Auto-organisation et sélection génétique

Temps de lecture : 24 minutes

Le vivant post-génomique ou qu'est-ce que l'auto-organisation, Henri Atlan
Henri Atlan faisait partie des membres originaires du GRIT mais cela n'empêche pas que je me situe à peu près à son exact opposé sur des points fondamentaux qu'on peut relier à nos conceptions différentes de l'information. En effet, non seulement il prétend tout expliquer par l'auto-organisation, ce qui me semble très exagéré au moins (et pas du tout aussi original qu'a pu l'écrire Philippe Petit) mais il attaque frontalement tout ce que je crois devoir réhabiliter (voir mon article précédent) : la spécificité de la vie, le rôle de la finalité comme inversion de l'entropie et même la sélection darwinienne comme seul facteur explicatif, ce qu'il appelle "l'épistémologie évolutive" (p134), sans parler de la liberté et du dualisme entre l'esprit et le corps (comme entre l'information et l'énergie ou la matière).

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La vie incréée

Temps de lecture : 47 minutes

La vie, c'est apprendre à surmonter l'entropie pour éviter le pire et tirer parti de l'occasion.

Ce n'est pas la première fois que j'écris sur le sens de la vie et la trivialité des réponses que j'en donne paraîtra déplacée à tous les croyants comme à ceux qui voudraient rêver leur vie mais ce texte qui prolonge de l'entropie à l'écologie est le premier chapitre d'un livre sur la biologie et la vie comme évolution qui devait rassembler la matière des articles cités à la fin.

C'est de façon complétement inattendue que s'est imposé le thème de l'absence d'un dieu créateur pour comprendre les finalités biologiques, l'essence de la vie et de son autonomie évolutive, la neutralité scientifique n'étant pas tenable à propos de la différence entre une vie qui se construit pas à pas et une création par un supposé grand architecte.

On verra, en effet, que la vie se caractérise bien par sa vitalité qui est à la fois reproduction, sélection, évolution, régulation (boucle de rétroaction), exploration, adaptation, activité vitale constituant sa subjectivité, sa spontanéité, et qui s'oppose constamment aux forces de destruction entropiques grâce à l'information, la correction d'erreur et la mémoire, processus cognitif dès la première cellule introduisant la finalité dans la chaîne des causes, la difficulté étant de comprendre, hors de tout spiritualisme, le dualisme fondamental opposant la vie à la matière inerte, sa réactivité, son dynamisme propre, l'expérience du temps (de l'après-coup) et l'épreuve du réel permettant l'inversion des causes et de l'entropie jusqu'à se complexifier de façon inouïe et coloniser toute la biosphère.

Il y a, bien sûr, des conséquences politiques à en tirer à l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain.

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Revue des sciences 05/11

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etc.

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Les contradictions entre révolution et démocratie

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Lorsque j'annonçais le retour des révolutions et de l'inflation, cela ne paraissait guère crédible à l'époque, pas tellement plus que lorsque je soulignais l'année dernière la nécessité de l'intervention des peuples, tant s'imposait la certitude d'une fin de l'histoire où plus rien ne pouvait changer. Maintenant que ce sont devenus des faits incontestables, il convient de tempérer les illusions qu'ont pu faire naître les révolutions arabes et la perspective d'un effondrement du capitalisme bien peu probable (même si le pire est sans doute encore devant nous), en rappelant la dialectique bien connue des mouvements révolutionnaires suivis régulièrement par un retour à l'ordre souvent musclé.

Pour ne pas se tromper de stratégie, il faudrait prendre en compte à la fois ce que les soulèvements populaires peuvent avoir de nécessaires, y compris en démocratie quand elle devient trop oligarchique, et les limites que la démocratie peut mettre aux espérances révolutionnaires. On le sait depuis Mai68, rien de mieux que d'organiser des élections pour mettre fin à une révolution qui se retrouve (forcément) minoritaire. Ce sont les contradictions entre révolution et démocratie qu'il faut mesurer, en même temps que ce qui les rend inséparables : les démocraties se fondent sur des révolutions et s'y régénèrent périodiquement mais une révolution réellement démocratique empêchera toute dictature révolutionnaire, et même toute instauration d'une prétendue "démocratie directe". Il n'y aura jamais aucune majorité pour cela. Ce qu'on peut attendre d'une révolution, c'est autre chose, une réaffirmation des solidarités sociales, une réduction des inégalités et des institutions plus justes, mieux adaptées à notre temps.

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Revue des sciences 04/11

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La fuite dans l’irrationnel

Temps de lecture : 23 minutes

Georg Lukács, La destruction de la raison (Schelling, Schopenhaeur, Kierkegaard)
Il y a des moments où la raison ne peut plus se faire entendre dans le déchaînement de foules prises de haine, de panique ou d'enthousiasme. Il y a des moments où plus rien ne compte de ce que nous avait appris l'histoire (ou les sciences sociales) dans l'illusion de tout pouvoir recommencer à zéro. L'étonnant, c'est que cette fuite dans l'irrationnel puisse être le fait de "philosophes" et pas seulement de foules fanatisées. On retrouve encore une fois les égarements de la raison elle-même, sous la forme cette fois de la bêtise savante.

Ici Lukács essaie de remonter aux sources philosophiques de l'irrationalité nazi qu'il identifie largement à l'existentialisme d'Heidegger (qu'Emmanuel Faye accusera effectivement de L'introduction du nazisme dans la philosophie). Un volume entier est consacré à Nietzsche, inspirateur indéniable du nazisme, alors que ce volume-ci s'attache à ses prédécesseurs moins connus (Schelling, Schopenhauer, Kierkegaard) et leurs différentes stratégies de fuite dans l'irrationnel (idéalisme, volontarisme, subjectivisme) témoignant de l'affolement de la pensée après la Révolution Française et l'essor de l'industrie, mais qui reviennent en force de nos jours.

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Le pouvoir du peuple

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La situation devient plus tendue. Les révolutions arabes montrent à la fois le pouvoir du peuple assemblé et ses limites au-delà du renversement du tyran, sans autres perspectives que de rejoindre nos vieilles démocraties marchandes essoufflées. Ici, la crise commence à faire sentir ses conséquences dévastatrices en même temps que les limites d'un pouvoir politique inévitablement soumis aux marchés et dont la collusion avec les riches affiche sans ambiguïté son caractère ploutocratique tout comme la dérive oligarchique de presque tous les partis (conformément à "la loi d'airain de l'oligarchie"). Loin des belles envolées métaphysiques dont on la célèbre à l'envie dans les discours, la démocratie a bien perdu tout son sens, réduite au choix d'un Président Directeur Général chargé de gérer au mieux l'économie du pays ou simplement d'éviter le pire.

Face au scandale des compromissions de toute la classe politique et de la transformation de nos élus en élites gouvernantes coupées des populations, le rejet est plus profond que jamais, exprimé par le souhait bien compréhensible qu'ils dégagent tous, souhait repris par les populistes de droite comme de gauche. Car il y a bien convergence sur de nombreux points de populismes qui s'affrontent pourtant Front contre Front. L'opposition au libéralisme et à l'Europe avait déjà rapproché les deux côtés lors du référendum sur la constitution européenne. La crise ajoute le thème du protectionnisme et la nécessité de mesures radicales, sauf que ce ne sont pas les mêmes, bien sûr. Du moins, on peut dire que cette gauche anoblit l'appel à un pouvoir fort, au retour du politique, elle lui donne une crédibilité qui profitera toujours plus au nationalisme et à l'extrême-droite qui manient la haine de l'étranger et de boucs émissaires faciles. Il ne s'agit pas de nier les différences, patentes, mais de voir en quoi une certaine gauche renforce une extrême-droite qui a le vent en poupe, constat désagréable qui était déjà celui des fascisme et nazisme inspirés des communistes qu'ils combattaient.

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Revue des sciences 03/11

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De l’entropie à l’écologie

Temps de lecture : 29 minutes

Voulez-vous savoir le secret de notre monde globalisé tout comme du passage de la mort à la vie ? Vous verrez que, aussi décevant que cela puisse paraître, ce n'est rien d'autre que l'information !

Encore faut-il comprendre ce qu'est l'information et ce qui l'oppose à l'énergie entropique jusqu'à rendre possible l'écologie aujourd'hui dans sa lutte contre l'entropie galopante de la société industrielle, qu'il ne faut pas confondre avec la société de l'information qui lui succède, modernité réflexive qui commence à peine mais bouscule déjà le monde entier avec fracas. Impossible de l'ignorer qui a fait de nous déjà des hommes nouveaux.

L'entropie n'est pas une loi aussi implacable qu'on le prétend (du moins en dehors de la thermodynamique), la vie est la preuve du contraire. On peut être aussi buté qu'on veut, on doit bien reconnaître que l'information est à la base de la vie (reproduction, réaction, régulation) qui s'oppose assez bien à l'entropie pour avoir réussi à coloniser toute la biosphère et atteindre une complexité inouïe. L'évolution est un processus d'apprentissage et d'organisation (d'outillage, dès les protéines), mémorisé par les gènes, puis le cerveau, puis par l'écriture, enfin par le numérique. L'information n'a rien de magique, elle ne supprime ni l'énergie, ni la matière mais elle en optimise l'usage et permet de s'affranchir localement des forces de désorganisation avec un succès durable.

L'important à comprendre c'est que la logique du vivant, d'une information qui est aussi réaction (différence qui fait la différence), n'a plus grand chose à voir avec la logique des phénomènes physiques, énergétiques ou matériels, du fait de son caractère non-linéaire mais surtout (ré)actif. Le monde de l'esprit prend le dessus sur les forces matérielles, c'est cela l'écologie aussi qui est une activité incessante (réaction informée) au même titre que l'homéostasie du vivant. C'est à cette condition que l'ère de l'information permettra le passage de l'entropie à l'écologie, non que l'entropie disparaîtrait mais parce que les ressources de notre intelligence globale seraient tendues vers la conservation de nos conditions de vie et la reconstitution de notre milieu (passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables, recyclage, relocalisation, etc.). Ce n'est pas gagné, comme notre survie est toujours menacée, cela doit du moins devenir notre objectif commun. Mais revenons au début...

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D’autres voies, peut-être…

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Edgar Morin, La Voie, Fayard, 2011
La critique est un art difficile, trop souvent enrégimentée et ramenée à des attaques personnelles. C'est d'autant plus difficile de critiquer quelqu'un qu'on admire et un livre qui non seulement a reçu un très bon accueil mais qu'on peut trouver salutaire dans le contexte actuel. On pourra difficilement être en désaccord sur la plupart des propositions avancées, s'il y a désaccord il portera donc sur le fait qu'il ne suffit pas d'un catalogue de bonnes intentions mais surtout, sur l'ambition trop globalisante et la confusion, revendiquée, des dimensions éthique et politique, avec pour conséquence le rêve insensé d'une conjugaison de réformes économiques, éducatives, réformes de vie et de la pensée, réforme morale enfin dans une métamorphose aussi improbable que finalement effrayante.

On ne peut reprocher à Edgar Morin d'avoir rassemblé dans ce livre l'essentiel du travail de toute une vie et de nous livrer, sous une forme on ne peut plus accessible, les leçons qu'il en tire pour l'avenir, aussi bien en économie et politique qu'au niveau éthique ou cognitif. Ce qu'on peut lui reprocher, par contre, c'est de vouloir lier trop étroitement les domaines du privé et du public, pas si loin de la religion de l'humanité d'Auguste Comte. En nous donnant ainsi une représentation du monde globale et cohérente, il définit certes les contours d'une nouvelle idéologie qui peut avoir son utilité mais qu'on ne peut rêver d'imposer à tous alors qu'une bonne part des réformes concrètes proposées mériteraient d'être discutées et défendues.

En tout cas, si le Grit n'a pas survécu à ces divergences, on peut s'émerveiller de voir la présence dans l'actualité éditoriale de quelques unes de ses figures principales comme Edgar Morin ou René Passet, sans parler de Stéphane Hessel qui en était proche lui aussi.

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Rien ne sert de faire la révolution, il faut savoir qu’en faire

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On peut s'étonner qu'Olivier Besancenot dise avoir vécu jusqu'ici dans un monde sans révolutions alors qu'il a dû connaître au moins le renversement des régimes communistes et les "révolutions de couleur", sans doute considérées par lui plutôt comme des contre-révolutions puisqu'elles n'étaient que des conversions au capitalo-parlementarisme mais c'est bien l'horizon de la "révolution de jasmin". L'autre hypothèse, rabâchée, celle de la révolution avortée du Caire, ce sont les frères musulmans mis pas pour rien au premier plan. En tout cas, rien ne laisse espérer, dans un cas comme dans l'autre, l'engagement dans un processus révolutionnaire comme en Amérique du sud. Certes, il faut soutenir le renversement des dictatures mais il ne suffit pas de renverser le tyran, il faut voir qui le remplace.

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Revue des sciences 02/11

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Néo-fascisme et idéologie du désir

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Mai 68 : la contre-révolution libérale libertaire, Michel Clouscard

D'un côté on a d'anciens maoïstes ou libertaires, ou même des disciples de Foucault ou Deleuze, devenus les chantres du libéralisme le plus débridé. De l'autre, on a de soi-disant révolutionnaires qui, au nom de ces dérives, accusent Mai 68 de tous les maux et se rangent du côté de l'ordre moral autoritaire et régressif. Le résultat, c'est que tout ce beau monde, qui se réclamait pourtant d'une gauche plus ou moins extrême, se retrouve finalement bien à droite et qu'on peut les rassembler, malgré leur farouche opposition, dans ce qu'on appelle non sans raisons les "néo-cons", plus cons encore que les anciens !

Il faut bien dire que les raisons de parler de Michel Clouscard sont assez minces, se réduisant principalement à l'activité éditoriale des éditions Delga qui ont déterré son oeuvre mais publient surtout plusieurs ouvrages indispensables de Georg Lukács restés inédits en français. Le bon côté de Michel Clouscard c'est, en effet, sa reprise de la critique de Lukàcs d'un néo-kantisme réifiant au profit d'une conception dialectique de l'histoire. On verra qu'il n'est pas sûr pourtant que sa conception de l'idéologie échappe à cette critique (et tout comme Lukács leur prétendue dialectique recouvre en fait une politique réduite au moralisme révolutionnaire) mais la raison de rendre compte de ce livre, c'est paradoxalement son ancienneté qui en fait un précurseur puisqu'il date de 1973, donc de l'immédiat après-68.

Malgré le simplisme de sa grille explicative "unidimensionnelle", il montrait déjà la complicité de la libération des désirs avec la "société de consommation", bien qu'il récuse ce terme pour les travailleurs exploités, dénonçant la collusion des libertaires et des libéraux, qui se vérifiera plus tard (de Cohn-Bendit à Jerry Rubin). Seulement, cette critique le mène, comme bien d'autres après lui, à des tendances réactionnaires et un certain confusionnisme moralisant qui ne vaut guère mieux. En ces temps troublés, nous avons besoin pourtant de dépasser les impasses du passé et revenir à une critique sociale de plus en plus urgente sans devoir revenir en arrière sur la libéralisation des moeurs.

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Revue des sciences 01/11

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etc...

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L’économie expliquée par l’histoire

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René Passet, Les grandes représentations du monde et de l'économie à travers l'histoire

La loi des milieux naturels et humains n'est pas l'équilibre qui les fige, mais le déséquilibre par lequel ils évoluent. p901

Voilà un grand livre comme il en sort peu par décennie, projet d'histoire totale reconstituant la généalogie des paradigmes culturels, scientifiques, économiques, à partir des périodes les plus reculées jusqu'à notre actualité la plus brûlante. Cette déconstruction de théories économiques renvoyées à leur historicité, vise à la reconstruction d'une bioéconomie intégrée à son milieu comme à l'histoire culturelle, économie vivante et en devenir, où se totalisent les savoirs accumulés avec les nouveaux paradigmes de la complexité et de l'économie immatérielle.

C'est aussi un gros livre de près de mille pages auquel il n'est pas question de s'attaquer d'emblée mais qu'il faudra étudier patiemment. On peut d'ailleurs parier que, malgré l'absence inexplicable d'index, il sera bien utile aux étudiants comme manuel pour comprendre l'histoire des théories économiques que René Passet replace dans l'évolution des idées, des conceptions scientifiques et de l'état des techniques, éclairant notamment le passage de la mécanique à la thermodynamique puis à la complexité écologique et informationnelle. Plus on avance dans le livre et plus c'est passionnant, la critique se faisant plus politique à mesure qu'on se rapproche de notre actualité.

En fait, même si on passe bien en revue les théories économiques (notamment Marx, Keynes, Hayek, etc.), on peut penser que c'est avant tout une histoire culturelle de l'humanité, où l'économie n'a d'ailleurs que peu de place au début, entreprise encyclopédique risquée et forcément "discutable", qu'on pourrait rapprocher de celle de Michel Foucault mais qui se réclame plutôt de Khun et de ses paradigmes dont les changements caractérisent les grandes révolutions scientifiques et techniques. Il faut tout ce détour historique pour comprendre notre temps tout comme l'économie actuelle à la lumière des considérables mutations techniques (émergence de l'immatériel), scientifiques (théorie du chaos, sciences cognitives) mais aussi politiques et environnementales que nous connaissons.

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Révolution virtuelle et révolution réelle

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J'avais trouvé intéressant le buzz autour de la proposition d'Eric Cantona de retirer son argent des banques, non que j'aie jamais cru à un véritable bankrun, ni même que ce serait souhaitable, mais parce que le succès médiatique rencontré manifestait une salutaire défiance envers les banques et que cela pouvait être une façon d'exprimer notre protestation citoyenne comme de répondre aux réactions déplacées de nos élites.

L'échec total de l'opération montre cependant toute la distance qu'il peut y avoir entre une mobilisation virtuelle et les mobilisations réelles. Plus important encore, la difficulté éprouvée à la mise en pratique de ce qui semblait si évident et si simple, en parole du moins, aura eu pour effet bien plutôt de faire sentir à chacun à quel point il était dépendant du système, ne pouvant sérieusement souhaiter son effondrement...

On pourrait en tirer la conclusion que toute révolution est devenue impossible, alors même qu'on est dans une période on ne peut plus révolutionnaire où l'intervention des peuples est devenue absolument nécessaire mais il ne faudrait pas se tromper de révolution ni se monter la tête. Cette intervention ne peut prendre d'autre forme qu'une grève générale et ne peut prétendre abattre un système devenu vital, seulement renverser le rapport de force entre le travail et la finance pour changer les règles du jeu, mettre un terme à la destruction des protections sociales, conquérir de nouveaux droits (revenu garanti pour tous) et commencer peut-être à construire un autre système de production.

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Revue des sciences 12/10

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La valeur et le prix

Temps de lecture : 16 minutes

Paul Jorion, Le Prix, éditions du croquant, 350 pages
Paul Jorion est un acteur important de notre conjoncture, d'une façon qui peut faire penser au rôle d'Etienne Chouard lors du referendum sur la constitution européenne pour sa place sur internet, bien que ce soit très différent. Il porte, en particulier, l'interdiction des paris sur les prix afin de limiter la volatilité spéculative et ne pas confondre la finance avec un casino. Rien de révolutionnaire là-dedans, juste de très nécessaire. Nous sommes assez proches dans l'analyse de la crise (bien que je donne plus d'importance au retour de l'inflation) mais je ne suis pas aveuglement pour autant toutes ses propositions qui sont d'ailleurs assez loin des miennes. Cela ne m'empêche pas de lire régulièrement son blog avec intérêt.

Sa soudaine notoriété s'est traduite par une activité éditoriale intense débordant la crise elle-même et n'ayant pas peur de faire preuve de la plus grande ambition théorique puisqu'il va jusqu'à s'attaquer à la question de "Comment la vérité et la réalité furent inventées". L'originalité de son approche, c'est de combiner des références philosophiques (Aristote, Hegel, Kojève) à ses expériences ethnologiques et financières. Son dernier livre sur "Le prix" en fait d'une certaine façon la synthèse apportant une contribution importante sur la formation des prix qui relativise la loi de l'offre et la demande par l'inégalité des rapports sociaux en même temps que la philia des partenaires. On ne peut dire que ce soit vraiment nouveau puisque François Perroux, les institutionnalistes, etc., l'avaient déjà montré mais il est certain que l'économie doit tenir compte de la sociologie, ne pas se contenter d'un regard macroéconomique et passer de la statistique à l'organisation sociale. On peut trouver cependant exagéré de vouloir en faire le seul déterminant en recouvrant tout l'économique par le sociologique, de même qu'on ne peut faire de la valeur une simple abstraction inutile. C'est d'ailleurs ce qu'on discutera principalement ici, le rapport de la valeur au prix et leurs temporalités différentes.

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L’optimisme de la raison

Temps de lecture : 33 minutes

Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien; c’est dans les occasions où tout est à craindre, qu’il ne faut rien craindre; c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers, qu’il n’en faut redouter aucun; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource, qu’il faut compter sur toutes; c’est lorsqu’on est surpris, qu’il faut surprendre l’ennemi lui-même. (Sun-Tse, L’Art de la Guerre)

On peut prendre pour une provocation de parler d'optimisme de la raison au moment de la montée de tous les périls, pourtant c'est justement dans ces moments qu'il ne faut pas céder à la panique mais préparer les "lendemains qui chantent", car les beaux jours reviendront même si beaucoup en doutent. On peut dire qu'on en voit déjà les premières lueurs, un peu comme les premiers résistants annonçaient la libération au coeur de la nuit nazie.

Aujourd'hui, la situation est loin d'être aussi dramatique, bien qu'on n'ait rien vu encore, la succession des interventions pour repousser une crise systémique de plus en plus insoluble ayant épuisé tous les moyens des Etats (taux d'intérêts minimum, déficits maximum) jusqu'à se fragiliser eux-mêmes et se retourner contre leurs citoyens pendant que s'amorce une guerre des monnaies. Cependant, l'expérience de la crise de 1929 nous donne un coup d'avance, peut-on dire, la répétition du krach de la dette ayant déjà provoqué un retournement idéologique très sensible. Certes, ce qui domine pour l'instant, c'est plutôt la désorientation et une confusion des esprits qui peut mener à toutes sortes de dérives autoritaires et xénophobes, mais qui met tout de même un terme à une lente descente aux enfers, période de désocialisation et d'individualisme exacerbé où le dogmatisme néolibéral nous a fait entrer dans une des périodes les plus noires pour l'intelligence. Le remake des années folles avec les années fric avait de quoi nous dégoûter d'un monde qui bafouait tous nos idéaux et inversait toutes les valeurs mais quand le désespoir se transforme en colère et qu'il faut passer à l'action, il n'est plus temps de se complaire aux éructations de quelques vieilles badernes atrabilaires qui nous prédisent inlassablement la fin du monde, alors que ce n'est que la fin du vieux monde à laquelle nous assistons et qui ne mérite pas tant de remords.

On peut, tout au contraire, espérer à nouveau et discerner les immenses potentialités de l'époque, époque révolutionnaire comme il n'y en a jamais eu dans l'histoire à cette rapidité et cette ampleur, avec une conjonction inédite des crises (économique, écologique, géopolitique, technologique, anthropologique, idéologique) où tout est bouleversé de fond en comble en quelques dizaines d'années seulement, au point qu'on peut légitimement avoir l'impression que le sol se dérobe sous nos pieds, des idéologies dépassés ne permettant pas de comprendre quoi que ce soit à ce qui se passe. Il y a un nouveau langage à inventer. C'est dans ces périodes pourtant qu'il est peut-être le plus exaltant de vivre, c'est là que s'ouvrent des possibles et que notre action peut être décisive pour orienter l'avenir et peser sur les choix futurs. C'est dans ces commencements qu'il est le plus important de savoir déceler la richesse des possibles, en évitant de s'égarer sur des voies utopiques sans issue pour saisir plutôt les véritables opportunités qui s'offrent à nous. Il s'agit de construire une stratégie politique pour une sortie de crise qui ne sauve pas seulement les meubles mais qui soit la conquête de droits nouveaux et d'une société pacifiée, d'une économie plus soutenable au service du développement humain, prenant en compte les conditions de sa reproduction. Vraiment de quoi retrouver une bonne dose d'optimisme pour notre avenir et les jeunes générations.

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