Alors que la légalisation du cannabis gagne de plus en plus de pays, nos gouvernements qui s'y refusent obstinément se couvrent d'autant plus de ridicule que, malgré leurs rodomontades, jamais les drogues n'ont été aussi disponibles qu'aujourd'hui. On a beau mettre en scène le démantèlement de quelques points de deal vite reconstitués, le marché a bien changé maintenant puisqu'on peut se faire livrer son herbe à domicile par des entreprises de plus en plus professionnelles fournissant des produits standardisés et utilisant toutes les ficelles du marketing. Bien sûr, à la différence d'une légalisation contrôlée, et comme cela a toujours existé dans le marché de la drogue, on vous refile en plus des petits cadeaux que vous n'avez pas demandés, cocaïne, ecstasy, en espérant vous accrocher. On ne fait pas plus contre-productif pour une politique prétendue de contrôle des drogues.
Du moins, la situation est favorable pour compléter l'article sur la dépression en étudiant toutes sortes de psychédéliques (autres que le cannabis qui n'en fait pas vraiment partie), substances ayant prouvé leur capacité de modifier la conscience depuis des millénaires et qui font aujourd'hui l'objet du regain d'intérêt des scientifiques et psychiatres.
Ces molécules opèrent un retour en force depuis le début des années 2000, notamment parce que les médecins ont dû reconnaître que la pharmacopée psychiatrique limitée dans ses mécanismes d'action s'avérait inefficace pour nombre de patients. Depuis, le nombre d'essais et d'indications potentielles va croissant : dépressions résistantes aux antidépresseurs classiques, troubles du stress post-traumatique, addictions voire troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou symptômes anxio-dépressifs chez les patients cancéreux ou en fin de vie…
La bêtise et l'aveuglement peuvent nous coûter cher. Le refus d'écouter les scientifiques n'est pas réservé à une catégorie de la population et ne se limite pas aux complotistes mais peut se propager jusqu'en haut de l'Etat, en particulier au sujet des drogues. Ce n'est pas un sujet mineur par rapport aux questions sociales comme la gauche a pu le penser quand elle ne partageait pas elle aussi l'utopie d'un monde sans drogues (accusées de se substituer à la politique et sans lesquelles les jeunes seraient révolutionnaires!). Les récents événements montrent au contraire que leur interdiction favorise les circuits mafieux et peut gangrener toute la société par la violence. Il y a véritablement péril en la demeure. Il faut sonner le tocsin contre les risques d'un durcissement d'une guerre à la drogue perdue d'avance mais qui amène la guerre dans nos cités et militariserait la société.
Au moment où l'Amazonie est en flamme, et devant les prévisions climatiques catastrophiques ou d'effondrement de la biodiversité alors que, de plus, sur la ruine des idéologies, on assiste à la montée des régimes autoritaires (populistes, illibéraux), il y a vraiment de quoi voir l'avenir tout en noir. Mais on aurait bien tort. D'abord, il apparaît désormais clairement que la forêt amazonienne constitue un élément vital pour l'humanité, un bien commun qui ne peut être détruit au nom d'une prétendue souveraineté nationale, qui s'en trouve ainsi délégitimée et purement limitée à l'usufruit. Après l'accord de Paris, il se confirme que le réchauffement global arrive à réunir une communauté mondiale s'imposant au-dessus des Etats. Il y a encore du chemin (les menaces de guerre sont à la hausse) mais le fait est déjà là et c'est une rupture avec l'ère précédente (des Etats combattants).
On se moque souvent d'autres pays qu'on trouve arriérés au regard de notre civilisation des lumières, celles de la raison et de la liberté, alors que la France est à la traîne pour reconnaître la nécessité de sortir de la prohibition d'une drogue commune beaucoup moins nocive que l'alcool, et qui soigne de nombreux maux ! On peut dire que, malgré leur expérience des ravages de la prohibition de l'alcool, les Américains ont mis bien du temps aussi depuis les années 1970 pour mettre fin à une hypocrisie qui nourrit le crime, remplit les prisons et qui a ravagé le Mexique.

La mode est au revival de ce qu'on croyait enterré depuis longtemps, occasion de rappeler que rien ne se perd d'un passé qu'il ne suffit pas de refouler. Ainsi, il n'a pas suffi de la victoire de 1945 pour supprimer tous les fascistes, de même que l'écroulement de l'URSS n'a pas été la disparition de tous les communistes de la terre, même réduits à la portion congrue. Ce n'est pas seulement que ces idéologies survivent et reviennent nous hanter mais que les nazis et les staliniens sont encore parmi nous sous d'autres habits néolibéraux ou religieux. Cependant, l'histoire ne se répète pas et les idéologies comme les gens évoluent dans l'après-coup de l'expérience et la confrontation avec de nouveaux contextes. Les fascistes d'aujourd'hui ne sont pas aussi abjects que les fascistes d'hier, de même que les communistes qui restent ont beaucoup changé et perdu de leur assurance. Qu'on assiste à une résurgence du passé qui se donne en spectacle ne veut pas dire que ces idéologies tournées vers un temps révolu auraient un quelconque avenir en dépit du retour critique dont elles auraient été capables.
Il n'y a pas d'exemple plus flagrant de l'échec d'une politique que la prohibition. On le sait au moins depuis que Roosewelt avait décidé, à peine élu, d'arrêter cette guerre insensée contre la population sur laquelle le crime et la corruption prospéraient ainsi que les tendances fascisantes de l'Etat. L'expérience historique n'empêche pas malgré tout une dénégation générale avec une obstination dans l'erreur qui en dit long sur notre rationalité limitée, sur la démagogie régnante et les tentatives folles de former un homme nouveau en dépit d'une
Il est toujours difficile de dire la vérité mais il y a des sujets plus difficiles encore, où l'on n'ose dire autre chose que ce qu'on doit dire (il y a même des lois qui voudraient nous interdire de dire la vérité !). C'est un peu comme lorsque la pédophilie a pris soudain la place du mal absolu dans l'imaginaire social, au point que certains aient pu s'imaginer investis d'une mission, assez en tout cas pour en prendre à leur aise avec la vérité, jusqu'au premier scandale judiciaire... Chaque fois que la vérité est bafouée et qu'on hurle avec les loups, on fait plus que s'en mordre les doigts. Vérifier les faits ne relève pas d'une complaisance coupable, c'est le préalable à toute prétention de juger.