mantra, d'échecs en échecs, qu'il faudrait rester utopistes car ce serait sinon accepter les injustices du monde ! On peut dire que c'est le privilège de l'âge, après des années de militantisme, de constater à quel point c'était une impasse et n'a servi à rien ou presque, mais cela ne date pas d'hier. Il ne s'agit pas de s'en accommoder mais d'essayer de comprendre pourquoi au lieu de le dénier bêtement en s'imaginant avoir trouvé cette fois la bonne martingale qui grâce aux réseaux sociaux, à notre excellence ou quelque autre merveille assurera le triomphe de ce qui a toujours échoué jusque là... Le premier obstacle est bien là, en effet, dans cette loi du coeur, simple refus du réel comme de reconnaître l'étendue de notre impuissance que personne pourtant ne peut plus feindre d'ignorer, et préférer croire aux miracles, toujours prêts à suivre les marchands de rêves. A n'en pas douter, se focaliser sur les problèmes concrets (reconversion énergétique, relocalisation, inégalités, précarité) donnerait une bien meilleure chance de les régler mais on préfère rehausser notre image avec des ambitions plus élevées et la dévotion à quelques grands idéaux ou la nostalgie d'une société fusionnelle, perdus dans une religiosité, mêlant l'abstraction et l'affectif, dont c'est la réalité qui fait les frais.