Temps de lecture : 23 minutesJean Baechler, PUF 1970 - La table ronde 2006
Si l'époque actuelle est bien révolutionnaire, cela ne signifie en aucun cas qu'on pourrait revenir naïvement au mythe du grand soir et à la vulgate marxiste alors que nous avons besoin, au contraire, d'étudier lucidement les "phénomènes révolutionnaires" du passé afin de tirer toutes les leçons de leurs échecs et de leurs dérives autoritaires, ce qui ne nous laisse guère de raisons d'être optimistes...
Il faudrait tout de même accorder une plus grande place aux analyses de Marx, et plus généralement à l'économie, que ne l'a fait l'auteur de cette petite étude. En effet s'il y a bien nécessité d'une révolution, c'est au moins pour adapter les rapports de production (qui datent du fordisme) aux nouvelles forces productives (immatérielles). Ce qui est d'ailleurs une conception en tout point conforme à celle de Schumpeter. Il ne s'agit pas simplement d'adapter les institutions actuelles mais bien d'en changer, de les reconstruire sur d'autres bases (revenu garanti et développement humain). Un tel bouleversement ne pourra se faire sans doute en dehors d'une situation révolutionnaire, dont la lutte contre le CPE a pu donner une sorte d'avant-goût, même si elle a tourné court, hélas. Rien à voir en tout cas avec une révolution communiste à l'ancienne, du moins on peut l'espérer !
Il y a une autre raison, tout aussi impérative, à la révolution de notre organisation sociale et de notre système de production, ce sont les contraintes écologiques. Pour sortir du productivisme insoutenable du capitalisme globalisé et de la société de consommation, il y a urgence à relocaliser l'économie et se libérer de la subordination salariale en développant le travail autonome. Le réformisme n'y suffira pas, il faut construire un autre monde, un autre système productif qui tire parti du devenir immatériel de l'économie. Nous avons besoin pour cela d'une alternative, pas seulement d'une "réduction" ou d'une "décroissance". Ce qui importe, ce n'est pas tant d'être révolutionnaire, encore moins de "prévoir" une révolution qui ne se ramène pas ici à un événement ponctuel, c'est le contenu qu'on lui donne, la réponse aux contradictions de notre époque de transition, la prise en compte de notre entrée dans l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain.
Ce n'est pas tout. A suivre Hegel, Kojève, Castoriadis, il y a nécessité pour les sociétés démocratiques qui ne font plus la guerre de se refonder périodiquement par des soulèvements populaires, par l'intervention des mobilisations sociales, affirmation de l'auto-nomie de la société, de sa solidarité active et d'une véritable démocratie participative.
Enfin, on peut considérer que les révolutions ne sont pas simplement un renversement d'institutions périmées, ce sont aussi (comme les révolutions des astres) des phénomènes cycliques et générationnels (voir "Les cycles du capital").
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