Le parti écologiste est perdu dans la politique politicienne. Il peut être utile, notamment au niveau européen, en soutenant quelques mesures importantes, mais il donne un spectacle lamentable et il n'y a rien à en attendre, déconsidérant plutôt l'écologie aux yeux de tous - tout autant d'ailleurs que les écologistes extrémistes et moralisateurs dont se moque tout le monde. C'est absolument dramatique alors même que l'urgence écologique se fait plus pressante et que les populations y sont de plus en plus sensibles.
Ce n'est pas le Parti de Gauche qui peut combler ce déficit de l'écologie politique ni représenter une quelconque alternative avec sa planification écologique qui sort d'un autre âge, enfermée dans un étatisme tourné vers le passé et qui n'a de toutes façons aucune chance de prendre le pouvoir - sinon par une alliance contre-nature avec le Front National telle que prônée désormais par Jacques Sapir qui prétend refaire ainsi le Conseil National de la Résistance ! Le souverainisme de gauche comme nouvelle forme de dictature du prolétariat est aussi illusoire que dangereux en ouvrant ainsi la voie au nationalisme et à l'extrême-droite, faisant plutôt obstacle au renouveau d'une gauche radicale tournée vers l'avenir, prenant en compte la révolution numérique et la nécessaire relocalisation aussi bien politique qu'écologique.
L'avenir est du côté des alternatives locales qui émergent un peu partout, même si c'est de façon désordonnée et en faisant preuve souvent de trop d'angélisme. C'est sur cette résistance en acte qu'il faudrait pouvoir s'appuyer pour contrer la droitisation des esprits et l'incroyable retour au mythe d'une identité nationale qui nous rassemblerait tous, riches ou pauvres, jusqu'à prétendre identifier la Nation à la Révolution qui lui a donné naissance, caution de gauche au nationalisme impensable il y a de cela quelques années à peine.
La forme que pourrait prendre un regroupement partant de la base reste problématique. L'exemple de Podemos est caricatural par le pouvoir personnel qui y tient lieu de démocratie radicale. Pour autant, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de constituer à partir des initiatives concrètes une sorte de parti des alternatifs ? Il y a de fortes objections car on ne peut plus ignorer que le champ politique a ses contraintes et fonctionnements propres qu'on ne peut pas si facilement subvertir. Il vaut mieux en être conscient pour en tenir compte au lieu de s'assurer de ses bonnes intentions et qu'on ne s'y laissera pas prendre. Il y a donc bien des inconvénients à s'occuper de politique ("si tu fais de la politique la politique te fait") mais peut-on s'en passer ? peut-on déserter la place quand la menace se fait plus pressante ?
On peut émettre des doutes légitimes sur le fait que ce soit faisable, tant chaque expérience locale est unique, avec des niveaux de radicalité très variables, mais l'intérêt d'un tel regroupement ne serait pas mince, permettant de donner une portée globale aux alternatives locales, donner visibilité et cohérence à ces expérimentations méprisées par la politique nationale (y compris des Verts) alors que c'est là, en se frottant à la réalité, que se construit le nouveau monde, notamment avec des monnaies locales et les institutions locales du développement humain, du travail autonome et des échanges de proximité (sous forme, par exemple, de coopératives municipales ou coopératives intégrales).
Il est difficile de rendre compte de toute la richesse de ce numéro qui explore un peu toutes les pistes. Pour ceux qui se préoccupent du concret de la production, il y a là matière à réflexion. Je dois bien avouer pourtant que de passer en revue les alternatives proposées m'a laissé plutôt morose et sceptique, ce que n'a fait que renforcer l'utopie genre "An 01" à la fin du numéro qui nous présente un monde idéal grâce à une super "Dotation Inconditionnelle d'Autonomie". Je me suis essayé moi aussi à présenter un
Derrière les soubresauts d'une crise financière qui menace les protections sociales et provoque un chômage de masse dans l'Europe du sud, nous vivons une mutation d'une toute autre ampleur dont on ne semble toujours pas bien prendre la mesure. En effet, ce n'est pas seulement le développement des pays les plus peuplés qui remet en cause notre ancienne base industrielle mais bien plus l'entrée du monde entier dans l'ère du numérique à une rapidité sans précédent, comparable à celle d'une véritable pandémie. S'il est compréhensible de vouloir récupérer des emplois perdus, on ne peut se cacher que la diminution des emplois industriels est plus liée à l'automatisation et la robotisation qu'aux délocalisations, même si celles-ci existent aussi.
Comme on le voit bien, colloque après colloque, il n'y a pas du tout d'unité du revenu garanti dont les différentes versions expriment toute une gamme de positions politiques différentes. C'est qu'on ne peut donner sens à un dispositif isolé qui dépend du rôle qu'on lui fait jouer dans l'organisation sociale. Cela peut aller de la simple mesure sociale, d'un palliatif du marché du travail assurant une consommation minimum, jusqu'à l'élément d'un nouveau système de production relocalisé qui change la façon de produire en donnant accès au travail choisi. C'est uniquement grâce à un ensemble de dispositifs faisant
Il y a de fortes raisons de privilégier les approches politiques et collectives mais il se pourrait que ce soit un objectif plutôt qu'un préalable.
L'écologie comme "vie naturelle" peut difficilement s'appliquer aux grandes villes et pourtant, non seulement la majorité de la population mondiale vit maintenant dans des grandes villes mais c'est devenu écologiquement incontournable, réduisant les déplacements et l'impact sur l'environnement. Il n'y a pas d'alternative au moment où l'on va atteindre le pic de la population mondiale qui doit encore augmenter de 40%, ce qui n'est pas rien. Dans ce contexte, le retour à la terre ne sera possible que pour une toute petite minorité (qu'on peut certes encourager).
La crise a remis à l'honneur la nécessité de sortir du capitalisme mais la plus grande confusion règne sur ce que cela pourrait signifier et les moyens d'y parvenir. Pour certains, comme les partisans de la taxe Tobin ou de l'interdiction de la spéculation sur les prix, on devrait parler plutôt d'une sortie du capitalisme financiarisé et dérégulé qu'on a connu depuis 30 ans, tout comme pour ceux qui veulent un meilleur partage capital/travail et plus de protectionnisme. Pour d'autres, c'est le marché lui-même qui est en cause, voire la vénalité de l'homme, son individualisme ou son égoïsme. On fait appel aux valeurs, on voudrait moraliser le capitalisme et ses profits sans comprendre qu'il s'agit d'un système qui élimine ceux qui voudraient faire preuve d'un peu trop de moralité justement ! Bien sûr, de nombreuses mesures préconisées sont positives, qu'elles jouent sur les régulations, les normes ou la redistribution mais on ne peut parler en aucun cas d'une sortie du capitalisme.
La relocalisation économique et politique se trouve au coeur de l'écologie-politique et ceci, non pas tant pour économiser de l'énergie, comme le croient ceux qui réduisent la question écologique à celle de
Ce n'est pas la crise économique et financière, aussi grave soit-elle, qui pourra provoquer la fin du capitalisme qui en a connu bien d'autres. Mais si la sortie du capitalisme a déjà commencé, c'est pour de toutes autres raisons, plus profondes et plus durables, liées à notre entrée dans l'ère du numérique et du travail immatériel. Ce sont ces nouvelles forces productives qui remettent en cause les bases même du capitalisme industriel : aussi bien la rémunération du travail que la valeur d'échange ou la gratuité numérique.
Beaucoup en conviendront, c'est une très bonne nouvelle que l'ancien monde s'écroule. Il n'y a pas à se lamenter sur son sort mais à s'impatienter plutôt d'un effondrement d'une insupportable lenteur. Même si on doit en passer par des moments difficiles, ce qu'on nous présente comme de très mauvaises nouvelles, sont pour nous un retour plus que salutaire à la réalité, à la prise de conscience collective. Au moment du plus grand danger et malgré toutes les menaces qui s'amoncellent, on peut retrouver paradoxalement un optimisme perdu depuis bien longtemps, la Guadeloupe n'étant que la première de nos victoires dans la reconquête de tous nos droits et la réappropriation de la démocratie par ses citoyens.
Article pour Multitudes no 27
Colloque