Dernières nouvelles de notre préhistoire

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Il faut toujours prendre les dernières découvertes scientifiques avec des pincettes, surtout quand elles contredisent ce qu'on croyait bien établi avant mais, comme je le répète souvent, il n'y a rien qui change plus que notre passé, la préhistoire étant basée sur un nombre de faits assez réduit (contrairement à la physique par exemple, beaucoup plus difficile à prendre en défaut). Ainsi, après la tendance ces dernières années à repousser toujours plus nos origines (notamment l'Homo sapiens à 300 000 ans), deux études les rapprochent radicalement au contraire, bien que sur des temporalités différentes.

La première, étudiant les crânes des premiers Homo (Habilis, etc) depuis 2,6 millions d'années, montre qu'ils restaient très proches de ceux des singes jusqu'à l'Homo erectus à partir de 1,7 millions d'années, ce qui n'est pas si nouveau mais permet maintenant d'établir que les premières migrations hors d'Afrique, qui remonteraient à plus de 2 millions d'années, ont précédé le développement du cerveau. Comme l'utilisation des premiers outils et la bipédie commencent avec les Australopithèques, ce qui particularise les tout premiers Homo, s'adaptant à un changement climatique majeur, serait plutôt, non seulement une bipédie plus exclusive et le recours plus systématique aux pierres taillées mais surtout la construction d'abris de fortune et le début de l'acquisition de l'aptitude à la course (avec sans doute une perte des poils favorisant la sudation ? La plus grande indépendance des forêts que cela donnait, bien qu'ils étaient encore en partie arboricoles, pourrait suffire alors à expliquer leur extension à l'Europe et l'Asie ?). Ils étaient aussi devenu omnivores, commençant à manger de la viande (en charognards) sans être encore vraiment carnivores, alors que les australopithèques étaient presque exclusivement végétariens.

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L’utopie rationaliste à l’ère du numérique

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L'ère du numérique et des réseaux planétaires, donnant un accès immédiat à toutes les connaissances, nous a fait entrer dans un nouvel âge des savoirs qui, étonnamment, sonne le glas de l'utopie rationaliste républicaine, c'est-à-dire de l'émancipation par l'éducation. Ce n'est pas bien sûr la raison elle-même qu'il faudrait mettre en cause pour revenir à l'irrationnel, aux mythes, au mysticisme, à la loi du coeur ou l'intuition. Ce n'est pas non plus la rationalité instrumentale tant critiquée pour sa froideur bureaucratique qui est en question. Tout au contraire, ce que révèle notre actualité, c'est bien plutôt comme notre folie s'oppose à la raison dans une histoire qui n'est pas la paisible accumulation progressive de connaissances mais un champ de bataille où s'affrontent des illusions contraires, dialectique bien présente qu'un progressisme naïf voudrait oublier.

Ce travail du négatif avec son lot d'hostilités et d'errance fait dire à Hegel que "Le vrai est ainsi le délire bachique dont il n’y a aucun membre qui ne soit ivre" (Phénoménologie p40). S'il y a bien malgré tout progrès de la raison dans l'histoire, c'est seulement après-coup, car, comme le dit à peu près Valéry, si le monde ne vaut (et n'évolue) que par les extrêmes (les extrémistes), il ne dure que par les moyens et les modérés, ce dont les écologistes notamment devraient prendre de la graine.

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Rater sa vie

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Qui ne voudrait réussir sa vie ? C'est l'injonction répétée partout, des parents à la publicité. Les bibliothèques sont pleines d'ouvrages et de conseils pour y parvenir. Et pourtant, cela fait partie des fausses évidences qui n'ont aucun sens (tout comme la recherche du bonheur) ou bien dont le sens est d'une indigence extrême, que ce soit le conformisme social de la reproduction familiale, de la réussite financière ou professionnelle, voire d'une petite célébrité ou d'une position dominante tout aussi éphémères. On a beau se rengorger de ces futilités et d'avoir effectivement réussi quelque chose, comme dit Pascal : "le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais".

Que serait effectivement une vie réussie comme si elle avait atteint sa destination, achevé sa mission ? Il ne suffit pas de rester dans les mémoires, d'être encensé par ses proches ni de susciter des regrets éternels. Même si quelqu'un universellement célèbre comme Jean-Paul Sartre semble bien pouvoir légitimement juger dans son dernier interview avoir réussi sa vie, cela n'a pas empêché que j'en avais pourtant éprouvé un malaise. N'avait-il pas, en effet, raté l'essentiel de ce qu'il poursuivait, cette utopie communiste supposée nous rendre transparents les uns aux autres et qui l'avait mené tant de fois à se tromper avec toute sa bonne conscience (au lieu d'avoir raison avec Aron). Simone de Beauvoir a été plus authentique dans l'aveu final de "La force des choses" mesurant avec stupeur à quel point elle avait été flouée par une histoire suivant une toute autre voie que celle espérée après la libération et la décolonisation, sans parler du communisme réellement existant qui finira par s'écrouler.

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Le point sur la dépression, causes et remèdes

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L'épidémie de dépressions, depuis le confinement et les mesures de distanciation sociale, manifeste à quel point nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes et qu'on est loin de pouvoir se satisfaire de "demeurer en repos, dans une chambre" ni du simple plaisir d'exister. Notre état naturel serait plutôt dépressif et d'un terrible ennui si la vie sociale ne nous divertissait pas de nous-même - ce qu'on peut mettre sur le compte de notre nature d'animal grégaire ou celui d'être parlant. En tout cas, comme on le verra, Alain considérait avec raison que le meilleur traitement des humeurs dépressives serait de parler à d'autres que nos proches, nous sortant de notre enfermement intérieur et de notre complaisance avec notre malheur, ce qui ne veut pas dire que cela suffirait à soigner les dépressions mais expliquerait que, pour la plupart (pas tous), les états dépressifs sont certainement aggravés dans l'isolement.

Cette actualité de la dépression justifie de tenter de faire le point sur cette maladie, une des plus douloureuses et courantes, d'autant plus qu'elle reste, en dépit de progrès récents, relativement incomprise et mal soignée, mais aussi qu'elle reste largement déniée et considérée même comme une maladie honteuse. C'est pourtant une maladie non seulement très répandue mais qui est partie intégrante de la condition humaine et remarquable à combiner les dimensions biologiques, psychologiques, sociales, la façon dont l'état du corps est interprété par les discours, les histoires qu'on se raconte et les représentations sociales.

Ainsi, un peu comme dans l'amour (dont il serait l'envers), où l'instinct sexuel nourrit les idéalisations de la personne aimée, de même le malaise du corps (l'écoeurement digestif par exemple) trouve facilement des raisons à son angoisse et l'écoeurement du monde (il faut voir comme la dépression raisonne d'une raison raisonnante!). Il y a bien à la fois un fondement biologique à la dépression et de bonnes raisons d'être déprimé. L'étonnement serait dès lors qu'on ne soit pas tous dépressifs si la sélection naturelle n'avait été contrainte de s'y opposer, fournissant ordinairement sa dose d'antidépresseurs pour nous faire voir la vie en rose, la dépression étant l'échec de nos antidépresseurs naturels faits pour refouler nos échecs et nos blessures.

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Intégration mobile-PC-TV

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Cela fait longtemps qu'on annonçait - notamment dans ma revue des sciences - l'intégration incontournable des différents dispositifs numériques, mais cela n'avait pas beaucoup avancé jusqu'ici et ce n'est que très récemment que j'en ai moi-même éprouvé la nécessité au point de changer de distribution linux (de linux Mint à Kde et Neon), juste pour utiliser Kdeconnect qui intègre bien le mobile au portable - ce que j'ai trouvé effectivement très pratique. Même si cela ne marche pas toujours parfaitement, voilà de quoi compléter l'utilisation de Chromium, Mkchromecast ou Vlc permettant de passer sur la télé le son ou l'image (cast de l'écran ou de la fenêtre), tout comme on peut le faire à partir du mobile.

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De l’autonomie à l’écologie

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L'idéal d'autonomie, qui domine le champ intellectuel et politique depuis si longtemps, avait été mis par Castoriadis à la base de sa philosophie qui a toujours des partisans et revient dans l'actualité avec la publication de morceaux choisis sous le nom "Écologie et politique".

C'est l'occasion de reprendre la critique des fondements et de l'inconsistance, au regard d'une philosophie écologique, de philosophies de l'autonomie qui nous avaient tant séduits (chez Castoriadis comme chez Gorz, entre autres) mais qu'on retrouve paradoxalement de nos jours aussi bien dans le développement personnel ou le management que dans les idéologies révolutionnaires mais aussi sous des formes fascisantes, souverainistes, populistes, nationalistes et xénophobes, ce qu'on ne peut continuer à ignorer. De même, la prétendue "institution imaginaire de la société", qui fait de Castoriadis un peu l'héritier de Georges Sorel et du mythe de la grève générale, pourrait être tout autant récupérée par l'extrême-droite et ceci pour la forte raison que remplacer la nécessité matérielle par un conflit de valeurs arbitraires mène à la violence totalitaire, comme on a pu le montrer avec l'interprétation du marxisme par Gentile, le philosophe du fascisme.

Il y a un besoin indiscutable d'autonomie, qui est effectivement vitale comme on le verra, mais à l'idéalisme subjectiviste et moraliste au fondement des idéologies progressistes aussi bien qu'identitaires, on doit opposer le matérialisme écologique, la prévalence de l'extériorité et donc de l'hétéronomie dont il est illusoire de pouvoir se délivrer quand ceux qui le prétendent ne font que se ranger sous une autre pensée héritée, qui va de la tradition révolutionnaire au complotisme et l'antisémitisme. Il se trouve qu'en 1983 un petit livre reprenait une conférence de Castoriadis et Cohn-Bendit sous le nom "De l'écologie à l'autonomie" alors qu'il s'agira ici, tout au contraire, de passer de l'autonomie à l'écologie.

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Le virus numérique et les guerres futures

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Parmi les nouvelles récentes de 2020, il en est une qui a été absorbée dans le flux des informations quotidiennes, concernant un autre virus, numérique cette fois, qui pourrait pourtant faire date, préfigurant sans doute les guerres futures et le bouleversement radical des stratégies militaires à l'ère du numérique. C'était bien sûr annoncé depuis longtemps mais restait très théorique jusqu'ici, jusqu'à la découverte donc de ce cyberpiratage de grande ampleur (certes on commence à être habitué) qui cette fois avait pu toucher jusqu'à l'armée américaine et même des sites nucléaires (ce qui est moins anodin).

En fait, les dommages sont difficiles à évaluer et semblent minimes à ce stade, peut-être même inexistants. La seule chose qui semble bien établie, c'est que le virus, qui utilise des fonctions très communes, donnerait accès aux bases de données et sans doute aux mots de passe enregistrés ou aux fichiers. De plus la propagation du virus serait purement opportuniste touchant tout autant des grandes entreprises, sans donc cibler particulièrement l'armée. On pourrait donc penser qu'on s'est affolé pour rien, sauf que preuve a été donnée concrètement de la fragilité des réseaux et du caractère décisif de la capacité de s'y introduire, au moins pour espionner et paralyser l'ennemi. Ce n'est pas pour rien que la contamination est venue d'une entreprise, SolarWinds, fournissant des concentrateurs de réseaux. Cela devrait convaincre que la sécurité de ces méga-réseaux ne peut jamais être parfaite, trouvant toujours une faille quelque part et les exposant à de nouveaux virus informatiques tout-à-fait comme la surpopulation nous expose irrémédiablement à de nouvelles pandémies.

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La beauté sauvage de l’évolution

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Ainsi l'homme doute et désespère, en se fondant il est vrai sur bien des expériences apparentes de l'histoire ; et même en une certaine mesure cette triste plainte a pour elle toute l'étendue superficielle des événements mondiaux; c'est pourquoi j'en ai connu plus d'un qui sur l'immensité océanique de l'histoire humaine cherchaient en vain le Dieu que sur la terre ferme de l'histoire naturelle ils voyaient avec les yeux de l'esprit et avec une émotion toujours renouvelée dans chaque brin d'herbe et chaque grain de sable.

Dans le temple de la création, tout leur apparaissait plein de toute-puissance et de bienveillante sagesse. Au contraire sur le théâtre des actions humaines auquel notre durée de vie est proportionnée, ils ne voyaient que le conflit permanent de passions aveugles, de forces déréglées, d'armes de destruction ne servant aucun dessein positif. L'histoire pour eux ressemblait à une toile d'araignée, dans le coin de ce merveilleux palais, dont les fils entremêlés conservent encore les traces d'un carnage bien après que l'araignée qui la tissa se soit dérobée aux regards.

Cependant, s'il est un Dieu dans la Nature, il existe aussi en histoire.
Herder, Histoire et cultures, p187

Bien sûr, en tant qu'évêque réformé, le pré-romantique Herder prêche pour sa paroisse en s'opposant au Voltaire de l'Essai sur l’histoire générale après le désastre de Lisbonne impossible à justifier aux yeux de ceux qui voulaient croire à la providence divine. Pour nous convaincre que nous vivons malgré tout dans le meilleur des mondes possibles, Herder reprend l'argumentation de Leibniz dans sa Théodicée faisant de l'imperfection du monde et de l'existence du mal l'indispensable condition de la biodiversité sans quoi nous serions certes dans un paradis de créatures parfaites, semblables à Dieu mais toutes identiques. Ce rôle fondamental donné à la biodiversité devrait nous parler, à notre époque d'extinctions de masse mais aussi pendant cette période de pandémie, mal dont la fonction biologique est notamment la régulation des populations trop nombreuses, et donc la préservation de la biodiversité justement...

Le bon côté des religions, c'est qu'attribuer à Dieu la création du monde suscite l'admiration pour son oeuvre et engage à lui rendre grâce pour ses bienfaits et la magnificence de la nature, gratitude des enfants pour leurs parents qui veillent sur eux malgré tous les dangers, alors que, sans cette garantie divine, injustices et malheurs nourrissent plutôt la révolte et le désespoir en dépit de tous les paysages somptueux, des grandes civilisations et leurs créations artistiques, ou même des trop rares mouvements de solidarité et générosité. Impossible de célébrer la sauvagerie régnante. On ne peut nier pour autant les beautés de la nature et l'exaltation qu'elles peuvent produire. Si on doit les attribuer à l'évolution plutôt qu'à un projet divin, substituant au nom de Dieu dans la citation en exergue celui d'évolution, on comprendra mieux le ressort du progrès humain qui semblerait sinon trop paradoxal au milieu du désastre et de la connerie universelle, en l'absence de toute providence divine ou rationnelle.

Il faut, en effet, qu'on soit contraint par la pression extérieure d'être raisonnable et de s'unir, c'est ce que ça veut dire, sinon la folie et l'avidité dominent. Pas d'évolution sans catastrophes, sans échecs répétés. Il ne s'agit pas d'un développement endogène, de la réalisation d'une essence (humaine), d'un sens de l'histoire, d'une production de notre liberté. Il faut y voir plutôt un processus d'optimisation, de complexification, ou un apprentissage, une intériorisation souvent douloureuse de l'extériorité plus que l'expression d'une intériorité préalable, relevant ainsi d'une causalité écologique. De même les beautés de la nature ne sont pas tombées du ciel mais les vestiges de grandes destructions, des difficultés rencontrées par la vie et d'une sélection féroce (de l'adaptabilité). L'évolution biologique est jonchée de cadavres et ce n'est pas par un malheureux hasard car sans la mort, pas d'évolution des organismes, tout comme, sans la guerre et la disparition d'anciennes civilisations, il n'y aurait pas d'histoire. Dans l'amour de la nature le plus naïf, la violence naturelle est beaucoup trop déniée de même que le fait qu'il n'y a d'évolution que forcée. C'est oublier le travail du négatif et le processus dans le résultat, le cri de la créature derrière la beauté des paysages, des ruines même, tout comme l'émerveillement de l'improbable miracle d'exister en gomme les plus terribles épreuves.

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Temps de suspens

Temps de lecture : 5 minutesIl y a des moments où il est bon de garder le silence pour ne pas ajouter à la confusion ambiante en étalant ses opinions, ses pauvres convictions (et son incompétence), surtout quand les incertitudes se cumulent de la pandémie, du Brexit et de l'élection américaine empêchant toute prédiction à court terme. Il fallait attendre au moins l'élection présidentielle américaine mais plusieurs jours après, le suspens demeure quand à la suite pouvant facilement dégénérer. Le Brexit qui devait se régler en octobre reste lui aussi suspendu à des négociations ne pouvant déboucher que sur une réintégration à l'Europe ou une dangereuse période de chaos.

Même si  on se débarrasse finalement de Trump, il ne faut pas trop se rassurer que ce serait la fin de notre descente aux enfers et qu'on serait tiré d'affaire pour autant tant le niveau de connerie est au plus haut entre épidémie et terrorisme. Ce n'est sans doute pas que ce soit si pire qu'avant, mais c'est devenu quand même beaucoup plus visible, à en rester bouche bée ! Cela va des consternantes téléréalités et réseaux sociaux aux chaînes d'infos racoleuses et aux complotistes les plus fous (comme ceux de QAnon) qui ont micro ouvert, jusqu'aux polémiques scientifiques partisanes les plus bornées. Les intellectuels ne sont pas épargnés par ces logorrhées haineuses, perdant ce qui leur restait de crédit. Bien sûr, tout cela n'a rien de nouveau, pas plus que la recherche de boucs émissaires ni les illuminés sanguinaires (les crétins d'Action directe ne valaient pas mieux que les terroristes islamistes). La panique durcit l'hostilité entre fausses certitudes contraires, que ce soit sur la politique sanitaire, l'Islam, la laïcité, la France, nos valeurs, etc. Dans ce contexte d'affolement général, inutile de faire appel à la raison, mieux vaut laisser passer l'orage...

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Les leçons de la préhistoire

Temps de lecture : 6 minutes

Une bonne partie de mon travail aura été de vulgarisation des sciences et des recherches actuelles, donnant accès à des connaissances encore peu enseignées, notamment sur notre préhistoire, et qui sont indispensables pour se faire une idée plus juste de notre monde comme de notre humanité. C'est pourquoi j'ai rassemblé ces quelques textes sur les aspects les plus importants des dernières découvertes paléo-anthropologiques.

Il ne s'agit pas ici de faire preuve d'originalité, ces connaissances étant bien sûr accessibles partout ailleurs avec les moyens actuels, et ces écrits sont sans doute ce qui vieillira le plus à mesure qu'on fera de nouvelles découvertes. C'est toujours le cas pour la préhistoire basée sur de trop rares données, contrairement aux autres sciences, et se trouvant obligée de changer de récit à chaque nouvelle découverte, ce qui fait que, paradoxalement, rien ne change autant que notre passé. Du moins jusqu'ici.

Il est probable en effet qu'on soit arrivé enfin à une représentation plus juste de nos origines multiples et d'une évolution buissonnante, remisant aux antiquités l'ancienne vision trop linéaire et uniforme de la descendance de l'Homme comme développement de son essence. Une nouvelle fois, nous avons dû apprendre que nous ne sommes pas le centre du monde mais que nous sommes le produit de l'évolution technique, tout comme ce n'est pas le soleil qui tourne autour de nous mais bien le contraire !

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CRISPR, le Nobel OGM de tous les dangers

Temps de lecture : 7 minutesPour les lecteurs de ce blog, et de son ancienne revue des sciences, il n'y a rien de surprenant à ce que la découverte de l'édition génétique ait été récompensée par un prix Nobel car c'est indubitablement une des découvertes les plus importantes qui soient. En effet, le mécanisme CRISPR-Cas9 utilisé par des bactéries pour se défendre des virus en coupant leur ADN s'est révélé un outil puissant d'intervention sur des séquences du génome, facilitant énormément les modifications génétiques jusqu'à les mettre à la portée de n'importe quel biologiste. Si ce n'est donc évidemment pas le début des OGM, c'est un changement d'échelle considérable qui devrait généraliser les manipulations génétiques, y compris sur notre propre génome (un Chinois l'a déjà fait), pour des améliorations qui seront le plus souvent très utiles mais pouvant constituer tout aussi bien une nouvelle "bombe nucléaire" (s'attaquant à l'ADN du noyau) plus dangereuse encore que la menace atomique.

Il est on ne peut plus logique qu'à chaque fois qu'on augmente notre puissance technique, on augmente le risque de son utilisation destructrice. Emmanuelle Charpentier admet d'ailleurs tout-à-fait que sa découverte pourrait être mal employée mais ce qui renforce l'inquiétude cette fois, c'est que, contrairement à la physique nucléaire, il n'y a pas besoin d'un Etat ni même d'un véritable laboratoire pour qu'un savant fou fabrique un virus bien plus dévastateur que notre coronavirus. J'y vois un risque majeur bien qu'il ne soit pas pris du tout au sérieux, à ce qu'il semble.

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Nouvelle présentation du blog

Temps de lecture : 3 minutes

Beaucoup se sont déjà aperçus que je travaillais sur le blog depuis plusieurs semaines. En fait, j'ai d'abord perdu du temps à essayer de trouver une façon de pouvoir le modifier hors ligne mais ce que j'ai trouvé ne marche pas (le plugin swichta qui change le thème personnel et que j'ai laissé juste pour quelques jours mais qui m'a bien foutu la zone en mélangeant les thèmes !).

Il fallait adapter le blog aux mobiles qui deviennent majoritaires et cela m'a demandé un temps incroyable pour finalement choisir une version (à base de GeneratePress) très proche de la précédente présentation avec une barre latérale qui est rejetée à la fin de page sur les mobiles. J'ai développé aussi (difficilement) une version plus adaptée aux mobiles (à base de Chaplin) mais je trouve le blog assez lisible ainsi sur les mobiles pour ne pas être obligé d'utiliser un autre thème (pour l'instant, je le ferais peut-être ?).

J'avais testé d'autres thèmes, la plupart sans barre latérale à cause des écrans mobiles trop petits, ce que je trouvais gênant quand on est sur ordi. Le dernier thème de wordpress (TwentyTwenty) m'a paru trop difficilement modifiable ou il fallait en passer par des plugins payants. Il y a en effet pas mal de nouveautés depuis les 10 ans de la version précédente qui rendent à la fois l'adaptation plus facile pour un nombre limité d'options proposées, et plus difficile si on veut intervenir directement sur les fichiers eux-mêmes. Des plugins offrent plus d'options mais sont payants pour les plus intéressantes... La plus grande nouveauté est l'éditeur de blocs mais je ne l'ai pas encore utilisé. Ce qu'il y a de bien avec l'informatique, c'est qu'il faut tout réapprendre à chaque fois, les compétences acquises auparavant ne servent plus à rien (ou presque) !

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La vérité des religions

Temps de lecture : 26 minutes

- Permanence et diversité des religions

Les religions sont une réalité massive impossible à ignorer puisque correspondant à un stade décisif de notre développement cognitif au même titre que les mythes. C'est d'abord en effet le produit du langage narratif, de sa grammaire permettant le récit du passé et se substituant au langage simplement phonétique qu'on peut dire encore animal, ne servant que de signal ou de désignation (nomination). Ce n'est pas qu'il était impossible avant de représenter des scènes de chasse en combinant images et gestes, mais le langage narratif ouvre au foisonnement des récits et de leurs univers parallèles, récits du lointain ou de l'invisible, monde du sacré opposé au monde profane (visible, matériel, immédiat), mais faisant exister un monde commun qui est un monde de l'esprit, de la culture, avec un langage commun à des groupes élargis qui en assurent la pérennité et la complexification. C'est sans doute la véritable fondation de notre humanité, plus que l'outil - et bien plus récemment, un peu plus de 100 000 ans sans doute jusqu'à 40 000 ans pour Alain Testart car il se produit une "explosion de la communication à l'aide de symboles vers 38000/35000" (Avant l'histoire, p234). Ainsi, société, culture et religion ("l’état théologique ou fictif") seraient indissociables à partir d'un certain stade pour des êtres parlants qui se racontent des histoires.

Il n'est pas si facile en tout cas de se débarrasser des religions comme l'espéraient les républicains rationalistes et les marxistes - assimilant la religion à l'opium du peuple et l'oppression des dominés par le clergé mais qui auront vu le retour stupéfiant, comme si de rien n'était, de la religion orthodoxe en Russie après plus de 70 ans d'athéisme pourtant (il faut dire que la religion y était remplacée par le dogmatisme du marxisme-léninisme stalinien servant d'idéologie commune). Il ne faut pas se fier à notre France déchristianisée et son improbable laïcité républicaine, héritière de nos guerres de religions. Car les religions sont diverses et se tolèrent mal entre elles, servant de marqueurs identitaires. Il n'a pas manqué de tentatives de les réconcilier ni de déclarations oecuméniques, mais l'exemple de Leibniz montre qu'à vouloir réconcilier protestants et catholiques on n'arrive qu'à se faire détester des deux camps car on ne marchande pas avec la vérité, du moins avec ce qu'on croit tel et constitué en conviction "profonde" inébranlable, existentielle.

De même, ce qui fait obstacle à la récupération des religions par le rationalisme qui prétend en incarner la vérité, c'est le fait qu'elles touchent à la vérité justement et sont liées à des groupes sociaux, des civilisations. "La religion est le lieu où un peuple se donne la définition de ce qu'il tient pour le Vrai" Hegel, p151. Il est significatif que cette récupération par des athées endurcis se formule presque de la même façon chez Auguste Comte, Durkheim ou Alain, débutant par la proclamation que toutes les religions sont vraies pour en donner des explications scientifiques assez différentes mais qui ratent l'essentiel.

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La fin de la philosophie

Temps de lecture : 20 minutes  ni sagesse ni savoir absolu ni surhomme
Les éléments d'une philosophie écologique que je viens de rassembler ont toute l'apparence d'une philosophie (écologique, dualiste matière/information) et prolongeant l'histoire de la philosophie (Hegel, Marx, etc). Pourtant, je me suis senti très souvent obligé de préciser qu'on pouvait contester que cette philosophie sans consolation soit encore de la philosophie car ne promettant aucune sagesse et plutôt nouvelle version d'une vision scientifique du monde qui est souci écologique, conformément à l'époque, et qui ne procède pas d'un philosophe particulier ni d'un système a priori mais de résultats scientifiques pouvant toujours être remis en cause par l'expérience, après-coup.

On serait donc bien dans la fin de la philosophie au sens que lui donne Heidegger pour qui "Fin de la philosophie signifie : début de la civilisation mondiale en tant qu'elle prend base dans la pensée de l'occident européen. La fin de la philosophie au sens de sa ramification en sciences" (Questions IV p118). Ce point de vue "positiviste" vide toujours plus la philosophie de substance au profit des diverses sciences, poursuivant la déconstruction des philosophies idéalistes et de leurs illusions, y compris le matérialisme dogmatisé du marxisme prouvant qu'il ne suffit pas de se vouloir scientifique (car sans Dieu) pour l'être et ne pas tomber dans un nouveau dogmatisme idéaliste. C'est la leçon de l'histoire, raison pour laquelle il y a une histoire nous faisant avancer quoiqu'on dise. Tant que nous ferons des erreurs et que nous aurons des illusions sur la réalité, il y aura donc toujours une histoire de la philosophie mais qu'on pourrait considérer malgré tout comme une sortie de la philosophie et de la métaphysique. Nous serions ainsi dans l'histoire, qui n'est pas finie, de la fin de la philosophie absorbée par les sciences, et se réduisant finalement à la morale, à l'éthique comme philosophie première (Lévinas).

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Prédictions 2020

Temps de lecture : < 1 minuteLa pandémie n'aura pas été une surprise pour les scientifiques qui avertissaient depuis longtemps de leur inéluctabilité. Je pourrais dire que moi-même je l'avais prévu en reprenant cette information sur mon blog, tout comme des rapports officiels ou militaires l'ont fait. Il n'est donc pas si étonnant qu'on voit une vidéo de Bill Gates affirmant, il y a 5 ans, que la plus grande menace viendra d'un virus qui reste asymptomatique le temps de contaminer les autres.

Il faut ajouter que les progrès de l'édition de gènes (CRISPR), rendue accessible à tous, font craindre que la prochaine pandémie puisse venir d'un virus modifié par quelque biologiste fou, sans avoir besoin de moyens importants, mais ce bioterrorisme qu'on peut prédire désormais n'est pas plus pris au sérieux que le risque pandémique n'a été pris au sérieux jusqu'ici. On y croyait d'autant moins que les risques étaient impossibles à estimer et qu'il y avait, comme toujours, des opinions contraires, minimisant leur impact. C'est tout le problème des prédictions, c'est qu'il y en a une multitude et aucune absolument certaine. Tout a toujours été prévu par quelqu'un, donc on trouve fatalement après-coup la bonne prédiction, mais comme il y avait des prédictions contradictoires, il n'était pas si facile de déterminer la bonne avant. Ce ne sont pas les prédictions qui nous ont convaincus du risque épidémique, c'est qu'on le subit, de même que, ce qui a fait passer le risque climatique des scientifiques aux politiques, c'est de commencer à en éprouver des conséquences néfastes et les coûts démesurés alors qu'on n'est qu'au tout début d'un réchauffement bien plus catastrophique.

Ce qui est facile, c'est de faire le procès de ceux qui n'ont pas tenu compte des bonnes prédictions quand on voit le résultat, alors qu'on n'était pas forcément plus clairvoyant à l'époque mais, en fait, il est même contestable qu'on puisse dire qu'on avait vraiment prédit la pandémie actuelle car les scénarios envisagés étaient bien plus terribles avec une mortalité beaucoup plus élevée, alors que les conséquences économiques en étaient sous-estimées qui vont peser sur les prochaines années et accélérer les adaptations au numérique. On peut juste dire qu'on avait attiré l'attention sur le risque d'une pandémie, non pas prévu celle-ci avec ses particularités, encore moins la façon d'y réagir, qui était impensable avant, laissant les gouvernements dans l'incertitude, obligés de prendre ces mesures dans l'urgence, en grande partie par imitation.

Les véritables prédictions sont donc bien impossibles et nous laissent dépourvus devant la menace, obligés de reconnaître notre ignorance en dépit de toute notre Science. Tout ce qu'on peut, c'est présenter les données et tendances actuelles, essayer d'évaluer les risques en sachant qu'on peut se tromper au moins sur leur ampleur, ce qui rend ces prédictions en général à peu près inutilisables. Pire, on l'a bien vu avec la grippe H1N1 et le fait que la ministre Roselyne Bachelot ait été accusée d'avoir surréagi et acheté trop de masques, ce qui a constitué une des causes de leur manque quand la véritable pandémie fut venue. C'est comme les alertes au tsunami. Evacuer de grandes villes pour rien rend très difficile ensuite de prendre la même décision quand il y a un nouveau tremblement de terre. A trop crier au loup, on n'est plus entendu quand le loup est là...

On peut en tirer une certaine typologie de ces catastrophes qui avaient pu être prédites. D'abord, on n'y croit pas, d'autant plus qu'elles sont présentées sous des formes cataclysmiques qui les déconsidèrent et nourrissent un scepticisme plus ou moins intéressé. Puis, quand la catastrophe arrive, on tente le tout pour sauver ce qui peut l'être, bien au-delà de ce que permettait auparavant une politique de prévention. C'est ce qui permet de penser que c'est la catastrophe qui nous sauvera, quand elle devient imminente et ne laisse plus de place au doute et à la temporisation. Il ne faut pas trop se lamenter de l'insuffisance des politiques écologiques actuelles car, immanquablement, elles ne feront que monter en puissance à mesure que les températures n'arrêteront pas de monter (tout comme le niveau de la mer), avec des canicules, des sécheresses, des effondrements d'écosystèmes devant lesquels on ne pourra rester inactifs. Tout ce qu'on obtient aujourd'hui, même minime, est crucial mais ne fait que préparer l'avenir d'une véritable transition écologique qui limite les dégâts ou les répare, mais seulement dans l'après-coup. Il y a ensuite un troisième temps, après le déni puis la réaction, celui de l'après-guerre peut-on dire, ne faisant que refaire la dernière guerre, obnubilé par la crainte d'une deuxième vague avec le risque d'en faire trop (ce qui peut avoir comme on l'a vu, l'effet inverse), au lieu de se préparer à la prochaine et servir de répétition générale nous permettant de mieux affronter les virus plus dangereux qui ne manqueront pas d'arriver et nous trouveront sinon dans le même état de vulnérabilité et d'impréparation qu'on pourra dénoncer à loisir.

Notre situation est contradictoire puisque dans ce monde en bouleversement écologique et technologique, on n'a jamais eu autant besoin de prédictions à long terme, devenues vitales pour le climat, le travail ou l'énergie, mais qui sont à la fois indispensables et impossibles malgré nos moyens considérables. Il est bien évident qu'il est impossible de prédire les prochaines découvertes ou innovations qui pourront résoudre de nouveaux problèmes ou impacter radicalement notre mode de vie, de même qu'il est impossible de prévoir ce que sera notre réaction collective. Malgré tout, que nous ne puissions jamais vraiment déterminer la date, l'ampleur, les conséquences des catastrophes qui s'annoncent, et que, comme toujours, nous devrons agir en situation d'information imparfaite, cela ne doit pas nous empêcher pour autant de faire le point régulièrement et réfléchir à notre futur avec toutes ses incertitudes.

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Les malheurs de Cro-Magnon

Temps de lecture : 12 minutesFrançois Durpaire fait paraître une Histoire mondiale du bonheur très intéressante, montrant l'évolution historique de cette notion de bonheur (qui est d'abord religieuse) en même temps qu'elle permet de retrouver les mêmes débats partout dans le monde, oppositions entre bonheur hasardeux ou mérité, entre Confucius (Maître Kong) et Mozi (Maître Mo), entre Job et protestants. Analyser les représentations du bonheur à différentes époques est certainement très éclairant.

Il est beaucoup plus problématique que Jean-Paul Demoule prétende répondre à la question Cro-Magnon était-il heureux ? Impossible cette fois, en l'absence d'écriture, d'avoir accès à leur idée du bonheur, à laquelle on ne fait que substituer la nôtre. La question n'a effectivement aucun sens sinon de projeter ses propres fantasmes, notamment, comme il le fait, sur une sexualité qu'on ne peut pourtant imaginer libre, prise au contraire dans des lois contraignantes et des tabous organisant les structures élémentaires de la parenté, sans parler des enlèvements et des viols. C'est comme Marylène Patou-Mathis qui projette sur Néandertal ses fantasmes rousseauistes de société sans violence, ou Marshall Sahlins fantasmant sur les sociétés sans Etat, sociétés d'abondance où le travail est minime. Cela lui semble suffisant pour être heureux mais c'est parce que les loisirs sont de nos jours très "valorisés", et le temps libre supposé créatif, épanouissant et non pas terriblement ennuyeux parfois (pour de nombreux chômeurs et retraités ou provinciaux).

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Absurde, inefficace, arbitraire, liberticide, raciste

Temps de lecture : 7 minutesL'article 179 du code pénal iranien prévoit la peine de mort à la troisième récidive d'interpellation pour consommation d'alcool. Un iranien vient donc d'être exécuté (pour l'exemple ?) à cause d'une consommation d'alcool trop répétée...

Comment peut-on être Persan ? Chez eux l'alcool est interdit et réprimé brutalement, de façon aussi cruelle qu'absurde - sans arriver pour autant à éradiquer l'alcoolisme - alors que, chez nous, l'alcool est partout, mais c'est le chanvre qui est interdit ! Sans aller à ces extrémités, les peines pour infraction à la prohibition pouvaient être assez lourdes jusqu'ici alors que, maintenant, la consommation ne sera plus passible que d'une amende de 150 à 200 Euros. Cela peut sembler un progrès mais est difficilement justifiable et s'apparente plutôt à du racket (à la tête du client) quand la tendance est à la légalisation (Colorado, Californie, Canada), à l'évidence sans grand dommage.

On a pu croire assez longtemps que la prohibition allait de soi, s'appuyait sur des raisons médicales objectives dès lors qu'elle était à peu près universellement pratiquée (en dehors de la Hollande notamment). Ce n'est plus du tout le cas. Ce sont les données scientifiques qui ont remis en cause une différence de traitement entre l'alcool et le chanvre qui n'a aucun rapport avec leur dangerosité respective. Cette différence relève purement de l'idéologie ou de la culture, comme le dénonce une déclaration de l'ONU sur les drogues. De même, la légitimité de la prohibition du cannabis vient d'être contestée comme simple héritage colonial par l'Inde et l'Afrique du sud. Le consensus international sur la prohibition s'est bien renversé devant son échec et ses effets pervers, faisant apparaître la prohibition absurde, inefficace, arbitraire, liberticide, raciste.

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Homo sapiens, Google et la question

Temps de lecture : 11 minutesLe désir de savoir à l'ère du numérique
Du point de vue extérieur de l'évolution, Homo sapiens se confond avec l'Homo faber, ses capacités cognitives étant avant tout pratiques, techniques, vitales, assurant sa conquête de la planète entière. C'est le plus avancé qui gagne sur les populations archaïques. Les enjeux de l'intelligence sont d'abord matériels, le savoir est un pouvoir. Cela n'empêche pas que, du point de vue subjectif, le savoir ne soit pas seulement utilitaire et qu'il y ait un désir de savoir détaché de son utilité, libido sciendi postulée par Aristote, curiosité futile mais propre à notre espèce. Sa définition de la philosophie (reprise du Théétète), comme venant de l'étonnement et des questions qu'il pose, peut être accusée d'édulcorer la dialectique socratique et le choc qu'elle a pu représenter, révélant non seulement notre ignorance et nos questions irrésolues mais, bien pire, qu'on se trompait avec arrogance à croire savoir ce qu'on ignore. En effet, à l'origine, il n'y a pas la vérité vraie ni un esprit vierge et un rapport direct au monde mais l'erreur, l'opinion, les préjugés, les mythes, des représentations fausses qu'il faut surmonter, pas seulement la pure ignorance. La recherche de la vérité n'est donc pas une activité innocente, ce que savent tous les pouvoirs qui s'en méfient, les enjeux en sont bien réels touchant au social comme au plus intime de notre être, mettant en cause nos croyances et nos appartenances religieuses ou politiques.

Le sérieux de la pensée, de la philosophie et de l'Histoire ne peut pas être nié. Pour autant, cela n'empêche pas qu'il y ait des pensées légères et purement distractives. Non seulement notre cerveau semble fait pour résoudre des problèmes, qu'il récompense du plaisir d'avoir trouvé, mais il semble en avoir besoin pour se maintenir en éveil et garder une activité incessante. C'est ce besoin qu'on peut dire biologique qu'il s'agit d'examiner ici et qui se manifeste par les divertissements les plus basiques (jeux de patience, réussite) destinés à tromper le terrible ennui qui nous ronge. Heidegger distinguait 3 sortes d'ennuis : 1) l'ennui ordinaire (de l'attente d'un train) quand on n'a rien à faire et qu'on cherche justement un passe-temps quelconque, 2) l'ennui mondain des soirées inutiles qu'on voudrait fuir et qui sont une perte de temps, 3) enfin l'ennui profond d'une vie qui n'a plus de sens, indifférente, sans désir, hors du temps et suicidaire à se soustraire au monde, sortir du jeu et de l'illusio, faisant la dure épreuve de la durée. L'ennui mondain serait plutôt lié au désir d'autres activités qu'à un manque de désir, mais, là aussi, reconnaître l'importance du désir ne doit pas empêcher de reconnaître dans l'ennui ordinaire, qui nous précipite dans le divertissement le plus insignifiant, un au-delà du désir, à condition de ne pas faire du divertissement ce qui nous empêche de penser à nous et à notre misérable existence, mais ce qui nous permet d'exercer nos facultés mentales. C'est en tout cas une partie de ce qui rend le travail désirable malgré sa pénibilité, et rend si invivable le chômage de longue durée ou les retraites inactives (et bien sûr la prison). Les dieux grecs eux-mêmes craignaient l'ennui, un temps sans histoire, et ce serait selon Hésiode la raison de la création du monde et de l'humanité, pour les divertir, de même que, dans la Bible, Eve est créée pour sortir Adam de l'ennui ! Vraiment, il n'y a rien de plus inhumain que l'ataraxie du sage qui ne se pose plus de questions et contemple de haut l'agitation du monde. Nous avons besoin de désirs, d'actions et de problèmes à résoudre.

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La politique à l’ère de l’Anthropocène

Temps de lecture : < 1 minuteDans la foulée des éléments d'une philosophie écologique (d'une détermination par le milieu et non par le sujet), j'ai regroupé ici un certain nombre de textes qui en tirent les conséquences politiques en dénonçant l'idéalisme de nos illusions politiques (démocratique, révolutionnaire, volontariste, constructiviste, historique). Il ne suffit pas, en effet, de critiquer avec virulence la marche du monde vers l'abîme et toutes ses injustices pour y remédier. Il y a un besoin crucial de critique de la critique (de l'unité prétendue tout comme de l'opposition ami-ennemi ou la simple inversion des valeurs, ou le subjectivisme des critiques de la rationalité, de la réification, de l'aliénation, de la marchandise, etc.) de même qu'il faut critiquer toutes les solutions imaginaires qui viennent à l'esprit (prendre aux riches, supprimer l'argent ou la propriété, arrêter le progrès ou la croissance, augmenter les salaires, réduire le temps de travail, ne pas rembourser ses dettes, supprimer l'armée, se réapproprier les médias, une démocratie radicale, sortir de l'Europe, etc.). Pour retrouver un minimum d'effectivité, il faudrait ajouter à ces impasses, qui condamnent à l'impuissance et réduisent la politique au semblant, les prétentions délirantes d'une réforme de la pensée et d'un homme nouveau rêvés par le romantisme révolutionnaire et les utopies métaphysiques d'avant-gardes artistiques et philosophiques, sans parler de l'étrange sexo-gauchisme comprenant tout de travers l'incidence de la psychanalyse sur la politique, Freud et Marx se limitant mutuellement au lieu de laisser espérer cette libération des instincts harmonieuse attendue d'une révolution fantasmée - comme d'autres peuvent l'attendre d'une vie plus "naturelle".

Après avoir dégagé le terrain de tout ces mythes du XXè siècle, il faudrait se résoudre à ne plus surestimer nos moyens et prendre la mesure de ce qu'implique vraiment de changer de système de production pour avoir une chance d'y parvenir. Il ne s'agit en aucun cas de décourager l'action et prétendre qu'on ne pourrait rien faire mais, tout au contraire, des conditions d'atteindre un minimum d'effectivité. L'urgence écologique ne peut se satisfaire de nos protestations et de nos plans sur la comète d'un monde idéal mais nous impose une obligation de résultats concrets, même très insuffisants. Ce pragmatisme est méprisé à tort par les radicaux sous prétexte qu'il faudrait effectivement tout changer... si on le pouvait, mais le nécessaire hélas n'est pas toujours possible, dure leçon de l'expérience bien difficile à admettre.

L'autre facteur décisif, avec la globalisation, aura été en effet notre entrée dans l'Anthropocène, non pas tant au sens de sa datation géologique que de sa prise de conscience planétaire, entérinant la destruction de notre environnement et de nos conditions de vie. Ce souci écologique constitue un renforcement du matérialisme au détriment de l'idéalisme des valeurs et de la subjectivité, contrairement à ce que beaucoup d'écologistes s'imaginent. La responsabilité écologique n'est pas compatible avec les conceptions millénaristes de la politique et nous enjoint de passer de l'idéalisme utopique au matérialisme de la production, plus sérieusement que les marxistes eux-mêmes, ayant eu trop tendance, paradoxalement, à tout idéologiser (de l'hégémonie culturelle de Gramsci à la Révolution culturelle de Mao, ou la contre-culture post soixante-huitarde). Il s'agit de rétablir que l'idéologie n'est qu'un produit historique correspondant à l'infrastructure matérielle et aux rapports sociaux. Ce n'est pas la pensée qui façonne l'avenir, comme le plan de l'architecte projette à l'avance sa construction, c'est le temps historique qui change nos pensées et façonne le monde sans nous demander notre avis, monde qu'on ne peut reconnaître comme sien, comme celui que nous aurions voulu, mais dont la destruction par notre industrie nous oblige à réagir en partant de l'existant et du possible pour sauver ce qui peut l'être au lieu de ne faire qu'empirer les choses à prétendre désigner un coupable, bouc émissaire de tous nos maux, quelque nom qu'on lui donne (industrie, technologie, productivisme, capitalisme, financiarisation, croissance, globalisation, néolibéralisme, marché, concurrence, consommation, individualisme, domination, etc, cette accumulation suffisant à montrer qu'il n'y a pas de cause simple).

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Gérard Manset

Temps de lecture : < 1 minuteGérard Manset reste à peu près inconnu à la plupart, ce qui est bien étonnant tant il a fait de très grandes chansons (mais il y en a aussi pas mal de moins bonnes). Contrairement à ce qu'on s'imagine de nos jous, si on fuit les médias, les médias ne viennent pas à soi !

Il faut dire que, un peu comme Brel, il n'y a certes pas beaucoup de chansons gaies (seulement 2 sur 13 ici) mais de la bonne musique à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas (et à écouter fort).

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