La crise est entrée comme prévu dans sa phase systémique, bien qu'avec un certain retard. Il n'est pas facile de commenter à chaud une situation chaotique qui peut soudain diverger du tout au tout. La situation semblait jusqu'ici relativement sous contrôle malgré les sommes faramineuses en jeu qui pourraient cependant dépasser rapidement les capacités d'intervention des Etats mais on a vu que c'est de l'idéologie et de la politique que pourrait venir le grain de sable précipitant l'écroulement du système. Le facteur humain est là aussi ce qui dérègle les plus beaux montages théoriques et les plus belles mécaniques sociales mais la véritable cause de la crise, on le sait, c'est le retour de l'inflation et la fin de la domination américaine qui n'a plus les moyens de vivre à crédit sur le dos de son empire ni de financer ses guerres, ce qui devra se traduire tôt ou tard par un effondrement du dollar...
C'est un retour au réel mais il est assez stupéfiant de voir qu'en une semaine on est passé de l'évidence que le capitalisme était indépassable au fait qu'il était complètement dépassé ! Toute la culture de gauche considérée comme ringarde revient aussitôt, tout aussi vivante qu'avant, avec les mêmes thèmes (liberté, égalité, fraternité). C'est peut-être pour cela qu'il paraît que le moral des français remonte un peu depuis que la capitalisme financier s'écroule !
Si notre intelligence nous distingue des autres animaux, notre rationalité n'en est pas moins très limitée par de nombreux phénomènes bien connus, qu'ils relèvent des préjugés, de l'imperfection de l'information ou de la pensée de groupe mimétique. Cependant, notre plus grand défaut, sans doute, c'est notre capacité de transformer toute vérité en erreur en oubliant la vérité contraire (Pascal, IV.2.148), ce qui ne manque jamais ! Délirer, ce n'est rien d'autre que de rester fasciné par une vérité dont on ne peut plus se détacher, y tenir plus que tout sans plus voir le négatif du positif. Il faut le savoir, nous sommes un animal dogmatique, toujours un peu "bornés".
Le moment est venu de reprendre l'offensive idéologique après toutes ces années d'hiver. Partout se lèvent des émeutes de la faim et des luttes sociales en réponse à la reprise de l'inflation qui est le signe de l'échec des marchés, incapables d'assurer notre simple survie et provoquant des désastres écologiques aussi bien qu'humanitaires. Comment rester sans rien faire ? Le caractère collectif, macroéconomique, de l'inflation en fait à l'évidence un problème collectif, politique, justifiant la mobilisation des foules et de tous ceux qui n'acceptent pas d'être les victimes consentantes d'un système qui les condamne. C'est du moins l'occasion de célébrer le retour de la solidarité, des mobilisations collectives, et la fin de la culpabilisation individuelle voulant nous faire croire que nous serions responsables chacun personnellement du sort qui nous est fait et que tout ce que nous avons subi, nous l'avons bien voulu et mérité même, tout comme la richesse des riches serait entièrement méritée !