Les affaires continuent…

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Il y a des signes d'une rechute imminente, notamment aux Etats-Unis, et il n'y a rien de bon à en attendre. Alors que ceux qui prennent leurs désirs pour la réalité voulaient se persuader, étant donné son ampleur, que cette crise systémique serait la dernière du capitalisme, force est de constater que les affaires continuent, aussi bien les scandales politico-financiers que les spéculations financières. Si la situation s'aggrave, on peut dire que c'est sur tous les plans !

On n'est pas à la fin de l'histoire, on n'a rien vu encore, mais l'ambiance nauséabonde, très années trente, est un sombre présage. Si l'histoire ne se répète pas, ce sont bien les mêmes processus qui sont à l'oeuvre. Le fascisme et la xénophobie sont de nouveau à la mode, ce qui paraissait impensable il y a si peu de temps, alors que le communisme ne s'est pas remis de son effondrement trop récent. On ne peut dire que la situation soit favorable aux "progressistes", ce serait plutôt le moment de rentrer dans une résistance minoritaire, qu'on peut espérer assez forte pour renverser le courant, pas de croire que le capitalisme va s'effondrer tout seul pour nous laisser entrer dans le monde merveilleux de la liberté, de l'égalité et de la fraternité républicaine.

C'est un combat qui n'est jamais gagné d'avance. Il semble même qu'on doit absolument passer par le pire avant de redresser la tête. Il n'y a pas de doute qu'on s'en sortira par une écologie-politique mais qui n'est pas de taille encore, trop perdue dans les brumes, entre pragmatisme, moralisme et utopies, pour réussir à rallier l'opinion et s'opposer au raidissement des situations conflictuelles. Ce n'est pas la gauche qui nous sauvera non plus, ayant perdu toute substance et crédibilité. La révolution il faudra bien la faire nous-mêmes pour changer la classe politique, les institutions et les rapports de production mais ce n'est pas pour tout de suite, ce n'est pas le temps du rêve, seulement celui de la résistance pour nous sortir de ce cauchemar.

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Complexification des modèles et simplification de la réalité

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Ce qu'on va examiner ici, c'est en quoi il faut passer par l'aggravation de la crise qui n'est pas contingente mais inévitable car elle opère une simplification de la réalité nécessaire à la décision politique, pour déboucher ensuite sur une complexification des modèles, un peu plus robustes mais qui ne pourront jamais prévoir l'imprévisible dans leur confrontation au réel (et qui peuvent même nous mener au pire à mesure qu'ils paraissent plus infaillibles). C'est la condition post-moderne de l'action dans un monde incertain et qui doit prendre en compte ses conséquences négatives.

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La transition énergétique

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On n'a rien vu encore. La crise économique s'aggrave en devenant crise politique mais ce n'est pas notre seul problème, ni peut-être le pire car la crise énergétique va rapidement revenir sur le devant de la scène. En effet, le pic de la production pétrolière pourrait bien être atteint en 2014. Oui, dans 4 ans seulement, vous avez bien lu ! Ces annonces sont toujours sujettes à caution, très dépendantes du niveau des cours, mais justement la retombée de ce qu'on a pris pour une bulle du pétrole (à l'origine de l'écroulement financier) a découragé des investissements qui auraient pu exploiter d'autres sources et, c'est un fait, les capacités actuelles sont à leur maximum. On va donc se trouver avec des risques de pénurie sur une période de plus de 10 ans sans doute. Ce n'est pas la fin du pétrole, bien sûr, encore moins l'apocalypse mais juste le signe de la remontée des prix parallèlement à l'activité économique.

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L’intervention des peuples

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La situation semble complètement absurde où les gouvernements se retournent contre leur peuple et, comme un quelconque FMI jouant les croquemitaines, veulent imposer des politiques ne pouvant qu'aggraver la crise. C'est là qu'on se rend compte que les gouvernements qu'ils soient de droite ou de gauche ne sont que les fondés de pouvoir des marchés financiers, avec une marge de manoeuvre très limitée, démonstration à quel point les élections sont des pièges à cons, ne visant qu'à nous faire accepter le système, nous en faire les complices !

On a surtout la démonstration de la nécessité de l'intervention des peuples pour mettre une limite à des logiques devenues folles et dénoncer les dettes accumulées sur notre dos. L'histoire ne se fait pas toute seule même si on ne fait pas ce qu'on veut et qu'on en est à peine les acteurs. Tout phénomène laissé à lui-même va à sa perte selon les lois de l'entropie universelle. Sans notre intervention les bornes seront vite dépassées, de même qu'il faut souvent faire grève pour empêcher les petits chefs de péter les plombs et les cadences de devenir infernales. Notre dignité est de mettre des limites, d'exiger le respect de notre humanité, ne pas être réduit à un chiffre ni un moyen pour des fins qui nous sont étrangères. Les caves se rebiffent quand on pousse le bouchon un peu trop loin ! Ce n'est pas une question de sensibilité ou de caractère mais une nécessité logique.

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On a les moyens de s’en sortir !

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La situation semble complètement bloquée, présageant du pire. Une étincelle suffirait à tout faire exploser et on a du mal à voir comment cela pourrait s'arranger, la montagne de dettes accumulées devant être détruite d'une manière ou d'une autre, le plus probable étant par l'inflation (un nouveau cycle de Kondratieff). La décision prise de bloquer les dépenses n'est pas seulement le contraire de ce qu'il faut faire mais elle est tout bonnement impossible.

Avec toutes les autres crises qu'il faut affronter (écologique, géopolitique, technologique, anthropologique), il y a vraiment de quoi paniquer. Et pourtant, largement grâce à l'intervention des Etats et aux protections sociales, tout semble continuer comme avant et on a le plus grand mal à imaginer un désastre prochain. On peut penser que c'est folie mais on peut y voir aussi un acquis du sauvetage du système financier renforçant la certitude d'avoir les moyens de sortir de la crise. Or, cette certitude elle-même peut constituer un facteur aggravant dans un premier temps tout en précipitant malgré tout la réorganisation du système et l'intégration mondiale dans un deuxième temps.

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La lutte pour l’hégémonie

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Bien que ce soit au pas lent de l'histoire, il semble qu'on entre cette fois véritablement dans la crise économique avec les chômeurs en fin de droit et la fragilisation des Etats. Tous ? non, pas la Chine qui, pour l'instant, prouve la supériorité des dictatures sur les régimes libéraux (ploutocratiques) en périodes de crise. Elle n'est pas, bien sûr, à l'abri de troubles sociaux et pourrait connaître une résurgence du maoïsme sous une forme nouvelle, même si cela paraît impensable encore. La seule chose qui soit sûre, c'est que les choses vont bouger, en faveur de la Chine inévitablement, on ne sait à quel point et tout est là car on peut attendre le pire de la confrontation d'un empire américain déclinant, dont Obama éprouve l'impuissance, et une puissance chinoise émergente qui monte à la tête de leurs dirigeants.

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Sortir du capitalisme

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La crise a remis à l'honneur la nécessité de sortir du capitalisme mais la plus grande confusion règne sur ce que cela pourrait signifier et les moyens d'y parvenir. Pour certains, comme les partisans de la taxe Tobin ou de l'interdiction de la spéculation sur les prix, on devrait parler plutôt d'une sortie du capitalisme financiarisé et dérégulé qu'on a connu depuis 30 ans, tout comme pour ceux qui veulent un meilleur partage capital/travail et plus de protectionnisme. Pour d'autres, c'est le marché lui-même qui est en cause, voire la vénalité de l'homme, son individualisme ou son égoïsme. On fait appel aux valeurs, on voudrait moraliser le capitalisme et ses profits sans comprendre qu'il s'agit d'un système qui élimine ceux qui voudraient faire preuve d'un peu trop de moralité justement ! Bien sûr, de nombreuses mesures préconisées sont positives, qu'elles jouent sur les régulations, les normes ou la redistribution mais on ne peut parler en aucun cas d'une sortie du capitalisme.

Il ne fait pas de doute qu'il faut revenir aux analyses de Marx pour apporter un peu plus de rigueur à l'anti-capitalisme, ce qui ne veut pas dire qu'on devrait reprendre les réponses étatiques que le marxisme-léninisme a voulu y apporter et qui ont été infirmées par l'histoire. On doit bien admettre que ce n'est pas aussi simple qu'on le croyait et qu'on ne fait pas ce qu'on veut. Il nous faut trouver d'autres voies pour sortir du salariat et du productivisme, de la détermination de la production par le profit tout comme de la marchandisation du monde.

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Penser l’après capitalisme avec André Gorz

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Le numéro 33 d'EcoRev', "Penser l'après capitalisme avec André Gorz" vient de sortir avec Changer de système de production et des articles originaux de René Passet, Yann Moulier-Boutang, Bernard Maris, etc. (cliquer sur l'image pour la présentation).

Pour commander le numéro : http://ecorev.org ou http://www.difpop.com

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Le capitalisme et la mort

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Le capitalisme et le monde de la marchandise semblent se caractériser par leur évacuation complète de la mort, revendiquant une fin de l'histoire qui serait une histoire sans fin, une culture de paix portée par le commerce ainsi que les promesses publicitaires d'une vie de plaisirs.

Point par point, le réel y fait objection pourtant par l'irruption de la mort tant redoutée, le maître absolu, que ce soit sous la forme de l'effondrement systémique, de la guerre ou du suicide (tellement incompréhensible pour l'homo oeconomicus!).

On n'en a pas fini avec la mort, pas plus qu'avec le réel ni avec l'histoire. Ce n'est pas tant parce que le capitalisme serait mortifère, animé d'une "pulsion de mort" venue on ne sait d'où, mais parce que la mort fait partie de la vie et qu'on se cogne au réel inévitablement. Si le capitalisme monte ainsi invariablement aux extrêmes, c'est tout simplement parce qu'il ne connaît pas de limites et ne rencontre ses limites qu'à mettre en cause notre existence, individuelle ou collective. Si la mort est en jeu, c'est que la vérité n'est pas donnée ni le réel transparent et qu'il ne peut y avoir de changement des règles collectives sans menacer l'existence du collectif comme tel et jusqu'à la vie de chacun, obligé de choisir son camp.

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La question de l’organisation

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La période est objectivement révolutionnaire avec la conjonction des crises économique, écologique, géopolitique et même anthropologique depuis notre entrée accélérée dans l'ère du numérique, cela ne fait aucun doute. La question n'est pas des raisons de se révolter ou de changer les institutions, elles sont légions depuis longtemps, mais cela ne suffit pas à faire une révolution car les conditions subjectives sont loin d'être remplies alors qu'on assiste à la fois au pourrissement des vieux partis ainsi qu'à la dispersion des forces de gauche impuissantes à surmonter leurs divergences bien réelles, sans parler des syndicats devenus purement opportunistes et dépourvus de projet comme de toute stratégie.

La leçon qu'on devrait en tirer, c'est qu'à l'organisation en partis concurrents ou même en réseaux plus ou moins occultes, il faudrait préférer une organisation en communes et en comités locaux ouverts à tous. Aussi bien pour la démocratisation que pour l'alternative à la globalisation marchande, il faut désormais partir du local. C'est là seulement qu'on peut changer les choses vraiment.

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Un seul monde, plusieurs systèmes

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Le capitalisme ne s'est pas effondré, la finance est repartie au quart de tour mais le chômage n'a pas fini de monter et le système restera en panne longtemps encore, tant que les pays les plus peuplés ne tireront pas une croissance mondiale qui ne peut plus reposer sur le crédit américain. En attendant, les effets en chaîne de la faillite du modèle de financiarisation néolibérale continueront à se faire sentir de façon implacable dans les années qui viennent. Une des leçons de la crise (en 1929 déjà), sous l'apparence d'une transmission instantanée à la Terre entière, c'est l'inertie considérable de l'économie mondiale (fonction de la taille), inertie renforcée cette fois par les mesures gouvernementales relativement appropriées ainsi que par les protections sociales qui ne font sans doute que retarder la destruction des emplois et la restructuration de la production sur un modèle plus soutenable. A court terme, une rechute rapide semble inévitable, au moins du dollar, provoquant une récession probablement pire que la précédente, sans signifier pour autant un effondrement total du système en tant que tel, habitué de ces épisodes dramatiques et dont il finit par sortir au bout d'un temps plus ou moins long, au prix de guerres souvent, de profondes restructurations toujours. En tout cas, malgré les signes contradictoires de reprise et de détresse sociale, ni le grand soir, ni le retour de la croissance ne sont pour demain, on pourrait en avoir pour 10 ans ou plus, c'est dans ce contexte qu'il faut penser notre présent et préparer la sortie de crise, même si des accélérations de l'histoire sont toujours possibles.

Si le schéma de la crise est assez classique, on peut la caractériser comme la première véritable crise planétaire et, à coup sûr, la première de l'ère du numérique. Une nouvelle guerre mondiale n'a certes rien d'impossible dans cette ambiance de réarmement général et il faut souhaiter un peu plus de protectionnisme raisonné mais on ne retournera pas à des économies fermées ni à l'affrontement de systèmes car, s'il y a bien un acquis sur lequel on ne reviendra pas, selon toute vraisemblance, c'est sur la mondialisation des réseaux, des images et donc des marchandises. Si "un autre monde est possible" malgré tout, c'est dans ce contexte d'unification planétaire, au moins des communications, même si le processus est, certes, loin d'être achevé.

S'il n'y a plus qu'un seul monde, cela voudrait-il dire qu'il n'y aurait plus qu'un seul système comme on peut le craindre légitimement devant la contamination de toutes les activités par la logique marchande et l'extension infinie des marchés ? Non, bien sûr, ce serait nier l'existence d'une économie familiale et d'une économie publique, au moins. Le néolibéralisme a bien tenté de nier cette pluralité au nom d'un totalitarisme du marché mais son échec et son inhumanité sont désormais patents. Il y a donc bien possibilité d'une pluralité de systèmes, simplement ils ne vont plus se différencier en blocs territoriaux, ni selon les pays comme on changeait de religion en changeant de prince, mais seront obligés de cohabiter sur le même territoire. Il s'agit de voir comment.

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La confusion des esprits

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Ce qui caractérise vraiment notre présent et qu'il faudrait retenir de ces moments de crise, c'est la confusion des esprits, à quel point des discours contradictoires s'affrontent sans qu'on puisse être certain de quel côté va pencher la balance. Pour les uns, la crise est déjà finie et c'est reparti pour un tour, pour d'autres c'est la fin de tout. Les économistes, qui n'en finissent pas de retourner leur veste, avouent y perdre leur latin quand ils ne font pas que répéter machinalement leurs certitudes dogmatiques comme pour s'en persuader eux-mêmes.

On est bien loin de la pensée unique et du consensus habituel qui veut nous faire croire à la sagesse des experts dont les limites sont devenues patentes, cette sagesse se limitant la plupart du temps à répéter ce que les autres disent. Il est vrai que dans le train train ordinaire des affaires, c'est-à-dire quand il ne se passe rien, les choses sont assez facilement prévisibles. C'est une autre paire de manche quand il faut intégrer des contraintes qui pour être bien réelles, ne sont pas toutes économiques. Il y a tellement de niveaux d'analyses pertinents, bien que sur des temporalités différentes, entre rétablissement financier, retour de la croissance, tensions sur les matières premières, mouvements sociaux, phénomènes générationnels, évolutions techniques, équilibres géopolitiques, menaces climatiques...

Dans cet égarement général et la confusion des langues, impossible de se comprendre. Dès lors, il paraît non seulement bien présomptueux de prétendre avoir raison au milieu de mille opinions contraires mais c'est devenu tout simplement inaudible dans ce brouhaha, toutes les idées étant démonétisées du fait de leur inflation. C'est justement de cela qu'il faut témoigner, des limites de notre rationalité, de l'absence de garant de la vérité qui permet à n'importe qui de dire n'importe quoi. Mieux, toutes les conneries possibles doivent être soutenues systématiquement, une à une. Tout ce qui peut être dit doit être dit !

Que tout cela serve de leçon au moins à ceux qui surestiment l'esprit humain et notre intelligence collective alors que nous sommes des animaux dogmatiques et qu'on ne connaît le réel qu'à se cogner dessus. Ce ne sont pas seulement les économistes au service de l'ordre établi qui sont confrontés à leur ignorance mais tout autant les pensées alternatives qui voudraient le renverser. Le préalable serait de faire le constat de notre rationalité limitée et d'une confusion des esprits à laquelle personne n'échappe.

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W ou la malédiction de la reprise (de l’inflation)

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C'est entendu, malgré les analogies, la crise actuelle ne présente pas le caractère catastrophique de celle de 1929, principalement à cause de nombreux amortisseurs sociaux et politiques sans compter l'ébauche d'un gouvernement mondial qui renforce considérablement le système, redoublant la fonction de garant en dernier ressort des Etats. On est loin, pour l'instant du moins, d'un effondrement du système, encore plus de la fin du capitalisme tant espérée ! Ce n'est pas pour autant qu'on serait sorti d'affaire et qu'il n'y aura pas des bouleversements plus ou moins dramatiques, la véritable crise, qui est celle du dollar, n'ayant pas encore eu lieu. Le premier choc a été contenu mais ce n'est que le premier et il faut s'attendre à une courbe en W plus qu'à une reprise en U comme on voudrait s'en persuader avec quelque précipitation. Les réactions optimistes et le sentiment de soulagement général sont même une preuve éclatante qu'il ne pourra y avoir les nécessaires réajustement sans y être contraint, par des situations catastrophiques justement ! La question est celle du réel des déséquilibres et de leur inévitable correction (The harder they come, the harder they fall).

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La crise n’a pas (encore) eu lieu

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Le système financier ne s'est pas écroulé, les bourses remontent, la spéculation reprend, la révolution n'a pas eu lieu. On commence à parler, timidement, de sortie de crise. Les financiers couverts d'opprobres relèvent la tête : ce n'était pas si grave, le système est increvable, on peut décidément tout se permettre...

Ce n'est pas un mauvais moment pour faire le point sur les causes de la crise et ses suites probables, car on n'a rien vu encore ! La lenteur des conséquences économiques et sociales peut surprendre mais ne devrait pas tant nous étonner car la crise de 1929 aussi avait été assez longue à l'allumage avec de nombreux rebonds faisant faussement espérer une reprise qui n'arrivait jamais. Un peu comme pour le climat, plus on a affaire à des cycles longs, plus l'inertie est grande même s'il y a des moments d'accélération brutale.

Il faut souligner à quel point les crises illustrent comme nous sommes dépendants d'une situation qui nous échappe en grande partie, la seule liberté qui nous est laissée étant de faire ce qu'il faut faire et ne pas se tromper sur la difficile interprétation des faits pour ne pas empirer encore les choses ! On est loin de pouvoir maîtriser les effets collectifs de nos actions qui s'imposent à nous comme des phénomènes naturels extérieurs (il nous faut attendre que la mer monte pour quitter le port).

Les crises illustrent aussi comme nous sommes dépendants des moindres signes, le nez collé à la vitre. D'où l'importance de prendre un peu de recul afin d'essayer de comprendre les véritables causes de la crise et comment elle pourra se résoudre. Pour cela il ne suffit pas de faire appel à des déductions théoriques (libérales ou marxistes) mais il faut prendre sur l'économie comme sur l'idéologie un point de vue historique et même cyclique. Il y a cependant une très grande résistance à la notion de cycle sans laquelle pourtant on ne comprend rien à ce qui se passe, à notre actualité dans sa répétition du passé.

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Programme minimal

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On rêve de tous côtés d'un après-capitalisme qui reste complètement mythique alors que ce qui se met en place pour l'instant ce n'est qu'une régulation minimale du système, son renforcement beaucoup plus que sa remise en cause, même s'il y a des inflexions notables vers plus de justice sociale ainsi qu'une totale déconsidération des classes supérieures et de leur cynisme, considérées désormais comme aussi parasitaires et inutiles que la noblesse a pu l'être aux tout débuts de la révolution industrielle !

Certes, pour le moment on est encore dans "l'avant-guerre", avant les "événements" qui se multiplient un peu partout, avant que les conséquences de l'effondrement ne se fassent sentir socialement dans la vie de tous les jours. Pour l'instant tout cela reste abstrait, de l'ordre de l'événement médiatique qu'on proclame si facilement historique voire révolutionnaire alors qu'on avait perdu la notion même d'événement dans un monde où plus rien ne semblait pouvoir changer.

L'histoire risque de bousculer ces trop beaux ordonnancements et la catastrophe engendrer des possibilités nouvelles mais il n'y a jamais création ex nihilo. Les révolutions s'inspirent inévitablement de philosophies et d'expériences révolutionnaires précédentes plus qu'elles n'en inventent de toutes pièces. On part toujours de quelque part. Il n'est donc pas inutile de faire un état des lieux des propositions qui émergent pour l'instant afin de tenter d'évaluer leur portée et tirer le maximum du peu de potentialités révolutionnaires qu'elles laissent.

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La conjonction des crises

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Tout pourrait revenir comme avant ou presque, semble-t-il, avec quelques règles en plus, quelques ajustements, de sévères corrections même, mais tout cela n'aurait été au fond qu'un mauvais moment à passer, une simple réduction de l'activité, des bénéfices, des revenus. On nous annonce pour l'année prochaine une récession entre 1% et 5%, la belle affaire ! Pas de quoi faire un plat pour cela, chacun peut retourner à ses petites affaires et joyeuses fêtes à tous ceux qui croient au Père Noël !

L'optimisme forcé des économistes a été dénoncé comme un des facteurs de la crise, il ne semble pas qu'on en soit sorti pour autant, passant de l'affirmation que "le plus dur est derrière nous" à ces prévisions qui ne prévoient rien mais ne font que faire tourner des modèles qui viennent pourtant de démontrer leur incapacité d'intégrer les hypothèses extrêmes, les facteurs externes, les ruptures de seuil et, donc, de calculer les risques réels alors même qu'on assiste au télescopage de toute une série de crises pas seulement économique et financière.

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Théorie de la crise et crise de la théorie

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La crise, et après ?, Jacques Attali, Fayard

Alors qu'on s'enfonce dans la récession, que les premiers effets commencent tout juste à s'en faire sentir mais que montent déjà l'angoisse et la révolte, on aurait bien cru devoir approuver sans réserve pour une fois ce petit livre de Jacques Attali, tant l'accord peut être grand sur le diagnostic, aussi bien sur les causes que sur la gravité d'une crise qu'il avait été l'un des premiers à annoncer. Ce qui ne gâte rien, on y retrouve une rhétorique de gauche assez "percutante" (sans doute liée au fait qu'il en profite pour régler quelques comptes avec les banquiers de la City qui l'avaient obligé à démissionner de la présidence de la BERD !).

Comme on le verra, ça commence fort, effectivement, et rien à dire sur le déroulé des événements, mais ça se gâte tout de même sur la fin au niveau des propositions. Non que la plupart ne soient pas raisonnables mais ce sont surtout ses conceptions idéologiques de l'économie et de la démocratie qu'on peut trouver très insuffisantes et bien trop technocratiques, minimisant par trop les dimensions sociale et politique.

Cette théorie de la crise révèle une crise théorique plus profonde de l'économie libérale et de la place qu'y occupe la politique, crise provoquée par l'éclatement de la bulle idéologique, tentative désespérée de retrouver un nouveau consensus sans rien chambouler, juste en serrant quelques boulons par-ci par-là, voire en imaginant quelque autorité supérieure. C'est un vieux rêve de conseiller du prince, sans doute, comme s'il y avait des sages qui savaient assez de vérités déjà connues pour décider de l'avenir sans faillir, alors que les économistes se disputent sans arrêt dans de véritables guerres des religions ! Ce n'est pas encore la fin de l'histoire. La question est de savoir s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre ou d'en changer, ce qui d'ailleurs ne dépend pas tellement de l'opinion qu'on peut en avoir mais ne se fera pas pour autant sans luttes ni sans douleurs. Le meilleur qu'on peut en attendre, c'est la refondation de nos solidarités dans une crise systémique qui nous dépasse tous mais nous réunit aussi de par toute la Terre.

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Le renforcement du système

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On n'a encore rien vu de la crise économique et l'effondrement financier menace toujours mais avec l'engagement inattendu de la Chine dans un véritable New Deal et l'élection d'Obama qui devrait aller dans la même direction, l'hypothèse que la crise soit surmontée devient soudain nettement plus crédible. On n'y est pas encore, loin de là, mais il faut prendre conscience que cette crise née d'un excès de confiance dans la stabilité du système pourrait aboutir à son renforcement jusqu'à un point inégalé jusque là, achevant véritablement la globalisation marchande. On ne peut écarter la possibilité bien réelle d'une période d'instabilité géopolitique plus ou moins dévastatrice mais qui n'est pas le plus probable pour l'instant et ne ferait que reculer sans doute ce "Nouvel Ordre Mondial" qui commence à se dessiner. En tout cas, il faut envisager sérieusement que ce soit dans cet horizon, d'un système entièrement mondialisé, qu'il faudra désormais inscrire toute action politique, ce qui ne signifie pour autant ni la fin de l'histoire, ni qu'il n'y aurait plus d'alternative ! Occasion de revenir sur ce que c'est qu'un système, en quoi il nous contraint mais aussi les marges de manoeuvres qu'il nous laisse et les différents niveaux d'intervention qu'il permet, en commençant par le local.

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La bulle sociale

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Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu’à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance. (Guy Debord, La Société du Spectacle)

Non seulement la société doit tenir debout, mais elle doit avoir l'air de tenir debout ! (Pierre Legendre, La société comme texte)

La crise du crédit est une crise de confiance nous dit-on, confiance qui a été mal placée et trompée, confiance devenue impossible dans un château de cartes et un emballement qui se nourrissait de lui-même mais n'était pas tenable (pas plus que les chaînes d'argent ou les systèmes de vente pyramidale), et ce malgré toutes les belles théories fort imaginatives qui voulaient nous démontrer le contraire, hautes mathématiques à l'appui ! On n'imagine pas les dégâts, d'avoir voulu croire que l'argent pouvait faire de l'argent et que les arbres pouvaient monter jusqu'au ciel, soudain il semble qu'on ne peut plus croire en rien ni se fier à personne. Sauf aux Etats pense-t-on, derniers remparts contre la panique généralisée, mais pour combien de temps ?

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Pour un New Deal : revenu garanti pour tous

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Alors que des sommes faramineuses sont injectées dans le système financier et qu'une récession mondiale s'annonce dont les conséquences pourraient être dramatiques pour les plus pauvres, on est atterré de voir le patronat ne rien trouver de plus pressé que de réclamer une baisse de l'indemnisation du chômage ! C'est non seulement extrêmement choquant mais d'une bêtise immonde ! Il faut de toute urgence une mobilisation générale pour non seulement étendre une couverture chômage réduite à une peau de chagrin (puisqu'elle ne concerne même plus la moitié des chômeurs) mais obtenir un revenu garanti pour tous, véritable New Deal devenu indispensable après le krach à la fois économiquement et moralement dans une société devenue presque entièrement salariale et marchande, où plus personne ne produit ce qu'il consomme, avec une précarité qui se généralise !

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