Les trois dimensions du temps, la gravité et l’entropie

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Il est téméraire de parler des nouvelles théories physiques, il y en a bien trop dont on n'entendra plus jamais parler, et il faut bien dire que l’article du mois de janvier "Three-Dimensional Time: A Mathematical Framework for Fundamental Physics" semble un peu trop audacieux, postulant non seulement trois dimensions de temps, ce qui est déjà difficile à avaler, mais surtout que les trois dimensions de l'espace ainsi que les particules seraient produits par l'interaction de ces trois formes différenciées de temporalité physique. Ce n'est pas entièrement nouveau, car il y avait déjà des raisons de penser que le paramètre t représentant le temps devait avoir trois composantestx, ty, tz (vérifiant t² = tx² + ty² + tz²). Ici c'est différent mais n'en paraît pas moins surréaliste et difficile à imaginer. L'article est publié dans une revue scientifique mineure mais à comité de lecture (Reports in Advances of Physical Sciences). Il n'y a cependant encore aucune véritable critique de cette dernière tentative d'unification de la physique sur de toutes nouvelles bases. Le cadre mathématique a l'intérêt de préserver la causalité et il prétend prédire les propriétés des différentes générations de particules ainsi que d'en reproduire les masses. Tout cela est à vérifier.

Sans prétendre aucunement me prononcer sur sa validité, ce qui m'a intéressé, c'est que cette théorie rejoignait d'une certaine façon la tripartition sur laquelle j'insistais dans un texte de 2021 (Déterminisme quantique, entropie et liberté) entre physique quantique, classique et cosmologique ne relevant pas des mêmes lois et se distinguant surtout par leurs plages de temps bien distinctes. Même si je ne suis pas vraiment convaincu, son intérêt est d'identifier le réel au temps lui-même, comme Lee Smolin et à l'opposé de presque tous les autres qui en font une illusion donnée d'avance (en bloc d'espace-temps). Cette théorie a au moins un grand pouvoir de dépaysement qui renouvelle la question de la temporalité, son origine et son irréversibilité, me donnant l'occasion de questionner la place donnée à l'entropie, à l'improbable et à la flèche du temps.

Les trois temps : la dynamique de l'univers

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Tout repenser avant la fin du monde

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Le prix Nobel décerné aux IA génératives est incontestablement justifié tant elles vont tout envahir et nous obligent à repenser tout ce qu'on croyait savoir de l'esprit et du langage, rendant obsolètes la plupart des philosophies. On peut cependant s'étonner que ce soit un prix Nobel de "physique", ce que justifient les analogies du Deep learning avec la thermodynamique et les réseaux de spin, mais il est regrettable que cela occulte la véritable révolution en physique que provoque actuellement le Télescope James Webb (JWST), révolution qui n'atteint pas encore le public alors qu'il nous donne une nouvelle vision de l'univers, nous obligeant à repenser notre récit des origines qui faisait tout débuter par un supposé Big Bang et son inflation énigmatique alors que d'autres univers nous précéderaient dans un espace sans doute infini.

On oublie trop souvent que les progrès scientifiques viennent plus du progrès des instruments que des progrès cognitifs qu'elles induisent car le réel qu'on découvre est toujours très différent et plus complexe que ce qu'on pouvait imaginer avant, horizon qui recule à mesure qu'on avance. La première expérience est celle de l'observation sans laquelle il n'y aurait pas de faits ni de vérification possible, la précision des informations apportée par le progrès technique du JWST est donc primordiale mais il faut aussi avoir la capacité de les traiter. C'est là que l'Intelligence Artificielle et l'informatique en général décuplent ces capacités mais il faut souligner que les LLM (Large Language Model) ont pu accéder à une maîtrise du langage, qui semblait hors d'atteinte, dès que la masse d'écrits amassées sur les réseaux ainsi que les capacités de traitement ont permis d'intégrer une gigantesque base de données linguistiques et qu'un seuil a été soudain franchi à l'étonnement de tous (sans doute comme les milliards de connexions de notre cerveau avec des groupes humains plus nombreux qui nous ont fait accéder au langage et à la culture vers 60 000 ans?).

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La dissymétrie quantique entre droite et gauche

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Le modèle standard de la physique des particules est encore un exemple de l'énigme que reste pour nous la matière, prenant la forme d'un tableau où apparaissent des symétries mais incomplètes, comportant des exceptions. Ainsi, toutes les particules sont chargées, sauf le neutrino. Les bosons qui transmettent les interactions peuvent transformer une particule dans une autre (en changeant la charge ou la couleur), sauf le photon qui transmet une impulsion, augmente juste son énergie.

Le plus curieux, et pas assez connu, c'est que les particules se diviseraient selon l'orientation vers la gauche ou la droite de leur rotation ou spin : selon qu'elles tournent dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens inverse par rapport à leur direction de mouvement [en fait le spin ne serait pas tant une propriété des particules que de leur fonction d'onde]. Le neutrino se fait là aussi remarquer en étant toujours gaucher (on n'en détecte pas avec un spin vers la droite [ce qui pourrait en faire la matière noire n'interagissant que par la gravité]) de même qu'il n'y a pas de boson W droitier avec pour conséquence qu'il ne peut y avoir de transformation d'un quark up en down, ce qui supprime une interaction possible lorsqu'il tourne vers la droite (et produit plus de up que de down) !

Tout cela me semble extraordinaire mais serait lié au champ de Higgs situé à l'origine de la masse inertielle comme réduction de la vitesse par interaction avec son spin, entre droite et gauche. De plus, par ce champs de Higgs, "le couplage de la particule gauchère à son homologue droitière est ce qui confère une masse aux fermions". En tout cas, c'est ce que le physicien Chris Quigg représente avec le schéma ci-dessus dont il donne aussi une version 3D. Il y a sinon une vidéo.

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L’espace-temps entre onde et particule

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J'avais signalé en novembre 2020 un article de Paul A. Klevgard qui donnait une interprétation ontologique de la dualité onde/particule en fonction de leur existence dans l'espace ou dans le temps, c'est-à-dire sous une forme locale ou non locale. En y repensant, après mon récent article sur la physique quantique, j'ai éprouvé le besoin, là encore sans en avoir les compétences, de revenir sur la notion d'espace-temps qui lie indissolublement l'espace et le temps (par les vitesses ou la gravitation), continuité qu'aussi bien la philosophie que le sens commun ont bien du mal à intégrer, non sans raisons, d'autant plus à y mêler la dualité onde/particule amenant à parler, comme Gilles Cohen-Tannoudji (ou Hermann Weyl), de "matière-espace-temps". Il s'agit, en effet, de montrer une nouvelle fois ce qui, dans la physique, met en défaut notre entendement ordinaire du simple fait qu'on s'éloigne de ce que l'espace et le temps sont pour nous.

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Déterminisme quantique, entropie et liberté

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J'aime bien Carlo Rovelli et je suis bien incapable de juger ses théories, que ce soit la gravité quantique à boucles ou l'interprétation relationnelle et relativiste de la mécanique quantique, mais si une physique relationnelle le mène à des formulations qu'une philosophie écologique ne saurait renier, rejoignant de très anciennes spiritualités, il vaut mieux sans doute se garder de sauter directement de l'une à l'autre.

Le monde émergeant d’une conception relationnelle de la physique quantique n’est plus constitué d’éléments indépendants avec des caractéristiques spécifiques mais d’éléments dont les propriétés n’apparaissent que par rapport à d’autres éléments. La réalité en devient ponctuelle, discontinue et de nature probabiliste.

L’interprétation relationnelle nous empêche de décrire le monde physique dans sa globalité : on peut seulement décrire une partie du monde par rapport à une autre.

Comprendre que nous n’existons pas en tant qu’entité autonome nous aide à nous libérer de l’attachement et de la souffrance. C’est précisément en raison de son impermanence, de l’absence de tout absolu, que la vie a un sens et est précieuse.

Cette proximité jointe à la difficulté d'adhérer à plusieurs de ses théories (la place de l'observateur, les réalités multiples, la réversibilité mécanique) m'a incité, non pas à le réfuter, ce qui serait d'une prétention ridicule, mais à présenter une conception alternative, me paraissant plus rationnelle, ce qui, on le sait, n'est pas du tout un gage de sa vérification en physique mais peut susciter des éclaircissements.

C'est surtout l'occasion d'essayer de limiter le déterminisme quantique au niveau quantique justement et non aux autres niveaux, notamment celui du vivant, y réintroduisant une part de liberté, certes très limitée mais qui est au moins la part de doute et de réflexion, d'un vouloir tâtonnant tendu vers sa finalité, son objectif.

Dans ce cadre, qu'on ne puisse avoir une conception globale du monde ne tiendrait pas tant au relativisme de la relation (au perspectivisme nietzschéen) qu'à une multiplicité de niveaux, notamment selon les échelles de grandeur ou d'organisation (passage de la quantité à la qualité) laissant place à de nouvelles déterminations (et degrés de liberté).

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Ecrits sur l’entropie

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Une discussion ces jours-ci sur mes critiques des conceptions de l'entropie de Leonard Susskind m'a fait replonger dans les textes que j'y avais consacrés depuis un certain temps, ce pourquoi je les ai regroupés.

L'entropie est sans doute la loi la plus fondamentale de l'univers et d'une certaine façon la plus simple mais aussi une des plus mal comprise, faisant en tout cas l'objet de grandes polémiques entre physiciens, étant reliée à l'irréversibilité du temps et à l'information.

Il y a effectivement une contradiction à la base : si l'entropie ne peut qu'augmenter il devient difficile d'expliquer son point de départ supposé d'entropie minimale, problème auquel se heurtent par exemple les théories du Big Bang comme rebond d'un univers précédent ou d'un trou noir. La difficulté, c'est que l'entropie est relative (et si on peut fixer arbitrairement le minimum d'entropie au zéro absolu figeant les mouvements, il n'y a pas d'entropie maximum juste des situations d'équilibre) mais c'est aussi que la source principale de l'entropie n'est pas une loi déterministe, seulement probabiliste, la réduction de l'entropie n'étant pas impossible, simplement très rare (ou par l'apport d'énergie).

Il ne me semble pas cependant que cette entropie thermodynamique soit la seule forme d'entropie. Il y a aussi une entropie dans l'interaction, la transformation de l'énergie et la décohérence au moins ou l'effondrement de la fonction d'ondes.

Ce sont ces questions que j'examine dans les textes rassemblés.

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Entropie et perte de l’information des trous noirs

Temps de lecture : 13 minutes

Leonard Susskind, La guerre des trous noirs, folio
trousnoirsJ'arrête la physique ! C'est du moins ce à quoi me pousse la lecture de ce livre qui n'est pas si récent mais vient seulement de sortir en poche et m'a consterné. Non pas à cause de la théorie holographique qui parait certes très délirante mais dont j'avais rendu compte favorablement au tout début de ma revue des sciences et qui n'est pas la disparition d'une dimension comme on la présente ici aussi mais son internalisation, les différences de distances étant remplacées par des différences de taille. Non, ce qui me sidère, c'est que les conceptions de base sur lesquelles s'appuie l'auteur, entropie et information, me semblent fausses dans leur imprécision comme dans les conséquences qu'il croit pouvoir en tirer. Inutile de dire que je ne peux me mesurer avec Leonard Susskind qui fait partie des plus grands physiciens contemporains (et dont j'avais bien apprécié le livre précédent sur le paysage cosmique). C'est sûrement moi qui ai tort, ne comprenant décidément rien à la Physique. Je peux juste faire état de ma perplexité et de mes objections, en attendant qu'on les réfute...

La notion d'information utilisée en physique quantique désigne en fait un ensemble de paramètres des matrices de diffusion (S-matrix) suffisantes pour décrire l'évolution d'une interaction et supposée pouvoir s'inverser pour reconstituer l'état initial (p249), "assurant qu'aucune information n'est jamais perdue" (p251). Le problème, c'est que ce qu'on désigne ici comme information, n'est une information que pour nous, désignant en réalité une énergie (cinétique, électrique, spin, etc.) ou ses degrés de libertés (plus tard on parlera même des ondulations d'une corde), en tout cas une réalité "matérielle" et non pas une information "immatérielle" sur cette réalité ("l'information que le général Grant est enterré dans sa tombe se trouve dans la tombe de Grant !", p174). Dès lors, ce qu'on appelle la conservation de l'information n'est rien d'autre que la conservation de l'énergie qui s'égare à glisser à une conservation de la forme alors que l'énergie est au contraire ce qui se trans-forme, et se conserve dans cette transformation (les deux côtés de l'équation devant s'équilibrer). La confusion entre l'énergie et l'information a pour conséquence d'étendre ce qui se conserve vraiment (l'énergie cinétique ou électrique) aux relations et structures qui sont perdues par les interactions multiples qu'elles subissent et qui les brisent en morceaux.

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L’énergie entropique

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Avoir des "conceptions personnelles" en sciences, cela veut dire presque toujours qu'on se trompe car on est alors dans le dogme, malgré la certitude d'en avoir une "idée claire et distincte". Ce qu'on croit être logique n'est pas assuré pour autant. Une science comme la physique est là-dessus implacable, détruisant les systèmes les plus convaincants et contredisant les déductions les plus évidentes. Du coup, certains s'en croient autorisés à donner crédit aux divagations les plus folles alors qu'il faudrait tout au contraire coller aux faits, sans trop chercher à les interpréter.

Il n'y a pas à s'offusquer du fait que "la science ne pense pas", c'est ce qu'elle doit faire. Newton refusait de devoir donner une explication pour l'action à distance impliquée par la formule de la gravitation dont il constatait simplement l'exactitude (Hypotheses non fingo). Par rapport à Lorentz et Poincaré, l'apport d'Einstein dans la relativité restreinte se limite presque à l'abandon de l'éther, ou plutôt des hypothèses qu'on se croyait obligé de faire à son sujet, osant simplement faire une lecture littérale de la formule de Lorentz. On peut dire que les sciences nous dépouillent de nos préjugés, qu'elles dé-pensent à mesure qu'elles progressent, et loin de confirmer telle ou telle spiritualité contredisent immanquablement le sens qu'on donne naturellement aux choses d'habiter le langage. Bien sûr, on a besoin quand même de faire des hypothèses et d'élaborer des théories pour avancer, pour expérimenter, pour donner sens aux résultats de l'expérience. La cohérence d'ensemble du "modèle standard" est essentielle même si elle subit des restructurations lors des "révolutions scientifiques". C'est toute la difficulté de cette marche en aveugle par essais-erreurs où la cohérence peut être trompeuse et se dogmatiser même si la compréhension d'ensemble finit toujours par évoluer pour tenir compte des faits malgré les résistances à ce qui est vécu comme une perte de sens. Les hypothèses scientifiques, qui sont en général des mises en relation (en formule), n'ont pas à être des convictions. Ce sont des montages soumis à l'épreuve et qu'on doit abandonner s'ils ne sont pas vérifiés.

Voilà un peu, ce que je vais me permettre, ici, sous le mode plutôt de la fantaisie car je n'ai bien sûr aucune compétence en ces domaines même si j'ai étudié de près la question de l'entropie, mais s'attaquer au premier principe sur lequel tout repose (la conservation de l'énergie) ne peut être pris trop au sérieux. L'hypothèse qui me travaille cependant, c'est qu'on pourrait ramener la conservation de l'énergie à une simple probabilité, certes très grande, ce qui permettrait de l'unifier avec l'entropie.

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Pour une physique pluraliste

Temps de lecture : 29 minutes

Rien ne va plus en physique ! L'échec de la théorie des cordes, Lee Smolin
Quitte à contredire son titre, il faut dire que voilà encore une fois un livre fantastique sur la physique, et accessible à un assez large public, qui témoigne de l'ébullition théorique d'une physique certes de plus en plus spéculative mais aussi de plus en plus extraordinaire et pleine d'émerveillements. On y découvre de nouvelles orientations de la recherche assez excitantes et pleines de surprises. C'est une leçon d'anti-dogmatisme, d'ouverture d'esprit et de créativité débridée (Feyerabend). On est loin d'une fin de la physique ! Le mystère du monde reste intact, mieux, notre ignorance semble s'accroître à mesure que nous avançons, et ceci alors même que l'année 2008 devrait être décisive avec les nouvelles expériences du LHC, quand il sera enfin opérationnel.


En fait il y a plusieurs livres en un :

  1. une histoire limpide de la physique depuis Galilée et de ses révolutions théoriques tendues vers l'unification des phénomènes.
  2. une évaluation critique de la théorie des cordes et de son hégémonie malgré les déceptions qu'elle a provoquées et son incompatibilité avec la relativité générale
  3. une revue des théories alternatives : MOND (Modified Newtonian Dynamics), DSR-II (relativité doublement restreinte), gravitation quantique à boucles, géométries non-commutatives, triangulations dynamiques...
  4. une critique de l'état de la science et de ses pesanteurs sociologiques ou de ses effets de mode.

C'est peut-être ce dernier point qui est le véritable objet du livre, le reste ne servant que d'illustration aux dysfonctionnements de la communauté scientifique, à notre rationalité limitée et aux difficultés des changements de paradigme. C'est pourtant ce dont on ne rendra pas vraiment compte, sinon pour noter qu'on retrouve ici un problème générationnel bien plus général et qu'on connaît trop bien :

Les aînés ont trop de sécurité du travail, trop de pouvoir et trop peu de responsabilités; les jeunes ont trop peu de sécurité du travail, trop peu de pouvoir et beaucoup trop de responsabilités, tout ceci au zénith de leur période créative et la plus ouverte aux risques. p 444

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Un univers à notre mesure ?

Temps de lecture : 23 minutes

Leonard Susskind, Le paysage cosmique

Le principe anthropique a tout pour déplaire. N'est-ce pas une façon de renoncer à toute explication scientifique, une sorte de tautologie qui se contente de dire que les choses sont telles qu'elles sont ? On peut même tomber avec le "principe anthropique fort" dans l'illusion religieuse et téléologique qui va prétendre que les choses sont telles qu'elles devaient être, guidées par une volonté supérieure, un "dessein intelligent" !

Dans sa version faible, l'affirmation que notre monde doit réunir toutes les conditions de notre existence est pourtant incontestable : le caractère relativement exceptionnel de notre planète en témoigne réunissant non seulement les conditions de l'apparition de la vie (ce qui doit être assez courant) mais aussi un temps d'évolution assez long pour mener jusqu'aux organismes pluricellulaires et finalement jusqu'à l'humanité avec la science qui essaie de comprendre le monde. C'est une situation si rare qu'il ne serait pas impossible qu'on soit les seuls, sur cette Terre, malgré la myriade d'étoiles et de galaxies qui nous entourent ! Au moins sur ce point, le principe anthropique ne saurait être mis en doute : inutile de vouloir expliquer les caractéristiques de notre planète purement aléatoires sinon par le fait que nous en sommes le produit.

C'est à un tout autre niveau pourtant que le principe anthropique s'impose aujourd'hui aux cosmologistes puisque ce sont les caractéristiques de notre univers qui ne pourraient s'expliquer autrement que par notre présence pour le penser. En effet, toute autre valeur de la "constante cosmologique" en particulier aurait pour résultat de rendre notre existence impossible !

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La relativité d’échelle en question

Temps de lecture : 8 minutes

Parmi les newsletters scientifiques, la lettre des Automates Intelligents se signale par son intérêt et son anticonformisme. Bien que nos points de vue soient assez différents je suis assez souvent surpris de la proximité de nos interprétations malgré tout. On ne peut leur reprocher un réductionnisme affiché, qui reste assez prudent et modéré, dès lors que leur ambition est de donner plus d'intelligence aux automates. Par contre, c'est sans doute la sous-estimation de la notion d'information (dans ce qui l'oppose à l'énergie et la matière) qui peut expliquer leurs excursions dans la physique bien que cela n'ait qu'un rapport lointain avec leur objet. Sans adopter les mêmes positions, on peut partager quand même cet esprit d'exploration qui stimule la réflexion, et saluer l'honnêteté intellectuelle de leurs recherches.

Ils ont choisi, ce mois-ci, de mettre en valeur la "relativité d'échelle" défendue par Laurent Nottale et qui est très controversée, entre avancée théorique décisive et simple supercherie. C'est l'occasion de se frotter à la science en train de se faire, quand on parle forcément de ce qu'on ne connaît pas et qu'il est bien difficile de trancher entre nouvelle ou fausse science. C'est dans cette totale incertitude, en dehors de l'expérience, que l'éthique scientifique doit être mise à l'épreuve et savoir faire preuve de discernement, en éprouvant par là même tout ce que l'on ignore encore malgré tous les savoirs accumulés.

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La part maudite

Temps de lecture : 10 minutes

Les dernières nouvelles de l'histoire de la Terre, de l'évolution de la vie et du climat, semblent confirmer l'intuition de Georges Bataille d'une humanité vouée comme toute vie à la consumation et la dépense de l'énergie excédentaire. Ainsi, notre rôle actif dans l'effet de serre et le réchauffement climatique n'aurait rien de tellement exceptionnel ou de hasardeux, se situant dans le prolongement de tous les organismes multicellulaires dont la fonction serait liée à la lutte contre les glaciations et l'excès de production d'oxygène !

Certes nous sommes bien coupables d'avoir passé les bornes et la rapidité du processus que nous avons déclenché nous menace directement, ainsi qu'une bonne partie des organismes vivants. Rien ne nous protégera contre nous-mêmes et nos folies. A semer à tous vents nos gaz empoisonnés, nous risquons assurément d'être balayés par les tempêtes et de nous brûler aux rayons d'un soleil de plomb. Il y a urgence à réagir malgré toutes les incertitudes dès lors qu'on risque un emballement qui pourrait être fatal, mais au niveau des temps géologiques et de l'histoire de la biosphère, ce ne serait sans doute qu'une péripétie dans la co-évolution de la vie et du climat.

En effet, il est étonnant de constater, au-delà des extinctions massives et des cataclysmes que la Terre a pu connaître, comme la vie et le climat se sont ajustés réciproquement jusqu'à constituer un système dynamique qui se stabilise plus ou moins sur le très long terme. Il n'y a pas l'environnement d'un côté et les gènes de l'autre mais une interaction constante qui brouille bien plus qu'on ne croit la séparation entre intérieur et extérieur, entre vivant et non-vivant (entre sujet et objet). Ce n'est pas une raison pour faire de Gaïa un être vivant à part entière mais il y a bien une précieuse union intime entre la vie et son milieu, un équilibre dynamique, plus ou moins cyclique et jamais en repos, où se dépense notre excès d'énergie dans un foisonnement de formes vivantes aussi chatoyantes qu'éphémères, mais qui se reproduisent pourtant et perdurent à travers les âges en façonnant le monde à leur ressemblance pour en faire un monde vivant, le monde de la vie.

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Seuls sur la Terre ?

Temps de lecture : 18 minutes

Le petit princeSommes-nous seuls sur la Terre ou bien existe-t-il d'autres vies extra-terrestres ?

Contrairement à ce qu'on croit habituellement, la réponse est loin d'être évidente. En effet, si le nombre d'étoiles et de galaxies semble faire pencher la balance du côté de l'existence de planètes semblables à la nôtre, les conditions à rassembler pour l'apparition de la vie restent vraiment exceptionnelles, encore plus pour pouvoir abriter des êtres évolués, et les chances que d'autres civilisations puissent exister en même temps que la nôtre sont pratiquement nulles...

Sans qu'on puisse être vraiment certain qu'on soit un cas unique dans l'histoire de l'univers, comme certains le prétendent, on ne peut non plus être aussi certain qu'on a pu le penser qu'il y aurait d'autres formes d'intelligence en dehors de la nôtre, ce qui a de quoi nous interloquer. Il est intéressant, en tout cas, d'essayer d'en évaluer les probabilités en dehors de toute idée préconçue, la question se divisant en 3 parties : 1) la probabilité d'un environnement qui permette l'éclosion de la vie, 2) la probabilité que la vie apparaisse lorsque les conditions y sont favorables, 3) la probabilité que la vie évolue vers des formes complexes et une intelligence comparable à l'intelligence humaine, lorsqu'on lui en laisse le temps.

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Les champs quantiques

Temps de lecture : 11 minutes

aimantOn m'a demandé une petite note sur les champs quantiques. Bien sûr je ne suis pas compétent pour cela mais il faut bien dire que ce qu'on trouve sur le sujet (sur Wikipédia par exemple) est absolument incompréhensible pour le commun des mortels. Ce que j'ai fait sera incompréhensible aussi à beaucoup mais un peu moins tout de même et ce serait déjà mieux si les encyclopédies se mettaient à ce niveau pour éviter tous les délires que suscite la physique quantique. On a besoin de toutes façons de plusieurs niveaux de vulgarisation. Evidemment, il faudrait que les physiciens compétents corrigent mes simplifications et mes erreurs...

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Le caractère révolutionnaire de la science

Temps de lecture : 21 minutes

Carlo RovelliQu'est-ce que le temps ? Qu'est-ce que l'espace ? Carlo Rovelli

Il y a parfois d'excellentes surprises comme ce petit livre d'une centaine de page et qui se lit comme un roman bien que le sujet en soit des plus difficiles puisque c'est "la gravité quantique à boucles" ! Certes on ne fait que survoler la question, et on ne saura pas vraiment à la fin ce qu'est le temps ni ce qu'est l'espace. On a plutôt affaire au récit de cette recherche avec toutes ses incertitudes.

Carlo Rovelli, qui a été un militant révolutionnaire dans l'Italie des années '70, participant entre autres à une des premières radios libres, radio Alice, insiste sur le caractère révolutionnaire de la science, bouleversant nos conceptions comme la "révolution copernicienne" nous obligeant à reconnaître que nous ne sommes pas le centre de l'univers et que c'est nous qui tournons (2 fois même!), et non pas le Soleil autour de nous (absolument inimaginable!). Copernic parlait de la "révolution des planètes" mais c'était un tel renversement de nos représentations que le terme a pris un sens "révolutionnaire".

Cette capacité de remise en cause qui maintient tout en doute montre qu'il n'y a pas de véritable différence entre science et philosophie. S'il y a une opposition c'est entre scientisme (ou technique) et philosophie, c'est-à-dire un savoir qui se voudrait objectif, sans place au subjectif et au processus d'apprentissage, réduisant l'homme à l'animal ou même à un automate. La physique fondamentale, devenue tellement spéculative, se rapproche au contraire de la philosophie, offrant un terrain où l'esprit révolutionnaire peut s'exercer et triompher des conservatismes sociaux. Bien maigre consolation sans doute d'une société qui se délite, mais où se nouent de façon exemplaire science, philosophie et démocratie autour du caractère révolutionnaire de tout apprentissage et du travail du négatif, d'un scepticisme qui fait progresser le savoir plutôt que de le détruire.

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La théorie holographique de la gravitation

Temps de lecture : 12 minutes

Pour la ScienceLa revue Pour la Science du mois de janvier est particulièrement intéressante en premier lieu sur la gravitation bien sûr mais Il y a aussi l'article sur la nouvelle génération de centrales nucléaires, celui sur Le stress de la pauvreté (relatif à la richesse des riches dont le stress augmente aussi avec les inégalités alors qu' une réduction de l'inégalité des revenus se traduit par une meilleure santé tant pour les pauvres que pour les riches !). Dans le même ordre d'idée Jean-Paul Delahaye montre que la ségrégation urbaine est un effet nuisible majeur que personne ne prévoit ni ne désire résultant de l'agrégation de microcomportements.

La neurobiologie du soi est un peu décevante. On peut en retenir malgré tout que le système réflexif ne code pas des souvenirs, mais des intuitions, sollicitant des régions qui produisent des réponses émotionnelles rapides fondées non pas sur le raisonnement explicite, mais sur des associations statistiques. Ce système n'élabore la connaissance de soi que très lentement, parce qu'il doit disposer de nombreuses expériences pour former ces associations, mais dès qu'il commence à prendre forme, il devient très puissant. D'autre part le sentiment de soi serait un produit de la vie sociale et l'idée que le soi humain pleinement développé est un produit de la société des hominidés expliquerait pourquoi il y a tant de recouvrements entre la façon dont nous pensons à nous et celle dont nous pensons à autrui (théorie de l'esprit). Ce que confirme Ivar Ekeland pour qui, dans les alliances, peu importe ce que je pense, ce qui compte c'est ce que je pense que mon adversaire pense que je pense !

Le plus passionnant (et le plus incompréhensible!) c'est tout de même cette "théorie holographique de la gravitation", véritable "révolution copernicienne" dont nous allons essayer de rendre compte. L'accroche de la revue (La gravité : une illusion?) est un peu trop racoleuse, rappelant l'affaire Sokal. Il ne peut y avoir de doute sur le fait que la gravitation n'est en aucun cas une "illusion". Elle est aussi réelle que l'alternance du jour et de la nuit. Ce qui peut être remis en cause, c'est uniquement notre "représentation" naïve du monde (de même que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la Terre malgré ce qu'on voit tous les jours mais la Terre qui tourne autour du soleil et sur elle-même) ! C'est peut-être encore plus extraordinaire.

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Le bluff des « nanobabioles »

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Un univers différentLe prix Nobel de physique 1998 Robert B. Laughlin dénonce dans son livre "Un univers différent" le bluff des nanotechnologies qui sont faites en aveugle, tout comme les OGM, bien loin d'en maîtriser les produits, encore moins les processus de fabrication, alors qu'à cette échelle les fluctuations quantiques posent des problèmes insurmontables. Les nanotechnologies seraient le dernier avatar d'un réductionnisme dont le physicien annonce la fin devant l'impossibilité de déduire les propriétés émergentes de la matière à partir de ses composants atomiques qui ne sont absolument pas réductibles à des particules solides qu'on pourrait assembler une à une. L'escroquerie serait du même ordre que celle de la fusion froide. Les seules véritables nanotechnologies relèvent jusqu'à ce jour de la chimie ou de la biochimie.

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L’effondrement des civilisations

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Dans un dossier assez intéressant sur l'archéologie de la Bible au proche-orient, le magazine La Recherche du mois de novembre fait état d'une théorie de l'effondrement des civilisations, de caractère systémique, généralisant des phénomènes répétés à des millénaires de distance. Ce sont des processus bien connus mais qui valent d'être médités, passant par les stades de l'effondrement suivi d'un âge sombre avant la renaissance des inégalités, des élites politiques et de la civilisation. On ne peut en tirer la conclusion qu'il faudrait encourager les inégalités car l'effondrement peut se produire par excès d'inégalités, la véritable richesse, c'est la cohésion sociale dont inégalités et richesses ne sont qu'un sous-produit.

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