Dans ces temps de bouleversement où c'est la réalité qui redevient révolutionnaire, on assiste partout au retour du commun, depuis si longtemps totalement discrédité pourtant par l'idéologie néolibérale. La glorification de l'individu avait atteint de tels sommets qu'on ne peut que se réjouir de l'éclatement de cette bulle narcissique et du retour, vital, à la réalité de nos interdépendances et solidarités collectives. On peut craindre cependant que selon une stricte logique dialectique, on s'emporte à réduire un peu trop du coup la part de l'individu au nom d'une communauté retrouvée.
Pourtant de simples considérations matérielles devraient mener à l'abandon des anciennes idéologies au profit d'une écologie-politique constituant une réponse bien plus adaptée à notre époque en se confrontant aux défis planétaires tout en restant attentive aux diversités locales, effectuant ainsi une synthèse de l'individu et du collectif plus équilibrée, moins centralisée, moins idéologique, plus objective enfin.

Dans la biologie artificielle, il faut distinguer 1) les organismes génétiquement modifiés qui sont bien des organismes vivants, même asservis, 2) la biologie synthétique qui se borne à reconstruire synthétiquement un génome donné, ce qui réussit à recréer effectivement une bactérie bien vivante (un mammouth peut-être un jour), 3) enfin, le projet d'une vie artificielle, c'est-à-dire la création de toutes pièces d'une cellule vivante à partir d'un génome minimal, voire d'autres bases que l'ADN ou l'ARN (comme l'APN).
Pour inaugurer la nouvelle version du blog, il m'a semblé utile de mettre à la portée de tous cette introduction à la fameuse "introduction à la lecture de Hegel" d'Alexandre Kojève analysant le désir humain comme désir de désir, texte qui a été essentiel pour la philosophie française et la réception de Hegel, ayant influencé Bataille, Lacan, Sartre, etc. On peut contester son interprétation de Hegel à la lumière de l'être pour la mort heideggerrien et du travail marxien mais il a le mérite de le rendre lumineux, ce qui n'est pas rien ! Il ne s'agit pas de prendre au mot cette dialectique du maître et de l'esclave qui reste au niveau du B.A.BA mais de donner à penser la structure du désir (il s'agit de philosophie pas d'idéologie). Ainsi, une interprétation individualiste serait bien peu hégélienne d'une lutte à mort des riches contre les pauvres. On naît du côté des dominants, plus souvent qu'on ne le devient soi-même. Reste la structure du désir et d'une conscience-de-soi qui renie sa part animale pour être reconnue par les autres consciences-de-soi dans son autonomie mais se heurte plutôt à toutes ses dépendances, n'ayant d'autre issue que la transformation révolutionnaire du monde (son humanisation) et la reconnaissance mutuelle dans toutes nos imperfections, c'est-à-dire en abandonnant la prétention à la maîtrise (l'homme total) ainsi que la conception aristocratique de la liberté, miroir inversé de l'asservissement...
Le mythe de la métamorphose est consubstantiel à l'être parlant, au monde des mots. Pour les chamans, le devenir animal était certes une véritable transformation personnelle, bien qu'éphémère, alors que l'initiation constituait un rite social, rite de passage entre l'adolescence et l'âge adulte par la confrontation avec la drogue, la séparation et la mort (la peur et la souffrance).
Le nouveau statut d'auto-entrepreneur est une véritable révolution en ce qu'il supprime toute "barrière d'entrée" pour le travail autonome, contrairement aux professions libérales exigeant des revenus conséquents pour payer charges sociales et impôts, avec un décalage d'un an souvent, ce qui rendait dramatique l'arrêt de l'expérience réservée aux classes moyennes supérieures. Paradoxalement les charges sociales sensées protéger les travailleurs empêchaient donc de travailler les plus modestes : ne pouvant se mettre à leur compte ils étaient condamnés au travail au noir ou au chômage s'ils ne trouvaient pas d'emploi salarié. La suppression de cette barrière d'entrée va amener une concurrence nouvelle pour les professions libérales qu'elle protégeait, réduisant leurs revenus en participant à la déqualification générale. On s'étonne qu'il n'y ait pas eu de réaction de ce côté pour concurrence déloyale. Mais, c'est que les effets ne sont pas encore visibles, puisque l'expérience commence à peine...
Beaucoup en conviendront, c'est une très bonne nouvelle que l'ancien monde s'écroule. Il n'y a pas à se lamenter sur son sort mais à s'impatienter plutôt d'un effondrement d'une insupportable lenteur. Même si on doit en passer par des moments difficiles, ce qu'on nous présente comme de très mauvaises nouvelles, sont pour nous un retour plus que salutaire à la réalité, à la prise de conscience collective. Au moment du plus grand danger et malgré toutes les menaces qui s'amoncellent, on peut retrouver paradoxalement un optimisme perdu depuis bien longtemps, la Guadeloupe n'étant que la première de nos victoires dans la reconquête de tous nos droits et la réappropriation de la démocratie par ses citoyens.
Les Guadeloupéens nous montrent la voie d'un retour des mouvements sociaux et de la lutte des classes mais surtout d'une réappropriation par les citoyens de leur propre pays et d'un retour aux fondements de la démocratie. Leurs revendications apparaissent à l'évidence légitimes, faisant apparaître la nécessité d'un gouvernement démocratique local, sans quitter pour autant la communauté nationale. Voilà de quoi ranimer l'aspiration révolutionnaire au modèle fédératif conciliant localisme et solidarité nationale.
On rêve de tous côtés d'un après-capitalisme qui reste complètement mythique alors que ce qui se met en place pour l'instant ce n'est qu'une régulation minimale du système, son renforcement beaucoup plus que sa remise en cause, même s'il y a des inflexions notables vers plus de justice sociale ainsi qu'une totale déconsidération des classes supérieures et de leur cynisme, considérées désormais comme aussi parasitaires et inutiles que la noblesse a pu l'être aux tout débuts de la révolution industrielle !
Je ne suis pas un homme de parole. Normalement, je refuse les réunions et les émissions, sauf rares exceptions. Aussi les témoignages audio de mes interventions sont (heureusement) encore plus rares.

Quand le libéralisme triomphant nous imposait un individualisme débridé avec une conception de l'homme réduite à ses plus mauvais côtés, l'urgence était bien d'affirmer notre communauté originaire et de refonder nos solidarités sociales mais lorsque les mouvements sociaux se réveillent et qu'on assiste au retour de l'Etat, l'urgence redevient l'affirmation de la liberté individuelle et de ne pas tomber dans un angélisme destructeur mais de préserver la dualité, voire la duplicité de notre réalité humaine. Ce n'est pas parce qu'il y a de l'universel qu'il n'y a pas de particulier. Il y a du collectif mais il y a aussi de l'individuel. Certes, il n'y a pas que des corps, il y a aussi les relations entre les corps mais il y a quand même la part du corps. Il n'y a pas de dignité en dehors de l'appartenance à la communauté humaine mais cette dignité réside malgré tout dans notre liberté et responsabilité individuelle ; liberté constituant l'essence même de l'amour et de ses contradictions, à mille lieues de la liberté idéalisée du libéralisme.
Tout pourrait revenir comme avant ou presque, semble-t-il, avec quelques règles en plus, quelques ajustements, de sévères corrections même, mais tout cela n'aurait été au fond qu'un mauvais moment à passer, une simple réduction de l'activité, des bénéfices, des revenus. On nous annonce pour l'année prochaine une récession entre 1% et 5%, la belle affaire ! Pas de quoi faire un plat pour cela, chacun peut retourner à ses petites affaires et joyeuses fêtes à tous ceux qui croient au Père Noël !